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Notre été éphémère de Yuama

Titre : Notre été éphémère

Auteur : Yuama

Éditeur vf : Meian (yuri)

Année de parution vf : 2023-2024

Nombre de tomes vf : 5 / 6 (en cours)

HistoireUn récit doux et tragique entre deux jeunes filles, le temps d’un été…
Shizuku Hoshikawa, une jeune lycéenne asociale, termine enfin de rédiger dans le plus grand secret un roman tragique. S’apprêtant à se débarrasser de ses écrits sans avoir laissé quiconque les lire, elle croise Kaori Asaka, une de ses camarades de classe, qui s’empare de son oeuvre et file sans demander son reste.
Shizuku s’attend à ne recevoir que du mépris de la part de Kaori, mais à sa grande surprise, celle-ci lui fait un retour des plus inattendus.
La rencontre de deux jeunes filles profondément blessées…

Mon avis :

Tome 1

En ce dernier mois de l’année 2023, Meian gâte les amateurs un peu frustrés de Yuri avec une nouvelle collection consacrée à ce genre trop peu représenté en France. Notre été éphémère est l’une des trois séries choisies par l’éditeur pour commencer et c’est un vent de douceur un peu amer qui souffle avec lui.

Série terminée au Japon avec 6 volumes, nous la devons à Yuana, une jeune autrice publiée chez Ichijinsha, à qui on doit Citrus +, Yuri is my job, Whispering you a love song ou encore Bibliophile Princess. Avec ses deux premiers tomes proposés en même temps, l’éditeur comble donc un manque chez le lectorat français, celui de la romance FxF douce et slow burn avec une pointe d’acidité sous la douceur première. Une belle entrée en matière pour cette collection.

Avec ses couvertures douces et espiègles, Yuana nous vend une histoire à durée déterminée : un été. Sur le schéma du « Fake couple / Faux couple« , elle nous fait découvrir deux jeunes filles blessées dont les âmes vont s’attirer. La première dont nous faisons la connaissance ici, c’est Shizuki. Asociale, elle semble vivre dans son coin avec toujours la crainte de faire quelque chose de mal qui la ferait remarquer. On découvre qu’elle écrit en parallèle un roman pour exorciser ses peines, mais elle n’a jamais eu l’intention de le publier, elle voulait qu’il reste juste pour elle. C’était sans compter sa voisine de classe Kaori qui allait mettre la main dessus.

Dans un schéma assez classique en romance, l’autrice propose de suivre deux héroïnes qui vont se rapprocher sous un prétexte un peu fallacieux et absolument pas crédible : sortir ensemble pour forcer la première à avoir des idées pour un prochain roman, alors qu’elle a dit que ce serait son seul et unique. Si ce début est on ne peut plus bancal, on ne peut pas nier que les deux jeunes filles sont attachantes. On a de la peine pour Shizuki dont on aimerait comprendre l’attitude. On prend plaisir à suivre Kaori qui est quelqu’un de très solaire. L’autrice enchaîne ensuite avec elles, en mode « slow burn« , les petits moments à deux où elles vont se rapprocher, dans la chambre de l’une, à la bibliothèque ou lors de la visite d’un aquarium. Classique mais à nouveau efficace.

L’originalité arrive dans les ultimes pages avec une révélation qui va venir expliquer des choses et tout bousculer également, rendant peut-être aussi la lecture plus dense et riche pour les prochains tomes, là où elle était un peu facile, lisse et prévisible pour le moment. Ça donne très envie de poursuivre !

Avec son doux dessin et son ton mélancolique, Yuana nous propose une douce romance en mode slow burn + fake couple, qui a de quoi satisfaire les amateurs en manque de Yuri. C’est un peu trop classique et prévisible dans ce premier tome avec un démarrage plus d’incrédulité, mais les personnalités des héroïnes sont touchantes et surtout la révélation finale change totalement la donne, donnant très envie de découvrir la suite !

 >N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Vous ?

Tome 2

Voici l’exemple parfait de pourquoi il est parfois nécessaire de sortir les deux premiers tomes en même temps. Sans cela, je serais peut-être restée sur une idée fausse, alors que la série prend toute sa mesure ici.

