Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Asadora ! de Naoki Urasawa

Titre : Asadora !

Auteur : Naoki Urasawa

Éditeur vf : Kana (Big)

Année de parution vf : Depuis 2020

Nombre de tomes vf : 7 (en cours)

Histoire : La ville de Tokyo, à la veille des Jeux Olympiques de 2020, est dévastée par un monstre cornu.
Retour en arrière, direction Nagoya 1959, veille d’un terrible typhon, Asa, 12 ans, court chercher un médecin pour l’amener auprès de sa mère sur le point d’accoucher.

Mon avis :

Tome 1

Inconditionnelle de Naoki Urasawa, j’attendais ce nouveau titre avec impatience. Oui, je sais le maître a parfois (comment ça souvent ?) déçu avec les fins de ces histoires mais ses univers m’ont toujours embarquée et donc je sais qu’à chaque fois le début de ses histoires me fait vivre un chouette moment.

Kana publie ici son dernier titre en date, encore en cours au Japon avec bientôt 3 tomes, la parution risque donc d’être assez lente chez nous… On y découvre une jeune japonaise qui vit dans le port de Nagoya dans les années 60 et qui va connaitre un terrible drame. L’auteur a décidé de la suivre sur plusieurs décennies jusqu’à un événement clé qui aura lieu en 2020 et par lequel s’ouvre le titre.

On retrouve ainsi d’emblée les marottes du mangaka, à savoir nous proposer un récit plein de suspense et de mystères où il nous faudra résoudre une énigme un brin surnaturelle, dans un monde pourtant 100% réel. Pas de souci pour moi, il n’en faut pas plus pour m’embarquer à bord. En plus, Urasawa est une fois de plus un dieu de la narration. Il fait défiler les personnages, les événements et les rebondissement avec une fluidité et une facilité rarement rencontrées. C’est simple et terriblement efficace chez lui au point de paraitre facile alors que ce n’est pas le cas pour tous ses camarades mangaka.

L’héroïne, qui nous entraine dans cette nouvelle histoire, est typique des personnages qu’il aime mettre en scène. C’est une petite fille pleine de vie, espiègle, forte tête et au fort caractère, qui ne se laisse pas abattre malgré sa vie pas toujours toute rose. Elle est solaire ! On découvre d’abord la ville de Nagoya, du moins les abords populaires du port, à travers ses yeux d’enfant, alors qu‘une tempête se prépare. L’ambiance est posée. On sent cette tempête arriver. On devine qu’un drame va se jouer. C’est très bien fait.

Au milieu de tout ça, elle fait une rencontre qui va tout changer, un ancien pilote d’avion pendant la guerre, qui a du mal à se réadapter à la vie civile. Urasawa en profite mine de rien pour nous faire une critique du traitement fait aux anciens soldats après une guerre. On sent bien toute la tristesse et la détresse de ce personnage qui n’a vraiment pas eu de chance dans la vie. La rencontre entre les deux est donc un signe du destin pour les sortir de leur misère et le drame qui se joue leur en donne l’occasion. J’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteur amène tous ces petits moments et tous ses personnages à converger vers un beau moment de solidarité donnant plus de sens à leur vie.

On retrouve également d’autres thèmes chers à l’auteur dans ce nouveau titre avec ses goûts pour la musique, le sport, les engins mécaniques, les possibles créatures fantastiques, mais également son besoin de parler des enfants malmenés mais plein de vie, de la misère sociale qu’on peut transcender pour réaliser ses rêves et sûrement d’autres choses que j’oublie. On sent donc encore fortement la pensée de l’auteur derrière ces pages.

Graphiquement, il n’y a rien à redire. J’aime le style de l’auteur, les gueules qu’il sait offrir à ses personnages, la vitalité qu’il leur confère et son sens de la mise en scène. C’est tout en finesse et pourtant tout trouve justement sa place. Les décors sont importants donc détaillés pour mieux nous plonger dans l’ambiance. Il s’essaie également par moments à quelques métaphores graphiques un peu grossières mais réussies.

Avec Asadora, Urasawa démarre une nouvelle série qui me semble prometteuse. Cependant nous ne sommes que dans ses prémices et l’histoire pourrait prendre encore bien des tournures que je n’ai pas imaginé, surtout avec l’imagination de l’auteur. Je note pour le moment le mystère autour du monstre, l’intérêt de l’héroïne pour la musique et ses prédispositions pour le sport, ainsi que les conséquences du drame qui vient de se jouer, autant de pistes pour la suite 😉

Tome 2

Sans surprise ce deuxième tome est tout aussi bon que le premier, on pourrait même dire qu’Urasawa commence à faire décoller sa nouvelle série et à prendre un bon rythme de croisière.

