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Le pavillon des hommes de Fumi Yoshinaga

Un des meilleurs josei sur le marché. Une histoire du Japon judicieusement revisitée. Une bouffée d’émotions !

OOku day

Titre : Le pavillon des hommes (Ôoku)

Auteur : Fumi Yoshinaga

Éditeur vf : Kana (shojo)

Années de parution vf : 2009-2022

Nombre de tomes vf : 19 (série terminée)

Résumé du tome 1 : Quand les femmes prennent le pouvoir ! Japon, XVIIe siècle. Une mystérieuse épidémie ayant décimé la population masculine, les rôles ont été inversés : les femmes ont pris en charge le pouvoir et le shogun est désormais une femme, avec, à sa disposition, un pavillon des hommes abritant les huit cents plus beaux hommes du pays ! Secrets d’alcôve, tensions et rebondissements nous font revisiter l’époque Edo sous un angle très original !

Mes avis :

Tome 6
Toujours autant d’émotions. On assiste aux derniers jours de deux shoguns, chacune ayant son fardeau, l’une étant de plus en plus seul et l’autre laissant sa fille en bas âge. Les intrigues politiques se complexifient et on rejoint peu à peu l’époque où se déroule l’intrigue du 1e tome.

Tome 7
J’aime beaucoup cette série, mais je dois dire qu’entre les sorties très très espacées et les multiples noms évoqués, j’ai parfois eu du mal à suivre les intrigues. Cela n’enlève rien à son charme et j’ai particulièrement aimé l’histoire d’Ejima, mais j’ai eu du mal à recoller à la fin.

Tome 8
J’ai retrouvé dans ce tome la qualité des précédents avec des personnages vraiment très attachant. J’ai aimé comment l’auteur a su montrer que malgré son handicap, Ietsugu pouvait se montrer intelligente. La fin du règne de Yoshimune était aussi superbe à voir, et le souhait qu’elle laisse à accomplir à Okitsugu relance l’intérêt de la série. Il me tarde de voir ce que ça va donner dans le tome 9.

Tome 9
J’ai eu plus de mal avec ce tome, sûrement que la surabondance de moments tournant autour de la « médecine hollandaise » a trop cassé le rythme pour moi. C’était trop lent, trop long, je me suis presque ennuyée par moment. Certes c’est intéressant de chercher l’origine de la maladie et comment la soigner mais avait-on besoin d’en faire autant ? Bref, j’espère que le prochain tome sera plus palpitant

Tome 10

Un tome au contenu inverse à sa couverture. Celle-ci par sa blancheur pouvait faire croire que l’espoir aurait toute sa place dans ce tome. Mais même s’il a sa place, c’est surtout le désespoir qui est au coeur ici. Presque tous les personnages qui y sont représentés meurent et on voit la politique et l’ambition prendre le pas sur l’amour de sa famille et ses prochains, un message bien sombre. Les hommes continuent à tout faire pour s’en sortir, on pense même qu’ils ont réussi mais le sort ou plutôt les complots politiques jouent contre eux (j’ai d’ailleurs beaucoup de mal à me rappeler qui était qui encore…). J’espère que la suite sera plus gaie ou du moins que des valeurs positives reprendront le dessus et que le jeune Toyochiyo portera cet espoir. En tout cas, je garde quand même un avis très très positif sur la série qui arrive à nous faire passer par tout un tas d’émotion (rage, espoir, désespoir…), qui a toujours des dessins sublimes et dont l’histoire est très bien construire et riche en rebondissements. Il faut plus de série comme ça !

