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Mermaid Saga de Rumiko Takahashi

Titre : Mermaid Saga

Auteur : Rumiko Takahashi

Editeur vf : Glénat (shonen)

Années de parution vf : 2021-2022

Nombre de tomes : 2 (série terminée)

Résumé : Parce qu’il a mangé la chair d’une sirène, Yuta est devenu immortel. Depuis des siècles, il traverse le Japon à la recherche d’une de ces femmes-poissons qui pourra enfin lui permettre de vieillir. Mais ces créatures envoûtantes sont aussi belles que dangereuses et c’est dans le sang et les sacrifices qu’il va les retrouver…
Un superbe conte noir et mélancolique qui dévoile une autre face de la créatrice de Ranma 1/2.
Après la publication du premier opus Mermaid Forest, Rumiko Takahashi a complété cette saga, devenue culte au fil des années. Nous avons aujourd’hui le plaisir de vous proposer une version intégrale de la série, en deux tomes grand format.

Mes avis :

Rumiko Takahashi est une autrice dont j’ai toujours aimé le travail, enfant avec les animes tirés de ses oeuvres, adultes avec les oeuvres en question. J’ai donc été ravie quand elle a remporté le Grand Prix d’Angoulême en 2019. Depuis, j’attendais la réédition de ses oeuvres et après Ranma, j’ai été ravie de voir Glénat annoncer Mermaid Saga.

Ce shonen paru au Japon dans le Shonen Sunday en 1984, nous revient dans une belle édition grand format qui comptabilisera 2 tomes, regroupant l’ensemble des histoires de l’autrice sur le thème des sirènes. Malheureusement, l’éditeur français n’a pas pu ajouter les pages couleur de l’époque, c’est mon seul regret, avec les deux trois fautes de traduction que j’ai notées. Pour le reste, nous avons une édition de qualité, sur un beau papier avec une couverture travaillée dont le petit effet écailles m’a beaucoup plu tout comme le personnage en sépia sur la 4e de couverture, pour bien appuyer le côté vintage de l’oeuvre.

L’oeuvre en question est une suite d’histoires en un ou deux chapitres dans lesquelles nous suivons Yuta, un ancien pêcheur japonais, qui est devenu immortel après avoir ingéré de la chair de sirène. Mais mécontent de cet état, il cherche à redevenir mortel et doit pour cela rencontre une sirène.

Le ton des histoires est volontiers mélancolique et nostalgique, bien plus sombre que ses oeuvres précédentes. Il fait état d’un Japon passé du plus bel effet, que ce soit à l’époque lointaine où la piraterie y était un art de vivre, ou à une époque plus récente où l’on voit la ville prendre le pas sur la campagne. L’autrice a choisi un très beau décor qu’elle a très bien su utiliser. 

Il en va de même pour les légendes qu’elle reprend ici. S’appuyant sur le mythe archi connu de la sirène, elle lui insuffle un souffle typiquement japonais et tragique, avec une vision monstrueuse de la sirène, qui a un effet ravageur. Dans chaque histoire, nous voyons des victimes de ces croyances qui pensent pouvoir trouver la réponse à leurs attentes dans la chair de sirène et ses vertus, mais s’en trouvent fort déçus au final.

Pleine d’aventures, les histoires sont fort agréables à suivre malgré un schéma un peu répétitif. Dans chacune, Yuta est le personnage principal aux côtés des gens qu’il rencontre et bien souvent de belles femmes. Il sera d’ailleurs au bout d’un moment accompagné par l’une d’elle pour vivre ces aventures, un peu en mode « demoiselle en détresse » de manière récurrente. Attention à la vision de la femme made in années 80… On naviguera aussi bien dans son passé que dans son présent. Et la narration archi fluide de l’autrice est ici au service de belles histoires tragiques. 

Avec un dessin moins comique et plus sombre et poétique que ce qu’on lui connait, Rumiko Takahashi m’a rapidement charmée. J’ai retrouvé la force de son découpage dynamique tel qu’on le retrouve dans un shonen comme Ranma, mais avec une puissance dramaturgique propre à cette oeuvre. En effet, on la connait désormais soit pour ses comédies romantiques, soit pour ses shonens toujours un peu légers et comiques. Mais ici, le ton est beaucoup plus sombre et cela se retrouve dans un dessin moins cartoon. Elle prête ainsi une grande attention au folklore à travers ses décors et le dessin de ses créatures qui font froid dans le dos, ce qui en fait une lecture parfaite en cette saison.

