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Parasite d’Hitoshi Iwaaki

Titre : Parasite

Auteur : Hitoshi Iwaaki

Éditeur vf : Glénat (seinen)

Années de parution vf : 2002-2004 (1e édition) / 2020-2021 (nouvelle édition)

Nombre de tomes vf : 10 (1e édition) / 8 (2nde édition) *série terminée*

Histoire : Cette nuit des choses étranges pleuvent. Venues du fin fond de l’espace, de la taille d’une balle de tennis, en nombre inconnu, elles arrivent, et s’ouvrent. Une espèce de ver en sort, qui rampe à la recherche d’un hôte… Rentrant par l’oreille de cet homme endormi, il prend le contrôle de son cerveau.
Autre lieu, autre ver, autre hôte : un jeune homme non dénué de réflexes. Le parasite se propulse, tel une flèche vivante, Shin’Ichi l’arrête avec sa main…
Enfin… Le parasite perfore son bras et y rentre, seulement arrêté dans sa course vers le cerveau par un garrot hâtivement posé.
Puis, plus rien. Tout est à nouveau normal.
Sauf que de par le monde sont commises d’atroces boucheries par des humains qui n’en sont plus, qui ont une force incroyable et une malléabilité extrême dans leur partie parasitée. Quant à la main de Shin’Ichi, et bien…

Mon avis :

Tome 1

Saga revenant régulièrement dans les tops de bien des amateurs de manga, Parasite est pourtant un titre à côté duquel j’étais complètement passée à côté à l’époque. Pourquoi ? Je ne comprends pas très bien maintenant, parce qu’en dehors de son dessin daté (et j’en ai lu des pires), l’histoire de SF qu’elle développe a tout pour me plaire.

Hitoshi Iwaaki imagine ici une Terre présente où les hommes continuent à faire du mal à la nature et où des organismes intelligents venant d’une autre planète arrivent et parasitent le corps le plus proche. L’un d’eux se retrouve dans la tête d’un père de famille, mais le héros, lui, rate son coup et se retrouve dans la main d’un lycéen avec qui il va devoir cohabiter. Sauf qu’on ne va pas les laisser tranquillement faire connaissance, ni apprendre l’un de l’autre, d’autres organismes vont vite venir leur chercher des noises.

La lecture de ce premier tome de Parasite fut un vrai bon moment de lecture, dans le sens où il m’a poussée à la réflexion grâce à son univers présent et aux thèmes abordés. L’auteur, sous couvert de récit de SF, comme c’est souvent le cas dans le genre, dénonce le comportement des hommes, leur façon de se nourrir, de se traiter entre eux, de traiter la nature, etc, grâce au contre-pied qu’offrent ces créatures d’un autre monde.

Pour cela, l’auteur utilise un enrobage très proche du shonen, je trouve, avec juste une pointe de noirceur supplémentaire pour un public plus âgé. On se retrouve ainsi avec des chapitres qui se suivent de manière assez indépendante au début, où les héros font une nouvelle découverte à chaque fois, souvent un autre confrère parasite qu’ils doivent combattre. Mais petit à petit les histoires se font plus longues et les chapitres se rassemblent entre eux, ce qui m’a plu. Je n’aurais pas aimé suivre tout du long des chapitres quasi indépendants.

Autour de cela, on retrouve un univers très sombre et violent, avec des parasites qui n’hésite pas à se nourrir d’humain et à se combattre grâce au corps qu’ils ont sous contrôle. Ils font cela de façon brutale et sanglante en utilisant tous les bouts de peau à disposition. Cela donne un rendu horrifique glaçant, très proche de la conception asiatique de la Dark SF, je trouve. C’est un univers très Lovecraftien dans l’imaginaire des créatures. Certains, moi la première, pourront trouver cela fort dérangeant et c’est là la force du mangaka car ces créatures terrifiantes créent un impact visuel fort.

