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Moto Hagio Anthologie : De la rêverie et de l’humain de Moto Hagio

Une superbe anthologie, dans un beau coffret, pour une grande mangaka dont on aimerait bien découvrir d’autres oeuvres (notamment celles de S.F.) !

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Titre : Moto Hagio Anthologie

Auteur : Moto Hagio

Année de parution vf : 2013 – Réédition en 2024 (sans coffret)

Éditeur vf : Glénat

Nombre de tomes : 2 (série terminée)

Résumé : Moto Hagio est l’une des premières artistes féminines à avoir enfreint les codes du manga qui, dans les années 60, imposaient à ces dernières des histoires simplettes à l’eau de rose. À l’image du grand maître Osamu Tezuka, elle n’hésitera pas à explorer divers horizons, allant de la saga vampirique aux récits de SF à la Ray Bradbury, maîtrisant au passage les critiques sociales ou les fables amères. Tout en gardant un trait élégant, ses oeuvres dépassent largement les frontières que l’on attribue habituellement aux shôjo manga et prennent une dimension universelle qui ne manquera pas d’intéresser tout lecteur curieux, habitué ou non au manga. Les éditions Glénat ont ici sélectionné, spécialement pour le lectorat français, 9 récits pour découvrir toute l’étendue du talent de cette artiste. Vous pourrez apprécier d’un côté, dans le tome « De la rêverie », ses oeuvres fantastiques et de science-fiction : Un rêve ivre, les deux parties de Nous sommes 11 ! et Le petit flûtiste de la forêt blanche. Dans l’autre tome, « De l’humain », se trouvent réunis des récits proches du réel : La princesse iguane, Mon côté ange, Le pensionnat de novembre, Pauvre maman, Le coquetier.

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Mes avis (en 2013)

Moto Hagio Anthologie, tome 1 : De la rêverie
Une vraie claque ! Ce premier tome nous présente une auteur infiniment douée aussi bien en termes de narration, mise en page que dessin, c’est une vraie découverte. J’ai adoré « Nous sommes Onze » et j’adorerais lire ces autres oeuvres de SF. Il y a une vraie réflexion chez elle sur des thèmes délicats (surtout pour l’époque) telle que l’identité sexuelle. Chapeau !

Moto Hagio Anthologie, tome 2 : De l’humain
Un second tome tout aussi réussi mais avec des histoires qui touchent plus à l’intime et dont l’horreur fait froid dans le dos. L’auteur a le chic pour partir de situations banales et y introduire peu à peu une dose de fantastique qui donne des frissons. J’ai beaucoup pour cela Mon côté ange, Pauvre maman et Le Coquetier. Par contre, Le pensionnat de Novembre faisait trop Coeur de Thomas au rabais…

Mes avis (en 2024)

Avec la venue en grande pompe de l’autrice à Angoulême à l’occasion de l’exposition organisée pour sa oeuvre culte au Japon, Glénat qui avait fait partie des pionniers avec Kazé, a décidé de ressortir son Anthologie : De la rêverie et De l’humain, en une nouvelle édition grand format. Nouvelle édition ? Pas vraiment en fait.

Soulignons d’entrée que les possesseurs de l’ancienne édition, à part le fait d’avoir des tomes plus petits sans jaquette et dans un coffret, ne verrons pas une grande différence. Les textes accompagnant l’oeuvre n’ont même pas été revu, c’est un peu décevant cette absence d’ambition éditorial. On sent clairement que Glénat surfe surtout sur la vague Akata, qui lui a décidé de donner à l’autrice la place qu’elle mérite, et propose ainsi des tomes dans le même format que ceux-ci. Je salue cependant le premier chapitre en bichromie et les jaquettes que je trouve superbe.

Question contenu, ceux qui découvrent l’oeuvre auront le plaisir d’une introduction et d’une postface resituant l’autrice dans le contexte historique du manga, et d’incipit permettant de resituer chaque histoire dans l’oeuvre de l’autrice. C’est tout à fait bienvenue au vu de la place de celle-ci dans ce média avec tout ce qu’elle a fait, inventé, inspiré.