Le volume s’ouvre sur une drôle de scène à l’Indiana Jones où des explorateurs tombent sur une immense trace de griffes au fin fond d’une forêt équatoriale, laissant la porte ouverte à toutes sortes d’extrapolations. Puis comme sait si bien le faire l’auteur, on ferme brusquement la parenthèse avant de revenir à l’intrigue principale et quel retour ! Urasawa se joue encore de nous pour pondre des chapitres palpitant où la tension est à son comble grâce au danger qui menace ses personnages et qui est également l’occasion de faire naitre la passion de l’un d’eux. C’est palpitant !

Je pense que j’ai encore plus aimé ce tome que le précédent grâce à cela. Le duo formé par la petite Asa et l’ancien pilote, Kasuga, est excellent. Il a le parfait équilibre pour ce genre d’histoire. Il suscite aussi beaucoup d’émotion et permet de découvrir la passion qu’Asa va bientôt entretenir pour l’aviation. C’est excellent.

Le mangaka se livre à un vrai tour de force ici, conciliant fantastique avec la mystérieuse créature qu’on croise très vite et qui menace tout le monde, et catastrophe avec le raz de marée qui a tout emporté et la famille d’Asa qui est en danger. Il faut alors forcément qu’une figure de héros se détache et comme il a l’art de le faire, il choisit pour cela la jeune Asa, celle que personne, ou presque, n’a jamais remarqué. C’est très bien vu. Les quelques pages où on la voit prendre les manettes sont palpitantes ! J’y ai ressenti toute la tension que j’ai pu ressentir également dans Tenjin lorsqu’un personnage est dans une situation critique à bord d’un avion et qu’en prime il prend son pied parce qu’il est passionné par ce moyen de transport.

Urasawa est un grand conteur devant l’éternel. Il arrive à greffer énormément de choses sur une histoire principale assez simple au début, au point qu’on se perd presque dans toutes ces ramifications, à l’exemple du dernier tour de force d’Asa pour récupérer l’objet de sa passion, ou de l’intervention de ce jeune coureur de fond qui veut lui prouver quelque chose en participant aux J.O. C’est très dense et on se demande comment tout va se goupiller.

Mais pas le temps de se reposer, comme il aime le faire, l’auteur termine son tome en se livrant à un bond dans le temps replaçant tout ce petit monde dans une nouvelle donne. Asa est désormais presque adulte et vit en partie de sa passion. On découvre sa nouvelle situation familiale, sa vie de lycéenne, ses copines, son train train quotidien quoi. On pourrait se dire qu’on va être tranquille mais ce serait mal connaitre l’auteur qui nous renvoie directement dans les bras de la mystérieuse créature qui n’a jamais disparu et qui est vraiment le fil directeur de cette nouvelle série. Elle va impliquer bien des personnages croisés, pour quelle finalité, je me le demande bien et j’espère que je serai moins déçue que dans Billy Bat…

Ce deuxième tome d’Asadora confirme donc mon envie de poursuivre avec Urasawa. J’ai beau savoir que souvent il loupe ses fins dans ses séries fantastiques, il a un tel talent de conteur et de croqueur des petits gens que je ne peux m’empêcher de le suivre. J’adore sa nouvelle héroïne, son beau binôme avec ce vieux pilote et surtout leur passion pour l’aviation et j’ai hâte de les retrouver.

Tome 3

Avec ce nouveau tome, je confirme qu’Asadora est vraiment un excellent titre de la bibliographie d’Urasawa. Ça doit être l’un des plus faciles à suivre parmi ceux avec cette touche fantastico-SF qu’il aime bien mais avec laquelle il nous perd souvent dans les méandres de son esprit. Ici, le récit est plus simple et on se régale.

J’aime beaucoup le soin que l’auteur prend à développer le décor oldies de son récit. C’est extrêmement savoureux et ça permet de plus s’attacher aux personnages. Par contre, je sens qu’il y a plein de références à des choses et événements typiquement japonais que je ne saisis pas pleinement, ce qui est un peu frustrant. Mais on est en plein dans le Japon de l’après-guerre, encore en reconstruction, qui tente de se relever sans les Américains cette fois, juste à la force de leur poignet, avec l’aide des J.O. notamment. Sauf que rien n’est résolu, la pauvreté est encore partout, les enfants orphelins également, de même que la crainte d’une menace extérieure. En cela, je crois que l’apparition de cette créature est vraiment très symbolique et qu’elle permet à Urasawa de parler de cette peur constante de l’extérieur que ressentent les Japonais.