Notre été éphémère est l’histoire d’une rencontre, mais bien au-delà de l’aspect romantique de la chose, c’est la rédemption qui prédomine dans ce titre. L’autrice nous confronte en effet à une jeune fille qui a autrefois, bien malgré elle, harcelé une camarade de classe et qui s’en veut terriblement au point de ne plus parvenir à vivre elle-même. 

Ce sujet du harceleur – rédempteur a déjà été traité dans d’autres titres comme le très célèbre A silent voicecependant j’avais souvent trouvé ça très maladroit, car les auteurs ne revenaient pas assez sur les mécanismes ayant conduit à cela. Du coup, on avait l’impression de harceleur bêtement méchants qui par un coup de baguette magique devenait gentils. C’était trop facile. Ici, Yuama fait un réel travail sur ce qu’il s’est passé autrefois et sur la personnalité de Shizuku désormais. Elle montre que le harcèlement n’est pas toujours un phénomène individuel mais peut être quelque chose de plus collectif dont une seule personne porte la faute tandis que les autres se défaussent sur lui/elle. C’est assez terrible.

J’ai vraiment été bouleversée par l’histoire de Shizuku, parfaitement racontée ici. L’autrice nous montre l’engrenage dans lequel elle tombe, si jeune sans le comprendre, sous les encouragements de ses professeurs et camarades. Ils trouvent bien qu’elle ose dire franchement les choses et tant pis si ça blesse quelqu’un, ils ne disent rien et laissent faire, jusqu’à ce que ça devienne une situation de harcèlement que quelqu’un d’extérieur a le courage de dénoncer. C’est trop facile de regarder sans rien faire et ensuite de se jeter comme une horde sur la présumée « coupable ». C’est un comportement tout aussi toxique qui est à dénoncer. C’est pour ça que le personnage de Shizuku, contrairement au héros de A silent voiceme touche dans sa rédemption, l’autrice a vraiment bien détaillé les mécanismes l’ayant conduite à ce drame.

Maintenant, on est aussi en plein dans une bonne couche de pathos et pour qui n’est pas très fan de mélo, Yuama fait couler des litres de larmes et bons sentiments dans ce tome. Ce n’est pas toujours très bien dosé. C’est même assez forcé et caricatural, mais c’est le genre qui veut ça. Là, où je trouve que l’autrice en fait clairement trop, c’est en rajoutant du drame au drame avec le secret de Kaori qu’on commence à voir poindre. Pas sûre que ce soit nécessaire. Je pense qu’elle a voulu s’en servir comme élément déclencheur au désir de celle-ci de sauver celle qu’elle admirait autrefois, mais n’aimant pas le mélo, ça va trop loin pour moi…

Reste des moments à la fois durs et très doux dans ce tome, où on est touchés par la façon dont une jeune fille parvient à épauler une amie qu’elle sent partir à vau-l’eau et préfère se faire passer en second pour la sauver. C’est douloureux. On parle quand même de désirs suicidaires, ici. Mais c’est beau et touchant, avec des jeunes filles d’une grandes douceurs, dans cette mise en scène mélancolique et douce-amère de l’autrice qui trouve sa concrétisation lors de la classique très belle sortie au festival du temple du coin. 

Plus qu’une romance FxF, Notre été éphémère se révèle donc l’histoire d’un sauvetage, celui d’une jeune fille à la dérive qui souffre trop des actes qu’elle a commis autrefois sous le regard défaillant d’une société qui l’y a encouragé jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Regarder quelqu’un se faire harceler sans rien faire, c’est la même chose que participer, et tomber ensuite sur « le coupable », c’est trop facile. J’ai aimé que l’autrice dénonce aussi ces ravages de notre société avec douceur mais fermeté.

Tome 3

Grâce à la parution simultanée de 3 tomes d’un coup, Meian nous permet de replonger rapidement dans l’univers sensible et dur à la fois de Notre été éphémère, nous faisant assister avec émotion au noeud du problème de l’histoire pour mieux nous toucher avec.

