Livres - Science-Fiction

Les Temps Ultramodernes de Laurent Genefort / Abrégé de Cavorologie d’Hippolyte Corégone

Titre : Les Temps Ultramodernes

Auteur : Laurent Genefort

Éditeur : Albin Michel Imaginaire

Date de parution : 5 janvier 2022

Nombre de pages : 450

Histoire : En 1895, d’énormes gisements de cavorite, un métal capable d’annuler la gravité, sont découverts. C’est le début d’une conquête massive des airs et de l’espace. Des paquebots volants relient les capitales ou voguent jusqu’à une Mars colonisée. Mais vingt-cinq ans plus tard, les réserves s’amenuisent et les empires occidentaux luttent pour récupérer les dernières miettes du précieux métal.

Mon avis :

Laurent Genefort est un auteur de la scène de l’imaginaire dont j’entends parler depuis de nombreuses années, que ce soit avec ses cycles de SF comme Omale ou Spire, ou bien en écoutant sa voix dans les trois premières saisons du podcast Procrastination, un podcast dédié à l’écriture de fiction, en seulement un quart d’heure (lien pour les curieux). C’est un homme que j’ai toujours trouvé fort sympathique et aux propos toujours sérieux et étayé. Cependant, honte à moi, je n’avais jamais osé franchir le cap. Il m’a fallu pour cela un récit aux fortes consonances verniennes pour me lancer et grand bien m’en a pris !

Dès les premières pages de cette aventure, j’ai été charmée par le style simple et immersif de l’auteur. Il a l’art et la manière pour vous prendre par la main et vous introduire dans son univers. Un univers, ici, fortement influencé par Jules Vernes, avec ce courant steampunk que j’en viens à tant aimer, depuis que j’ai lu Le château des étoiles, cette superbe BD signée Alex Alice, qui m’a permis de mettre de nouvelles images dans mon imaginaire. Ici, avec une facilité due uniquement aux nombreuses années d’écriture de l’auteur, celui-ci nous plonge avec dextérité dans toute la richesse, visuelle et technique notamment, de cet univers vernien mais également historique et politique, puisqu’il s’inspire fortement de notre propre Histoire à la veille de la Seconde Guerre Mondiale pour imaginer cette uchronie.

Dans Les Temps Ultramodernes, les nombreux héros que nous suivons tour à tour, nous entraîne dans un tourbillon historique particulièrement bien pesé et distillé. Nous découvrons à travers le récit d’une maîtresse d’école, d’un policier, d’une vulgarisatrice scientifique, d’un scientifique sur le carreau ou encore d’un activiste, un monde proche et en même temps différent du nôtre. Celui-ci a bifurqué par rapport à notre Histoire à partir du moment où des scientifiques ont découvert un nouvel élément : la cavorite (inspirée tout droit d’un roman d’H.G. Wells : Les premier hommes dans la Lune), dont l’exploitation permet la lévitation. S’est alors ouvert tout un champ de possibilités que le monde s’est vite empressé d’embrasser et ce malgré les soubresauts de l’Histoire. Place donc aux véhicules aériens, taxis, tram, trains et autres paquebots mais aussi vaisseaux spatiaux. Place donc à la conquête spatiale et en particulier celle de Mars où l’on allait découvrir encore plus de cavorite et surtout de mystérieuses créatures proches de notre image fantasmées des vampires : les Erloors.

Laurent Genefort s’inspire avec panache et sérieux de toute une littérature fantastique, précédant la science-fiction, reprenant ses codes et marqueurs, pour imaginer une nouvelle histoire moderne, haletante et palpitante dans un décor rétro-futuriste crédible, grâce à de solide recherches dûment compulsées et employées ici.

On est fasciné par la facilité avec laquelle il nous entraîne dans les aventures de ses personnages faites d’une institutrice voulant instruire un Erloor, créature autochtone de Mars servant de cobaye et animal de foire sur Terre, d’un scientifique sur le carreau embarqué pour mettre en place un drôle de centre d’extraction de cavorite sur Mars, d’un policier et d’une vulgarisatrice scientifique qui mènent l’enquête suite à un meurtre étrange qui va les emmener bien loin, ou encore d’un activiste qui va lutter avec son groupe contre la montée des extrêmes dans notre pays. Se mélangent ainsi des thèmes pacifiste, anti-capitaliste, anti-raciste, anti-esclavagiste, anti-extrêmes mais aussi anti-colonialiste et pour un progrès raisonné, le tout sans que cela ne soit jamais indigeste ou moralisateur car l’aventure proposée par l’auteur est bien digne de son célèbre précurseur : Jules Verne.

L’aventure ne nous quitte pas un instant, que cela soit lorsque l’on découvre ce Paris rétro-futuriste avec ses quatre Tours Eiffel et ses tramway volant ainsi que ses tapis roulant en place de trottoirs, ou lorsqu’on part sur Mars à bord d’un paquebot volant. L’imagination de l’auteur est inépuisable et fascinante car très vivante. Le rythme de l’intrigue est à la hauteur de celle-ci. On ne s’ennuie jamais. On passe d’un personnage à l’autre avec bonheur et même l’ajout de nouvelles têtes au milieu est bien pensée car c’est seulement alors qu’on est familiarisés à l’univers qu’il sait qu’il peut le complexifier. On sent que l’auteur a de la bouteille.