Pour sortir un peu de mes analyses et revenir au récit, ce qui m’a frappée dans ce nouveau tome, c’est la linéarité classique, simple et agréable du récit, chose rare pour un auteur comme lui qui aime nous perdre dans foison de direction. Ici, on en suit une très simple à travers le personnage d’Asa, recrutée avec son mentor par de drôles d’instances pour lutter en sous-main si besoin contre ce mystérieux monstre qui pourrait apparaître et gâcher les J.O. sur lequel le peuple compte tant. On assiste donc au recrutement d’Asa, à ses questionnements sur le fait de devoir tuer/blesser cette chose, mais également à sa découverte d’une potentielle source d’informations sur lui et d’un chercheur que ça intéresse peut-être aussi. Tout se goupille vraiment très bien.

Et en plus de cela, comme il a la science de savoir le faire, Urasawa ajoute de belles réflexions sur la parentalité, la notion de famille, les liens du sang. Il évoque aussi la passion pour un sport, une pratique, et ce qu’on est capable d’accepter pour cela. Il met en avant l’importance du travail, de la reconnaissance envers ceux qui nous aident famille ou non, etc. C’est un titre très riche en enseignements quand on creuse un peu.

Ainsi avec plein de bons sentiments et un allant naturel, l’histoire continue à avancer de façon fort sympathique. C’est vraiment un excellent démarrage, attachant de part les personnages que l’on suit, et mystérieux de part la créature dont l’ombre pèse sur l’histoire. J’aime énormément ce mélange. Une très belle réussite.

Tome 4

Naoki Urasawa continue à dérouler son histoire avec une facilité folle. Il ne se passe pratiquement rien concrètement dans ce tome et pourtant, c’est passionnant à suivre. Quel grand conteur !

Je me répète à chaque série et chaque tome de l’auteur, mais je suis soufflée par la qualité de ses scénarii, de sa mise en scène et de son rythme. J’ai vraiment l’impression de me retrouver devant un excellent polar. Le découpage de la course-poursuite, dans ce tome, est par exemple un modèle du genre où je me serais cru à mi-chemin entre un film d’Hitchcock et de Clint Eastwood. Trop top !

Niveau histoire, il mélange avec une facilité folle la trame autour d’Asa, de ses amies qui veulent devenir chanteuses, de sa famille qui a toujours des soucis, des journalistes qui s’intéressent à ce qui se trame et de la créature contre laquelle elle va devoir « se battre » avec son nouveau copain scientifique et les types du gouvernement qui les encadrent. Un classique du genre mais raconté avec une vraie maestria. Tout s’enchaîne, se suit et se mélange de manière ultra fluide.

Cela n’a rien de palpitant sur le papier, ça n’avance même pas vite et pourtant on se surprend à tourner les pages super vite, parce qu’il introduit la bonne petite réplique, le bon petit élément de suspense au bon moment ou le découpage racé et nerveux qui fait qu’on se dit qu’il va se passer quelque chose. Il arrive vraiment à magnifier le quotidien et la banalité en introduisant juste ce qu’il faut de tension narrative et de fantastique ici. C’est génial.

Alors oui, on voit venir ses gros sabots à plusieurs reprises, que ce soit avec le frère de l’héroïne, avec Monsieur Kasuga, avec le petit scientifique ou avec la créature, mais qui n’aime pas se faire laisser prendre au jeu quand c’est bien fait ! Moi, j’adore.

Asa est une petite bonne femme volontaire comme j’aime, qui fait passer sa famille avant tout et nous offre une belle leçon de vie dans ce tome, sachant aider son prochain avec force. Monsieur Kasuga sous ses airs débonnaires et un nonchalants est un type malin qui a un coeur gros comme ça et de vraies valeurs qu’il défend. Nakaido, le petit scientifique, commence à s’affirmer et à moins chouiner, j’aime. Cela reste peut-être un brin trop caricatural du côté des hommes de l’ombre mais c’est un peu le propre de ce genre d’histoire.

Avec son tempo parfait, j’ai encore dévoré ce tome qui me laisse, une fois de plus, en proie à une grande frustration en le refermant. Décidément, j’adore les titre de monsieur Urasawa.

Tome 5

Le feuilleton d’Asa et du monstre cherchant à attaquer Tokyo à l’aube des J.O se continue dans un tome où l’action est au rendez-vous.

J’ai à nouveau pris beaucoup de plaisir à suivre les aventures d’Asa, qui dans ce tome est en lutte face au fameux monstre qui rodait depuis le début de l’histoire. Naoki Urasawa nous conte cela avec beaucoup de maestria dans une narration entrecoupée où il joue à merveille avec nos nerfs. En effet, couplant le combat d’Asa avec les déboires de ses proches et amis, il découpe le combat à plusieurs reprises, détournant notre attention pour mieux y revenir et faire monter la tension. C’est un joli tour de passe pour permettre de maintenant une tension, puisque celle autour de l’apparence mystérieuse du monstre a disparu.

En effet, pour moi, il n’y a de bon monstre qu’un monstre dont on ne connait pas l’apparence ou du moins dont on n’aperçoit que brièvement celle-ci, or Urasawa fait un autre choix en partant en commençant à montrer et analyser celle-ci pour en chercher la faille. Il faut donc maintenant l’attention du lecteur autrement.

Le parallèle qu’il fait entre ce combat et ce qui arrive à Yone et Miyako, les deux amies d’Asa, est assez révélateur. De là à dire qu’il fait un pont entre les hommes qui cherchent à abuser d’elle et ce monstre, il n’y a qu’un pas que j’hésite à franchir. C’est là que je trouve le propos de l’auteur un peu flou. Cherche-t-il juste à faire un portrait un peu réaliste de cette époque en montrant le début de phénomène des idols et en pointant le phénomène des bandes après la guerre ou a-t-il un propos plus engagé et général ? Je ne sais pas et je ne parviens pas à me décider sur la chose.

En attendant, j’apprécie l’aventure offerte par le combat d’Asa, qui propose toutes les étapes propres à un combat, avec la peur, les doutes, le moment où on cerne l’adversaire, cherche ses faiblesses, passe à l’action, échoue, retente, etc. Tout y passe. J’apprécie également le récit de ce Japon d’après-guerre à travers la misère des familles qui ont perdu quelqu’un et cherchent quand même à continuer à vivre, mais aussi à travers les histoires de ces femmes dont les hommes cherchent à abuser soit pour en faire des stars, dans le meilleur des cas, soit juste pour en profiter en étant violant. Le récit de l’auteur n’hésite pas à être sombre, ce que je n’avais pas autant ressenti dans une de ses oeuvres depuis Monster.

Ainsi Asadora, s’il peine à être une des lectures marquantes de l’auteur pour moi pour l’instant, reste d’une terrible efficacité à lire. Je trouve juste que certaines lignes d’intrigues s’associent mal ou du moins un peu maladroitement et que l’auteur manque de clarté dans son propos, mais ce n’est pas la première fois avec lui. On appréciera juste les belles relations humaines qui ressortent de ce marasme et qui font chaud au coeur au milieu de tous ces moments difficiles.

Tome 6

Asadora trouve vraiment son rythme de croisière entre chronique adolescente d’une époque passée et récit fantastique parcimonieux et mystérieux surtout sur fond de Kaiju. Je suis particulièrement séduite, je l’avoue, et ce même si le rythme est là et les choses insignifiantes, du moins au premier abord.

Dans ce tome, on sent que l’auteur a eu envie de remettre la politique et l’approche des J.O. au coeur de l’histoire et ça fait un bien fou parce qu’il n’avançait plus beaucoup du côté des kaiju à force de vouloir maintenir le mystère. On repart alors sur quelque chose de très adolescent mais très bien écrit où l’héroïne et ses amis laissent parler leur âge.

C’était donc amusant de voir ces deux meilleures amies lui annoncer le destin qu’elles s’étaient choisies. Ainsi Asa, n’est plus la seule à avoir un but, l’une veut devenir chanteuse et l’autre catcheuse professionnelle. Ce sera l’occasion, je parie, pour l’auteur de nous montrer les coulisses de ces deux arts dans les années 60.

