Livres - Science-Fiction

Histoires de moine et de robot de Becky Chambers

Titre : Histoires de moine et de robot

Auteur : Becky Chambers

Éditeur vf : L’Atalante

Année de parution vf : Depuis 2022

Nombre de tomes vf : 2 (en cours)

Histoire : Voilà des siècles, les robots de Panga ont accédé à la conscience et lâché leurs outils ; voilà des siècles, ils sont partis ensemble dans la forêt, et nul ne les a jamais revus ; voilà des siècles qu’ils se sont fondus dans les mythes de l’humanité.
Un jour, la vie de Dex, moine de thé, est bouleversée par l’arrivée d’un robot qui, fidèle à une très vieille promesse, vient prendre des nouvelles. Il a une question à poser, et ne rejoindra les siens qu’une fois satisfait de la réponse. La question : « De quoi les gens ont-ils besoin ? »
Mais la réponse dépend de la personne à qui on parle et de comment on pose la question. La nouvelle série de Becky Chambers s’interroge : Dans un monde où les gens ne manquent de rien, à quoi sert d’avoir toujours plus ?

Mon avis :

Tome 1 : Un psaume pour les recyclés sauvages

Au Japon, il y a un courant qui s’appelle le  » Mono no aware » où on trouve une certaine forme de beauté dans l’éphémérité (Pour en apprendre, allez lire Lily : Ici). Cela a inspiré de nombreuses oeuvres comme Aria, Escale à Yokohama ou plus récemment Frieren. J’ai retrouvé la même ambiance apaisante ici dans la SF positive de Becky Chambres qui nous emmène sur les routes avec un/une moine du thé et un robot.

J’entretiens une relation particulière avec Becky Chambers. J’aime ses textes courts comme ici où le format compacté de la nouvelle me convient à merveille. J’ai plus de mal avec ses romans où elle s’étale trop longuement et me perd avec son absence de tension narrative. Heureusement Un psaume pour les recyclés sauvages se présente comme une suite de nouvelles reprenant les mêmes personnages dans un périple existentiel, ce qui entre-découpe nos rencontres et me convient bien mieux.

Avec des couvertures fleurales très zen, on ressent avant même de commencer la poésie et la philosophie qui empreindront la lecture. Le cheminement de la rencontre entre Dex et Omphale est matérialisée sur celle-ci, de même que les attitudes et postures de chacun. Dex est un/une moine non genré qui circule sur les routes à la recherche de gens à aider avec ses thés qu’iel concocte spécialement pour eux. Iel tombe par hasard sur Dex, un robot recyclé à partir d’autre, qui va lea (=lui) demander de cheminer avec iel. Un dialogue va s’engager entre eux autour de la vie, ses buts, leurs envies, leur identité.

J‘ai retrouvé avec plaisir la plume apaisante de l’autrice, que ce soit lors de ma rencontre avec lea maladroit(e), Dex, qui peine au début à trouver la bonne posture dans sa vocation, où dans ses descriptions de la nature dans laquelle iel chemine qui montre le recul des constructions humaines sur celle-ci, tel un retour aux sources. En lisant cela, j’ai de suite eu en tête des ambiances comme celles rencontrées dans Frieren ou Escale à Yokohama, entre fascination pour cette nature, apaisement grâce à celle-ci et réflexions également ce qu’elle est devenue, redevenue. Ce fut très relaxant. On est vraiment dans une ambiance zen et cela correspond bien à l’autrice et à ce qu’elle souhaite rencontrer.

Elle nous entraîne en effet, dans une vaste réflexion sur l’humanité, l’identité sous toutes ses formes, la conscience, la vocation, la vie, le but… Et comme en plus ces discussions ont lieu entre un robot et un(e) humain(e), ce qui rend cela encore plus intéressant et puissant. Cela participe à l’ambiance zen et asiatique du titre, rappelant les récits sur la vie et les enseignements de Bouddha par exemple mais à la sauce SF avec une dimension réflexive sur le rapport de l’homme/la femme à sa création, etc. J’ai aimé cette faisant apaisante de dialoguer là-dessus et de nous pousser à y réfléchir même si ça reste assez léger, reconnaissons-le.

Nouvelle belle surprise, Becky Chambers confirme qu’elle me séduit totalement dans ses formats courts. Avec une ambiance fortement inspirée de la philosophie Zen et du Mono no aware, ce premier tome d’une pérégrination entre un robot et un/une moine met joliment en scène leurs échanges philosophiques sur la vie et les relations sous toutes leurs formes. C’est apaisant et cela invite à réfléchir en même temps. J’aime beaucoup.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis bien plus pointus de : Yuyine, Ombre Bones, Le nocher des livres, CaroLivre, Elwyn, Selbon, Sabine C., Vous ?

Tome 2 : Une prière pour les cimes timides

Je ne sais pas pourquoi j’ai été aussi longue à revenir vers cette superbe saga de novellas de Becky Chambers, pourtant tout m’y parle : les thèmes, les ambiances, les personnages, la plume de l’autrice. Cette nouvelle lecture m’a donc à nouveau charmée !

J’ai pris un grand plaisir à retrouver le duo formé par Omphale le robot et Dex le moine pourvoyeur de thé. Ils ont une dynamique qui m’apaise, me chamboule et m’émeut à la fois et j’aime les suivre dans leurs pérégrinations faites de belles rencontres et de discussions philosophiques sur la vie.

Ce nouveau tome fut encore très riche, l’autrice y abordant aussi des questions de philosophie économique, que de philosophie nataliste, existentialiste ou sociale. On y discute système de paiement sans monnaie ni troc, naissance de la conscience, entropie et mort des robots, origines de ce qu’on consomme et conséquences, conception très large de la famille, etc. C’est riche, c’est pertinent, cela ouvre de portes de réflexion sur notre propre société et en même temps c’est reposant.

On se plaît à suivre Dex et Omphale en dehors des ramages de la forêt cette fois, allant à la rencontre de différentes communautés ce qui permet à notre robot d’apprendre des choses sur les fonctionnements complexes de nos sociétés. On rit de ses maladresses, comme lorsqu’il évoque la vie sexuelle de Dex. On sourit devant son maladroit désir de bien faire, comme lorsqu’il cherche un cadeau pour les parents de Dex qu’il va rencontrer. On est surtout ému par son désir de rester avec lui, de continuer le voyage et les découvertes.

Becky Chambers mêle ainsi à merveille perceptions philosophiques de la vie au sens large et univers de SF, tout fusionne et fait sens ici. Les discussions sur le vieillissement et la disparition des robots sont d’une logique implacable, tout comme le désir d’Omphale de découvrir le devenir de l’humanité et son sentiment d’être enfin rassuré. Cela fait du bien de ne pas avoir d’enjeux dramatiques mais juste de suivre leur petite vie tranquille.

Je me sens bien dans ce monde imaginé par Becky Chambers, un monde où le genre a été évacué, où les relations ne sont plus normées mais totalement libres et consensuelles, où humains et robots sont sur un pied d’égalité et où on peut échanger sur tout sans tension. C’est reposant, apaisant et tellement ouvert. J’en reprendrai bien une petite tasse avec un prochain tome !

 

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