Les histoires de ce premier tome, elles, sont tout à fait représentatives de son oeuvre. Il y a d’ailleurs son chef d’oeuvre Nous sommes 11 qui occupe le coeur de ce volume et rien que pour lui, cette lecture est un coup de coeur. Les autres semblent plus modestes. Le premier cependant, Rêve ivre, hommage à l’un de nos poètes, rappelle sont goût pour le drame et la tragédie. Le dernier, lui, Le petit flûtiste de la forêt blanche, en plus de rappeler des opéras d’autrefois est une sorte d’annonce de ce que sera son grand succès : Le clan de Poe. Ce sont donc des histoires historiquement fort intéressantes rien que pour cela.

Mais sincèrement côté plaisir de lecture, c’est Nous sommes 11 – Premier volet, qui emporte tout. J’y ai adoré voir des références aux anciens auteurs de SF que j’adore comme Asimov ou Le Guin. J’ai adoré ce côté Sa majesté des mouches + Agatha Christie. C’est ultra rythme, drôle et émouvant, surprenant parfois avec de belles punchlines et des personnages qui envoient du bois. Il y a une superbe créativité narrative visuelle. Et c’est rempli de thèmes de SF que j’affectionne comme celles sur le genre, les huis clos spatiaux, les académies spatiales, les objets stellaires non identifiés et j’en passe. Après, c’est très marqué années 70 et peut-être que le lecteur actuel sera moins friand et trouvera cela banal, mais remis en contexte, wow !

De ce fait, les autres textes m’ont semblé plus fade, en particulier sa suite : Est et Ouest, un horizon lointain, où j’ai eu l’impression que l’autrice se perdait à faire de prolonger et improviser la suite de son histoire. Exit le space opera si addictif et vertigineux de l’histoire originelle, place à un classique planet opera avec homme politique en déroute, en recherche de solution face à un rébellion. C’était long. C’était verbeux. C’était décousu. Je retiens surtout la belle ambiance sombre et dramatique qui s’intensifie au fur et à mesure, ainsi, qu’à nouveau les superbes compositions de l’autrice, mais ça ne m’a pas plu plus que ça…

J’ai été plus sensible aux côtés oniriques et poétiques de la première et dernière histoire. Le Rêve Ivre m’a rappelé Ouke no Monshou, une vieillerie commencé 4 ans plus tôt mettant en scène l’Égypte ancienne. Il y a le même goût pour le drame antique. Le petit flûtiste de la forêt blanche, lui, a un trait plus ancien, plus rond, moins aventureux mais avec une belle ambiance à la Rackam, cet illustrateur de l’étrange Lewis Carroll dont il sait si bien rendre les ambiances singulières, ce qui est le cas ici, avec cette rencontre  étrange. Alors même si les histoires ne m’ont pas autant emportée, les ambiances elles, vendent du rêve.

Pas forcément l’ouvrage dans son ensemble le plus indispensable de l’autrice, il contient cependant l’une de ses histoires phares, qui peut importe la décennie mérite d’être lue par sa vivacité narrative et sa beauté graphique : Nous sommes Onze, un modèle du huis clos en hyperespace ! Alors si vous voulez découvrir l’autrice à l’aide d’un de ces chefs d’oeuvre, foncez, en plus vous aurez ici un bel échantillon de son travail dans le rayon de l’imaginaire. Il est juste à souhaiter que Star Red ou Marginal qui sont régulièrement cités soient aussi édités ❤

Alors que le volume est plus fin et que les histoires sont moins tapes à l’oeil, le voilà le Chef d’oeuvre de Moto Hagio. C’est dans l’humanité que s’accomplit cette immense autrice.

Avec cependant un travail éditorial à nouveau à minima, sans la moindre page couleur ou bichromique cette fois et avec une préface encore une fois identique à celle de la première édition datant d’il y a 10 ans…. on retrouve quand même des histoires d’une rare puissance qui méritent, qu’il faut !, découvrir.

Avec des thèmes encore plus riches, plus sombres et plus complexes que dans Rêverie, l’autrice touche ici à notre intimité dans ce qu’elle a de plus dérangeante. Elle interroge ainsi sur la maternité, sur l’amour filial, sur la dépression et le suicide, ou encore sur la violence du temps de la guerre. C’est vraiment rude et âpre.

Dans des histoires s’étalant des années 70 à 90, on voit également l’évolution et les marqueurs graphiques de cette grande autrice qui la démarque. Un trait unique. Des compositions d’une rare vivacité où l’autrice montre qu’elle est l’une des rares à avoir compris à ce point l’importance du mouvement et qui sait comment le retranscrire sans tenir compte des pages. Des ambiances dramatiques également que les histoires soient fantastiques, futuristes ou profondément ancrées dans notre histoire. C’est une génie de la narration graphique et son impact est grand sur les lecteurs.

Lors de son séjour récent à Angoulême, elle a parlé de son relation complexe à sa mère et de la façon dont elle a évacué celle-ci dans notre de ses oeuvres. La Princesse Iguane en est le meilleur exemple et c’est avec ce titre fort que s’ouvre le recueil. Comment ne pas être frappé par le récit puissant de ce rejet de la maternité, de cette dépression post-partum si souvent évacuée et cachée ? L’autrice met les pieds dans le plat et évoque avec justesse les relations parents-enfants qui parfois ne se font pas. Bouleversant.

Mais les autres histoires ne sont pas en reste. Celle de Mon côté ange, avec les soeurs siamoises est également frappant. Il peut décrire la relation vampirisante qu’ont certains membre d’une même fratrie et les ravages d’une relation toxique détestée mais adorée également. Je retrouve notamment ici le poids vécu au sein d’une famille par les aidants d’une personne handicapée, qui sont totalement happés par elle, lui donnent tout, en souffrent, mais ne peuvent s’empêcher de l’aimer. Cela a trouvé un grand écho en moi.

Le Pensionnat de novembre est également un texte fondateur. Comme dans le précédent volume où nous avions une préquelle du Clan des Poe, voici celle du Coeur de Thomas, que je dois impérativement relire. On retrouve ici un superbe texte avec un internat pour garçons en décor, avec tout ce que cela implique de drame, de brimade, de secret, le tout dans une ambiance étrange et dépressive comme on connaît et aime. A nouveau une très belle incursion dans le monde des futurs premiers Boys Love.

L’autrice est tout aussi puissante dans les récits dans un décor historique comme le démontre avec force émotion Le coquetier, qui se déroule dans le Paris occupé de la 2nde Guerre. L’autrice ose, et il le fallait, parler antisémitisme, collaboration, prostitution et même prostitution infantile, le tout dans un cadre très sombre fait de meurtres et autres violences inqualifiables. Cela fait vraiment trembler et en même temps, tout comme dans Pauvre maman qui le précède, il y a une grande beauté dans l’émotion de la relation mère-enfant / soeur-enfant de circonstance qui naît ici. La tragédie est le creuset de tellement d’humanité chez Moto Hagio. Je comprends tellement les liens qui sont faits entre elle et l’oeuvre de Cocteau.

Anthologie peut-être encore plus complète pour découvrir l’autrice, chaque texte a su faire vibrer ma corde sensible et pas seulement pour la merveilleuse expérience visuelle que c’est, mais surtout pour ce que cela a trituré en mois. Ce volume porte définitivement très bien son titre « De l’humain« , c’est la quintessence de ce que l’autrice peut faire dans ce domaine et on croise fort les doigts de pouvoir un jour découvrir ses autres textes et oeuvres dessus, notamment le très sombre Zankoku na kami ga shihai suru

11 commentaires sur “Moto Hagio Anthologie : De la rêverie et de l’humain de Moto Hagio

  1. ça a l’air d’un joli coffret, un bon moyen de découvrir cette autrice 🙂
    Etant plutôt ignorante en matière de mangas, je serais curieuse de lire ceux-là, vu ton enthousiasme 😉

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    1. Attention c’est l’ancienne édition le coffret, la nouvelle ce sont des tomes séparés 😉
      Oui c’est vraiment un bon moyen de la découvrir après je ne sais pas si je recommanderais à quelqu’un qui connait peu les mangas car c’est une narration graphique parfois très particulière et datée qui ne plaît pas à tout le monde malgré sa richesse. N’hésite pas à y jeter un œil avant ☺️

      Aimé par 1 personne

  2. C’est une auteure que je n’ai jamais lu et je viens justement de récupérer « le clan des Poe » à la médiathèque, j’espère prendre autant de plaisir à la lire que toi ! J’ai vu ces anthologies en librairie et j’ai aimé les feuilleter et y trouver ce dessin rétro qui me rappelle d’autres titres des années 70.

    Aimé par 1 personne

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