C’est sans la moindre difficulté que j’ai replongé dans l’histoire dure et âpre de Shizuku, ancienne harceleuse qui a pris conscience de l’horreur de ce qu’elle avait commis et se l’est pris en pleine figure, se retrouvant elle-même en difficulté. Depuis le début, j’aime beaucoup la façon dont l’autrice traite la question du harcèlement sans tomber dans la facilité à travers cette adolescente qui se sent très mal dans sa peau et a peur d’avancer dans la vie car elle n’arrive pas à se pardonner. C’est très touchant et j’aimerais que ce soit réaliste pour y voir un message d’avertissement aux potentiels harceleurs : attention ça peut vous détruire vous aussi.

Dans ce nouveau tome, cependant, avec l’aide de son amie d’un été : Kaori, elle entreprend une démarche essentielle pour elle : écrire et rencontrer son ancienne victime pour s’excuser. On peut se demander qu’elle est la part de pensée pour Ruri dans cette démarche quand même bien personnelle et un peu égoïste, il faut le reconnaître. Heureusement, l’autrice y va avec beaucoup de pincette et montre vraiment une jeune fille pleine de repentance, qui ne souhaite pas raviver de mauvais souvenirs mais s’excuser et peut-être ainsi permettre à son ancienne victime d’avancer elle aussi, même si on sait que ça n’a rien de facile.

J’ai beaucoup aimé le rôle de Kaori dans tout cela. Véritable pilier sur lequel s’appuie Shizuku, elle est là, l’encourage, l’aide, lui donne des idées, l’accompagne et la soutient. C’est un peu très beau personnage. La mise en scène de ces moments d’ailleurs douloureux et compliqués est assez simple et sobre. On voit la peur gagner l’héroïne. Cela se passe dans un lieu neutre, avec peu de monde, pour éviter d’autres regards. Et surtout on se focalise sur l’humain avec les duos de Shizuki et Ruri forment avec leurs amies-piliers dont elles ont si terriblement besoin. C’est touchant.

Nous sommes ainsi dans un moment charnière, représenté de manière très douce mais qui cache une réelle profondeur et un message loin d’être simple. Ajoutez à cela la révélation, enfin, du secret que Kaori cachait à Shizuku et qui lui explose au visage et vous aurez un tome plutôt dramatique mais tellement touchant et émouvant, où vraiment les questions du harcèlement et de la reconstruction sont abordées avec finesse et subtilité. On est touchés.

Tome 4

Après le volet harcèlement, place au volet maladie, décidément le drame ne nous lâche jamais ici, mais c’est toujours écrit avec une belle dose de sensibilité.

Mettons de suite les pieds dans le plat : je ne suis pas friande d’histoires de maladie. Le volet actuel de l’histoire donc, bien que très bien écrit et touchant selon la volonté de l’autrice, n’est pas réellement celui qui m’intéresse. Je vais donc essayer de vous présenter ce qui me semble bien fait, bien écrit, même si personnellement ce n’est pas à mon goût ^^!

A la fin du précédent volume, le secret de Kaori était dévoilé. Forcément, on ne pouvait plus en rester là avec Shizuku, leur relation devait évoluer et à nouveau l’autrice ne prend pas ses lecteurs pour des idiots, elle leur fati confiance et les place face à la dureté du moment. C’est cependant toujours avec une forme de douceur qu’elle annonce qui arrive à Kaori et comment elle le vit bien difficilement derrière son sourire de façade. Il faut tout le courage nouvellement acquis de Shizuku pour s’y confronter et lui tenir tête, faisant ainsi passer leur relation à une nouvelle étape.

Je trouve approprié ici, qu’on ne mette pas sous le tapis les répercussions de la maladie grave de Kaori, qu’on la sente désespérée, sur le point d’abandonner, ça donne encore plus de force à la réponse de Shizuku qui souhaite à son tour être présente pour elle et lui apporter un réconfort qu’elle seule pour donner. J’ai ainsi trouvé original de les voir continuer leurs échanges autour des écrits de Shizuku, un mélange de volonté de celle-ci et de réponse aux désirs cachés de Kaori pour l’accompagner dans ce drame. Cela offre une belle respiration, nécessaire, dans ce moment pesant et douloureux.