Tome 11

J’ai un peu moins aimé ce tome que les précédents. Le fait d’avoir un homme comme Shogun et plus une femme change énormément les choses. Les intrigues sont vraiment différentes. De plus, j’ai été un peu perdu parfois avec les références aux tomes précédents et à certains personnages disparus… Par contre, j’ai aimé la partition en 2 de ce tome. Deux parties qui en plus finissent par se rejoindre. Celle sur les anciens disciples de Gennai m’a amusée et m’a donné de l’espoir. Amusée, parce que Koruki et Ihé se lancent sans arrêt des piques, mais aussi attendrie par leur réaction face à l’arrivée du fils de Koruki. La 2e partie est consacrée au nouveau Shogun et même s’il se révèle vite fade et faible, manipulée par une mère psychopathe, sur la fin du tome, il décide de ne pas se laisser faire, ce qui est plein de promesses. Sa mère est le personnage central de ce tome. C’est elle qui a fait en sorte de se débarrasser de la génération précédente et ses moyens sont vraiment expéditifs. En plus, elle n’hésite pas à continuer à se débarrasser de toute personne qui la gêne. Il y a aussi plus que ça. On sent chez elle, un vrai plaisir à tuer et faire tuer. Elle s’attaque même sans problème à des membres de sa famille et le justifie en disant qu’elle « s’ennuie ». Elle fait vraiment froid dans le dos. J’attends vraiment beaucoup des prochains tomes et de la confrontation entre la mère et le fils.

Tome 12

On reste ici dans la dynamique introduit par les derniers tomes avec la recherche à tout prix d’un vaccin contre la variole du Tengu. Je suis un peu déçue d’avoir perdu tout le côté drame et romance qu’on avait dans les premiers temps et qui était si beau, mais je comprends qu’on s’intéresse à ce pan de l’histoire qui est quand même le fondement de la série. En plus, par rapport au tome précédent, je ne me suis pas ennuyée bien au contraire. J’ai suivi l’évolution des recherches et des tests avec beaucoup de plaisir. J’ai aimé voir le Shogun se réveiller et se rebeller du moins partiellement contre sa mère pour participer aux recherches. J’ai aimé retrouver les anciens collaborateurs d’Aonuma et Genma. Cependant, c’était parfois très très bavard et un peu redondant. Heureusement, on alternait les points de vue entre les médecins, les scientifiques à l’extérieur et la caste dirigeante à l’intérieur. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la façon dont Ienari avec l’aide de Shige prend peu à peu le pouvoir même s’il reste quelqu’un de faible vu qu’il n’a pas pu aller jusqu’au bout pour se débarrasser de sa mère. J’ai été très triste de la fin de sa relation avec Shige, je pensais vraiment que la mort de leur enfant continuerait à les rapprocher envers et malgré tout. Après peut-être aussi que l’accélération du temps de l’histoire n’a pas aidé à nous faire percevoir l’évolution de leurs sentiments. Pour moi, Ienari restera un souverain faible, qui même après avoir pris le pouvoir se comportera comme un faible en jouant les tyrans pour imposer ses idées. Par contre, j’ai aimé la façon dont nous est présenté l’écriture de l’histoire du Japon qui est une façade pour se prémunir du monde extérieur. J’ai aussi aimé le basculement qui se joue dans la société avec la mise en place systématique de l’inoculation du vaccin, mais les dernières pages annoncent un nouveau changement qui me semble de très bonne augure et qui j’espère redonnera une histoire un peu dans la veine des débuts, entre politique et romance dramatique.

Tome 13

Comme je l’avais pressenti, on revient effectivement aux bases du début de l’histoire dans ce tome. En effet, on se retrouve à nouveau avec l’obligation de choisir un shogun féminin mais pour des raisons très différentes cette fois et les conséquences en seront donc toutes autres.

