Livres - Fantasy / Fantastique

La Fileuse d’argent de Naomi Novik

Titre : La Fileuse d’argent

Auteur : Naomi Novik

Editeur vf : J’ai Lu (Imaginaire)

Année de parution : 2021

Nombre de pages : 544

Histoire : Petite-fille et fille de prêteur, Miryem ne peut que constater l’échec de son père. Généreux avec ses clients mais réticent à leur réclamer son dû, il a dilapidé la dot de sa femme et mis la famille au bord de la faillite… jusqu’à ce que Miryem reprenne les choses en main. Endurcissant son coeur, elle parvient à récupérer leur capital et acquiert rapidement la réputation de pouvoir transformer l’argent en or. Mais, lorsque son talent attire l’attention du roi des Staryk – un peuple redoutable voisin de leur village -, le destin de la jeune femme bascule. Obligée de relever les défis du roi, elle découvre bientôt un secret qui pourrait tous les mettre en péril…

Mon avis :

Voilà une chronique qui ne fut pas simple à écrire. Je partais pourtant conquise tant j’avais adoré mon roman précédent de l’autrice : Déracinée. J’avais été emportée par le talent de conteuse de Naomi Novik, sa science de l’ambiance étrange et inquiétante, douce et dure à la fois et la tendresse qu’elle avait su mettre dans ses personnages qui transcendaient le manichéisme de ce genre d’histoire parfois. C’était un très beau roman, qui m’avait surpris en réveillant des éléments enfouis dans nos souvenirs, notre inconscient, parlant ainsi à notre coeur.

Malheureusement malgré son titre entêtant, son univers immersif et intriguant et sa plume toujours aussi belle, je n’ai pas eu le même coup de coeur. La faute notamment à un rythme vraiment très très lent et une plume comportant peut-être un peu trop de détails à la Robin Hobb, mais ici ceux-ci ne servent pas toujours à quelque chose contrairement avec l’autrice phare des dragons et des assassins. De plus, le texte est émaillé de nombreuses répétitions nuisant à la fluidité de la lecture.

Cependant, j’ai adoré retrouver un univers froid et chaleureux à la fois comme dans Déracinée. On est clairement dans le prolongement de l’ambiance de ce texte. On a à nouveau l’impression de replonger dans de vieux contes d’autrefois mais inconnus pour nous Européens, avec des paysages froids et hivernaux très âpres, des créatures fantastiques vraiment cruelles qui peinent à comprendre les hommes malgré leurs interactions. Les héros sont tels des personnages des Contes de Grimm mais en version peut-être encore plus sombres et rudes car leur vie dans ce décor n’a rien de simple. On est en plus en pleine société patriarcale qui est bien rude avec les femmes, héroïnes de l’histoire.

Car en effet, nous suivons un très un beau trio 100% féminin avec Miryem, petite-fille et fille de prêteur, dont le père a dilapidé la dot et mis la famille au bord de la faillite jusqu’à ce qu’elle reprenne les choses en main, puis la jeune campagnarde qui va tenter de sauver sa famille de la misère et va se mettre à travailler pour elle, et enfin Irina, la jeune princesse promise au Tsar. Avec elles trois, c’est une lecture très féminine et féministe que l’autrice propose de ce conte et de cette époque. Le décor est rude car en plus de la froideur des paysages, s’ajoute la misère des habitants et la rudesse dont les hommes font preuve envers les femmes : filles ou épouses. 

Cependant, le fantastique se glisse peu à peu et apporte une belle touche de fantasy et d’épique avec des sentiments vraiment à fleur de peau dans ce beau cadre à l’ancienne. Néanmoins, cette belle fresque épique ne déploie son souffle que dans les cent dernières pages pour tout emporter. Avant, on se traîne une ambiance et un texte fort pesant où on est noyé sous les drames vécus par ces jeunes femmes. Alors oui, c’est intéressant comme portrait d’une époque et dénonciation du drame d’être une femme alors, mais c’est fort longuet à lire.