Il y a justement ces J.O. qui s’annoncent qui reviennent en plein coeur de l’histoire et nous rappellent à quelle époque nous nous trouvons, avec l’ami d’enfance d’Asa, qu’on recroise et qu’Urasawa remet en avant. J’ai aimé voir la vie familiale, l’entraînement et les aspirations de celui-ci. Le mangaka sait vraiment faire vivre chaque histoire même les plus petites, même celles où le héros se sent un peu looser et est conscient de ses faiblesses. J’aime beaucoup. C’est beau de le voir faire tous ces efforts tout en étant conscient qu’il est loin des autres. Idem en amour, puisque celui-ci est à fond sur Asa qui ne le calcule pas. Urasawa sait aussi bien raconter les mystères que les histoires d’ado ^^

Asa, elle, jongle entre sa vie de lycéenne et de « sauveuse » du monde, un mélange singulier et fort amusant. J’adore la façon très américaine dont l’auteur associe les deux, avec des incursions dans les magouilles politiques du pays et les cachotteries des puissants, et une héroïne qui est obligée de sans arrêt attendre un certain signal d’alerte, de chez elle en passant par le lycée. Il y a un je ne sais quoi qui fait très série américaine dans cela pour moi, surtout que l’auteur avec une narration toujours aussi impeccable glisse de nouveaux personnages qui semblent anecdotiques mais qui poussent à s’interroger sur ce qui se passe. Bien joué !

Ce fut donc un tome très complet où certes on n’a pas beaucoup avancé côté mystère, celui-ci se creusant et fuitant même un peu auprès de certains, mais j’ai vraiment aimé l’écriture de cette période des années 60 faites par l’auteur et le développement de ces personnages adolescents à la poursuite de leurs rêves. C’est plein de charme !

Tome 7

Quel conteur que cet Urasawa ! Il me surprend à chaque fois par ses capacités à déployer avec tellement de facilité un récit aux ramifications pourtant nombreuses.

Place à l’action dans ce tome mais l’auteur n’oublie pas de raconter des choses à côté également. Ainsi, c’est le jeune Shota qui sera à l’honneur après que nous ayons suivi les camarades de classe d’Asa précédemment. Ce dernier subit une grosse pression familiale, venant d’un milieu où on pratique intensivement la course à pied. Sa famille a reporté ses rêves sur lui après que la guerre ait empêché ses frères aînés de briller, mais c’est dur pour lui. J’ai été très touchée par le récit de Shota, le poids de l’héritage qu’il subit, sa détresse et sa fuite. Urasawa nous conte cela avec brio, entre humour et réalisme cru. Il en profite pour parler d’espoir déçue, d’envie de plaire et satisfaire les autres, de peur de l’échec et de la fuite en avant, ici avec la drogue, les médicaments. C’est impressionnant comme il introduit tout cela.

Je disais que cela se couple avec un côté comique car il utilise la détresse de Shota pour la coupler avec un moment clé de l’histoire, presque tourné en dérision par les hallucinations que son envie de plaire va le pousser à avoir. Parodie des Sentai de l’époque, Urasawa met en scène un jeune garçon qui se rêve en super-héros combattant le grand méchant monstre du moment, et ce, pour plaire à sa belle. Ce serait drôle et mignon à la fois, s’il n’y avait pas derrière la détresse de celui-ci et la peur de ce monstre bien réel.

Urasawa couple ainsi l’histoire dramatique de Shota à l’action désespérée d’Asa et son copilote pour sauver tout le monde de ce monstre en approche. On lit cela en retenant sa respiration mais aussi avec une ambiance pleine de nostalgie qui prête à sourire et le tout dans une ambiance de film de catastrophe avec politiques véreux à la clé qui eux sont bien tranquille à l’abri pendant qu’ils envoient de courageux héros au casse pipe. C’est édifiant ! Ces références rendent la lecture très entraînante et chaleureuse alors que pourtant on pourrait se dire que tout se répète et que peut de choses avancent dans le canevas de fond. On découvre juste un peu plus à quoi ressemble la créature et ce qu’elle peut faire, mais l’impuissance est là et c’est dur d’imaginer la suite. Cependant, le combat est un régal à suivre grâce à une mise en scène pêchue et stressante jusqu’au bout avec de jolis dangers mis face à Asa. Quel maître du divertissement ce Urasawa !

Entre combat aérien et combat contre soi-même, ce nouveau tome lie à nouveau, habillement et avec surprise, les destins d’Asa, la pilote et de son ami Shota, le coureur de fond. Ce fut une lecture à la fois amusante, percutante et pleine de réflexion où le maître a encore montré quel grand conteur et metteur en scène il est. Je ne sais pas où ça va, mais je me régale avec ce récit d’une jeune génération d’après-guerre qui cherche à s’émanciper et vivre tel qu’ils le souhaitent !

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©2019 Naoki Urasawa/N Wood Studio / ©Kana (Dargaud-Lombard s.a.) 2020

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