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Mimizuku et le Roi de la Nuit de Kougyoku Izuki et Suzuki Yu

Titre : Mimizuku et le Roi de la Nuit

Auteurs :  Kougyoku Izuki et Suzuki Yu

Éditeur vf : Vega Dupuis (shojo)

Année de parution vf : 2022-2023

Nombre de tomes vf  : 4 (série terminée)

Résumé : Mimizuku, une petite fille avec des chaînes aux poignets et aux chevilles et les chiffres « 332 » marqués sur son front, erre dans la forêt de la nuit, cherchant à être mangée par un monstre. Cependant, lorsque le souverain des monstres, le mystérieux et beau « King of Night », refuse de la manger, elle essaie de trouver un moyen de le persuader du contraire. D’où vient-elle et quelle est son histoire ? Comment ce dieu des monstres va-t-il convaincre la jeune fille de se rattacher à la vie ?

Mon avis :

Tome 1

CONTE CRUEL : MANGE-MOI !

Depuis les débuts de son catalogue, Vega a une volonté de porter des oeuvres fantastiques et des oeuvres enfantines, ils regroupent ici ces deux thématiques avec un conte cruel un peu triste pour enfant reposant sur un texte original de Kougyoku Idui. 

Avec un trait très doux et shojo, Yu Suzuki montre facilement son affiliation au Lala d’Hakushensha, un magazine dans lequel Matsuri Hino ou Sorata Akizuki ont publié. Sa série, qui serait apparemment terminée en 4 volumes selon certaines sources, et toujours en cours selon d’autres, est riche de ces influences.

Nous nous retrouvons à suivre, avec mélancolie et tristesse, une petite fille, ancienne esclave, qui s’est échappée et refuse de se reconnaître en tant qu’humaine après ce qu’elle a vécu. Elle atterrit dans une étrange forêt où un Roi des démons commande et en faisant le choix de ne pas la manger, il lui offre indirectement sa protection. Mimizuku va ainsi pouvoir tranquillement faire sa vie dans ce nouveau lieu, sauf qu’elle, elle n’a qu’une envie, qu’on la mange pour en finir. 

C’est assez inattendu d’avoir une jeune héroïne comme Mimizuku. On ressent donc beaucoup de peine et de tristesse face à cette enfant qui pense sans cesse à la mort et qui a régulièrement des réminiscences de son passé où elle était maltraitée. Sans en savoir plus, on a mal pour elle. Cependant, les auteurs ont choisi, paradoxalement, de faire aussi de cette petite fille un moteur. Elle va toujours de l’avant, elle est très curieuse et parvient à se lier avec n’importe qui.

C’est donc un peu une ambiance de conte de fée à l’ancienne qu’on retrouve ici, comme c’était également le cas dans des titres comme Somali ou L’Enfant et le maudit. Les auteurs plantent un décor au final assez européen, un peu comme dans Shirayukiavec un royaume qu’on entraperçoit en marge de l’aventure principale où le Roi a à ses côtés un Chevalier nonchalant à qui on va parler des mystères de la forêt. On peut donc imaginer qu’il ira à la rencontre de notre héroïne et de ses amis, comme ce fut le cas pour  L’Enfant et le maudit.

Mais pour le moment, nous sommes dans un premier tome assez introductif, au rythme lent et empli de tristesse, avec une petite fille cherchant à se faire accepter dans son nouvel environnement qu’on découvre à ses côtés avec ses créatures surnaturelles. Il y a d’un côté le fascinant Roi des démons aux peintures merveilleuses et de l’autre le petit démon, Kuro, qui l’accompagne au quotidien, mais ça ne va pas beaucoup plus loin. La seule aventure que nous avons eu se réduit à la recherche d’une plante rare en haut d’une montagne. C’est un peu mince.

Avec ce titre, Vega allie son amour pour les titres fantastiques et les titres pour avant avec la spécificité quand même de nous proposer un doux conte cruel à l’ambiance bien triste. Le titre a une ambiance prometteuse tel un conte à l’ancienne. Cependant sa brièveté, si elle se confirme, me fait un peu peur car il ne s’est pas passé grand-chose dans ce tome…

(Merci à Vega Dupuis et Sanctuary pour cette lecture)

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Alicia, Vous ?

Tome 2

Avec un premier tome où l’univers de contes sombres et cruels m’avait séduite, j’attendais beaucoup de la suite avec une crainte tout de même de trop peu au vu de la brièveté de la série. Je me trompais bien, les autrices maîtrisent parfaitement leur sujet et savent où elles vont dans ce mélange brillant de conte médiéval et d’Enfant et de maudit.

Malgré un trait toujours un peu hésitant parfois, il se dégage vraiment quelque chose de ce titre. Yu Suzuki met en scène une sombre histoire poignante et cruelle où les désirs de justice de chacun ne sont pas toujours le reflet d’une vraie bonté. C’est étrange et singulier.

