Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Mademoiselle Mozart de Yoji Fukuyama

Titre : Mademoiselle Mozart

Auteur : Yoji Fukuyama 

Éditeur vf : Atelier Akatombo

Année de parution vf :  2023

Nombre de pages : 550

Résumé : Mozart était en réalité une fille. Du moins, c’est le mensonge imaginé par Leopold, son père, pour assurer un bel avenir à sa fille prodige dans une époque peu intéressée par les génies féminins. L’histoire commence quand Wolfgang Amadeus, 25 ans, est un musicien très populaire à Vienne, notamment auprès du public féminin. Pour protéger son secret, il doit néanmoins éviter les femmes. Une personne le soupçonne de mentir sur son sexe : le compositeur Antonio Salieri. Mais, pendant ce temps, Mozart commence à courtiser Constance Weber. Son secret et sa carrière vont-ils voler en éclats ?

Mon avis :

Amatrice de récits historiques et de récits au féminin, je saute toujours sur l’occasion d’en découvrir l’un ou l’autre surtout face à la masse du reste. Ainsi avant Akiko Higashimura qui a travesti un général japonais en femme, il y avait déjà Yoji Fukuyama qui lui avait imaginé que Mozart était une femme. Biographie remaniée haute en couleur au programme !

Yoji Fukuyama n’est pas inconnu chez nous, mais l’Atelier Akatombo se propose ici de nous éditer son plus grand succès : Mademoiselle Mozart, une oeuvre datant de 1989 regroupée ici en un seul volume de plus de 500 pages au prix plus qu’attractif de 10.80€ avec une page couleur en prime, ce qui est rare en ce moment ! Gentil agitateur de la scène japonaise, l’auteur a un univers bien à lui qui est un brin fantasque et surtout plein d’énergie. J’avais déjà eu l’occasion de le lire dans sa revisite de Don Giovanni, paru chez Casterman en 1996, ainsi que dans son Voyage à Uroshima, toujours chez Casterman mais paru en 2006 où il détournait le célèbre conte japonais d’Urashima Taro pour en faire quelque chose de beaucoup plus érotique. C’est un auteur qui sort un peu du lot et ose proposer des récits délirants et osés.

Dans la biographie romancée de Mozart qu’il propose de nous conter ici, le célèbre compositeur et interprète est donc une femme que son père a obligé à se travestir après en avoir découvert le génie et qui continue une fois adulte, avec toutes les complications qu’on peut imaginer, l’engrenage étant lancé. Le ton est volontiers drôle et goguenard, reflétant dans un sens pas mal le burlesque du baroque de l’époque, ce que j’ai beaucoup aimé. Cependant, il ne faut pas non plus s’attendre à quelque chose de trop fidèle malgré la reprise des repères historiques jalonnant la vie du musicien. L’oeuvre est un peu un entre deux.

Pour l’amateur éclairé, qui connaît déjà la vie du musicien, il n’y a rien à apprendre ici. On prend juste plaisir à découvrir sa personnalité fantasque sous un autre biais et à entrer dans son intimité, de musicien, d’époux, de père de famille, de compositeur. Le mangaka truffe le récit des nombreuses compositions qu’il a réalisées et rythme sa vie des grandes rencontres et des grands opéras qu’il a donné, nous contant aussi bien ses réussites que ses échecs, ses fulgurances que ses doutes. C’est donc une belle façon de le découvrir pour le néophyte.

Après, l’auteur brode totalement pour ce qui est des relations de l’homme ou plutôt de la femme. Avec le biais choisi pour l’oeuvre présente, il change beaucoup de choses. Il transforme ainsi la rivalité entre Mozart et Salieri en tension sexuelle non assouvie, ou encore invente des tromperies pour que sa femme puisse quand même avoir la descendance promise. Là où il reste juste, c’est en montrant un Mozart fantasque mais au final assez solitaire pour qui la musique est tout. Si vous ne l’avez pas vu, je vous invite pour cela à compléter votre lecture avec le visionnage du film Amadeus de Milos Forman, un chef d’oeuvre !

Pour ma part, j’ai apprécié de suivre la destinée du Mozart musicien mais je me suis un peu ennuyée avec le volet plus personnel. Je n’ai pas trouvé grand intérêt à la transformation de Mozart en femme puisque ça n’aboutit sur aucune réflexion sur le genre en question. C’est juste un tour de passe passe narratif pour tenter de rendre le récit plus original, mais c’est tout. L’auteur a d’ailleurs une vision très caricaturale des femmes, tour à tour vulgaires quand elles sont élevées comme des hommes comme Mozart, puis assez faibles, sournoises et féminines (dans le mauvais sens du terme pour moi) quand elles restent dans leur genre et le rôle que la société attend d’elles. Je n’ai pas aimé cette écriture qui se veut humoristique et qui devait passer à l’époque mais beaucoup moins de nos jours avec tout ce qui est passé depuis pour l’émancipation de la femme et les questions de genres.

Reste une lecture agréable où l’auteur rend très bien le décor de ce XVIIIe siècle dans l’Europe des Lumières. C’était plaisant de voir les coulisses de la création artistique musicale, de voir revivre certains opéra, de voir certains personnages prendre vie et d’assister aux réussites comme aux échecs de ces grands noms. La flamboyance mais aussi la pauvreté jamais bien loin sont bien rendus. C’est un joli vaudeville également auquel on assiste en coulisse où le talent n’est jamais une assurance de l’emporter et où la jalousie peut être la pire des maladies.

Si vous aimez les récits historiques, la musique, le XVIIIe siècle, si vous êtes curieux de découvrir les coulisses des oeuvres de Mozart et sa vie entre faste et déchéance, n’hésitez pas à plonger dans Mademoiselle Mozart, par contre, n’attendez pas de cette un récit disruptif comme a pu l’être le Tigre des neiges d’Akiko Higashimura. Ici l’auteur ne se sert du sexe de son héroïne que dans un ressort comique, années 80 obligent. Le temps des discours plus revendicatifs n’était pas encore là et ce n’est pas grave, il ne faut pas être anachronique non plus, mais un lecteur averti en vaut deux.

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Chiara, Vous ?

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Images empruntées à Chiara (lien au-dessus)

2 commentaires sur “Mademoiselle Mozart de Yoji Fukuyama

  1. Je comprends un peu mieux le commentaire que tu m’avais laissé sur insta, et tu as raison sur ce point concernant le fait que la transformation en femme n’apporte aucune réflexion sur le sujet, maintenant je pense que ce n’était pas le but du manga. Mais oui, ça aurait été intéressant. Après effectivement, vu la vision de la femme qu’à l’auteur, cela ne doit pas être un sujet qu’il maîtrise lol. Mais bon, c’est une lecture que j’ai beaucoup apprécié, et comme je ne connaissais pas beaucoup Mozart, j’en ais appris pas mal en faisant des recherches à côté. Voili voilou.

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    1. Oui au vu de ce changement, j’attendais qu’il en fasse quelque chose mais comme tu dis ça ne semble pas avoir été son intention 😅
      Quant à moi, je comprends très bien que tu aies pu apprécier si tu découvrais l’artiste car on y apprend pas mal de choses sur le lui . Pour ça c’est une bonne œuvre initiatique.

      Aimé par 1 personne

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