Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Adieu Eri de Tatsuki Fujimoto

Titre : Adieu Eri

Auteur : Tatsuki Fujimoto

Traduction : Sébastien Ludmann

Éditeur vf : Crunchyroll (seinen)

Année de parution vf :  2023

Nombre de pages vf : 201

Résumé : « Je veux que tu me filmes jusqu’à ma mort. » Yûta, adolescent mordu de cinéma, accomplit cette dernière volonté de sa mère avec un brio… explosif. Dépité par la réception de son court-métrage, il s’apprête à en finir à son tour. Lorsqu’il rencontre Eri. Cinéphile, comme lui, la mystérieuse jeune fille va inspirer Yûta et l’aider à réaliser un nouveau film… Après Look Back, Tatsuki Fujimoto revient explorer la frontière floue entre le réel et la fiction, pour livrer, dans ce troublant courtmétrage dessiné, une vibrante déclaration d’amour au septième art.

Mon avis :

Depuis l’explosion de sa carrière avec Chainsaw Man, Tatsuki Fujimoto a fait couler beaucoup d’encre, au point que la sortie de chaque nouveaux titres du monsieur, en particulier ses oneshots ses derniers temps, est un petit événement. Justifié ou pas, c’est à chacun de voir.

L’an passé, j’avais pour ma part eu un petit coup de coeur pour Look Back qui parlait avec émotion du harcèlement scolaire, du poids de la société et d’amitié également. Voyant l’auteur reprendre le format et une certaine narration graphique qu’il se plaît à déployer depuis, je suis donc allée confiante vers Adieu Eri, son nouveau oneshot, avec une histoire complète sur 200 pages. Verdict, ai-je aimé ? Oui. Ai-je eu une petite claque comme pour Look Back ? Pas vraiment.

L’effet de surprise est passé. Je connais désormais les effets de manche de l’auteur, son goût pour le cinéma et la façon dont il le retranscrit ici, ce qui fait perdre de son impact à l’oeuvre. Elle n’en reste pas moins très intéressante et peut se lire à de multiples niveaux, ce qui fait qu’elle laisse une trace sur le lecteur. Mais je n’ai pas ressenti l’émotion percutante de son précédent travail, c’était plus prévisible et hermétique en même temps. Il m’a manqué quelque chose.

Les thèmes sont cependant intéressants. Il y a un côté très méta à l’oeuvre et une mise en abîme qui interroge vraiment sur la part de lui-même que l’auteur a peut-être mis ici. Au passage, si ce n’était pas le cas et que c’était uniquement de l’esbroufe, j’avoue que je serais déçue, voire un peu en colère face à cette arnaque au sentimentalisme. Mais ne sachant pas, je passe.

Ici, j’ai beaucoup aimé tout d’abord le thème autour de la fin de vie, que ce soit pour maladie ou pour dépression, l’auteur a su me toucher. Il est très âpre dans sa mise en scène de ce moment. Il ose montrer le drame et l’horreur que cela représente mais en plus, il ne fait pas de ces personnages-là des saints, loin de là. Cependant à travers le bien de la mémoire, autre thème phare de l’oeuvre, il montre comment on peut réécrire les souvenirs qu’on a d’une personne, en ne se souvenant que des meilleurs ou que des pires. Il montre l’importance du regard, regard qu’on porte sur les autres, regard qu’on transmet, et j’ai trouvé cela très fin.

L’autre thème évident est bien sûr celui de la création, ici à travers celle des projets de films du héros. Il a à nouveau un discours très ciselé et puissant, notamment sur les documentaires, qui ne sont rien d’autres que des oeuvres orientée, avec un point de vue. Cependant, la façon dont il se sert de ce média comme support narratif de son histoire est très bien pensé. Il mélange ainsi le fond et la forme dans une recette très efficace où la redondance du découpage lui donne aussi sa force et son originalité, de même que son jeu entre flou et net, révélant la frontière entre réalité et fiction. On a l’impression d’être devant une pellicule de cinéma qui se déploie devant nous, qu’on film, coupe, assemble. C’est très intéressant et cela offre une diégèse puissante à analyser sur ce médium et le rapport de l’auteur lui-même à celui-ci.

