Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Mr Mallow Blue d’Akaza Samamiya

Titre : Mr Mallow Blue

Auteur : Akaza Samamiya

Éditeur vf : Glénat (Shojo+)

Année de parution vf : Depuis 2023

Nombre de tomes vf  : 3 (en cours)

Résumé : Victime de harcèlement scolaire lorsqu’il était lycéen, Shizuki, 27 ans, vit reclu. Pour lui, la supérette du quartier constitue le bout du monde. Un jour, il croise par hasard un ancien camarade de classe, responsable de tous ses maux. Leur bref échange anéantit Shizuki qui tente, sur un coup de tête, de mettre fin à ses jours. Mais à cet instant, il se réveille mystérieusement à l’intérieur du corps d’une lycéenne à problèmes…

Mon avis :

Tome 1

Titre qui me tentait le moins dans la nouvelle fournée des « Shojo+ » de Glénat, j’ai été agréablement surprise par le voyage proposé et l’histoire dans laquelle l’autrice nous embarque avec douleur et émotion.

Shojo de Kadokawa Shoten qui parait dans « Asuka », il compte 4 tomes à ce jour et est toujours en cours. Avec ses couvertures envoûtantes et dérangeantes à la fois, il m’a fait croire qu’il serait juste ça : beau, mais j’ai eu la surprise de découvrir une histoire plus profonde et bousculante comme Glénat aime parfois en proposer. C’est chouette pour une autrice comme Akaza Samamiya que l’éditeur nous offre ainsi de suivre, ce qui nous permet de découvrir son évolution au fil des titres, le précédent Ballad x Opera s’étant terminé en 5 tomes en 2020.

Avec son titre bien mystérieux, Mr Mallow Blue (Monsieur Mauve Bleuté en français), nous invite à une histoire à la fois connue et singulière. Titre surtout sociétal dans un premier temps revenant sur le passé de persécution d’un jeune homme désormais incapable de sortir de chez lui, il bascule ensuite sur un fantastique aux frontières des isekai qu’on connaît bien avec un échange de corps des plus singuliers. Ajoutez à cela un personnage avec le même handicap que le héros d’Une touche de bleu et vous comprendrez pourquoi je me suis sentie attirée et en confiance avec ce titre.

J‘ai de suite accrochée avec la manière à la fois douce et percutante de revenir sur la harcèlement autrefois vécu par Aoi, qui a complètement bousillé sa vie d’adulte également. J’ai été émue par cet homme de 27 ans pour qui c’est une épreuve de sortir de chez lui, qui n’a pas pu finir ses études et encore moins trouver du travail, mais qui reste profondément doux et gentil. L’autrice n’hésite pas pourtant à être rude également quand elle décrit son calvaire, mais elle n’en fait jamais trop. On ne tombe pas dans la surenchère ou le voyeurisme avec elle. Quelques scènes bien choisies suffisent pour être impactantes.

J‘ai également de suite aimé sa manière, bien que classique, de nous faire basculer à l’aide d’un petit échange de corps bien senti entre deux individus aux personnalités qui se croisent d’autant plus facilement que leur vie au lycée a quelque chose de similaire. L’occasion d’une seconde chance pour l’un, d’une vengeance potentielle pour l’autre, et l’introduction d’un personnage aidant avec ses propres problématiques. Ainsi entre handicap et harcèlement, le scénario tient bien la route et nous propose une incursion plus vraie que nature dans les lycées japonais et leurs situations de harcèlement.

Comme je le pressentais, les dessins sont vraiment beaux, fins et doux, mais ils m’ont surpris à soutenir une histoire bien plus sombre que je ne le pressentais. Cette joliesse permet de rendre plus supportable ce qui est vécu et dénoncé et d’apporter la lumière nécessaire pour en sortir. Ce sont pour le moment un très bel accompagnement pour donner envie d’entrer dans ce récit, un récit qui promet d’être rude et qui est déjà bien rugueux dans ce premier tome introductif complet et pourtant assez lent, qui plante bien le décor, les personnages et leurs enjeux, tout en offrant déjà une belle émotion. 

Il y a bien sûr quelques maladresses, notamment dans la définition assez archétypale des personnages, ce qui est bien trop souvent le cas dans ce type d’histoire. On aimerait parfois un peu plus d’originalité. Ici, ce qui aurait pu l’être, est malheureusement déjà vu par le lecteur de cette collection de Glénat grâce à Une touche de bleu, dommage. Les échanges de corps ne sont pas une surprise non plus, ni l’idée d’un personnage souhaitant en profiter pour se venger (coucou Though I am an inept villainess)Malgré tout l’ensemble fonctionne à merveille et on se sent pris par le récit, les enjeux et les surprises qui ont lieu entre émotion, critique sociétale voire même une pointe de thriller sur la fin. Cela donne hâte de poursuivre !

Autant je savais que j’adorerai Les âmes enflammées, autant c’est une surprise pour moi de découvrir Mr Mallow Blue dont je n’attendais rien d’autres que de beaux dessins mais qui m’offre aussi une histoire en mode coup de poing assez ingénieuse pour dénoncer le harcèlement et ses ravages. Quand le fantastique est au service d’une histoire émouvante, on se dit que l’autrice utilise bien ses classiques pour renouveler le genre et on a hâte de poursuivre la découverte malgré un rythme assez lent au Japon…

Tome 2

Avec une poésie presque macabre, Akaza Samamiya nous plonge dans les tortueux affres de l’adolescence et ses sentiments troubles, peuplés de désirs non assouvis et mal définis et parfois de harcèlement bien douloureux.

Que voilà des thèmes classiques désormais dans le manga : le harcèlement et les sentiments cachés, mais ici l’autrice les aborde avec sa propre sensibilité et son trait très bien, presque doux-amer, ce qui touche une teinte toute particulière à l’histoire. Elle utilise en plus assez finement le mystère et la complexité d’un échange de corps souhaité/non-souhaité entre deux êtres très différents. Une lecture étrange et envoûtante.

J’ai beaucoup aimé replonger dans cette atmosphère suspendue que procure cette étrange lecture. J’ai aimé suivre la nouvelle « Sakura », c’est-à-dire Aoi, qui prend possession maladroitement et malaisément de cette nouvelle vie. Épaulé de Minazuki, on découvre un personnage des plus sensible pris dans la spirale de malaise de celle qu’il remplace qui vient s’ajouter à son propre mal être dont il n’a jamais pu se défaire. Un échange forcé qui lui fait donc revivre tel un double écho ce qu’il a malheureusement déjà connu. C’est rude. Mais la luminosité du personnage de Minazuki change toute la donne cette fois et grâce à lui, il parvient à surnager et même à se rebiffer parfois, ce qui est une belle évolution.

Nous restons cependant sur un titre où on marche sur une corde raide parce qu’Aoi n’a pas voulu de cet échange et qu’il le subit contrairement à Sakura qui ne désirait que ça. En découvrant le passé de celle-ci avec sa camarade de classe, on commence à comprendre ce qui a motivé ce changement. Cependant ses raisons, bien que douloureuses, lui sont propres et ne peuvent être partagées par Aoi. Ainsi ce qu’elle-même souhaite vivre, Aoi ne souhaite pas le connaître lui, et cela va perturber ses nouvelles relations avec Minazuki à coup sûr, là où Sakura, elle, pourrait bien connaître ce qu’elle désire. L’autrice joue à merveille avec ce flou, nous laissant entendre le malaise de chacun et les réactions violentes ou désespérées qu’il pourrait avoir ce qui nous file des frissons d’appréhension.

J’ai beaucoup aimé cette atmosphère de mystère qui se ressent jusque dans les dessins d’Akaza Samamiya où une sorte de voile, comme celui recouvrant la vue de Minazuki, semble peser sur toute cette vie lycéenne. J’ai aimé me faire des films sur Sakura et son projet, frissonnant de ce qu’elle pourrait faire. J’ai aimé craindre ainsi pour Aoi dans sa nouvelle vie et ses relations avec ceux ayant brimé son alter ego autrefois sans que l’autrice franchisse jamais la ligne. C’est bien joué. Cela nous pousse vraiment à nous interroger sur l’intériorité de chacun. Pourquoi Aoi voulait-il se faire du mal et est-ce que ce nouveau corps suffira à l’empêcher de recommencer ? Va-t-il s’en satisfaire finalement et si oui que va-t-il en faire ? Et Sakura, pourquoi a-t-elle voulu faire cela ? Quel est son but dans tout ça ? Des questions dont les réponses touchent à leur intimité, leur être et leurs souffrances mêmes. Il est ici magnifiquement question de quête d’identité, de désirs romantiques réprimés ou encore de dépression due au harcèlement. C’est dur.

