Livres - Classique

Shirley de Charlotte Brontë

Titre : Shirley

Auteur : Charlotte Brontë

Éditeur : Archi Poche / Hugo Poche

Année de parution : 1849

Nombre de pages : 721

Histoire : 1812. Du fait des guerres napoléoniennes, la province du Yorkshire subit la première dépression industrielle de l’Histoire. Les temps sont durs, aussi bien pour les patrons que pour les ouvriers qui, menacés par l’apparition des machines-outils, fomentent une révolte.
Robert Moore est l’un de ces industriels dont les filatures tournent à vide. La timide Caroline, sa cousine, est éprise de lui. Mais Robert est trop préoccupé par les émeutes et les ennuis financiers pour songer à un mariage si peu lucratif. Il songe plutôt à Shirley Keeldar, une jeune héritière qui vient de s’installer en ville. Vive et entreprenante, le « capitaine Keeldar » – comme elle se laisse appeler – déborde d’idées pour investir son argent, souhaitant venir en aide aussi bien à Robert qu’aux ouvriers les plus pauvres.
Convaincue qu’un mariage se prépare, Caroline en tombe malade de dépit. Elle ne comprend pas que son amie repousse les beaux partis, traite ses domestiques en familiers et ait si peu d’égards pour son ancien précepteur, le frère de Robert. Lequel envisage de fermer son usine pour refaire sa vie au Canada. La balle d’un ouvrier révolté mettra fin à ce projet…
Paru en 1849, Shirley est un des premiers exemples de roman social. C’est aussi un portrait déguisé d’Emily Brontë, la soeur de l’auteur, disparue l’année précédente.

Mon avis :

Mes découvertes des titres de Charlotte sont décidément bien difficiles car hormis Jane Eyre aucun ne parvient à m’emporter malgré une très belle plume et de bonnes idées.

Ouvrage le plus mature à l’heure actuelle parmi ceux que j’ai lus, Shirley est aussi celui où j’ai le plus aimé les petites phrases de l’autrice en dehors de Jane Eyre. Elle se propose dans deux parties distinctes, pour moi, de faire le portrait de la campagne anglaise, celle du Yorkshire, dans les années 1810 alors qu’elle est agitée par des troubles sociaux liés aux conditions de travail et à la politique économique de la couronne.

La première partie est drôle et caustique avec des portraits savoureux de cette faune anglaise remplie de vicaires et autres petits notables mais aussi de gens du peuple qui s’agitent face aux conséquences des guerres napoléoniennes et des décisions politiques prises plus haut avec cette Révolution industrielle qui bouleverse tout. Ça critique sec, ça bouillonne et ça réfléchit aussi. Cela rappelle les tableaux d’Elisabeth Gaskell (Nord et Sud arrive quelques années plus tard avec le même cadre industriel critiqué) sur cette Angleterre populaire ainsi que ceux de Dickens mais avec la touche caustique et féminine de Charlotte. Ainsi même si c’est très long, qu’il ne se passe pas forcément grand-chose car il n’y a pas de réelle tension narrative ou d’ambition autre que le récit de la vie de ces gens, j’ai trouvé plein de petites phrases qui font mouche.

« Depuis quelques années, une véritable pluie de vicaires s’est abattue sur le nord de l’Angleterre : aussi, chaque paroisse en possède-t-elle un, sinon plusieurs, assez jeunes pour être actifs, et qui doivent certainement faire beaucoup de bien. »

Comme indiqué dans la préface signée Isabelle Viéville Degeorges, une rupture se produit après le chapitre 23, écrit après des décès qui auront douloureusement marqué l’autrice. L’autrice change totalement son fusil d’épaule et l’optique de ce roman n’est plus le même. Il ne s’agit plus d’un tranche de vie campagnard qui prêtait à sourire, telle une version anglaise de la Petite maison dans la prairie. On tombe plutôt dans un récit sociétal sur des familles cherchant à marier leurs filles qui elles ne le souhaitent pas forcément. Ce n’est pas ce que je préfère surtout qu’il y a à nouveau des longueurs et des longueurs et très peu d’humour et de causticité cette fois… Heureusement qu’il y a également une critique sous-jacente sur la place de la femme, son célibat, son envie d’apprendre et d’entreprendre et ses capacités à le faire. Cela compense un peu.

« L’avenir, parfois, semble, dans un sanglot, vouloir nous donner tout bas un avertissement sur le destin qui nous est réservé, un peu comme la tempête qui s’amoncelle au loin annonce, par les sursauts du vent, le tumulte du ciel et l’étrange draperie déchirée des nuages, le soulèvement terrible qui couvrira la mer d’épaves. »

Heureusement les portraits des personnages sont intéressants. Charlotte s’est amusée à glisser les particularités de ses soeurs dans les caractères de deux de ses personnages principaux : Caroline et Shirley, ce qui donne une toute autre saveur à leur découverte quand on le sait. J’ai beaucoup aimé Shirley, la version romanesque d’Emily, même si on met longtemps à la rencontrer, ce qui faisait bizarre de lire un roman sans son héroïne pendant plus de 200 pages… C’est une jeune femme intelligente, qui sait ce qu’elle veut, qui a un esprit critique et qui va fasciner la jeune et introvertie Caroline, son antithèse. Celle-ci est peut-être encore plus l’héroïne de cette histoire. Elle ne variera pas ou très peu, si ce n’est en prenant confiance, contrairement à sa camarade. En effet, à partir de ce chapitre 24, on peine à reconnaître Shirley qui tombe dans le trope de la fille à marier, qui ne sait pas ce qu’elle veut ou du moins qui ne le montre pas, ce qui est assez pénible.

Du coup, je suis assez embêtée en vous chroniquant ce roman car à part dire que j’ai aimé les fulgurances de la plume de l’autrice à plusieurs reprises, que j’ai trouvé le contexte de la première partie riche et prenant (et rarement vu / lu chez moi) et que j’ai aimé qu’elle transpose le portrait de ses soeurs dans deux personnages à qui elle va offrir le happy end qu’elles n’auront pas eu dans la vraie vie ; pour le reste je me suis largement ennuyée dans un roman, où j’ai cherché une trame narrative longtemps absente, puis inintéressante à mes yeux. En terme d’objet littéraire, Shirley m’a plu, comme plaisir de lecture, ce fut un flop. 

> N’hésitez pas à lire aussi les avis bien plus pointus de : Steven, Carole, Petite Plume, Vous ?

 

10 commentaires sur “Shirley de Charlotte Brontë

  1. Nous avons à peu près le même ressenti même si j’ai davantage préféré les propositions romantiques réalisées par l’auteure.
    Pour le reste et malgré un cadre prometteur, je me suis souviens des trop nombreuses longueurs venues alourdir ma lecture et mon intérêt pour cette dernière œuvre.

    Aimé par 1 personne

    1. Parfois on râle parce qu’une seule œuvre d’un auteur reste en mémoire et on veut tout lire pour « corriger » ça. Plus j’avance dans ces lectures des sœurs Brontë, plus je comprends pourquoi on a retenu seulement Les hauts de hurlevent et Jane Eyre. Ils sont quand même loin devant les autres.
      Allez plus que Villette !

      Aimé par 1 personne

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