Graphiquement, le titre est vraiment daté, il a été publié au début des années 90 au Japon et le look et le design des personnages s’en ressent. On aimera ou pas. Pour ma part, ça m’a plu et ça m’a aidée à me plonger dans l’ambiance des familles et lycées japonais de l’époque. C’était dépaysant. De plus, malgré ce dessin un peu trop carré et cet encrage très contrasté entre noirs et blancs, j’ai trouvé le trait vraiment dynamique notamment dans les scènes de combat. Ce même trait était également parfait lors des apparitions inquiétantes des créatures, participant parfaitement à l’horreur du récit.

En conclusion, je comprends pourquoi tant de gens vantent les mérites de cette saga et je n’en suis pourtant qu’au début. C’est un récit de SF à la fois classique et inventif, qui graphiquement marque et dont les thèmes sont encore et toujours d’actualité. Cependant, ayant appris qu’une nouvelle édition devait voir le jour au début de l’année prochaine, je m’arrêterai là pour l’instant afin de poursuivre avec celle-ci.

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Édit (Après la sortie de la nouvelle édition en février 2020) :

Qu’apporte de plus cette nouvelle édition par rapport à l’ancienne ?

Nous avons tout d’abord une saga en 8 tomes au lieu de 10, grâce à des livres plus épais (ici 2 chapitres supplémentaires). Ensuite, il y a de nouvelles jaquettes avec des illustrations plus sobres et plus modernes qui donnent un vrai effet de collection. Les pages couleurs ont été ajoutée au bien au début qu’en cours de lecture. De la même façon, on trouve des pages où l’auteur répond à ses lecteurs. Enfin, Glénat dit avoir revu la traduction, pour ma part n’ayant rien trouvé de dérangeant dans la première, je n’ai pas remarqué de changements majeurs. C’est donc du tout bon. Le seul petit point faible vient du prix, un poil cher quand même pour le format, je trouve… (10,75€ contre 6,90€ avant)

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Tome 2

En découvrant Parasite j’avais déjà pris une bonne claque tant j’avais trouvé l’imaginaire de l’auteur fou et sa narration parfaitement maîtrisée, ce nouveau tome m’a remis une autre tape derrière la tête et l’auteur m’a une fois de plus scotchée !

Après un premier tome plus centré sur la rencontre entre Miggy, le parasite, et son hôte humain, ainsi que la découverte des fonctionnements basiques de ce dernier par la première et notamment de la notion de désir, et des affrontements avec d’autres parasites, nous partons ici dans une dimension encore plus philosophique. Ce tome est en effet consacré à la notion d’identité et autant vous dire que j’ai été scotchée par les idées et la mise en scène d’Hitoshi Iwaaki.

Le tome s’ouvre tranquillement au début sur de petites scènes humoristiques mettant en scène un héros nonchalant qui ne se rend pas bien compte des changements qui se sont opérés en lui depuis sa rencontre avec Miggy. L’auteur montre cependant l’air de rien aux lecteurs qu’ils ne sont pas dans une petite comédie humoristique mais bien dans un titre de SF et de fantastique où il est question d’interrogations plus profondes que la dernière fille que va emballer le héros. Ainsi, le mangaka fait brutalement basculer son titre après la rencontre d’un nouveau parasite qui a l’air tout à fait anodin et ne semble pas être une menace comme ceux rencontrés précédemment. On le présente comme assez banal mais c’est cette banalité qui va cacher toute l’horreur et la cruauté qui vont si vite nous éclater au visage et à partir de là, rien ne sera plus pareil.

L’éveil que va alors vivre le héros m’a fait figure de passage brutal de l’enfance à l’âge adulte, Shin’ichi devant se débarrasser d’un coup de sa candeur d’enfant et affronter le monde des adultes avec toutes les difficultés qu’on peut y trouver. Certes, ici, c’est symboliser par un événement complètement impossible sous cette forme dans la vraie vie mais c’est une belle métaphore des aléas de la vie que l’on peut rencontrer et qui peuvent nous pousser brusquement à évoluer. J’ai vraiment adoré ce passage avec sa mise en scène cinématographique où l’on passe d’un petit moment banal, tranquille, à une vie bouleversée où la tension est omniprésente. Pour cela, l’auteur prend son temps. Il choisit bien ses mots, son cadre. Il définit le poids des rôles de chacun et l’impact est d’autant plus fort. La perte que va vivre le héros est irrémédiable tout comme les changements qui vont s’opérer en lui à tous les niveaux et le parallèle entre les deux me marquera longtemps.