Complétant et enrichissant à merveille un premier tome déjà rudement doux-amer, cette suite est vraiment une belle expérience de lecture, un peu hors du temps, rappelant certaines autrices aimant le fantastique et l’humain. Le mélange des troubles adolescents, des questions de désirs non exprimés et de harcèlement donne une saveur exquise à cette étrange lecture hors du temps, où cependant la lumière parvient à poindre parfois, mais où les frissons ne sont jamais bien loin. Intriguée, je le suis, désireuse de lire la suite, également !

Tome 3

Chaque tome confirme un peu plus tout le bien que je pense de cette série qui derrière ses beaux dessins n’est pas seulement que ça, elle est aussi psychologiquement fort intéressante et poignante.

Sur la base de cet échange de corps entre deux jeunes qui ne s’aimaient pas et avaient plus tendance à penser au suicide qu’à la vie, se déploie en fait tout un récit très puissant sur l’enfance et l’adolescence. Après des premiers tomes introduisant progressivement les deux protagonistes échangeant leur corps, place à leurs acolyte ou plutôt le seul personnage qui leur donne la réplique : Minazuki.

Ce dernier, devenu très proche du nouveau Aoi, nous dévoile enfin son passé, car plus il est proche de lui/elle, plus il est mis face à lui-même et il a du mal à l’accepter. Nous découvrons ainsi un Minazuki qui a été victime d’une forme de harcèlement hyper insidieuse enfant qui a encore de répercussion sur lui désormais car sa vie a été totalement bouleversée par ça. C’est raconté par l’autrice avec une belle finesse et une certaine lenteur nous permettant de pénétrer peu à peu dans ce que fut son problème et ce qu’est son trouble désormais dans tous les sens du terme. Car il souffre de séquelles et en plus il est troublé par Aoi. Ça fait beaucoup pour cet adolescent.

Avec la même finesse torturé, car tout est bien sombre dans cette histoire, l’autrice nous rapproche aussi de Yume et on voit combien ce sont ses sentiments non assumés pour une autre fille (Sakura) qui ont poussé celle-ci dans ses retranchements, en faisant la peste horrible qu’elle est désormais. Tout ce mal être peu vraiment transformer les autres. D’ailleurs la nouvelle Sakura dans le corps d’Aoi en est le parfait exemple. C’est en cela que je trouve que l’autrice joue à merveille sur l’ensemble des tableaux. Elle offre des portraits à la fois plein de nuances, de la tension, des mystères et renversements de situation.

Sous ses allures très calme, ce tome est en effet bien riche. Outre le très beau travail sur les personnages, il offre aussi de multiples situations propres à défaire ou réaliser de nouveaux noueds dans cette histoire. Que ce soit à l’occasion d’une sortie shooping, d’une virée à l’aquarium ou juste en rencontrant des camarades discrètement, beaucoup de choses sont en jeu dans ce tome, aussi bien pour la reconstruction d’Aoi, que pour les révélations à lui-même de Minazuki, sans parler de la quête de Sakura et des désirs de Yumi. Même si c’est lent et entêtant, il se passe toujours quelque chose pour nous scotcher à notre livre, à l’image de ces ultimes cases qui rend la non disponibilité de la suite tellement frustrante.

Nouveau tome qui vient asseoir tout le beau travail psychologique tortueux de l’autrice, ce 3e volume des aventures d’Aoi et Sakura qui ont échangé leur corps en met à nouveau plein la vue. Entre les révélations des troubles de Minazuki et les sentiments « amoureux » complexes des uns et des autres, notre cerveau aime se faire des noeuds dans cette ambiance trouble si bien mise en scène. Je me suis régalée à chaque chapitre et puis l’objet est si beau !

©Glénat 2023 Akaza Samamiya

2 commentaires sur “Mr Mallow Blue d’Akaza Samamiya

  1. La couverture est splendide ! Et le mélange de belles illustrations/récit assez sombre m’attire beaucoup, d’autant que le harcèlement est un sujet qui m’intéresse quand on ne tombe pas dans le pathos. Dommage pour les archétypes mais vu les qualités de ce manga, je pense pouvoir passer facilement outre.

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