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Trèfle (Clover) des Clamp

Titre : Trèfle (Clover)

Auteurs : Clamp

Éditeur vf : Pika (seinen)

Année de parution vf : 2001 (première édition)

Nombre de tomes vf : 4 (série terminée) – 2 (dans la nouvelle édition double)

Histoire : Kazuhiko, un ancien commandant des services secrets, est sommé par le gouvernement d’accompagner jusqu’à un lieu secret une jeune fille étrange, Suh, qui possède des ailes d’ange et chante avec une tristesse infinie dans la voix…

Mon avis :

Tome 1

Toujours dans mon entreprise de relire les perles de ma bibliothèque, avec la réédition récente de Pika, j’ai eu envie de replonger dans l’univers de Trèfle (Clover), cette saga encore inachevée des autrices qui m’avait laissé un drôle de sentiment d’incompréhension en tête à l’époque.

Je dis à l’époque car le titre a été publié chez nous il y a plus de 20 ans maintenant. J’étais alors au collège et certaines subtilités m’étaient passée au-dessus de la tête. Mais en 2022, j’ai été bien contente de retrouver ma belle édition en 4 tomes très fins avec leur jolie jaquette en papier calque un peu plus épais sur lesquels il y avait des effets stylisés en fonction des personnages mis en couverture. C’était parfaitement dans l’ambiance poétique et rétro futuriste du titre, donnant bien le sentiment d’être dans une sorte de concept art avec en prime cette ambiance de vieux polar que les autrices lui avaient donné.

A l’époque de sa sortie, qui coïncide avec celle de Card Captor Sakura chez nous, le titre tranchait avec la production précédente des autrices, notamment dans sa forme. Avec ses chapitres ultra courts qui se suivent et découpent une histoire ultra immersive, mais surtout son dessin et sa mise en page ultra épurée Mokono Appapa montrait qu’elle ne jouait pas dans la même cour que ses collègues.

L’univers de Trèfle (Clover), c’est un univers futuriste mélangeant inspiration fantastique à la Lewis Caroll et steampunk. L’histoire est bien complexe comme on le découvre au fil de l’aventure se développant sur les deux premiers tomes. On suit un duo formé d’un militaire et d’une fille perdue un peu comme dans Leon. Tout démarre avec cet ancien militaire bien connu, qui a dû faire des siennes dans son temps, et à qui on confie la mission d’accompagner vers un lieu secret une mystérieuse jeune fille protégée par les pontes du gouvernement mais qu’une branche militaire essaie aussi de récupérer pour ses projets.

Entre transfert façon téléportation, arme greffée au bras, décor rétro futuriste avec verrière poétique, zeppelin et gare en métal à la Eiffel, c’est très mystérieux et singulier avec un petit air vernien qui m’a beaucoup plu. Le tout s’accompagne d’une non moins mystérieuse chanson et d’une artiste entêtante qui suit tout du long les héros sans qu’on sache encore pourquoi, mais cela accentue le côté mélancolique et un brin désespéré des personnages qui cachent tous un lourd passé apparemment. C’est fascinant.

J’ai adoré l’épure des planches qui semblent flotter dans l’espace de la page mais qui se raccrochent au réel avec leur format très rectangulaire. Le trait de Mokona Apapa change énormément de ce à quoi nous avait habitué le groupe, mais convient à merveille pour cet univers futuriste. J’ai adoré les inventions graphiques autour des méchas, des décors, des tenues et accessoires, c’est une belle inspiration steampunk matinée de culture asiatique.

Le premier tome nous embarque directement dans l’action et on ne voit pas le temps défiler au fil de ce road-trip à deux sous tension où on ne sait jamais quand, de qui et d’où va venir l’attaque. Fascinant et palpitant.

Point sur l’objet : Je suis fan de la beauté de ces calques qui changent à chaque tome dans l’élément en surimpression qu’ils mettent en avant et les paroles poétiques peuplant le rabat arrière et le résumé ❤

Tome 2

Le deuxième tome est tout aussi fascinant, dévoré directement à la suite du premier. L’univers poético-mélancolique des Clamp dans cette fable futuriste vernienne est fascinante et terriblement émouvante.

Elles mènent leurs lecteurs avec brio dans les dédales des émotions à fleur de peau des personnages et dans leurs compositions toujours d’une épure rare qui font confiner l’oeuvre à un art book. C’est sublime !

On est pris dans ce deuxième tome par les révélations de Suh qui nous font découvrir le projet « Clover ». On apprend ainsi que les chefs du gouvernement n’ont pas juste le titre de « Wizards » pour faire joli mais que ce sont véritablement des sorciers et qu’ils ont décidé il y a une décennie d’enlever les enfants les plus prometteurs pour en faire des cobayes : les trèfles à 3 feuilles et à 4 feuilles. Suh est l’un d’eux, le plus rare, le seul et unique 4 feuilles d’où sa solitude.