Nous continuons à suivre les changements de la société qui est redevenue dans l’ensemble patriarcale comme elle l’était avant le peste du Tengu. Les femmes n’ont plus tout à fait la même place mais certaines font tout pour qu’on trouve un équilibre entre les deux sexes et c’est un joli plaidoyer à l’égalité homme-femme. En ce sens, je suis fan de Masahiro, cette femme qui va être obligée de prendre la tête de son clan et va ensuite faire preuve de beaucoup d’intelligence pour aider celle qu’elle considère comme son seigneur. La relation entre elle et la future shogun Iesada/Sachiko est très belle. C’est une amitié purement féminine loin des clichés habituels où chacune sait garder sa place et tirer le meilleur parti de l’autre. J’ai aimé la façon dont elles se protègent et grandissent ensemble pour asseoir leur position et continuer à faire croitre leur pays. De même, j’ai trouvé l’introduction du futur chef du Pavillon très réussi, lui aussi fait tout pour protéger Iesada à qui il s’est attaché. On voit avec lui le retour du Pavillon des débuts et j’adore ça, l’auteure boucle la boucle, elle revient aux débuts de son oeuvre. On retrouve d’ailleurs toute la noirceur des premiers temps avec l’horreur indicible que vit Iesada depuis toujours à cause de son père dégénéré et là j’ai retrouvé toute la sensibilité dont Fumi Yoshinaga sait faire preuve pour raconter ce genre d’horreur et de traumatisme.

C’est donc un tome extrêmement touchant et fort aussi bien au niveau relationnel entre les personnages qu’au niveau plus vaste de l’histoire du Japon car nous sommes en pleine ouverture de celui-ci sur l’étranger. Ce n’est pas seulement un changement de moeurs et un changement sociétal qui s’opère mais un changement de civilisation et la mangaka opère très bien les choses en nous le narrant avec beaucoup de pédagogie malgré la complexité de l’affaire.

Tome 14

Mon Dieu que cette série est bien écrite. J’ai encore pris beaucoup de plaisir lors de cette lecture même si celle-ci fut vraiment exigeante. D’abord, comme à chaque fois à cause de sa parution lente, j’ai eu un peu de mal à resituer tout le monde et tous les enjeux au début du tome, mais c’est revenu petit à petit. Ensuite, l’intrigue se fait de plus en plus politique ici et ça devient donc compliquée à suivre par moment, il faut vraiment rester attentif.

Nous suivons la suite du règne de Iesada, la 13e Shogun, celle qui a eu une enfance horrible à cause de ses parents mais qui a enfin pu s’en affranchir en grandissant grâce à la force de Masahiro et à la prévenance sans faille de Takiyama. Cependant, elle a une réputation épouvantable et surtout n’ayant pas d’enfant, les nobles complotent dans son dos pour placer leur candidat préféré. C’est dans ces conditions qu’arrive l’affable mais talentueux Taneatsu, issu de la puissante famille des Satsuma, qu’on marie avec Iesada pour qu’il la pousse à choisir le candidat dont veut sa famille. Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu et l’on va plutôt assister à la rencontre de deux coeurs fragiles, sensibles, solitaires qui vont s’apprivoiser et se pousser à donner le meilleur. La réunion d’Iesada et Taneatsu est juste une magnifique histoire d’amour après tout ce qu’a subi cette première. C’est très beau et tendre de voir leur rapprochement. Ils apprennent petit à petit à se faire confiance, à compter l’un sur l’autre, à s’ouvrir à l’autre. C’est peut-être l’une des romances les plus touchantes de la série.

Cependant, il ne faut pas oublier le contexte historique qui est l’autre gros morceau de ce tome. Le Japon subit la pression des puissances étrangères voulant échanger avec eux et s’implanter au Japon. Le shogunat résiste avec difficulté. Des familles puissantes s’opposent et se déchirent autour de cette question, et autour de l’idée du retour d’un Shogun masculin présupposé plus apte à diriger et à négocier avec l’étranger où le patriarcat règne en maître. C’est très fort et puissant de voir Iesada et sa conseillère Masahiro résister et faire preuve d’un vrai talent politique mais on sent que la lutte ne va pas être simple. Je me suis parfois un peu perdu au milieu des noms et des événements invoqués mais j’ai vraiment trouvé cette leçon de politique très riche et je pense que les férus d’Histoire japonaise ont dû se régaler de cette revisite.