Je remercie donc grandement Glénat pour cette réédition qui arrive à point nommé et me permet de découvrir une autre facette de l’oeuvre de cette célèbre autrice. J’espère maintenant que Delcourt-Tonkam aura un jour la même idée avec ses histoires courtes plus tranche de vie qu’il y a à son catalogue. En attendant, je trouve Rumiko Takahashi particulièrement douée pour revisiter avec force et poésie un mythe aussi fondateur dans des histoires universelles et poignantes.

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Herbv, Vous ?

Tome 2

Second et dernier volume regroupant les histoires de Rumiko Takahashi sur les amateurs de chair de sirène, la lecture laisse un petit goût d’inachevé qui heureusement ne vient en rien gâcher le plaisir pris à découvrir la noirceur de ces contes fantastiques.

Comme dans le premier volume, nous suivons plusieurs histoires autour de ces créatures fantastiques que sont les sirènes et dans lesquelles nous croisons toujours Yuta et Mana, deux jeunes gens ayant eux aussi été victimes de ces dernières à leur façon. L’autrice reprend la même recette qui a fait ses preuves : des histoires dramatiques racontée avec énergie et sentiment où nos héros, spectateurs bien involontaires, vont plonger dans les tréfonds de l’âme humaine tandis qu’ils vont croiser des amateurs de chair fantastique aux pouvoirs mirobolants. Les histoires peuvent à nouveaux se lire indépendamment les unes des autres et dans l’ordre qu’on veut mais on retrouve le même fil rouge et la même intention puissante autour des thèmes de l’immortalité et de la peur de vieillir et d’être seul.

J’ai beaucoup aimé la première histoire, qui est probablement ma préférée de ce recueil. J’ai été frappée par l’écriture de cet enfant « éternel » et de son rapport à ses mères. Si j’avais deviné très vite de quoi il en retournait, ça ne m’a pas empêcher d’apprécier les talents de conteuse de l’autrice et de metteuse en scène de la dessinatrice qu’il y a également en elle. J’aime beaucoup le contraste entre la lente noirceur dont elle fait preuve en faisant monter la tension autour de ce drôle de duo mère-fils et le dynamisme léger très shonen des affrontements où on en est presque à rire des mimiques et grimaces exagérées des « gentils » qui se battent contre le « méchant ».

Les autres histoires du recueil sont du même tonneau avec souvent la figure d’un enfant qui vient se prêter au drame mais celui-ci n’étant plus l’acteur, je leur ai trouvé moins de profondeur. J’ai cependant à nouveau beaucoup aimé ce qu’elles disaient du mythe de la sirène vu par les japonais, mais également des histoires plus personnelles de chaque duo croisé, car l’autrice aime faire fonctionner ses personnages par deux ici. Ainsi, elle propose de nombreuses variations sur le même thème, celui de la peur de la solitude, mais toujours dans des décors différents que ce soit des temps ou époques passées, mais aussi des classes sociales différentes et des relations de dépendances différentes, même si on tourne très souvent autour de relations filiales.

Malgré tout, malgré cette répétitivité qui peut apparaître, jamais je ne me suis ennuyée. La profondeur des sentiments des personnages croisées, le drame qui se joue toujours autour d’eux, le sentiment désespéré qui se prend d’eux sous le regard souvent un peu impuissant du duo de héros, qui a beau essayer d’intervenir, n’en change pas grand-chose, tout cela a contribué à faire pour moi de ce titre un quasi coup de coeur à nouveau avec ces nouvelles histoires.

Ainsi, à ce jour, aux côtés de Maison Ikkoku, Mermaid Saga est mon oeuvre préférée de l’autrice. J’en aime énormément l’ambiance, les décors, les thèmes mais aussi le dessin de l’autrice qui n’a pas encore le côté formaté et lisse qu’il a à présent mais plutôt quelque chose d’un peu plus âpre. Alors merci à Glénat de l’avoir ressorti de manière complète cette fois et dans une édition grand format qualitative.

(Merci à Sanctuary et Glénat pour ces lectures)

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©  2021 Éditions Glénat

11 commentaires sur “Mermaid Saga de Rumiko Takahashi

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