Ses personnages sont également très bien écrit. J’ai adoré voir autant de femmes fortes sous sa plume mais à qui on n’a pas retiré leur féminité. Renée est une institutrice passionnée par son métier et vraiment engagée dans la transmission du savoir avec des idéaux ancrés au corps pour lesquels elle peut aller très loin. Étant moi-même enseignante, cela m’a forcément parlé. Marthe est une scientifique, qui n’a jamais lâché le morceau, même quand le monde patriarcal l’a empêché de mener la carrière qu’elle aurait voulue. Elle sera une insatiable reporter. Ces femmes, ainsi que d’autres qu’on croise, se rejoignent dans leur désir de liberté pour leur sexe qui vit encore dans un carcan masculin, subissant par exemple leur dictât quand à leur corps et envie ou désir de procréer au non. Laurent Genefort a superbement écrit dessus. A côté d’elles, on trouve des hommes remarquables, comme l’enquêteur/détective Peretti, un vrai flic à l’ancienne comme dans les bons polars noirs. George Moinel, notre activiste, fait un peu pâle figure à côté, sorte de témoin de l’époque plus qu’acteur, je trouve. D’ailleurs ces hommes vont peu à peu laisser le premier rôle aux femmes, ce qui n’est pas pour me déplaire.

Toujours avec les personnages, j’ai aimé la nuance avec laquelle ils ont été écrits. Les femmes qui demandent plus de liberté ne sont pas des caricatures de suffragettes. Les Erloor, créatures dont on pourrait avoir pitié vu leur traitement très colonialiste par les Hommes, sont d’une rare finesse et on apprécie au détour de quelques pages de découvrir leur façon de concevoir ce qu’il se passe et de vivre avec. Quant au grand méchant de l’histoire, Marcel Cherry, il est plus le produit de son époque et d’hommes qui se servent de sa folie et de son sentiment de toute puissance scientifique, pour lui faire commettre le pire. L’auteur ne le dédouane jamais mais il explique aussi très bien qu’il n’aurait pas fait cela tout seul. Il est le reflet de ce qu’il y a de pire dans une société patriarcale et capitaliste sans frein.

Vous l’aurez probablement compris si vous avez lu l’intégralité de cette longue chronique mais ma lecture des Temps ultramodernes m’a passionnée, fascinée et enchantée. J’ai été charmée par la plume de Laurent Genefort chez qui je n’attendais pas autant d’accessibilité. J’ai adoré la richesse de son univers, sa familiarité et son dépaysement également. Il m’a vraiment fait voyager dans cette uchronie grâce aux aventures trépidantes et sérieuses de ses héros qui se débattent avec une époque devenue bien trop rapidement moderne. Son exploitation de la littérature fantastique d’autrefois, ses inspirations steampunk et son utilisation judicieuse de notre Histoire à nous, ont fait de cette oeuvre un vrai coup de coeur ! Merci Laurent Genefort de m’avoir permis de commencer l’année sur une telle note. Ce ne sera pas la dernière fois que nous nous croiserons !

(Merci à Albin Michel Imaginaire et Gilles Dumay pour cet envoi et leur confiance)

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Outrelivres, Le Lutin, Le bibliocosme, Au pays des Cave Trolls, Les épaules d’Orion, Vous ?

BONUS : Pour introduire son univers, depuis le 10 décembre, l’auteur et l’éditeur mettent à disposition, gratuitement sur leur site (lien) un petit Abrégé de Cavorologie, sorte de bonbon exquis où l’auteur s’amuse à singer la collection « Que Sais-je ? » pour présenter l’élément clé de son univers : la cavorite.

Il décore cela comme un véritable ouvrage de vulgarisation scientifique, présentant toutes les particularités de la cavorite, ce métal inventé par HG Wells dans son roman Les premier hommes dans la Lune. C’est amusant et éclairant. L’auteur en plus a vraiment fait appel à des spécialistes dans leur domaine pour l’épauler dans sa rédaction Ça montre l’importance qu’il accorde à la construction de son univers pour que son Uchronie soit la plus solide/crédible possible. J’ai adoré également !

17 commentaires sur “Les Temps Ultramodernes de Laurent Genefort / Abrégé de Cavorologie d’Hippolyte Corégone

  1. Ça donne envie ce coup de cœur ! J’ai souvent été déçue par le steampunk – j’adore cet univers, mais pourtant, j’ai toujours cette impression tenace que les auteurs ne l’exploitent pas pleinement.
    Qui sait, ce sera peut-être l’ouvrage qu’il me faut 🙂

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  2. Ah! ca c’est de la chronique enthousiaste! Le logo coup de coeur à la fin était une logique… obligatoire.
    J’en suis à un pe plus de la moitié, et même si je suis mon passionnée que toi – sans doute les retours hyper élogieux m’ont poussée à attendre un chef d’oeuvre – j’aime beaucoup. Il me fait penser à Jules Verne.

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  3. Ouah, tu le vends terriblement bien ! Je suis complètement passée à côté de ce titre car je n’avais pas accroché à un précédent roman de l’auteur : Les Chasseurs de sève.

    Pourtant, Les Temps modernes a tout pour me plaire, surtout le côté steampunk qui m’a l’air pour une fois abouti. Ah, j’hésite maintenant à l’ajouter à ma WL ! ^^

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    1. Merci beaucoup. C’est vraiment un petit bonbon. Bon après je suis partiale j’adore dès qu’il y a un petit hommage à Verne. Au passage, en jeunesse, j’avais beaucoup aimé Pax Automata de Ariel Holz aussi. Mais ici, on est dans le haut du haut du panier !

      PS / Les temps ultramodernes sont dispo en poche si jamais 😉

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