Bien sûr tout n’est pas parfait. En se plaçant du point de vue du narrateur d’une manière aussi extrême qu’ici, en étant derrière la caméra, cela installe une forme de distance avec nous, une distance certes artistique et presque psychanalytique, mais qui est aussi un frein pour les lecteurs comme moi en recherche d’émotion. J’aime avoir des personnages qui ne sont pas forcément facile à aimer, mais ici, ce fut parfois très dur juste de tendre le doigt vers eux pour les effleurer. J’ai d’ailleurs trouvé la pseudo touche fantastique de trop et assez ridicule, j’ai préféré le côté bien plus humain du reste, avec cette importance du regard, de l’autre, de soi, du réalisateur, de l’acteur, du spectateur…

Oeuvre puissante et marquante dans le sens où elle regorge d’éléments à interpréter à de multiples niveaux, Adieu Eri m’a cependant moins conquise que Look Back, le précédent condensé en un volume de l’auteur. Si je la trouve réussie dans son fond, elle ne l’est qu’en partie dans sa forme où à force de reprendre les mêmes techniques, l’auteur leur en fait perdre de la force d’impact. Je suis donc séduite par le potentiel d’analyse mais ça manque de coeur pour moi.

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : L’Apprenti Otaku, Rémi, Tanja, Esprit Otaku, Majin, Vous ?

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10 commentaires sur “Adieu Eri de Tatsuki Fujimoto

  1. Personnellement, je trouve que le fait de « manquer de cœur » pour reprendre tes mots est le propre de tout ce que fait Fujimoto, à cause de sa propension à faire le petit malin et se mettre en avant.

    Je te rejoins aussi sur l’effet de surprise qui s’est estompé, je trouve même que ses histoires ont tendance à bégayer depuis au moins Chainsaw Man.

    Globalement, c’est un auteur qui m’intéresse pour tout ce qui se passe autour de ses mangas, mais qui n’arrive pas franchement à m’intéresser à leur contenu.

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    1. N’ayant pas lu Chainsaw man ni ses anthologies de jeunesse, je ne peux pas dire pour la globalité mais je ressens effectivement ça sur les titres que j’ai lu… Après j’aime ses expérimentations narratives donc c’est ce qui me tient pour le moment. A voir si la répétition ne va pas me lasser.

      Autrefois, oui, le phénomène est intéressant à observer et je serai curieuse des analyses qui en seront faites, je l’espère, d’ici quelques années sur la construction de tout cela !

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  2. Je l’ai lu hier (emprunt biblio), il faut reconnaître que le format est surprenant (ce découpage en 4 cases format 16/9eme), l’histoire est bien pensée mais on reste sur notre faim, car au final, nous aussi on vit tout au travers de cet écran de smartphone, on est détaché de l’histoire. Certes, parfois on se sent aux premières loges, comme si nous étions derrière le smartphone mais j’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire.

    Après, je trouve les personnages assez figés.

    C’est un travail d’auteur intéressant, mais il lui manquait un petit quelque chose.

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    1. C’est tout à fait ça, une expérience.
      Pour ma part, j’ai été totalement séduite par son potentiel car j’aime les auteurs qui prennent des risques et sortent des sentiers battus surtout pour faire oeuvre d’auteurs/d’artistes.
      Mais je reconnais que c’est tout à fait perfectible, que comme tu le soulignes le cadre du smartphone peut poser un écran entre nous et le narrateur, une étrangeté qui peut déranger ou bloquer. De même que ce caractère figés des personnages, je le ressens un peu dans la mise en scène de chacune de ses oeuvres, comme si son cerveau allait plus vite que ses mains et qu’il n’arrivait pas à animer les personnages comme il aimerait.
      Mais ça reste pour moi un auteur que j’apprécie, surtout dans le format court.
      (Il faudrait que je tente Chainsaw man en manga car j’ai beaucoup aimé l’anime)

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