Le récit tragique de cet état de fait assoit le lecteur. On comprend bien mieux la tristesse de cette petite et la façon dont elle s’est accrochée à son « sauveur » Kazuhiko, qui en plus se retrouve être l’homme de la seule femme avec qui elle avait noué un lien. Les Clamp sont vraiment elles aussi des magiciennes pour mettre en scène toutes ces belles relations tragiques pleines d’émotion. Elles transforment ainsi le désir d’en finir d’une jeune fille solitaire en magnifique déclaration d’amour pour les relations humaines qu’on arrive parfois à tisser.

Que d’émotion ! Et tout est parfaitement soigné, rythmé, mis en scène, dessiné. C’est sublime et fascinant de légèreté et de noirceur en même temps. Une poésie âpre et déchirant telle une lame sur laquelle on a l’impression de glisser et de s’ouvrir l’âme. Les dessins de Mokono Apapa sont une nouvelle fois d’une très belle originalité et profondeur, avec ce parc féerique où on atterrit qui happe et capture notre esprit. Une vibes d’X et de ses prophéties apocalyptiques s’empare alors de nous et on sent combien les oeuvres de ces jeunes femmes étaient liées au début avant de devenir tellement commerciale. Quel dommage qu’elles ne soient pas restées dans cette veine arty.

Clover confirme son statut d’oeuvre à part, d’oeuvre puissante, d’oeuvre émouvante et d’oeuvre sublime pour moi, avec un deuxième tome qui clôt une première partie terrible de l’histoire de manière tellement tragique et poétique.

Tome 3

Tome supplémentaire bonus, il est peut-être celui qui m’a le plus déchiré le coeur, car plus que la découverte d’un univers futuriste (le tome 1), plus que la découverte des manipulations d’un gouvernement corrompu (le tome 2), ce fut la rencontre de deux solitudes.

Les Clamp nous embarquent ainsi dans un petit voyage dans le passé, celui de la rencontre entre Suh et Oluha, alors chanteuse et amoureuse de Kazuhiko. Cela donne un tome doux amer, plein de charme, dont on sait qu’il finira mal, ce qui d’avance déchirant.

La narration éclatée des autrices prend tout son sens ici. On est pris dans une lente valse nous faisant virevolter d’un bout à l’autre pour découvrir le passé des personnages qu’on a déjà rencontrés : Suh bien sûr, mais aussi Oluha qu’on rencontre enfin, et les Kazukiho, Gingetsu et Ran d’autrefois.

Tout cela sous le regard mystérieux d’un oeil espion qui observe avec une aura sombre ce qui se passe avant de passer à l’action de manière bien triste. Un écho saisissant pour moi à un film comme Perfect Blue qui raconte également le tragique destin d’une idol sous l’oeil constant des fans, comme celle que semble incarner Oluha en moins trash. Une métaphore et un emprunt à creuser.

Mais c’est clairement la rencontre à distance des deux femmes de l’oeuvre qui fascine pour ce qu’elle dit de leurs pouvoirs et de la profonde solitude dans laquelle il les a plongées chacune d’une manière différente. L’une vit seule dans une cage et rêve d’en sortir. L’autre n’a pas été enfermée au sens strict mais a perdu tout espoir de rêver. Elle vit donc sa vie au jour le jour. Leurs conversations et l’oeuvre qu’elles créent ensemble sont bouleversantes et je ne rêve que d’une chose c’est d’entendre leur chanson pour sentir le poids de leur mélancolie et la beauté tranchante de leurs voix.

Les Clamp frappent vraiment fort avec cette oeuvre atypique dans leur histoire. Un peu comme le sera dans une certaine mesure XXX Holic plus tard, elle tient à le fois de l’expérience graphique mais également de l’expérience narrative et débouche sur une réussite formelle et émotionnelle rare. J’adore !

Tome 4

Ultime volume frustrant, oui et non, de cette série inachevée, oui et non, des Clamp sortie il y a plus de 20 ans. Avec son univers mystérieux, je comprends la fascination qu’elle exerce et l’envie qu’elle donne d’y retourner, mais en fait, ce tome 4 comme le 3 et comme les 1 et 2 pris ensemble, se suffisent à eux-mêmes finalement.

Après le récit de Suh et Kazuhiko dans les tomes 1 et 2, puis de Suh et Oluha dans le tome 3, c’est au tour de Ran et Gingetsu dans cet ultime volume et il est fascinant de voir les parallèles que les autres font entre chacun de ces Trèfles ! On voit peu à peu, au fil des tomes, se dessiner un vrai tableau de souffrances psychologiques autour de ses anciennes expériences gouvernementales et peut-être est-ce au final cela que cherchent à nous raconter les autrices avec ces tristes histoires d’êtres bousillés par le gouvernement, devenus terriblement seuls et cherchant quelqu’un pour les accompagner. En tout cas, c’est comme ça que je l’ai perçu et c’est comme cela que ça m’a touchée.