Tome 15

Le tournant politique de l’oeuvre s’imprime de plus en plus avec ce tome. On démarre par une vraie tragédie avec la montée en puissances des différents clans qui menacent le pouvoir du Shogun. Celle-ci devenant trop dangereuse pour eux avec son envie de régner et de partager ses idées pour aider son peuple à se libérer de leur joug, il faut trouver un moyen de l’écarter. L’autrice met petit à petit en place les pions d’un vrai drame. On voit lentement le piège se refermer sur le bonheur tout neuf d’Iesada et Taneatsu. C’est d’une tristesse ! Que le monde est cruel, comme elle le rappelle si bien, aucune de ces prédécesseures n’aura non plus connu un bonheur complet. C’est d’autant plus dommage qu’on avait enfin ici un couple équilibré, qui savait se parler, se comprendre, se pousser à devenir meilleur. Sa fin est donc d’autant plus abrupte et cruelle.

La deuxième partie du tome, nous permet de faire lentement notre deuil avec Taneatsu. Il se cherche une nouvelle place, un nouveau destin, tout en restant fidèle aux souhaits de sa femme chérie. Il trouve naturellement la réponse dans le conseil de la nouvelle Shogun. Et ainsi, j’ai découvert par ce biais tout le système politique d’alors que j’ignorais avec ce double système avec le bakufu du shogunat et le pouvoir impérial de l’empereur. C’est complexe à souhait et c’est surtout tendu à souhait à l’époque avec des manoeuvres en sous-main pour obtenir le plus de pouvoir et d’influence. Les complots politiques sont donc foison et le personnel politique se renouvelle sans cesse. On découvre alliances et mésalliances au fil des chapitres, ce qui est pouvoir dur à suivre, je l’avoue, mais c’est vraiment prenant et le coup de chapeau de la fin me donne envie de me jeter sur le tome suivant.

Ménageant son suspens Fumi Yoshinaga continue à tenir son lecteur en haleine au bout de 15 tomes déjà. Elle allie à merveille politique, romance et désirs plus personnels. C’est beau, c’est dramatique, c’est passionnant mais c’est rude. On sort souvent heureux mais fatigué de ces lectures, mais ça reste un vrai plaisir !

Tome 16

Quelle complexité ! Fumi Yoshinaga n’a pas seulement du talent pour nous conter des destins dramatiques et romantiques, elle en a également beaucoup pour retracer, même à mes yeux de néophyte occidentale, les affres de la fin de l’époque d’Edo et de la transition vers l’ouverture du Japon au reste du monde. C’est complexe, pas toujours facile à suivre mais passionnant et très révélateur.

Pour adoucir quand même ce sujet un peu aride, elle mixe cela avec le récit de l’arrivée de l’époux du shogun. Un époux pas comme les autres, qui va être à l’origine de bien des crispations, mais pour nous lecteurs, de bien des moments savoureux également. Je dois avouer que les situations et réactions qu’il provoque m’ont beaucoup amusée. J’ai également été touchée par la personnalité de ce personnage, comme souvent avec l’autrice. Elle le dote d’un terrible passé qui est en lien direct avec le présent et le récit de ceci le temps d’un chapitre m’a soufflée ! J’aime énormément la narration très simple mais toute en puissance émotionnelle de la mangaka. Et ici le duo formé par le shogun et son époux fonctionne à merveille.

Maintenant, je dois avouer que même si le sujet m’intéresse énormément, d’un point de vue de lectrice pur, ce n’est pas l’arc de la série où je prends le plus de plaisir parce que les émotions m’emportent quand même moins qu’auparavant. Il n’y a pas de romances dramatiques comme celle qui avaient fait le succès de l’oeuvre auprès de moi auparavant. Ici, on est dans quelque chose de plus réfléchi, de moins facile et donc de plus complexe, qui fait que les émotions entrent moins en ligne de compte. Je le regrette parfois mais ça n’enlève rien à cette grande oeuvre qu’est Le pavillon des hommes.

Tome 17

Je suis une inconditionnelle de la première heure du Pavillon des hommes mais je reconnais quand même que ce n’est pas toujours un titre des plus abordables et ici à quelques tomes de la fin (prévue en 20 tomes), l’autrice nous livre un tome riche mais surtout bien complexe.

