Livres - Science-Fiction

La Monture de Carol Emshwiller

Titre : La Monture

Auteur : Carol Emshwiller

Editeur : Argyll

Date de parution : 1e octobre 2021

Nombre de pages : 216

Histoire : Charley est un humain, mais Charley est un animal apprivoisé.
Sur une Terre devenue leur monde d’accueil, les Hoots, des extraterrestres herbivores, ont transformé les humains en montures privilégiées. Charley, jeune garçon sélectionné pour ses mensurations et ses capacités reproductives, est destiné à devenir l’une d’entre elles ; mieux encore, il est entraîné quotidiennement car promis à un futur grand dirigeant, celui qu’il appelle Petit-Maître.
Cependant, sa rencontre avec Heron, son père libre et réfugié dans les montagnes, va chambouler son être, ses certitudes, et sa destinée.

Mon avis :

En découvrant la couverture de Monture, j’ai de suite été interpelée par la singularité de celle-ci et intriguée du même coup par ce que ce texte allait pouvoir contenir, car à montrer un homme servant de monture à une créature féline et d’autres enfermés dans une cage, on ne peut rester insensible. Je remercie ainsi les éditions Argyll d’avoir bien voulu m’en envoyer un exemplaire pour éclairer ma lanterne.

Grâce à eux, j’ai découvert une autrice de SF américaine que je ne connaissais pas et dont c’est la première traduction, du moins pour un roman : Carol Emshwiller, qui pourtant écrit depuis les années cinquante mais a surtout commis des nouvelles. Elle a pourtant reçu des prix prestigieux : World Fantasy du meilleur recueil de nouvelles pour The Start of the End of it All and Other Stories en 1991, le prix Philip-K.-Dick pour La Monture en 2003 et le prix Nebula de la meilleure nouvelle courte pour Creature en 2002 et à nouveau pour I Live With You en 2005, ce qui est en général gage de qualité et qualité il y avait dans Monture.

L’autrice nous emporte dès les premières lignes dans un univers fort singulier, sorte de mix, pour moi, entre le manga Centaures de Ryo Sumiyoshi et le roman The Handmaid’s Tales de Margaret Atwood. Elle utilise un savoureux mélange de science-fiction orwellienne et de fantastique pour nous dépeindre sa vision critique de l’esclavage et dans un sens plus large des relations dominés-dominants. Fascinant.

Pour cela, elle nous emmène sur une Terre où des extraterrestres herbivores ont transformés les humains en montures. Ces premiers sont les Hoots, les seconds des Sam et des Sue. Ils sont classés par ethnies en fonction de leur apparences sur laquelle se calque leurs capacités à servir les Hoots, et tout cela semble se faire dans la plus grande normalité.

Nous suivons une jeune monture : Smiley/Charley et son hoot : Petit-Maître, qui ont construit une relation singulière dans ce monde où l’esclavage semble la norme, eux sont plutôt tels deux amis. Ils détonnent donc. Et puis un jour, après une attaque, Charley découvre que sa situation n’est pas si enviable que ça, que certains Sam et Sue aimeraient en être délivrés et qu’une autre voie est possible.

La rencontre avec cette possible liberté ne se fait pas sans heurt. L’autrice nous fait nous confronter à des visions opposées de la vie avec celle des Hoots d’un côté et celle du père du héros, Héron, un ancien garde libre qui s’est réfugié dans les montagnes. Sauf que Charley et Petit-Maître ne se reconnaissent ni dans l’un ni dans l’autre. J’ai beaucoup aimé voir ainsi se dessiner la voie du milieu.

Le discours de l’autrice est fort. Ses analogies entre la situation des Hoots et de leur monture et notre monde de dominés-dominants sont fort intéressantes. Le discours est riche et plein de nuance, offrant vraiment au lecteur l’occasion de réfléchir par lui-même à ce sujet. On se sent forcément révoltés par ce que subissent les humains, ça impossible d’y couper, c’est trop bien décrit, trop avilissant, pour ne pas bondir. Cependant, on peut aussi trouver extrémistes la vision de Héron et ses compagnons, comme on peut trouver un peu tiède cette envie de Charley de sceller un accord par l’amitié. Cela dépend des opinions de chacun.

La plume de Carole Emshwiller (ou sa traduction), elle, ne fut pas des plus simples à s’emparer cependant. J’ai eu du mal avec la narration choisie. Le fait de suivre un texte écrit à la première personne par un homme réduit en esclavage, dont on sent qu’il n’a pas pu développer tout son intellect, rend l’expérience vraiment singulière. J’ai souvent eu l’impression de passer un peu du coq à l’âne, car les chapitres sont composés de paragraphes qui se suivent parfois sans transition. C’est déstabilisant et ça m’a empêchée de vraiment m’immerger dans le récit. J’ai un peu eu l’impression de le suivre de loin en spectatrice sans en avoir toutes les informations, ce qui m’a frustrée. Cependant, ayant en tête les images du manga de Ryo Sumiyoshi dont je parlais plus haut, celles-ci ont grandement complétées certains manques. Je trouve donc intéressant de lire les deux en parallèle si jamais vous ne connaissez pas cette série.

Ce roman fut donc une belle et singulière découverte, comme l’annonçait précisément la couverture. J’ai aimé découvrir l’univers, les thèmes et les propos de l’autrice. Ça m’a donné envie de lire d’autres textes qu’elle aurait pu écrire tant qu’ils sont dans cette veine. En revanche, j’ai trouvé le texte un peu résistant de par sa forme, ce qui m’a empêchée de pleinement profiter de l’expérience, à regret.

(Merci à Argyll pour cette lecture)

> N’hésitez pas à lire aussi les avis bien plus pointus de : L’épaule d’OrionUn papillon dans la nuit, Le syndrome Quickson, Vous ?

6 commentaires sur “La Monture de Carol Emshwiller

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