Cela aboutit à une toute nouvelle donne, une nouvelle donne pour le duo Shin’Ichi-Miggy qui sortira changé de tout cela, ensemble et individuellement. La nouvelle Miggy semble de plus en plus humaine, tandis que le nouveau Izumi semble transcender son humanité. Les courbes croisées de chacun frappent et je suis ravie que les hasards du calendrier aient fait que le tome 3 soit déjà disponible afin de pouvoir me jeter sur la suite pour voir comment cela va évoluer.

Graphiquement, c’est en plus toujours aussi excellent, malgré un côté old school qui ne plaira pas à tout le monde. Les références aux créatures de Lovecraft se font toujours autant sentir. Les combats sont particulièrement vifs et bien menés. Les scènes clés marquent par leur mise en scène simples mais terriblement efficaces avec des visuels forts et très symboliques. C’est vraiment excellent. Je me rappellerai longtemps du message graphique muet de certaines pages qui sont une déchirure.

En tout cas, j’ai été frappée par l’événement charnière qui s’est produit dans ce tome. Je n’aurais pas pensé voir une telle chose si vite et si brutalement. J’aime la philosophie qui se détache de cela et le soin que l’auteur semble avoir pris à bâtir cette histoire, une histoire plus profonde que juste celle d’un parasite occupant le corps d’un humain.

Tome 3

Encore un nouveau tome ultra percutant et déroutant de l’auteur qui ne se contente pas de dérouler un simple défilé de monstre mais va beaucoup plus loin en élargissant son univers dans ce tome. Alors c’est peut-être moins choquant que le précédent car le héros ne subit pas la même perte, mais ça reste de très haute volée !

L’auteur nous emmène encore vers de nouvelles hauteurs dans un tome où l’on voit de plus en plus de monde s’interroger et remarquer ses parasites qui sont parmi nous. Il y a tout d’abord Murano qui constate des changement chez Shin’Ichi et a l’impression d’être face à un autre. Puis il y a la fille du gang du lycée voisin, ainsi qu’une du club de dessin du lycée, qui remarquent un nouvel élève fort étrange. C’est amusant de voir comme l’auteur dote les femmes d’une sensibilité et d’un sens de l’observation supérieur à celui de leurs congénères mâles. Bref, c’est l’occasion de s’interroger à nouveau sur ce qu’occasionne cette fusion entre humain et parasite. Qui influence qui ? Comment ? Vers quoi ? Qu’est-ce qui définit un humain ? Ses sentiments ? Sa compassion ? Son sens des responsabilités ? L’auteur pose mille question et nous laisse y réfléchir pour nous enrichir nous-même sans trop nous orienter. Il propose tout de même un discours écologique, humaniste et pacifique fort intéressant qu’il développe au fil des tomes et qui marque.

Le nouvel élève, disons-le rapidement, le nouveau parasite, apporte donc une belle dynamique au tome. Avec lui, Shin’Ichi se retrouve confronté à la même situation que par le passé mais qu’il gère différemment car depuis il a changé, il s’entend mieux avec Maggy et son corps à évolué ainsi que son mental. On assiste ainsi à un duel tendu, sur le fil entre les deux, comme deux prédateurs qui se jugent en permanence et attendent que l’un d’eux attaque, à la différence de Riyoko Tamiya qui elle joue les observatrices de tout ça de loin. On ressent donc une pression grandissante et un malaise hyper fort tout au long du tome, jusqu’à l’explosion finale : une boucherie inattendue, déclenchée par une action isolée, qui n’a rien à envier aux tueries dans les lycées américains. C’est glaçant à voir.

Enfin de toute cette horreur ressort une chose importante, les autorités savent des choses sur ses créatures. Elles savent qu’elles sont parmi nous, qu’il faut faire quelque chose. On commence donc à assister en sous main à la mise en place d’une cellule de crise et d’études qui va s’intéresser au sujet et qui va probablement venir bouleverser notre héros dans les prochains tomes. Ceux-ci trouvent une manière originale de distinguer les parasites mais surtout musèlent l’information de main de maître. Terrifiant !