A l’inverse, au milieu de tout ce marasme, j’ai beaucoup aimé l’histoire de Miryem, cette jeune juive, chose assez rare en littérature fantastique, qui va attirer l’attention d’un ancien esprit : le Staryk. Celui-ci, vieil esprit lié à l’hiver, m’a fasciné par sa façon étrange et décalée de percevoir notre monde et nous les humains. Il a ainsi une relation originale et piquante avec Miryem, qui a une sacrée répartie. De la même façon, j’ai trouvé très bien écrite la relation entre la jeune Irina et le Tsar qu’elle va épouser et qui sera possédé. Celle-ci qui apparaissait bien falote au début, s’est révélée très forte au final, redressant la tête et s’affirmant. Ce sont deux relations et deux personnages féminins particulièrement bien écrits et travaillés avec une évolution pertinente et encourageante.

L’ambiance, elle, est pleine de mystère et de vérité à la fois. L’autrice nous décrit un quotidien rude et morne parfaitement crédible dans la Russie (?) de l’époque, et elle y adjoint une culture des esprits et des mystères proprement fascinante, qui tient bien le lecteur en haleine et qui semble presque palpable. Cependant, une fois le roman refermé, certains mystères restent sans réponse et c’est frustrant.

Ainsi, alors que Déracinée avait été un coup de coeur, La Fileuse d’argent fut une lecture plus difficile, la faute à un rythme lent auquel il faut s’accrocher et à une histoire où parfois il ne se passe pas grand-chose. En revanche, l’autrice parvient toujours à écrire de très beaux personnages féminins dont les évolutions et les rencontres me touchent, le tout dans une ambiance fantastique qui fait très contes à l’ancienne et qui donne un vrai cachet. On aime trouver en Fantasy aussi des histoires de femmes où l’on voit leur place autrefois et la façon dont elles luttent pour s’imposer et exister.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Boudicca, Ibidouu, Girl kissed by fire, Books and rap, Songe d’une nuit d’été, Livresque 78, Vous ?

31 commentaires sur “La Fileuse d’argent de Naomi Novik

  1. Je vois que le rythme assez lent t’as quelque peu handicapé ainsi que les trop riches détails. Je reste cependant très enjoué à découvrir sa plume avec Déracinée qui t’as vraiment marqué. J’espère apprécier ces œuvres bien plus contemplatives que Trilogie d’une Nuit d’Hiver même si cet aspect m’a rassuré grâce à Un Bûcher sous la Neige.

    C’est sur, je sors cette plume de ma PAL avant la fin du mois ou au plus tard en février 😉

    Aimé par 1 personne

    1. Disons que quand il se passe quelque chose, ça ne me dérange pas que ce soit lent ou descriptif comme chez Robin Hobb ou Robert Jordan, mais là c’était un peu vide ou répétitif par moment 😅
      Je préfère effectivement Déracinée et j’espère qu’il t’apportera le même plaisir qu’à moi. Bonne future lecture !

      Aimé par 1 personne

  2. Ayant adoré Déracinée, ce roman me tente depuis sa sortie même si je pense lire en priorité A deadly education dont la sortie française est prévue ce mois-ci.
    Si c’est un peu dommage pour le rythme, je trouve ton avis très positif, du moins, il met en avant des points que je suis certaine d’aimer : l’ambiance, la relation entre les personnages, le trio féminin, la charge féministe…

    Aimé par 1 personne

  3. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ta chronique est vraiment intrigante ! Un univers fantastique, aussi froid que chaleureux, on dirait que tu as trouvé la porte guidant vers un autre univers ! Je suis vraiment conquise parce que tu nous décris de l’oeuvre, mais peut-être vais-je tenter de lire Déracinée en premier, puisque cela semble être le même genre d’histoire, mais en plus poussée encore !

    Aimé par 1 personne

  4. Je dois encore lire Déracinée qui me tente davantage (j’espère le sortir de ma PAL cette année 😛).

    Les lenteurs que tu évoques pour La Fileuse d’argent me rebutent un peu, et tu n’es pas la seule à avoir relevé ce bémol. Et je me rends compte que j’ai de moins en moins de patience avec les rythmes inutilement lents… Enfin, je verrai si le coup de cœur est au rendez-vous pour Déracinée, et après j’envisagerai peut-être de lire La Fileuse d’argent.

    Aimé par 1 personne

    1. Oui, autant je pardonne des lenteurs chez Robin Hobb parce que ça participe de l’écriture des personnages et de l’ambiance, autant ici je n’ai pas eu ça…
      A l’inverse, j’ai trouvé Déracinée très bon, alors j’espère qu’il te séduira ☺️

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire