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Moi, Edin Björnsson, pêcheur suédois d’Edith

Titre : Moi, Edin Björnsson, pêcheur suédois

Auteur : Edith

Éditeur : Oxymore

Année de parution : 2023

Nombre de pages  : 110

Histoire : Edith ignore si elle croit en la réincarnation… A vrai dire, elle ne s’est jamais vraiment posé la question. Comme pour d’autres perspectives mystiques, religieuses, philosophiques, par curiosité, elle laisse la porte entrouverte. Alors, quand une magnétiseuse lui a proposé de connaître sa vie antérieure, la conteuse en images qu’elle est a exprimé un intérêt certain pour une révélation aussi intrigante… C’est ainsi qu’elle a appris, dans cet ordre, que cette vie se passait en Suède, au XVIIIe siècle, qu’elle était un homme, pêcheur, qui aimait les femmes et qui était décédé de mort violente, assassiné… sans doute par un mari jaloux ! … Edith, a-t-elle été Edin Björnsson ?

Mon avis :

Découvert d’abord avec leur branche jeunesse au moment d’Halloween, Oxymore continue de me surprendre avec cette fois une histoire plus philosophique, sorte de conte initiatique voltairien dans une fraîche ambiance suédoise. Dépaysement au rendez-vous.

Derrière cet album, se cache Edith, une autrice dont j’avais eu l’occasion de découvrir le trait en 2017 lors du récit à quatre mains d’Emma G. Wildford, co-composé avec Zidrou. Je suis ravie de la découvrir sur un projet solo, assez intime, voire même un peu farfelu, qui par d’une séance chez une magnétiseuse où celle-ci lui aurait parler d’une de ses incarnations passées. L’occasion pour l’autrice à l’imagination folle d’imager la vie fictive de cette incarnation en s’inspirant de celle d‘un pêcheur suédois.

Je dois avouer avoir trouvé le projet des plus surprenants, mais le résultat fut plus rassurant. Après avoir lu l’autrice sur Emma, où il y avait déjà un côté très biographique, je n’ai pas été dépaysée de la voir poursuivre sur ces traces et nous proposer la biographie fictive d’un suédois du XVIIIe proche de ce que Voltaire proposait dans ses contes philosophiques. J’ai même plutôt aimé ce côté presque réaliste dans lequel elle nous plonge et qui nous fait douter même, interrogeant sur les limites de la réalité et de la fiction.

Sa peinture de la Suède rugueuse et sauvage du XVIIIe est très réaliste et fidèle. Son portrait de ses habitants encore âpres et rugueux, ayant des vies simples et compliquées à la fois, également. Cela sonnait très juste pour moi. Que ce soit lors de l’accouchement difficile des débuts, lors des rencontres réduites au cours de leur vie, des passages en ville où alcoolisme et vies dévoyées sont exposées, ou sur les bateaux face à la rudesse de l’océan, j’ai trouvé cela crédible et je me suis sentie vivre aux côtés de ces héros, à cette époque lointaine désormais.

J’ai également aimé le côté « fable » de l’histoire, qui m’a rappelé les récits de ce cher Voltaire que j’aimais tant quand j’étais étudiante. Edin, le héros que nous suivons, n’est pas un personne lisse à la vie linéaire, il n’est même pas très aimable. Il naît dans une famille pauvre, perd vite son père et est élevé par des femmes : sa mère et sa tante, dans un lieu reculé. Sa famille est l’une des rares éduquées dans le coin, elle détonne. Lui, est bien malingre, et a du mal à s’adapter au milieu de ses hommes forts, souvent marins de père en fils. Il va basculer en grandissant quand il va chercher à s’intégrer, buvant et passant d’une femme à l’autre. Sa vision du bonheur est différente de la nôtre. On aurait tendance à croire qu’il n’a pas une vie facile et qu’il pourrait en être malheureux mais il s’en contente très bien et trouve son bonheur au milieu de tout ça, aimant les femmes de sa vie.

Le ton est donc volontiers un peu rude. La terre où vit Edin, n’est pas des plus prospère après tout. Cette rudesse rend la lecture assez morose elle aussi. On passe d’un déboire à l’autre dans la vie de cette pauvre hère. Cependant, il y a de la beauté là-dedans, notamment dans sa façon d’appréhender la vie et dans l’amour qu’ils se portent sa mère, sa tante et lui. Ce sont des personnages rugueux mais terriblement attachants, un peu comme l’image d’Épinal qu’on se fait des campagnard(e)s d’autrefois. C’est pourquoi même si les rebondissements sont rares joyeux et plutôt dramatiques, on trouve quand même de l’humour et de une affection sous-jacentes qui nous touchent.

J’ai donc beaucoup aimé suivre le destin âpre et tortueux de cet homme simple et de sa famille de femmes dans ce paysage simple et lointain, même les dessins de l’autrice jouant sur des camaïeux jaune paille et bleu gris  se mettaient au diapason. J’ai beaucoup aimé la rugosité de ses derniers rendant à merveille la frugalité de leur vie dans leur simplicité. Mon seul regret vient de la fin trop abrupte du récit qui m’a laissée scotchée, presque en suspend. C’était étrange et limite désagréable, même si je comprends que c’est lié au concept et à l’idée de départ de l’autrice de conter celui qu’elle avait peut-être été autrefois.

Fable philosophique sur la valeur de la vie des plus étranges et singulières, c’est dans sa simplicité et sa rugosité que le récit interpelle et surprend. La vie d’Edin est un bel hommage aux contes philosophiques du XVIIIe et à ses histoires avec des héros simples et réels qui représentent la vraie vie et non une vie fantasmée. J’ai aimé le dépaysement, le ton lent et tranquille, la rudesse du décor, cela m’a donné un sentiment de grande sincérité. Et surtout l’histoire de ces femmes, mère, tante, qui attendent et protègent m’a profondément émue. Encore une belle découverte avec madame Edith.

(Merci à Oxymore pour ce nouveau voyage)

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Vous ?

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13 commentaires sur “Moi, Edin Björnsson, pêcheur suédois d’Edith

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