Parasite devient au fil des tomes un titre de plus en plus complet, où horreur, science-fiction, thriller et portrait de la société japonaise se mélangent. C’est extrêmement bien mis en scène. Impossible de décrocher une fois commencé peu importe la longueur du tome. Je ne pensais pas autant aimer cette lecture vu ma petite nature mais c’est tellement complexe et la réflexion sur l’humanité et notre rapport à la nature sont tellement intéressants que je suis sous le charme.

Tome 4

A mi-chemin de la série, voici un tome de transition fort intéressant mais moins percutant que les précédents.

L’auteur s’interroge toujours énormément sur la notion d’humanité avec le personnage de Shinichi, qui est quand même limite dépressif dans ce tome. Celui-ci est rongé par ce qui vient de lui arriver. Il cherche à la fois à cacher ce qu’il est et à vivre sa vie de lycéen lambda, et à protéger ceux autour de lui des autres créatures. Il est donc particulièrement inquiet pour Kana et ses capacités psychiques qui lui permettent de le repérer lui et les autres. Le héros du coup se cherche, hésite et s’interroge beaucoup sur celui qu’il est devenu depuis sa fusion avec Miggy. C’est une introspection sombre qui remue le lecteur et chamboule également les rapports du héros avec les autres, la preuve : sa relation avec sa copine qui bat un peu de l’aile. Elle a du mal à reconnaitre celui qu’elle aimait autrefois dans le nouveau Shinichi. Elle voit bien certains de ses traits de caractère mais d’autres lui sont étrangers et elle ne sait comment se comporter avec. C’est une piste de réflexion qu’il me plairait vraiment de voir plus exploré par la suite.

En parallèle, les créatures passent à l’action pour notre plus grand plaisir parce qu’il faut quand même avouer qu’on commençait à tourner un peu en rond. Là, cela relance l’intrigue dans une direction fort séduisante avec cette interpénétration des créatures dans notre société. On découvre tout un groupe qui s’est organisé aussi bien pour chasser que dans un but commun qui fait froid dans le dos : conquérir la mairie. Les créatures cherchent désormais à avoir une place prépondérante dans notre société. Dans quel but ? Nous attendons encore de le découvrir, surtout que leur discours très écolo et altermondialiste a de quoi séduire. Enfin, il y a le cas Reiko Tamura dont l’expérience visant à donner la vie m’effraie autant qu’elle me fascine. Ces deux pistes de développement apportées par les créatures me donnent donc très envie de lire les prochains tomes.

Un tome plus lent, plus calme, plus introspectif où les deux camps posent les bases de leur futur affrontement, je crois. Shinichi est toujours en réflexion sur lui-même, son rapport à Miggy et à son humanité. Les créatures, elles, cherchent à s’imposer de manière plus massive. Quel en sera le résultat ? Réponse dans les prochains tomes.

Tome 5

Alors que cette série est un coup de coeur depuis le début, j’ai noté un léger recul ou plutôt du sur place avec ce tome où j’ai eu le sentiment que l’auteur ressassait un peu toujours les mêmes thèmes sans pousser beaucoup plus loin, alors que jusqu’à présent j’avais été surprise à chaque lecture.

Il y a en effet toujours les mêmes interrogations sur le lien entre Shin’ichi et Migy, les implications sur son humanité, sa capacité à ressentir des émotions, à se lier aux autres, etc. Cela a pour conséquence, dans ce tome, de l’éloigner vraiment voire de le couper de ses dernières attaches : son père et sa copine. Le récit se recentre ainsi sur ses relations aux symbiotes et on le suit dans la sombre enquête qu’il va mener sur eux.

Sous de faux-airs d’intrigue policière, l’histoire prend donc un tournant, non plus sombre parce qu’on a déjà atteint dans les premiers tomes, mais plus pesant peut-être. Tout se resserre autour du plan qu’ont monté ces symbiotes qui se sont regroupés pour pouvoir chasser tranquillement ensemble sans se faire attraper. L’intelligence qu’ils ont montrée dans leur plan fait peur et c’est ce qui va mettre la puce à l’oreille de Shin’ichi.

