Idol et papa à la fois de Suh Ah-Ram et Léana C.

Titre : Idol et papa à la fois

Auteur : Suh Ah-Ram

Illustrations : Léana C.

Éditeur : KWorld (K Story!)

Années de parution : 2022-2023

Nombre de tomes  : 2 (série terminée)

Histoire : Leader d’un groupe de K-Pop, Ihyeon apprend qu’il est stérile. Âgé de 23 ans seulement, son désir de devenir père est anéanti. Mais l’espoir subsiste grâce au don de sperme effectué un an plus tôt. Avec cette romance insolite, suivez les aventures d’Ihyeon et (re)découvrez à la fois la société coréenne et le monde du divertissement.
Avant de devenir le leader du groupe ILLUSION, les fins de mois d’Ihyeon sont difficiles et pour s’offrir un bon repas avec de la viande, il fait un don de sperme. Un an plus tard, le groupe de quatre membres est célèbre. Ces derniers s’amusent et Ihyeon écope d’un gage : il doit réaliser un spermogramme ! Le jeu tourne au cauchemar quand il apprend qu’il est stérile. Fini son rêve de devenir papa. Après avoir retrouvé la personne receveuse, l’espoir renaît. Mais c’est sans compter sur le tempérament de Yuchae, brillante avocate, qui a son idée de la maternité et a décidé d’élever seule son enfant. Ihyeon réussira-t-il à la convaincre de faire partie de leur vie ?

Mon avis :

Tome 1

Après deux premiers romans différents de ce à quoi je m’attendais pour des histoires se déroulant dans l’univers des Idol coréens, les éditions KWorld! reviennent cette fois avec le premier tome d’une série : Idol et papa à la fois, où ils vont aborder l’épineuse question de la paternité et de la famille dans cet univers si restrictif. Encore une belle surprise, même si les thèmes m’ont peut-être moins parlé que les précédents. Je suis cependant ravie, en faisant partie de l’équipe des chroniqueuses de leur collection, de pouvoir les lire aussi rapidement après leur sortie et de profiter de leur charmante édition papier, qui a un bel effet collection grâce à la charte graphique choisie.

L’éditeur français a réuni ici un nouveau duo d’autrice/illustratrice. Suh Ah Ram, tout d’abord, qui est procureure depuis 10 ans en Corée en Sud et écrit en plus des romans publiés sur internet, avec un joli succès. Puis, Léana C., jeune illustratrice française passionnée par la pop culture asiatique et proposant des illustrations faites sur tablette où on retrouve beaucoup de douceur. Ensemble, elles vont sublimer la belle mais âpre rencontre de ce tome.

J’avoue avoir été surprise quand j’ai vu le titre et le thème du roman. J’ai cru un temps que ce serait l’histoire d’un idol qui sans le vouloir faisait un enfant à une conquête, mais pas du tout ! L’autrice a imaginé quelque chose de bien plus sensible avec un jeune chanteur-compositeur qui rêve d’une famille et qui suite au hasard se découvre stérile. Il décide alors de retrouver ce que sont devenus les spermatozoïdes dont il avait fait don il y a quelques années. Honnêtement, je crois que c’est la première fois, que ce soit en roman, BD ou série, que je vois ces termes abordés en lien avec l’industrie de la K-Pop et j’ai trouvé à la fois fort original et nécessaire, car je trouve important de casser cette image de « trésor national » qu’ont les Idols et qui n’en fait rien de moins que des objets.

En plus, l’autrice y adjoint de nombreux thèmes intéressants. Elle évoque d’abord la question des femmes célibataires souhaitant bénéficier d’un don de sperme. Elle traite aussi de plein de questions en lien avec la grossesse : nausée, couvade, mauvaise réaction des autres au travail, question de la femme célibataire dans cette Corée encore si traditionnelle sur ces questions, et étant elle-même coréenne, elle sait de quoi elle parle. Mais on en vient à parler de sujets plus intimes comme la réaction d’un jeune à qui on annonce sa stérilité, celles de parents face à un potentiel enfant trisomique, et bien d’autres. C’est très riche.

Seulement en centrant autant son récit sur cette grossesse et les liens qui vont péniblement s’établir entre les deux parents, la mère n’étant pas particulièrement chaude, l’autrice ne développe une romance entre eux qu’en marge marge, et moi qui suis friande du genre, je suis cruellement restée sur ma faim, ne trouvant ces scènes guère sexy ou émoustillantes… On est plutôt sur une romance qui prend bien son temps et est plus doudou que tout feu tout flamme. Chacun ses préférences.

