L’automne chez Saltimbanque : Van Dog / La semaine du jardinier heureux / L’étrange boutique de Viktor Kopek

J’ai toujours trouvé que Saltimbanque avait des albums originaux, cela se confirme encore avec la fournée qui nous arrive en cette fin septembre pour le début de l’automne. Entre imagier qui revisite le genre, histoire où l’art a la dragée haute et conte surréaliste sur la quête de soi, ils ont encore fait fort !

  

Titre : Van Dog

Auteurs : Gosia Herba et Pa Mikolaj

Éditeur : Saltimbanque

Année de parution : 2023 *Sorti le 22 septembre*

Nombre de pages  : 48

Histoire : Van Dog est un artiste qui passe tout son temps à peindre. Un jour ensoleillé, il décide d’aller peindre en plein compagne pour trouver l’inspiration. Mais difficile de se concentrer lorsqu’une grenouille joue du saxophone, qu’un lézard cherche son chemin vers Tokyo, et que des libellules et des abeilles tournent comme un hélicoptère au-dessus de sa tête. Van Dog restera imperturbable, pour finir coûte que coûte son tableau !

Mon avis :

Drôle et loufoque, voici vraiment les maîtres mots de cet album – balade qui permet au jeune lecture de se frotter à la création artistique mais de manière amusante !

Auteurs reconnus dans leurs pays et au-delà de leurs frontières, Gosia Herba et Mikolaj Pa, nous offrent ici un sacré album pour enfant que l’on peu prendre plaisir à lire et relire pour en décoder tous les clins d’oeil. Sorte de mélange de trouve tout et d’album en randonné, Gosia Herba y donne libre court à toute sa science du design et du graphisme. Artiste ayant travaillé pour Google et Penguin Random House (une maison d’édition) et reconnue par les titres comme Vanity Fair ou Oprah Magazine, elle a vraiment le don pour créer des tableaux foisonnants !

Et ça tombe bien parce que le propos de cet album est de nous emmener sur les chemins de la créations artistique. Jouant sur un ton décalé avec un héros quasi homonyme d’un célèbre impressionniste étant devenu fou, elle joue sur les codes et prend elle aussi son chevalet, ses pinceaux et ses couleurs pour aller peindre en pleine nature, comme le faisaient les impressionnistes. Mais rien ne se passe comme prévu.

C’est très drôle d’assister à la séance de peinture de Van Dog, dans ce parc où il passe la journée et où tant de créatures de toutes sortes passent. Ça va de la faune et la flore du coin qui prennent la parole et envahissent les pages, à des créatures plus surprenantes comme Godzilla ou King Kong et autres extraterrestres. Les auteurs jouent à fond sur les codes de la pop culture. Mais en même temps, ils glissent des messages sur cet art photographie d’un instant présent et photographie surtout de la vision de l’auteur et non de la réalité. L’art peut donc se défaire des codes de la réalité et appliquer ses propres codes. Une liberté difficilement appréhendable au début qu’il fait bon de voir illustrée ici avec son herbe en pointillisme, ses plantes en motifs tribaux, ses animaux aux couleurs détonnantes où ses personnages anachroniques et fantastiques envahissants les pages.

La lecture se présente sous forme de doubles pages qui foisonnent foisonnent et foisonnent un peu en mode « cherche et trouve ». Le lecteur passe donc un temps fou à admirer ces pages au style très marqué. Il peut s’amuser des dialogues qui naissent entre les animaux et mêmes des petites aventures qu’on peut suivre en parallèle du travail de Van Dog, qui lui reste assez extérieur à ce qui se passe autour a priori, mais qui en capture l’essence pour son tableau de cette journée. J’ai trouvé amusant d’ailleurs de retrouver le cheminement d’un artiste, de son atelier, en passant par son lieu pour peindre en extérieur, sa réalisation et l’exposition de son oeuvre dans une galerie. Les enfants peuvent apprendre plein de choses ici.

Album multi-facette, il propose à la fois une lecture artistique riche en références, une aventure pleine de surprise et d’inattendu et une exploration de l’imagination loufoque de ses auteurs fort singulière. C’était étrange mais je me suis beaucoup amusée !

(Merci à Saltimbanque pour cette singulière aventure).

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Titre : La semaine du jardinier heureux

Auteur : Nathalie Lété

Éditeur : Saltimbanque

Année de parution : 2023 *Sort le 29 septembre*

Nombre de pages  : 48

Histoire : Un lapin en tenue de jardinier nous dévoile ses secrets pour prendre soin de son jardin tout au long de la semaine. Voici une belle approche pour découvrir et nommer chaque plante, chaque habitant du monde enchanteur du jardin. Le tout a été imaginé par Nathalie Lété, artiste à la renommée internationale, au style graphique unique, naïf, poétique, coloré et riche. Un véritable bijou artistique qui saura plaire aux petits comme aux grands !

Mon avis :  

J’ai toujours beaucoup aimé les imagiers pour leur pouvoir d’admiration sur les enfants qui apprennent ainsi mots et vocabulaire dans de belles conditions. Nathalie Lété nous en présente son interprétation.