Cela donne naissance à de forts jolis moments de complicité entre les deux jeunes femmes, des moments peut-être encore plus puissants, car plus honnêtes. Et j’ai trouvé judicieux de faire basculer le rapport de force, offrant la possibilité à Shizu de sauver quelqu’un à son tour, ici par ses écrits, ce qui est encore plus fort, mais aussi par ses actes, même si c’est Kaori qui téléguide tout ça et qu’on sent bien qu’elle ne le fait pas réellement à son profit. Grâce à cela, Shizuku continue son chemin pour sortir de la dépression et Kaori bénéficie pleinement de la nouvelle Shizu. Le moment qu’elle va passer à la montagne étant un peu magique pour voir son évolution sous le regard de sa soeur.

L‘autrice fait donc à nouveau preuve de la même finesse dont elle avait fait preuve sur la question du harcèlement, mais cette fois sur la maladie. Elle parvient à tisser une jolie histoire, touchante et émouvante, avec du pathos mais aussi de l’espoir et de la résilience, voir du don de soi. On aime voir Shizuku se transformer grâce à Kaori et tenter à son tour d’être celle qui sauvera l’autre. Une jolie forme de rédemption pour cette ancienne harceleuse repentie.

Tome 5

A l’approche de la fin, l’autrice commence à associer, mélanger ses thèmes de prédilection : harcèlement et maladie pour encore mieux nous parler de l’humain, du repentir, de la seconde chance et de la peur de la solitude. Emouvant et réussi.

Il faut cependant avoir une certaine appétence pour le pathos pour réussir à lire ces chapitres assez pesant, car il y a question de jeune adolescente sur le point de mourir et tentant de faire le bien autour d’elle pour réparer un peu ce qui est « cassé » autour d’elle et prévenir la solitude de ses proches. C’est très émouvant mais demandant psychologiquement parlant. Et n’aimant pas trop tout ce qui tourne autour du sujet, je ne peux pas dire que j’ai entièrement apprécié ma lecture. Il y avait trop de pathos, trop de mélodrame pour moi. Mais je reconnais que c’est bien fait et que les amateurs seront sûrement charmés.

Comment ne pas trouver émouvant la façon dont Kaori, depuis sa chambre d’hôpital semble tirer les ficelles afin de pénaliser le moins possible les gens autour d’elle après sa disparition programmée. Elle cherche ainsi dans un premier temps à rapprocher Shizuku de sa soeur, puis dans un second à montrer la nouvelle Shizuku à celle qu’elle a harcelé autrefois, Ruri. Quel grand coeur elle a !

Émotion aussi avec juste la relation Shizuku-Kaori tandis que cette urgence médicale naît, car chacune prend ainsi conscience de la profondeur de ses sentiments pour l’autre. Alors bien sûr aucune ne le dit ouvertement à l’autre, c’est plein de pudeur pour ça, mais ça s’en ressent dans chaque fibre de leur être, et les écrits de Shizuku sont une sorte de catalyseur supplémentaire à ce phénomène. Il est frappant d’ailleurs de voir combien cette dernière a changé, et si elle n’est toujours pas la petite fille forte qu’on admirait autrefois, elle devient une jeune femme plus solide, qui sait s’ouvrir aux autres, partager leur peine et les aider en les accompagnant. Elle a bien pris modèle sur Kaori.

Tome très larmoyant et douloureux par moment, il fait s’entremêler les fils de l’intrigue pour proposer des derniers jours émouvants auprès d’une Kaori en mode « bonne fée » qui tente de montrer à nouveau l’importance des gens autour de soi quand on est dans la peine. Il faut aimer les titres plein de pathos, ce n’est pas totalement mon cas, mais je sais reconnaître les qualités de l’oeuvre et nul doute qu’elle en émouvra plus d’un !

(Merci à Meian pour ces doux mais âpres moments)

7 commentaires sur “Notre été éphémère de Yuama

  1. Effectivement, ton retour sur le tome 1 n’aurait pas suffi à me tenter. Mais avec ce tome 2, cela semble gagner en originalité et profondeur. Ça mérite qu’on s’y intéresse : je vais regarder si on les a en rayon dans ma librairie 🙂

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