Il en va de même par la partie « Idol ». Je n’ai pas du tout accroché au groupe de k-pop de notre héros, trouvant ses comparses assez antipathiques de bout en bout. Certes ils sont jeunes mais aucun n’a la tête sur les épaules, tous sont assez égoïstes en soi, et pas vraiment sympa envers celui qui s’occupe tant d’eux, n’ayant pas la moindre reconnaissance. Ce n’est pas joli joli. En revanche, on nous parle bien de la réalité de cette entreprise. On voit à quoi peut ressembler leur vie entre soirées à leurs dortoirs, séances de dédicaces, photos ou répétitions, tournées et concerts. On comprend bien aussi combien c’est un monde impitoyable et cruel où les gens ne sont que des pions et le trafic de personne et d’argent fréquent. Ça fait froid dans le dos.

En revanche, l’autrice a vraiment écrit des personnages charmants. J’ai été très touchée par Ihyeon et son désir de famille. Pour ma part, je ne souhaite pas d’enfant. Cela aurait donc pu me bloquer, mais pas du tout. La sincérité de ce personnage, son investissement à toute épreuve dès qu’il apprend qu’il va être père, sont désarçonnants. Il est même presque trop parfait ! A ses côtés, Yuchae, est la caution plus sombre, plus âpre, plus écorchée, moins confiante. Victime de violence par son père étant enfant, elle a du mal à faire confiance aux hommes, alors quand Ihyeon débarque dans sa vie avec ses gros sabots, c’est dur. Pourtant, on prend plaisir à voir peu à peu ses barrières s’abaisser face à sa gentillesse et avec l’aide de ses proches, sa meilleure amie obstétricienne et sa mère de coeur, ancienne avocate, comme elle. J’ai donc été touchée par ces personnages.

Comme je pouvais m’y attendre de la maison d’édition, KWorld nous offre à nouveau une belle incursion dans le monde des Idols sous un angle inattendu. J’ai été touchée par l’envie de foyer de nos héros, par leur façon de se rapprocher et de combler leurs manques. J’ai peut-être eu plus de mal avec le côté très antipathique sans nuance de l’industrie dont vient Ihyeon, mais le charme de leurs échanges me l’a vite fait oublier. Je suis désormais curieuse de voir ce que va donner cette cohabitation parentale sur le long terme ^^

Merci à KWorld! pour cette très belle découverte !

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Le Boudoir des livres, Vous ?

Tome 2

Avec cette touchante duologie, Suh Ah-Ram aborde l’univers des idols sous un prisme inédit et pertinent : celui de la famille et de la paternité. Si la plume de la jeune autrice est de loin perfectible, elle a déjà de bien belles idées et sait transmettre avec justesse de belles émotions.

J’ai dans un premier temps été surprise de replonger de pleins pieds dans l’histoire sans préparation. Le début de ce second tome est un peu abrupt. En fait, j’ai l’impression que le roman a été écrit comme un tout et coupé ensuite en deux pour être publié. Sauf que quand on écrit une suite, il y a toujours une introduction pour nous ramener doucement vers l’histoire, ici, c’est absent. C’est l’une des nombreuses maladresse d’écriture ou d’édition (?) du roman que je trouve un peu dommage. Tant que je suis sur les points perfectibles, j’ai aussi trouvé que souvent la transition entre les scènes était maladroite pour ne pas dire absente et que la plume était justement un peu sèche. Il y a aussi une volonté de dramatiser un peu excessive par moment avec des ressorts exagérés qui peuvent faire sortir de l’histoire car cassant son réalisme. Ce sont des choses qui auraient dû être travaillé au moment du passage du texte entre les mains de l’éditeur. C’est dommage.

Heureusement, à côté de cela, nous avons une très belle et émouvante histoire dont je me suis plu à découvrir le second volet. Après la rencontre et le début de la grossesse de Yuchae dans le premier tome ainsi que l’éclosion de tendres sentiments, place au passé de chacun et à leurs relations avec leurs parents pour eux-mêmes devenir des adultes capables d’être parents, le tout avec la confirmation de leur nouvelle relation et la recherche d’un statut juste pour la définir. Ici, ce fut un sans faute.