J’ai beaucoup aimé l’ambiance qu’elle continue de créer où elle mélange univers médiéval, univers fantastique et pages de contes à l’ancienne. Elle fait ainsi le récit d’un passé cruel que chacun des personnages a vécu et qui s’est retourné contre lui, le conduisant à la situation précaire présente. C’est poignant.

La beauté de la relation entre Mimizuku et le Roi de la nuit est mis en scène avec beaucoup de retenue. Ce sont les autres qui parlent pour eux, étant donné que ce sont deux handicapés des sentiments. Leurs expériences personnelles leur ont enlevé cela et ils doivent réapprendre. J’ai trouvé bouleversant les pages où Mimi ne sait pas ce que sont des larmes, tout comme celles où le Roi est frappé par ce qui se passe et laisse tout se produire, alors qu’il sait qu’il va à nouveau souffrir. C’est magnifique d’âpreté.

L’histoire se déroule ainsi tel un conte arthurien avec des héros qui pensent sauver la veuve et l’orphelin et faire le bien. Personne n’est là pour les détromper. Seul le regard de l’auteur et le nôtre par ce biais vient le détromper ce qui apporte une vraie profondeur au récit et des interrogations intéressante sur l’idée même d’aller « sauver » autrui. L’histoire est vraiment sombre. C’était déjà le cas avec le récit des sévices subits par Mimizuki quand elle était esclave, ainsi que le passé du Roi, mais cela prend encore une autre dimension ici.

Il est donc dur de se réjouir devant les « bonnes choses » qui arrivent à Mimizuki. Chaque sourire fait mal au coeur au final et chaque action de bonté ne peut être pleinement vécu comme tel. Le lecteur souffre pour tous. Ils sont tous au final manipulés : par leur roi, par leur maître, par la société… Et j’espère vraiment qu’à un moment ça va finir par ruer dans les brancards, sinon ce serait définitivement trop triste de bout en bout.

En tout cas, pour le moment, je suis totalement convaincue par cette plongée dans un univers de contes sombre et âpre, qui nous prend à contre-pied et nous fait réfléchir sur nos valeurs et notre visions du monde. Je suis bouleversée par les émotions mis en scène ici avec tant de justesse alors que si complexe. Les autrices frappent fort et je n’attendais pas cela d’une oeuvre que je pensais toute simple. Décidément l’univers des contes de fée, quand il est traité ainsi, a vraiment quelque chose de singulier qui résonne en moi. C’est le biais parfait, je crois, pour faire passer ce genre de sentiments et de réflexions. J’invite tous les amateurs du genre à s’y plonger.

Tome 3

C’est parfois dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes ! Mimizuku et le roi de la nuit est une histoire on ne peut plus classique s’inspirant de l’ambiance des contes de notre enfance mais les auteurs y ont insufflé tellement de bons sentiments que cela en fait une lecture très émouvante.

Mimizuku vit désormais au château, entouré de gens qu’elle affectionne et qui le lui rendent bien. Ce n’est plus du tout la même, elle est lumineuse et respire la joie de vivre et la positivité. Elle, qui était autrefois l’ombre d’elle-même, a trouvé une seconde jeunesse. Mais est-ce normal ? C’est ce que les auteurs vont nous pousser à nous questionner.

On apprécie cette nouvelle héroïne plus lumineuse. Sa relation avec le jeune prince héritier est pleine de charme, lui qui est cloué sur une chaise, paralysé depuis la naissance, et lui qui vit très mal l’isolement qui en résulte. Mimi devient en quelque sorte sa bouée et ils développent une bien jolie amitié. Sa relation avec Andy et sa femme qui souhaiteraient l’adopter est touchante aussi. Elle semble avoir trouvé sa place dans sa nouvelle vie.

Mais sans qu’elle le sache, son passé la hante et c’est avec émotion que les auteurs vont peu à peu réintroduire celui-ci. D’abord à travers ce qui arrive en ce moment même au Roi de la nuit à qui on aspire la magie on devine bien pourquoi. Puis à travers cette mémoire bloquée qui libère parfois de sombres effluves et la bouleverse. C’est très bien mis en scène avec une émotion à fleur de peau qui touche à travers le regard de cette petite autrefois tellement maltraitée et celui de ce prince tellement mal dans sa peau, deux enfants qui se croient mal aimés alors qu’ils le sont trop au contraire mais par des êtres maladroits qui ne savent pas le montrer. C’est poignant.

On sent ainsi, dans cette ambiance de sombre conte de fée, une émotion monter au fil des pages de ce tome, qui entre lumière et obscurité nous touche en plein coeur. Portrait d’enfants maltraités, mal aimés, qui se trouvent et se perdent avant de partir en quête d’eux-même, Mimizuku est une histoire bien plus profonde que son air de fable enfantine le laisse penser. Ce titre me touche énormément.

