Livres - Fantasy / Fantastique

Méduse de Martine Desjardins

Titre : Méduse

Auteur : Martine Desjardins

Éditeur vf : L’Atalante

Année de parution vf : 2023

Nombre de pages vf : 206

Histoire : On la surnomme Méduse depuis si longtemps qu’elle en a oublié son véritable prénom. Elle marche tête baissée, le visage caché derrière ses cheveux, pour épargner aux autres la vue de ses Difformités – des yeux si horribles qu’ils révulsent les femmes et pétrifient les hommes. Elle-même n’a jamais osé se regarder dans un miroir. Martine Desjardins signe ici un récit incendiaire sur la honte du corps, l’oppression et le pouvoir de la féminité. Un renversement des rapports de force qui jette une lumière à la fois crue et raffinée sur la monstruosité.
Mon avis :

Revisite entêtante et déstabilisante du mythe de Méduse, le texte de Martine Desjardins est à l’image de sa couverture étrange, envoûtant et surprenant. Une expérience à faire !

Une fois n’est pas coutume, je salue le superbe travail de Marcela Bolivar sur la couverture et les rabats intérieur qui participe à cette expérience unique de lecture que fut le Méduse de Martine Desjardins. Cette femme ou statue, on ne sait, cachée derrière la végétation où eau et larme se mélangent dans un accord flou, doux et terrifiant à la fois, représente terriblement bien la sensation que je vais avoir tout au long de cette lecture.

Récit féministe rendant hommage aux romans d’aventure et d’érotisme de la fin du XVIIIe, l’autrice y fait preuve d’une plume littéralement envoûtante pour nous conduire dans cet univers quasiment intemporel où réel et fantasme se mélangent dans un fantastique de la plus belle eau. Il y a du Sade par moment dans ce récit (pas la partie la plus sulfureuse et scabreuse), il y a du Paul et Virginie également dans les aventures vécues par l’héroïne, et pour une touche plus moderne, un petit air du Bal des folles pour bien nous glacer. Pourtant, l’autrice y fait toujours preuve de prudence, de sensibilité et de mesure.

Il en faut pour nous conter, et c’est le mot, le destin chahuté de cette jeune fille qu’on prénommera Méduse à cause de ses yeux si singuliers, à qui elle donnera mille noms plus effroyables les uns que les autres au cours de l’histoire, redéfinissant ainsi la notion de monstruosité aux yeux même dudit monstre. Méduse, c’est cette femme, sans cesse cachée, rejetée, ostracisée à cause de sa particularité : son regard qui gêne et suscite l’effroi. Pourquoi ? On le découvrira avec panache dans les ultimes pages et tout prendra sens. Mais avant cela, il faut se laisser conduire dans les méandres de sa vie, reflet de la nôtre et de ses diktats sur la beauté, après que son père ne l’ait abandonnée dans une drôle de maison qui tient lieu d’orphelinat très spécial, puisque sa maîtresse adopte des jeunes filles porteuses d’une difformité ou particularité physique qui les met à l’écart de la société.

On le sent bien, le récit sera dur. Comme dans le Bal des folles, l’autrice nous confronte à la misère humaine mais aussi à la différence et à la façon dont on y réagit. Il y a cette institution où des choses bien étranges se déroulent sous couvert de parrainage. Il y a également le monde extérieur tout aussi cruel par ses mots et ses actes. L’autrice utilise un nombre pharamineux d’images, de métaphores, de litotes même, mais on comprend combien ces filles, ces femmes souffrent aussi bien sous le regard toxique et violent d’autres femmes que sous celui toujours méprisant et dominateur des hommes. La plume est belle, l’enrobage envoûtant avec sa touche de mythologie revisitée de manière fantastique, mais le message n’en reste pas dur et violent. Nécessaire.

J‘ai beaucoup aimé me laisser emporter par ce récit étrange, qui n’a pas vraiment de rythme pendant longtemps, malgré ses chapitres ultra courts : 3-4 pages. J’ai aimé me laisser bercer par cette ambiance différente de bien des romans que j’ai pu lire. J’ai aimé tenter de lire entre les lignes pour comprendre ce qui se jouait vraiment derrière ce décor d’inspiration mythologique où l’autrice reprenait bien des codes et éléments de celle-ci. Il y a quelque chose de fascinant à se laisser ainsi aller au fil de l’eau, à suivre cette pauvre Méduse et les drames qu’elle connaît, dans ce qui semble être un inéluctable destin tragique.

Parlons-en justement de Méduse, son personnage m’a interpellée d’entrée de jeu. Il est extrêmement bien écrit, très fin, très psychologique, avec un regard porté sur le corps, les apparences et le regard de l’autre saisissant. Les hommes tiennent une place toute particulière dans sa vie et on ne peut que le déplorer, l’autrice faisant de celle-ci le chantre d’une révolte silencieuse contre ce que leurs regards et leurs normes nous imposent à nous les femmes. Alors assister peu à peu à la métamorphose de la petite Méduse effrayée à la Méduse adulte, plus sûre d’elle, qui se connaît et ose relever la tête, c’était jouissif !

Texte court mais texte puissant, Méduse détonne dans le paysage éditorial féru de mythologie en ce moment. C’est un texte qui frappe et interpelle pour peu que l’étrange ambiance quasi gothique des débuts n’ait pas perdu le lecteur. Il faut savoir se laisser porter par la plume sombre et envoûtante de Martine Desjardins, la surprise est au rendez-vous, l’émotion et la réflexion aussi.

-> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Yuyine, Libris Addictus, Shkolopendre, Vous ?

 

26 commentaires sur “Méduse de Martine Desjardins

    1. Comme tu le sais, j’attendais ce retour avec impatience et tu me confirmes qu’il me faut à mon tour être bousculé par ce récit si puissant et court à la fois.
      Ce que tu décris ne peut que me plaire et m’emporter ! Dommage que je ne puisse craquer prochainement.

      Merci à toi pour la découverte.

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      1. Je me doutais que ce texte t’interpellerait et te ferait envie. Je suis ravie d’avoir eu raison car vraiment aussi bien donc fond que sa construction et son ambiance ont tout pour te plaire et bonus qui dit texte court, dit prix réduit 😉

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    2. Je peux comprendre ton hésitation, même si rien qu’avec la couverture on a un effet wow
      Mais ici le format court et je prix réduit par rapport à un roman plus épais ont joué en sa faveur et mont donné envie de lui donner sa chance. A raison !

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  1. C’est clair que cette couverture a quelque chose d’envoutant ! Je l’ai aperçu hier en boutique et j’ai hésité à le prendre pour le moment, j’aimerai bien baisser ma pile à lire avant. 😊 C’est vrai qu’il n’est pas très épais, mais apparemment l’expérience est redoutable. Merci pour ta belle chronique alléchante, tu confirmes encore plus mon envie de le découvrir. 🙂

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    1. Merci pour le compliment. C’est effectivement un texte auquel il faut oser se frotter. Il demande peu d’investissement, se lit vite, mais marque durablement. J’espère que ta PAL dimuera vite dans les semaines à venir pour que tu oses te l’acheter (ou que tu craques avant ><) !

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