J’ai beaucoup aimé la façon dont l’autrice a écrit sur l’évolution de cette relation née autour d’une insémination artificielle et d’une PMA, donc autour de deux étrangers qui vont se rapprocher au profit d’une grossesse voulue par les deux. Ce grand désir de famille est le ciment de leur relation et si je ne le partage pas sous cette forme, je comprends leur désir de former un tout et j’ai trouvé cela émouvant car justement écrit. On ressent très bien ce que celle-ci représente pour chacun, notamment quand elle va se concrétiser avec Ipan et Sapan. L’idée de les confronter à leur passé, elle, est classique mais fut nécessaire et l’autrice n’en a pas trop trop fait ici à part 2-3 scènes, c’était au contraire tourné vers le dialogue et le pardon. J’ai ainsi aimé rencontrer les parents d’Ihyeon et découvrir avec sourire le secret de son père. Je suis plus partagée pour l’intrigue autour du père de Yuchae car je pardonne moins quand il y a eu violence sur enfant. Cependant, l’autrice a vraiment fait en sorte de faire grandir ses héros et de les apaiser, ce qui fut touchant.

Leur romance fut plaisante. Peut-être un peu trop fleur bleue pour moi avec des scènes assez clichées comme un certain repas, un passage à la patinoire ou encore les déclarations d’Ihyeon. Ça faisait très « jeune » tout ça. J’ai préféré les réponses matures et réfléchies de Yuchae. Cependant, on sent très bien combien ils s’apprécient et se font confiance, c’est une belle relation. Je n’ai par contre pas été convaincues par les scènes voulant comme piquantes, elles étaient trop « vanille-fraise » pour moi. Ça manquait de feu, de flamme, de piquant ^^!

Quant à l’industrie des idols coréennes, elle, est parfaitement traitée. C’est peut-être l’un des points forts de l’oeuvre. J’ai adoré que l’autrice ose parler des relations sentimentales et familiales de ces hommes et femmes trop placés sur un piédestal comme s’ils étaient des oeuvres d’art intouchables. Ici, l’autrice les rend humain et brise un peu ce tabou. On les découvre comme vous et moi, on parle de leurs désirs et envies, on casse le mythe de l’idol célibataire pour rester objet de désir et le fait que même des ultra fans du groupe aillent dans ce sens est une belle direction prise. En espérant que ce ne soit pas qu’en fiction mais également en réalité et que les fans fassent la part des choses entre la femme/ l’homme et la star, les deux ayant le droit d’exister. Ainsi, le fait de soulever ce que provoquerait comme scandale la révélation d’un idol ayant des enfants était judicieux, même si peut-être un peu trop dramatisé avec notamment des conséquences ubuesques à la vitesse où elles sont décrites ici et avec un rétablissement tout aussi miraculeux… Les idées sont bonnes mais manquent un peu de nuances.

En dehors de ces sujets polémique, il faut souligner que l’autrice a vraiment su créer un joli cocon avec cette histoire autour de thèmes pourtant sérieux tels que la parentalité, les idols, la place des femmes dans la société coréenne et en particulier des célibataires, les violences faites aux enfants, etc. Les amis et la famille de nos héros sont une vraie bouffée d’air frais. J’ai adoré les amis et collègues idols d’Inyeon, toujours près à l’aider dans son rêve de famille et de couple, mais aussi tellement fans de leur boulot. J’ai été touchée par ses parents à l’ancienne tellement maladroits mais aimants. De la même façon, la mère adoptive de Yuchae, même si on la voit moins, reste son roc et son modèle. Ils étaient touchants.

Suivre le cheminement de ces deux jeunes gens à la recherche d’une famille pour être aimés, eux qui avaient eu le sentiment d’être rejetés par la leur, fut vraiment émouvants. J’ai aimé les voir créer ce nouveau cocon à deux puis à quatre avec l’aide de leurs amis. J’ai été touchée par leur force pour surmonter chaque obstacle en restant eux-mêmes. C’était intéressant d’aborder l’industrie du spectacle ainsi que la société coréenne sous cet angle. Bien sûr, il y a quelques maladresses d’écriture qui rendent le récit imparfait, un plume un peu sèche, des scènes un peu exagérées, mais on les oublie face à la beauté et l’émotion de l’histoire. J’aurais adoré rencontrer Ipan et Sapan !