L’univers a donc beau être incomplet au bout de 4 tomes, il m’a beaucoup plu. J’ai aimé découvrir le monde dans lequel ils vivent avec ce gouvernement de sorciers cherchant, on ne sait trop pourquoi d’autres sorciers, mais ayant vite trop peur de ceux plus puissants qu’eux et pouvant les renverser. Ils les enferment donc mais regrettent vite leur choix, et sous des dehors tyranniques ils vont preuve chacun de mansuétude, permettant à plusieurs d’entre eux de s’échapper de leur cage pour vivre au dehors. Alors qu’elle était bien la finalité de l’expérience, on se demande. En tout cas, le résultat est une fable poétique rétro-futurique magique.

J’ai été émue par chaque histoire, que ce soit Suh qui cherche un écho d’Oluha en Kazuhiko, que ce soit Oluha qui vit à fond ses derniers instants, ou Ran qui doit pour le bien de tous s’éloigner de son jumeau, son reflet, son autre moi-même pour trouver refuge auprès d’un être terriblement taciturne. C’est à chaque fois poignant et bouleversant car les autrices jouent à fond les cartes du drame et de la tragédie antique, le tout dans un dessin aussi épuré qu’une statue grecque. C’est vraiment une expérience à vivre.

Alors bien sûr quand on referme cet ultime volume, on ne peut qu’être un peu frustré. La quête de vengeance de Kazuhiko n’a jamais vraiment démarré. On ne sait pas comment ça va finir pour Ran ou Suh. On cherche encore ce que voulaient faire les Wizards et on se demande sur quoi la guerre contre Azlight va déboucher. Mais les destinées croisées furent déjà magnifiques, l’univers sublime et la poésie entêtante. Je ne sais pas si les Clamp sont encore capables de cela à l’heure actuelle avec leur nouvelle production partie sur une toute autre voie… Alors je suis contente d’avoir pu (re)faire ce voyage et je m’en contente très bien.

 >N’hésitez pas à lire aussi les avis de : L’Apprenti Otaku, Julie – Songe d’une nuit d’été, Bulle de Livre, Vous ?

17 commentaires sur “Trèfle (Clover) des Clamp

  1. À la base, je ne pensais pas du tout être intéressée, puis j’ai feuilleté la réédition et je suis tombé sous le charme de la mise en page ultra épuré. Quant au fond, ça a l’air d’être intense, l’univers intéressant et il y a des éléments qui me plaisent beaucoup à l’instar du regard mystérieux que tu évoques !

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  2. C’est drôle comme tu arrives à mettre en avant des séries de mon adolescence ou de jeune adulte en donnant envie d’y replonger pour tenter d’y saisir des réminiscences d’une époque pas si lointaine. CLAMP s’est perdue entre deux univers dans lequel j’ai fini par ne plus me retrouver… Et pourtant j’y retournerais bien! Merci ❤

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    1. Merci à toi pour ce beau commentaire.
      Je suis effectivement terriblement nostalgique de cette époque et j’y replonge avec bonheur grâce aux oeuvres qui m’ont marquée alors. Ravie si en prime je parviens à toucher les lecteurs du blog ☺️

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  3. Merci beaucoup pour la mention ! Je me suis permis de ne lire qu’en diagonale la seconde moitié de l’article pour ne pas trop me spoiler. Mais j’aime tout particulièrement la façon dont tu resitue ta découverte du titre. Je ne doute pas que quand on est jeune, il soit déroutant… Il n’est aussi quand on a plus de 30 ans ^^’
    Me concernant, j’ai été happé par cette expérience visuelle, et j’ai hâte d’avoir le second tome pour tout relire d’une traite et voir un peu ce que j’en retire. Je suis déjà allé lire des analyses et je constate que je suis passé en partie à côté du point de vue narratif, surement trop focalisé sur l’expérience visuelle.

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    1. Merci ^^
      C’est effectivement une sacrée expérience avec plusieurs niveaux de lecture visuel et narratif notamment. L’avantage c’est que si on veut approfondir, ça se relit aussi très vite 😉
      En tout cas curieuse de lire ce que tu penseras de l’oeuvre globale ^^

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  4. Ah ! Je suis tellement d’accord avec toi ! Cette époque me manque, je trouve que le 21e siècle est quand même dur et compliqué. Bref. Je n’ai lu que tes avis des tomes 1 et 2 et je lirai le reste après avoir relu la seconde intégrale (j’ai hâte).
    Finalement, cette histoire est superbe et pas si compliquée à comprendre et oui, il y avait une vraie prise de risque dans l’ébauche des planches et dans le concept artistique. Déjà, à l’époque même si le récit m’était passé par-dessus la tête, j’avais adoré le style et le manga en lui-même avec ses calques.

    Et pour finir ce petit comm’ enthousiaste, je te remercie pour le lien vers mon billet 🙂

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    1. Avec grand plaisir, j’aime partager les avis complets et enthousiastes comme les tiens.
      Du coup, tu te doutes je suis 100% d’accord avec toi sur la richesse et la beauté de ce titre. J’aimerais bien que les Clamp reviennent à un tel style et soient moins commerciales ><

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