Ce tome se présente donc plutôt comme une amorce vers un affrontement entre Shin’ichi qui a su trouver le bon équilibre entre lui et Migy, et les autres symbiotes, qui eux ne voient les êtres humains que comme des hôtes bien pratiques ou de la nourriture. J’ai hâte de voir ce que cela va donner et surtout l’implication que va avoir la troublante Ryoko Tamiya car clairement elle interroge. C’est LE personnage le plus intéressant de la série avec le duo Shin’ichi-Migy et l’auteur développe autour d’elle des questionnements fascinants sur notre humanité (cf. la réflexion sur le « gène égoïste »).

Tome 6

Une qualité qui ne se dément pas de tome en tome, voilà ce que nous propose Hitoshi Iwaaki avec cette fable philosophique sur la nature humaine et les créatures nichées en nous.

Ce tome nous emporte encore plus loin dans les réflexions des parasites comme Miggy à travers l’histoire de Reiko Tamura que l’on suit de bout en bout et qui s’interroge sur sa nature, son rôle, son rapport aux humains… J’ai trouvé ce personnage fascinant depuis le début et cela s’est accentué à chacune de nos rencontres pour aboutir à ce tome terriblement humain sur elle. La maternité joue un grand rôle, je pense, dans les bouleversements qu’elle a connu par rapport aux autres parasites, mais ce n’est pas tout. Ce fut depuis toujours un esprit vif et curieux, pour qui chercher et expérimenter est le sel de la vie. J’ai ainsi beaucoup aimé la parabole offerte par l’auteur, celle de la science comme fondatrice de notre compréhension de nous. Puissant.

Mais raconter tout cela pourrait vite devenir abscons si on n’avait pas un auteur à la hauteur d’Hitoshi Iwaaki, car parler philosophie à ce niveau n’a rien de simple. Mais lui, il couple cela avec une enquête policière passionnante et parfaitement rythmée, qui s’ouvre sur un meurtre et se referme sur une opération de haute volée, le tout entrecoupé d’interrogatoires, de recherches et de poursuites. Excellent ! J’ai beaucoup aimé ce mélange des genre qui fonctionne très bien ici. Les personnages sont très bien campés et finalement assez crédibles dans les rôles qu’on leur a attribués.

Tout cela ne serait rien sans une ambiance parfaitement maîtrisée et travaillée. Le fantastique est très bien dosé et distillé toujours au bon moment pour nous faire peur. Les scènes de combat sont d’ailleurs un modèle du genre. Le mystère, pour les humains, nous accompagne à chaque pas et nous plonge un peu plus à chaque fois dans leur incompréhension face à ce qu’il se passe et leur envie de comprendre que l’on partage. Il y a aussi, comme je l’ai déjà dit, une dimension philosophique très riche. En plus des parasites dont j’ai parlé, on pourrait évoquer le héros Shin’Ichi qui se redécouvre dans ce tome, ce qui amène à une conclusion amère magnifique dont sa copine est le parfait miroir. Le mangaka m’époustoufle.

Reste par contre une pagination qui me séduit un peu moins. Je n’aurais pas inclus le dernier chapitre et j’aurais plutôt conclus sur l’émotion du précédent, avant de relancer l’intrigue dans une nouvelle direction avec ce chapitre dans le tome suivant. Mais c’est vraiment un point de détail.

Pour le reste, je suis totalement convaincue que nous avons là une grande série. Certes, elle est un peu datée dans son dessin, dans certaines attitudes un peu figées ou une narration qui avance parfois par à-coups d’un tome à l’autre. Mais les réflexions sont tellement riches et profondes, les personnages bien écrits et avec des évolutions pertinentes, le tout dans une ambiance fantastique et SF que j’adore, que je ne peux qu’être séduite et pas mal de lecteurs devraient l’être aussi 😉

Tome 7

J’ai encore pris une grosse claque avec la lecture de ce nouveau tome qui démarre fort et ne baisse pas en régime un seul instant après.