Tome 4 – Fin

Tout au long de ces 4 tomes, la courte mais qualitative série Mimizuku aura offert une très belle et puissante revisite des contes classiques de notre enfance via le biais de les questions de la liberté avec une enfant ancienne esclave et du racisme avec son ami démon. Une belle réussite !

Il existe beaucoup de séries courtes désormais en France, c’est même un peu la norme, mais beaucoup ne reste pas forcément en mémoire après les avoir refermées. Je ne pense pas que ce sera le cas avec Mimizuku, car au-delà de son habillage rétro-merveilleux des plus séduisants, ceux qui auront découvert l’émouvante relation de son héroïne et sa relation avec le roi des démon, devraient le garder en mémoire.

La recette d’une telle réussite ? Un bon développement soutenu et cohérent tout au long des 4 tomes, avec une introduction solide et efficace, une pause pour découvrir les thématiques à travailler, un tome de développement plus rude et une résolution douce-amère des plus émouvantes. Pas besoin de courir après le temps, cela peut sembler un peu rapide et pourtant tout y est !

J’ai encore beaucoup aimé les thèmes autour des notions de liberté et de racisme dans cet ultime volume, surtout grâce aux relations entretenues par notre héroïne avec le jeune prince du royaume et la femme (= la prêtresse) du chevalier en chef. J’ai plusieurs fois été à deux doigts de verser ma petite larme tant c’était touchant de voir l’affection qui les nouaient et ce qu’ils avaient traversé. C’est très bien écrit pour cela.

Après, nous sommes dans un habillage très classique, avec de réels archétypes mais qui l’autrice tord gentiment avec humour, ce qui fait qu’on s’attache à eux. Mimizuku est une sorte de Petit chaperon rouge, mais c’est une ancienne esclave. Le roi-démon n’a rien de démoniaque et aide au contraire volontiers son prochain, en plus d’être un artiste. Le grand chevalier, lui, est un gentil benêt un brin naïf même s’il est très doué. Sa femme est une prêtresse rebelle dans l’âme mais qui adore aussi être une épouse et se rendre utile. Quant à la famille royale, sous ses dehors dysfonctionnelle, en fait elle s’aime beaucoup. Rien ainsi ne correspond exactement aux archétypes du genre tout en flirtant avec, ce qui rend le tout très savoureux.

Mais l’émotion vient surtout du message transmis. On nous apprend qu’être heureux, ce n’est pas juste faire ce qu’on veut ou être libre, mais être avec la bonne personne, et c’est très fin. J’ai été touchée par ce message et les personnages qui l’accompagnent, ce qui se ressent également dans les dessins et la fameuse figure du sourire de Mimizuku, élément clé ici. Nous aussi on a envie de la voir gagner ce sourire, c’est pour ça que nous la suivons.

Cette courte série m’aura donc séduite de bout en bout par sa tendre revisite d’un décor classique de fantasy flirtant avec les contes merveilleux parfois durs et cruels. J’ai été touchée par le parcours de notre héroïne et de ceux qui ont croisé son chemin, qui ont tous grandi au contact les uns des autres. Oui, ça va peut être un peu vite dans la ligne finale. Je n’aurais pas été contre une narration moins rapide, plus fouillée et dense mais l’émotion et le message sont là, et c’est là l’essentiel !

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8 commentaires sur “Mimizuku et le Roi de la Nuit de Kougyoku Izuki et Suzuki Yu

  1. Même si ça semble un peu pesant pour moi, l’ambiance conte cruel m’attire pas mal et je trouve intéressant de mettre en scène une petite fille qui a envie d’en finir, ce genre de choses étant, dans une certaine mesure, tabou dans notre société.

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    1. Je te rejoins, ça surprend et je trouve ça bien aussi d’en parler et de lui redonner espoir, ça peut être un bon message pour ceux qui connaissent ça. Alors si on ajoute la dimension conte cruel, il a toute sa place sur ta wishlist 😉

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  2. Coucou ^^ Le titre m’intrigue assez mais j’avoue que le fait qu’il ne dure que 4 tomes (à prendre du coup avec des pincettes) m’a un peu freinée, surtout si tu dis que le tome 1 est un peu lent. Mais j’ai quand même bien envie de me laisser tenter. 😀 L’ambiance a l’air particulière, ça m’intéresse !

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    1. Salut
      Je comprends ton hésitation. A la fois, je me dis c’est prometteur et il y a peu de tomes donc je ne risque pas grand-chose. Et en même temps, si peu de tomes, peut-être que ça ne suffira pas. Dur dur de se décider ^^!
      Mais clairement le parti pris est vraiment intéressant 😀

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      1. Tout à fait ! Surtout qu’il y a beaucoup d’autres titres tout autant tentants 😀 On verra si je me laisse prendre au jeu ou non. Et je dois bien avouer qu’une version numérique m’aurait bien plu

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      2. C’est beaucoup plus répandu qu’avant quand même ^^ Ki-oon n’en fait pas pour tous ses titres et j’avais zieuté du côté de Vega car Manchuria opium squad me tente à l’achat.

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