Très axé sur la politique, ce ne fut pas une lecture reposante. J’ai souvent trouvé compliqué de m’y retrouver avec tous les noms historiques, les différents camps et stratégies évoquées. Nous plongeons en plein coeur de l’opposition de principe entre l’empereur et shogun, et surtout de leurs partisans respectifs qui sont à la fois des noms connus et méconnus, ce qui rend l’histoire assez étrange à suivre. En plus, les deux personnages centraux de cette affaire, eux, voulent surtout se rapprocher pour le bien de leur pays. Au centre de tout ce remue-ménage, la question de l’ouverture du pays aux étrangers et la lente fin du Bakufu.

La shogun est un très beau personnage tout comme son « mari », le prince. J’adore ce duo. Nous ne sommes pas sur de la romance comme précédemment, mais plutôt sur une très belle relation amicale qui permet à chacun de s’épanouir. La shogun a un beau caractère dévoué, complexe car elle a un grand sens du devoir. Le Prince, lui, est plus sarcastique à cause de ce qu’il a vécu, mais le shogun compte beaucoup pour lui et on commence à l’apprivoiser lors de petits moments adorables avec Tenshôin et son chat. Je pensais trouver ça gentillet mais peut-être un peu fade, ce n’est pas le cas, la douce alchimie des deux m’a conquise peu à peu et la décision finale du Prince appuie cela en montrant leur belle évolution.

Cependant, il n’y a pas que le shogun et le prince, autour d’eux gravitent de nombreux personnages plus ou moins fidèles, qui vont dynamiser le récit, à l’image de cet amiral frappé par la caractère de la shogun qui hésite à la trahir, ou de son tuteur qui finalement n’est pas si fin politique que ça. On sent vraiment que tout ça bouillonne.

C’est donc une période de changement que l’on vit enfermé depuis le Pavillon à travers une micro-lorgnette. C’est perturbant et fascinant à la fois, mais compliqué à comprendre quand on connait mal ou peu la période. Il y a moins d’émotion pure que dans les débuts, pas de romance, mais de l’amitié, de la tendresse et beaucoup de politique, ce qui apporte un vent nouveau à l’image de la couverture qui avec ses effets de « broderies » m’a joliment surprise.

Tome 18

Avant-dernier tome déjà de cette super fresque historique revisitée qui aura me passionner pour un pan de l’Histoire japonaise que je méconnaissais totalement avant, grâce à des personnages plus d’humanité.

Toujours par le prisme de ce qui se passe au Pavillon, nous allons assister dans ce tome à la lente chute du shogunat. C’est à la fois passionnant et déchirant. Le choix de l’autrice de l’aborder par le biais de ce lieu si emblématique n’est pas sans conséquence. Elle se focalise ainsi sur les conséquences de ces décisions lointaines sur les hommes et femmes que l’on suit depuis toujours, nous évitant les nombreuses manoeuvres politiques de l’Empereur et des daimyos, ce qui nous auraient noyé sous les noms pour pas grand-chose. Ici, on n’en garde que la substantifique moelle et c’est bien suffisant pour se rendre compte de l’ampleur de ce qui se joue et surtout de la machinerie politique terrible que c’est. Non, ce n’est pas beau à voir. Non, rien n’est honnête, ni fait pour le pays. Mais ce sera fait.

La tragédie frappe donc une nouvelle fois à la porte du Pavillon. On est d’abord éperdue par la première perte qui les frappe de plein fouet dans les premiers chapitres et nous laisse sans voix comme le pauvre Prince. Fumi Yoshinaga met une fois de plus cela en scène de façon très sobre mais profondément émotionnelle. On ressent très bien la détresse que cause cette perte sur le Prince à l’existence tellement solitaire jusqu’à présent et on ne peut qu’être ému par ce qui se joue. J’ai énormément aimé la valse des sentiments que l’autrice nous fait sentir chez les hommes du Pavillon qui souhaitent soutenir le Prince, l’Intendant et Kuroki en tête.

