Livres - Classique

Été d’Edith Wharton

Titre : Été

Auteur : Edith Wharton

Éditeur : 10/18

Année de parution : 1917

Nombre de pages : 254

Histoire : La jeune Charity, recueillie enfant par un avocat du petit village de North Dormer, en Nouvelle-Angleterre, s’est résignée à une vie étriquée, au pied des montagnes, rythmée par les heures qu’elle passe à dépoussiérer et ordonner la minuscule bibliothèque municipale. Un jour de début d’été, elle voit apparaître dans ce bout du monde un jeune architecte, Lucius Harney, venu dessiner des croquis d’habitats traditionnels de la région. Très vite, elle s’éprend de lui… Admirablement construit, ce court roman des espoirs et des cruautés de l’amour est également une description impitoyable de l’oppression exercée parla « normalité » sociale contre les aspirations de l’individu. Été, quoique fort chaste, traite avec franchise de la sexualité féminine, vue comme force vitale puissante. Un roman très en avance sur son temps qui, lorsqu’il fut publié en 1917, créa un véritable scandale. On alla jusqu’à le comparer à Madame Bovary, qui était précisément le livre préféré d’Edith Wharton.

Mon avis :

Roman décrit comme le plus proche de celui que préféré l’autrice, Eté ne pouvait que m’intriguer moi qui ai un avis assez ambivalent sur les écrits d’Edith Wharton. Alors va-t-il pencher du bon ou du mauvais côté ?

Eté a clairement penché du bon côté et ce pourtant malgré une fin un peu trop abrupte et cruelle, et surtout une héroïne fort agaçante, ça tombe bien, elle est sensée être le pendant d’Emma Bovary, mais l’autrice y a mis trop de bonnes choses pour que je n’y succombe pas.

Tout a commencé avec la beauté de la plume d’Edith Wharton qui m’a à nouveau totalement embarquée avec la finesse et la poésie de ses descriptions de cette vie à la campagne dans le petit village pittoresque de North Dormer, dont le nom évoque le sommeil ronronnant, un peu comme ses habitants d’un autre temps. L’autrice offre également des lignes de toute beauté décrivant ce lieu sous le soleil et la douceur estivale, donnant son titre à l’oeuvre. La nature y est magnifique, vivante, chaude, remplie d’insectes et de fleure et avec un météo lourde d’orage et de pluie à venir comme la destinée de son héroïne. C’est magnifique.

Et pourtant, malgré ce décor enchanteur, j’ai eu du mal à réellement entrer dans l’histoire. Il faut dire qu’elle est un peu le versant sombre d’une Emma de Jane Austen, avec une jeune femme pour qui le mariage est en train de devenir une question centrale dans sa vie. Cependant à l’inverse de sa consoeur anglaise, c’est une réalité plus âpre et sans happy end que nous raconte Edith Wharton. Nous sommes plus près d’un Thomas Hardy ici avec les drames que son héroïne va connaître de bout en bout. Les amateurs d’ambiances dures et réalistes seront ravis, ceux aimant les choses plus douces comme moi, souffriront pas mal, mais avec beauté !

Même si j’ai eu du mal avec cette héroïne à qui il n’arrivait que des malheurs, j’ai trouvé la plume de l’autrice très pertinente et percutante. Elle nous relate le destin d’une jeune fille née d’une mère célibataire, d’un père inconnu, dans un endroit sordide appelé « La Montagne », recueillie par une bonne âme et qui à la fin de l’adolescence, alors qu’elle cherche à s’émanciper, va se retrouver face à des choix qui vont en quelque sorte la remettre à sa place de femme, ce qui est terrible. J’ai détesté, je crois, tous les rôles masculins de cette histoire. Ça commence avec le premier employeur de Charity, ça continue avec son père adoptif et ça s’achève avec le beau Harney qui la charme pour mieux trahir ses attentes. Chacun ne voit en elle qu’une femme : à conquérir, à séduire, à épouser et qu’importe ses désirs. C’est rude !

C’est rude mais aussi malaisant. On suit une jeune fille qui vient quasiment du caniveau et dont les hommes vont presque tout – je vous laisse la surprise finale – tenter de profiter, l’un en abusant de sa position et en étant bien plus âgé, l’autre en jouant de son charme et le dernier de sa détresse. Ça fait mal pour elle, mais c’est du coup un violent plaidoyer contre la réalité du mariage et des relations hommes – femmes bien piégeuses à l’époque dans ces sociétés. Bravo à Edith Wharton de l’avoir aussi bien rendu au point de me rendre cela très malaisant et révoltant à lire.

L’autrice a vraiment fait preuve d’une belle finesse avec la jeune Charity et cela se confirme également dans cet éveil des sens et des sentiments auquel on assiste sous sa plume. C’est charmant de voir avec quelle pudeur l’autrice parvient toutefois à relater ce premier amour et les désirs charnels qui l’accompagnent. On a quelque chose d’assez moderne ici avec ce récit d’une aventure amoureuse qui aurait très bien pu prendre place plusieurs décennies plus tard puisque l’autrice relate rendez-vous cachés où on se retrouve dans une ville voisine, où on va au cinéma, puis à un spectacle nocturne et où on se retrouve dans un lieu secret. C’est très novateur pour l’époque.

Eté fut une sacrée expérience de lecture où comment apprécier un tel moment sans apprécier l’héroïne qu’on suit dont la naïveté et les malheurs exaspèrent et révoltent un peu à la longue. Je préfère encore et toujours les histoires courtes de Kerfol à celles plus longues comme celle-ci ou Le temps de l’innocence, mais je reconnais à l’autrice une force rare pour oser parler de sujets douloureux et critiquer la société dont elle est contemporaine. Ici son portrait de l’été amoureux et marital de l’héroïne fait mal mais la critique de cette masculinité toxique est nécessaire.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis bien plus pointus de : Steven, Mya, Gaétane, Marjorie, Vous ?

 

 

12 commentaires sur “Été d’Edith Wharton

  1. Cette œuvre est de loin celle que je préfère de l’auteure !
    Comme toi, j’ai été sensible à la beauté et la cruauté dont fait preuve cette dernière grâce à sa plume des plus poétique cette fois-ci.
    A l’inverse, je me suis très rapidement et fortement attaché à Charity et apprécié les protagonistes masculine, dont le complexe de Monsieur Royall.

    Tu me donnes plus qu’envie de retrouver l’auteure avec Les Boucanières qu’il me reste encore à découvrir alors merci pour ce retour 🙂

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    1. Avec grand plaisir. J’ai aussi les Boucanieres à découvrir qui est le dernier et le plus gros de ma pal ^^
      Effectivement nous n’avons pas ressenti la même chose pour les personnes mais l’autrice a su nous remuer tous deux ! C’est rude quand même chez elle.

      J’aime

  2. Ayant détesté Madame Bovary, je ne suis pas très attirée par ce livre ^^
    Mais j’ai déjà lu Wharton et je trouve qu’il y a toujours quelque chose d’intéressant dans ses romans. Alors à l’occasion, pourquoi pas…

    Aimé par 1 personne

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