La connaissance de la présence des parasites parmi les humains et leur infiltration dans les plus hautes sphères est désormais connues. Les humains ne peuvent donc que réagir. Malgré lui, Shinichi va se retrouver impliquer dans tout ça.

L’auteur nous propose un tome 100% sous tension, avec d’entrée de jeu la rencontre d’un psychopathe humain détecteur de « monstres » comme il dit, qui donne le ton. C’est saisissant et glaçant à souhait, en disant très long également sur notre nature tellement similaire à celle de ceux que l’on va pourchasser ici. Car le propos de l’auteur malgré la violence suffocante de ce tome est bien de montrer le parallèle entre nous et eux, et ça fait mal !

Pour ce faire, il met en scène une intervention tambours battants de l’armée pour éliminer les parasites qui pris position dans la mairie. C’est une opération parfaitement orchestrée, d’une violence glaçante et percutante, que l’auteur met en scène de main de maitre. Tout y parfaitement fait : la préparation est millimétrée mais foire, les personnages sont sûrs d’eux mais ratent, les méchants cherchent à prouver qu’ils ne sont pas plus méchants que n’importe quel humain, et la réalité de l’intervention leur donne raison. Ouille, ouille, ouille.

L’auteur frappe fort avec un message écologiste militant très agressif. Il défie les lecteurs en faisant dire à ses parasites qu’au final ils se font que réguler l’espèce humaine comme nous même nous régulons l’espèce animale en nous nourrissant d’elle. Un discours engagé qui percute de plein fouet et fait vraiment réfléchir.

Mais si vous êtes insensible à ce discours, et vous avez le droit, Parasite n’est pas que ça. C’est aussi un scénario parfaitement mené, des scènes d’action superbement dessinées qui coupent le souffle, un héros encore et toujours en questionnement et qui avance, le tout dans un univers fantastique très bien pensé et glaçant. Graphiquement le mangaka est assez bluffant. Il est capable en une case de nous insuffler une peur terrible à nous figer sur place. J’adore !

Franchement, ce tome est juste excellent une fois de plus. Il nous propose à la fois une confrontation marquante et nous amène également vers un final tonitruant sous forme de duel entre deux être pas si dissemblables que ça finalement. Cette fable écologico-fantastique est décidément bien surprenante !

Tome 8

Ultime volume de cette superbe fresque qui m’aura tant fait réfléchir au concept d’humanité et de vie au sens large. Ce n’est pas sans émotion que je la quitte, par contre c’est sans regret car l’auteur a tout dit en allant au bout de son propos. C’est assez rare pour le souligner.

Souvent quand on termine une série, on se sent un peu orphelin notamment parce qu’on a le sentiment que tout n’a pas été raconté et que ça aurait pu continuer un peu. Ce n’est pas le cas ici.

Le début de ce tome m’avait pourtant fait craindre le pire. Malgré la superbe orchestration du duel Miggy/Shinichi contre Goto, celui-ci s’était terminé de façon magnifique pour les deux comparses partageant le même corps, mais un peu trop abruptement. J’avais alors le sentiment que tout n’avait pas été dit et j’étais déjà triste à l’idée de suivre plusieurs chapitres sur le monde d’après pour Shinichi. C’était bien mal connaître l’auteur, qui nous réservait heureusement une surprise de taille.

En effet, Hitoshi Iwaaki est vraiment un excellent conteur. J’ai cru jusqu’au bout que la séparation était effective et définitive et que Shinichi allait désormais devoir vivre sans Miggy et sans son bras droit, et que c’était ce que nous allions suivre. J’ai été ravie d’être détrompée et de voir l’histoire repartir de plus belle. La parenthèse entre ces deux moments fut tout de même extrêmement bien pensée, avec la rencontre avec cette mamie au caractère bien campé. Elle a su être là quand il le fallait, proposant une aide discrète mais nécessaire sans en faire trop. C’était un superbe chapitre, très émouvant.