Puis la seconde partie m’a semblé être un joli pendant de ces moments qui montraient la fin de la Cité interdite dans le Dernier Empereur de Chine (le film) où le temps semblait se suspendre dans ce lieu coupé du monde. J’ai ressenti la même chose face aux événements extérieurs qui frappent le Pavillon et son Intendant. Suivre la façon dont celui-ci navigue à vue dans ces moments troubles est fascinant. C’est un grand homme que Takiyama, il est plein de compassion et il a la tête sur les épaules. Toujours avec beaucoup de sobriété mais d’émotion, l’autrice nous compte son passé pour mieux mettre en lumière son présent et relater tout ce qu’il a fait pour amortir la chute du shogunat et ses conséquences sur tous ceux qui vivaient au Pavillon des plus en vue aux humbles serviteurs. C’est superbe ! Et sa matérialisation dans sa relation avec son jeune domestique, tel qu’on les voit en couverture, est d’une émotion toute en retenue qui m’a plus d’une fois saisie à la gorge.

Avec beaucoup de distinction et d’élégance, Fumi Yoshinaga nous achemine tranquillement vers la fin d’un règne vieux de plus de 700 ans, vers la fin d’un mode de vie qui est le seul connu par nos personnages. C’est fort et déchirant, mais fait tout en retenue et avec beaucoup de classe. Plutôt que de se focaliser sur les chacals qui pensent pouvoir en retirer quelque chose dans les hautes sphères, elle préfère se concentrer sur l’humanité des membres du Pavillon qui, eux, cherchent plutôt à sauver autant que faire se peut les hommes et femmes qui les entourent. Le choix de l’altruisme plutôt que de l’égoïsme. Un grand titre !

Tome 19 – Fin

Ce n’est pas sans émotion que j’ai acheté puis ouvert cet ultime volume des aventures au féminin des derniers shoguns ayant dirigé le Japon. L’oeuvre féministe proposée pendant plus de 10 ans en France par Fumi Yoshinaga aura été un superbe exercice de style à la fois historique et humaniste qui aura laissé des traces sur ses lecteurs !

C’est ainsi aux côtés des figures marquantes de l’histoire que nous lui disons au revoir avec une couverture où l’on passe lentement avec elles des ténèbres à la lumière, du désespoir à l’espoir. Une oeuvre parfaitement résumée en une image.

Alors certes, il n’est pas simple de s’y replonger pour vivre les derniers instants de cette sorte de monarchie guerrière sur le point de disparaître. L’autrice a énormément de choses à raconter et pour le lecteur non connaisseur de cet instant précis de l’histoire du Japon, cela fait beaucoup de noms, de lieux, de concepts et de moments à ingurgiter. Malgré tout, avec un peu de concentration, on en vient à bout et on se retrouve face au récit fascinant de la fin d’un règne au profit d’un nouveau.

Dans ce tome complexe, j’ai d’abord été passionnée par le récit purement historique des événements qui se jouaient sous mes yeux avec un Empereur cherchant à se débarrasser de la dernière figure guerrière majeure en la personne du Shogun Tokugawa qui a succédé à Iemochi, la onzième femme shogun. Ce jeu d’alliance, mésalliance et surtout de pression fait intervenir aussi bien les puissances étrangères dont ils craignent de manière assez incroyable l’ingérence, que des hommes de pouvoirs importants comme Tenshoin, le père d’Iemochi, le prince Kazunomiya, son mari, ou Katsu, l’ancien amiral. C’est fascinant et complexe à suivre, mais cela en dit long sur la folie de certains dirigeants japonais déjà prêt à tout à l’époque pour gagner, puisqu’ils menacent de réduire en cendre la plus grande ville du pays juste pour leurs ambitions, mais aussi sur leur peur de l’étranger, qui est assez folle également.