Artiste peintre-illustratrice qui a aussi bien collaboré à des marques de vêtements que de décoration, elle met ici tout son talent au service d’un grand album cartonné pour les plus jeunes où en l’espace de 7 tableaux elle revisite le vocabulaire du quotidien avec un lapin des plus sympathiques. Son trait est pétillant et plein de nostalgie également, très graphique et coloré. Il met le coeur en joie.

Ce cher lapin est jardinier, nous voici donc embarqués à ses côtés dans son quotidien qu’il souhaite nous partager à travers 7 doubles pages à thèmes autour de son travail. Le jeune lecteur découvrira avec saveur le lundi, le nom de plantes courantes aux dessins envoûtants. Le martin, il cultivera le potager aux côtés de monsieur Lapin et apprendra le nom des principaux légumes de son alimentation. Mercredi, ce seront les outils du jardin, tandis que jeudi il partira ramasser quelques fruits pour faire tartes et confitures avec des dessins toujours aussi appétissants. Vendredi, ce sera au tour des trésors du jardin, du nid, en passant par le caillou et la châtaigne. Petit rendez-vous avec ses amis les animaux plus vrais que nature le samedi et enfin petit jour de repos le dimanche avec hamac, pique-nique et cerf-volant.

C’est donc une très jolie façon de voir le vocabulaire du quotidien en situation avec des dessins réalistes et colorés qui apportent douceur et poésie mais aussi appétit de découverte. Le jardin prend une toute autre dimension sous son regard et donne envie de mieux y jeter un oeil plutôt que de rester passif face à lui tant ce dernier est riche en découverte.

Parenthèse amusante et enchantée donc, cet imagier revisite le genre avec un fil conducteur original et personnel qui change. C’est à la fois moderne et rétro. Un petit bonbon à savourer en famille parents et enfants réunis !

(Merci à Saltimbanque pour cette jolie revisite)

Titre : L’étrange boutique de Viktor Kopek

Auteurs : Anne-Claire Lévêque et Nicolas Zouliamis

Éditeur : Saltimbanque

Année de parution : 2023 *Sorti le 22 septembre*

Nombre de pages  : 40

Histoire : Un soir, une jeune fille intriguée par une vitrine remplie de valise entre dans un curieux magasin. Elle découvre alors mêlant des miroirs de toutes formes, des dizaines de portraits, et des valises disposées un peu partout.
Viktor Kopek, le propriétaire, est un homme aussi raffiné qu’étrange. Pour chacun de ses clients, il propose une valise emplie de vêtements et accessoires pour s’adapter aux circonstances, parfois périlleuses, parfois délicates, de la vie. Viktor Kopek est un « magicouturier ».

Mon avis :

Souvent quand on parle de fantastique aux enfants, on édulcore et propose des choses plutôt gentillettes. Ça fait du bien aussi d’avoir du fantastique un peu dérangeant.

C’est le duo Nicolas Zouliamis aux dessins et Anne-Claire Levêque à l’écriture qui commet cet étrange album, aussi étrange que la boutique qu’il nous propose de visiter. C’est pars des études d’écriture et analyse cinématographique que Nicolas en est venu au dessin et on l’en remercie vu l’univers étrange, référencé et enchanteur qu’il nous offre ici. Quant à Anne-Claire, cela fait plus de 25 ans qu’elle travaille dans le domaine de la littérature jeunesse et son expérience se fait sentir dans ce récit qui nous perd avant de nous retrouver.

J’ai d’abord ressenti un certain malaise lors de ma découverte de la fameuse boutique de Viktor Kopek. Avec le visage semi-réaliste de son héroïne, sa palette très grise et l’étrangeté sombre du lieu, je me demandais dans quoi j’étais tombée. Est-ce que ça allait être un récit dramatique à la Anne Frank ou quelque chose de plus loufoque à la Lewis Carroll. Nous sommes dans un savoureux entre deux, les auteurs proposant un fantastique pas facile d’accès, qui gratte et dérange tout en étant poétique.

La boutique que découvre l’héroïne sans nom de l’histoire n’est pas comme les autres, elle interpelle, met mal à l’aise et en même temps on peut la trouver belle et rétro, avec un petit côté mystérieux qui donne envie de fouiller en se faisant peur, en mode film d’horreur pour les enfants. Voici le fantastique fortement inspiré de Lewis Carroll et Tim Burton que proposent les auteurs.

Mais le message est bien plus doux, lui, le propriétaire propose en effet de fournir une valise personnalisé à cette jeune héroïne ayant elle aussi envie de partir à l’aventure. Il lui propose donc d’en choisir une parmi 5. C’est fort amusant de découvrir le contenu de chacune jouant sur des jeux de mots texto-visuel savoureux et souvent entre glauque et loufoque, le tout pendant que l’héroïne en profite pour réfléchir sur elle-même et se concoster sa propre valise.

Récit fantastico-initiatique très intime et personnel, mettant autant mal à l’aise qu’il fait réfléchir sur soi, cet album est une vraie singularité. Entre rétro et hommage au fantastique d’autrefois, il fait confronter les jeunes lecteurs à une vision moins lisse et pourtant non violente d’un pan de l’imaginaire qu’il côtoie bien souvent de manière trop standardisée.

(Merci à Saltimbanque pour cet étrange moment)