Mais dans l’univers de Parasite, il était impossible de voir l’histoire s’arrêter là, sans une confrontation plus poussée entre les deux antagonistes qui n’adoptaient pas du tout de la même façon de vivre. Ainsi au delà de la mise en scène de ce combat que j’ai adoré, parce que Shinichi et Miggy, d’un côté, étaient ultra ingénieux et en symbiose, et de l’autre parce que la force brute de Goto ainsi que ses transformations étaient assez impressionnantes pour nous glacer le sang ; au-delà de ça, c’est vraiment tout le message sur notre rapport à l’autre, à celui qui est différent et qu’on perçoit comme une menace, mais aussi à l’autre qu’on voudrait soumettre, qui m’a intéressée.

En effet, la dimension philosophique du titre a toujours été forte et cela ne se dément pas dans ce dernier tome et ce jusqu’aux tous derniers moments. Shinichi et Miggy proposent chacun un modèle de vivre ensemble, avec l’autre, mais aussi avec la nature autour d’eux, et Goto propose encore une troisième voie. Chacun a ses raisons et sa vision de la chose, et ce que j’ai apprécié chez l’auteur, c’est qu’au final il n’en dénigre aucune. Il présente les multiples dimensions de chacune sans vraiment apporter de jugement définitif, nous laissant libre de nous faire notre opinion. C’est magnifique.

Ainsi les ultimes pages entre Shinichi et Goto d’un côté, puis entre Shinichi et Miggy de l’autre, sont des modèles du genre, qui laisse un peu pantois devant la virtuosité de la chose, mais aussi devant l’émotion qui nous saisit alors, et les pensées qu’on ne peut s’empêcher d’avoir sur tout ça. Le discours de l’auteur est très puissant et lorsqu’il écrit : « Parce qu’il représente une menace pour nous, cela lui retire-t-il le droit de vivre ?« , il laisse songeur tant il frappe juste.

Il n’y a peut-être que le dernier chapitre à tout ça que j’ai trouvé superflu dans l’ensemble. Le personnage qui intervient et amène un dernier soubresaut d’action n’était pas nécessaire pour moi. On avait déjà une très belle conclusion auparavant. Il n’y a que la dimension du futur de Shinichi qui était importante ici et la façon d’y parvenir était un peu trop tape à l’oeil pour moi, même si c’est cohérent avec le reste du manga.

Ce dernier tome est donc pour moi un nouveau petit bijou. Il s’ouvre de manière brutale et surprenante, avant de proposer un calme trompeur mais plein de réflexions, pour aboutir à un conclusion osée, où l’auteur a pu et su aller au bout de son propos. Je me rappellerai longtemps de sa science de la mise en scène. Je me rappellerai longtemps de ses réflexions sur la nature humaine et le rapport de l’homme aux autres et à son environnement. Je me rappellerai longtemps de la relation Shinichi-Miggy.

Si l’Homme protège d’autres espèces, c’est lorsqu’il se sent triste pour elles.
S’il préserve l’environnement, c’est par crainte pour sa propre survie.
Sa seule préoccupation est son bien-être égoïste.
Mais ce n’est pas si mal après tout.
A quoi bon dénigrer l’Homme en étant soi-même tributaire de son système de valeurs ?

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©2003 Hitoshi Iwaaki / Kodansha Ltd. – © Glénat, 2020

coup de coeur

12 commentaires sur “Parasite d’Hitoshi Iwaaki

  1. Découverte! Ton billet est très complet et donne envie de tenter l’aventure. En plus c’est pas trop long. Ces réeditions m’intriguent de plus en plus et je vais me pencher sur ce phénomène, notamment chez Glénat qui a été le premier à publier beaucoup de séries avec des politiques éditoriales et un public très différents de maintenant. Je pense notamment à Appleseed, sorti en même temps qu’Akira dans un format BD/comics et dons les anciens volumes sont fortement spéculés en occasion. Je suis surpris qu’ils n’aient pas encore réedité en format japonais…

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    1. C’est clair que les rééditions pullulent en ce moment, mais je ne m’en plains pas, ça me permet soit de faire de belles découvertes soit de remplacer mes vieux tomes.
      Après, il reste effectivement quelques vieilleries qu’on aimerait bien revoir, mais peut-être que c’est plus compliqué côté droits pour certains titres que pour d’autres 😉

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