Face à cela, nous avons une histoire humaine poignante, qui m’a rappelé dans une moindre mesure le film Le Dernier Empereur de Chine où l’on assiste aussi à la fin d’une ère. Ici, suivre les derniers instants de ces hommes fidèles aux femmes shogun, enfermés dans leur pavillon où ils avaient noué de si belles et émouvantes relations, et fait croître leur passion pour l’art, était bouleversant. On est dans une sorte de bulle, d’espace suspendu où chacun exprime à la fois le bonheur de tout ce qu’il a trouvé en ce si beau lieu, mais aussi la tristesse de le quitter, sans oublier les durs moment que certains y ont vécu. C’est une superbe rétrospective faite avec beaucoup d’élégance et de douceur, où rien n’est oublié. La classe et le charisme fou que dégagent ses derniers représentants y sont pour beaucoup dans l’émotion que j’ai ressenti aux côtés de Tenshoin et Takiyama.

Le récit parallèle de ces deux réalités m’a habitée pendant tout le tome et j’ai eu le sentiment que l’autrice avait su trouver la juste distance pour conter chacun d’eux avec humanité et sincérité, aussi bien dans la dureté et l’absurdité du conflit, que dans la puissance de sa résolution et l’espoir de son « après » où chacun vogue vers de nouveaux horizons dans un Japon enfin ouvert au monde et au progrès comme avaient tenté de l’insuffler certains shogun déjà.

Le féminisme des propos de l’autrice ont parcouru ce tome avec beaucoup de justesse, du personnage du prince dont la fluidité du genre fut un beau modèle, jusqu’à Tenshoin qui pousse un vrai cri d’amour et d’admiration pour ces femmes de pouvoir passée dont il a su reconnaître le talent à égale mesure des hommes. Il y a un discours fort intéressant sur l’écriture de l’Histoire par les hommes, par les puissants, par les vainqueurs, effaçant de celle-ci les femmes qui ont pourtant joué un rôle. Je sais qu’ici que nous sommes dans une uchronie et que bien sûr les shoguns étaient en réalité des hommes dans la vraie histoire du Japon, mais ça n’empêche pas le propos de l’autrice d’être juste quand on voit le nombre de femmes dont on a effacé les réalisations pour les attribuer à des hommes aussi bien dans le domaine politique, scientifique que littéraire, et il est bon que désormais on rétablissent la réalité, alors ce genre d’oeuvre, même de fiction, promouvant cette dynamique est bon.

Peut-être que ce sera la dernière oeuvre de Fumi Yosihnaga qu’on aura la chance de lire en France vu ses faibles ventes, mais je suis heureuse que des gens chez Kana ait eu l’intelligence de le proposer et le courage de le finir, car c’est une oeuvre importante. Elle fut d’abord un très beau drame humain avec des romances qui m’ont déchiré le coeur. Puis, elle fut peu à peu une oeuvre politique et historique passionnante avec des personnages humains puissants aux devenirs pas seulement romantiques mais bien plus large où histoire, politique, science, humanisme et ouverture furent essentiel. Une grande oeuvre à découvrir pour avoir un aperçu d’un tournant majeur au Japon mais aussi soutenir la réhabilitation des femmes dans l’Histoire, soutenir l’égalité des sexes, soutenir l’universalisme.

>> A lire aussi : le dossier d’Herbv sur la fin de cette saga historique !

6 commentaires sur “Le pavillon des hommes de Fumi Yoshinaga

  1. Ohlalala !! Je découvre enfin quelqu’un qui commente tous les tomes et suit ce manga !! Je suis refaite !
    Je n’ai pas grand chose de plus à dire à part que j’attends désespérément le prochain tome (d’autant plus que la fin du Bakumatsu est ma période préférée donc j’ai énormément de spéculations quant aux divergences possibles avec la réalité historiques et comment certaines péripéties vont survenir) et que tu résumes bien ce qu’il peut y avoir de passionnant dans cette histoire. C’est une vraie fresque historique, romanesque et romantique avec du drame, de la politique, des complots, des amours tragiques mêmes si certains sont heureux aussi (bien que trop rares), des thèmes forts…les dessins et le découpage des planches donnent en plus une vraie force au récit et plus d’une fois j’ai été soufflée par un chapitre et son émotion.
    Personnellement j’ai justement adoré tout l’arc de la variole du tengu durant les tomes 10 à 12. Sans doute parce que le tome 10 m’avait détruite émotionnellement et que je ne voulais qu’une chose qu’ils réussissent ^^ tout en me demandant quelles conséquences cela aurait pour le Bakumatsu (et oui on y revient toujours ahahaha). Et la mère de Ienari je la haïssaiiiis si fort que sa fin aaaaah pure satisfaction XD
    Iesada et Tenshoin sont mon ship historique donc autant dire que les voir dans Le Pavillon des Hommes aussi bien écrits et différents de la réalité…j’étais aux anges. La relation entre Kazunomiya/Iemochi est aussi très belle et touchante…Et je me consume d’attente depuis un an pour lire le tome 17 ahahah. Le tome 18 va sortir en juin de cette année au Japon en plus ! J’espère qu’on aura la fin de cette série et à la rigueur une sortie rapprochée de ces tomes en France comme pour les tomes 14, 15 et 16.

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    1. Wow ravie de voir quelqu’un qui partage ma passion pour ce titre !
      Je ne m’y connais presque pas en Histoire jap par contre donc je n’avais pas les mêmes attentes que toi et je ne peux pas avoir la même analyse de fond.
      Cependant comme toi, j’attends avec impatience de voir comment cela va tourner et comment ils vont amorcer la fin de ce régime. En plus, le prochain tome jap a une couverture blanche ce qui est fort rare dans la série et correspond, je crois, avec des moments clés. Hâte, hâte et merci à Kana d’avoir pris le risque !

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      1. Oui ça fait plaisir de savoir qu’on peut discuter avec quelqu’un dessus !
        Mais ça offre une lecture différente, c’est chouette au contraire et ça montre la richesse de l’oeuvre. Ce n’est pas seulement une uchronie pour permettre de créer un harem masculin, l’auteur réfléchit vraiment aux changements historiques et aux conséquences. C’est plaisant.
        J’ai hâte de pouvoir en discuter avec toi en tout cas ^^ ! Déjà je peux dire que ça va être quelque chose de ce que je sais historiquement mais je sens que l’auteur va bien nous surprendre. Ouiii à ce jour on en a eu que deux. J’ai une petite idée du probable événement clef mais je ne suis pas sûre. Beaucoup de questions pour la suite en tout cas !
        Et oui merci Kana et j’espère que nous aurons le plaisir de voir la fin de ce beau titre traduit jusqu’au bout.

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      2. Oui, on sent que rien n’est gratuit chez elle. Il y a un vrai fond, des revendications ou du moins des idéaux qu’elle semble défendre ici et où l’histoire lui sert de prétexte pour les mettre en avant, c’est une des choses qui m’a plu.

        Tu me rends encore plus curieuse de ce mystérieux événement qui se profile.

        Par contre, il me semble avoir vu passer qu’on allait devoir attendre l’an prochain pour la suite T.T

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  2. Je suis entièrement d’accord ! Et la réflexion sur les genres, que cela soit les femmes ou les hommes ainsi que leurs relations, est vraiment prenante à suivre et nuancée je trouve.
    Argh ! En même temps cela ne m’étonne qu’à moitié comme je ne vois pas de date de traduction (la version anglaise va pourtant traduire le tome 17. Snif). Où as-tu eu cette information 😮 ? De mon côté j’ai vu passer du côté japonais que le tome 19 conclurait la série, ce qui ne me surprend pas comme je ne voyais pas la série allait au-delà du tome 20. Je croise les doigts pour qu’on ait une traduction de plusieurs tomes en 2021 si c’est le cas !

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    1. J’ai appris sur Twitter grâce à une personne que je suis et qui posait la question.
      Je suis contente aussi de voir que la série va bientôt avoir une conclusion, on sentait bien qu’on s’approchait de la fin comme tu le dis.
      Si avec un peu de chance, on pouvait avoir tout ça en 2021, ce serait génial !

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