Livres - Science-Fiction

Qui après nous vivrez d’Hervé Le Corre

Titre : Qui après nous vivrez

Auteur : Hervé Le Corre

Éditeur vf : Rivages

Année de parution vf : 2024

Nombre de pages : 394

Histoire : A la fin du XXIe siècle, dans une grande ville de province, une jeune femme et son compagnon viennent malgré les crises à répétition, de donner naissance à un enfant. Un jour, le réseau électrique français s’effondre et une émeute plus violente que les autres éclate. Le jeune père ne rentre pas chez lui. Pour sa compagne, l’angoisse va grandissant. Trois générations plus tard, dans un monde où toute technologie avancée a disparu, un petit groupe de gens a trouvé un abri de fortune dans une maison campagnarde qui a échappé à la destruction.
Pas pour longtemps. Des pillards vont bientôt l’incendier et les survivants vont devoir fuir sur les routes avec leur carriole et leur cheval. Commence une épopée proche du western, où chaque jour l’enjeu est de survivre…

Mon avis :

Depuis qu’ils sont sur le marché de l’imaginaire avec leur nouvelle collection, les éditions Rivages ont le chic pour me proposer des ouvrages qui avaient le don de me déstabiliser. C’est à nouveau le cas ici avec un roman d’anticipation d’un spécialiste du roman noir : Hervé Le Corre. Malheureusement, je ne fus pas exactement le bon public.

Évacuons de suite la question : non, je n’aime pas vraiment les récits post-apocalyptiques, je n’aime pas non plus vraiment les road-trips et je suis une novice totale en matière de romans noirs. Cela faisait beaucoup d’obstacles. Ainsi même si je reconnais la plume fort sympathique de l’auteur, qui est directe et immersive, permettant de vraiment vivre les aventures proposées, je n’ai pas été embarquée par ce que j’ai lu car je freinais des quatre fers. Je vais donc essayer de voir présenter à la fois ce qui m’a bloquée et ce qui, je pense, pourrait plaire à d’autres lecteurs que moi.

Comme j’aime bien commencer par le positif, commençons par les éléments que même une acariâtre du post-apo comme moi a appréciés. Nous sommes dans un récit d’anticipation où l’auteur nous plonge dans un prolongement fictif de notre histoire tout à fait crédible. Il imagine une Terre du XXIe siècle où d’un coup tout s’éteint. Enfin d’un coup, pas tout à fait, car cela faisait déjà un moment que notre planète était sur la pente descendance, entre pénuries, épidémies, chute de la natalité. La différence c’est que cette panne, bien que pas la première, dure dans le temps et laisse la place au chaos pour se développer. Ainsi si on aime les récits de cet ordre, on a vraiment un vécu rude qui vient nous percuter très rapidement et profondément. On se met facilement à la place de ces populations totalement perdues par ce qui arrive. Présenté en plus sous le prisme de groupes de femmes sur deux temporalités éloignées de quelques décennies, on prend cette violence d’autant plus en pleine figure que ce sont souvent elles les victimes des méfaits des hommes. C’est vraiment rude. Pour autant, l’auteur n’est absolument pas dans un voyeurisme malsain. Il évoque mais ne montre pas, et c’était ce qu’il me fallait.

Aux côtés de plusieurs générations de femmes, nous allons suivre le moment où tout bascule et comment l’une d’entre elles, avec sa fille nouvellement née, va chercher désespérément son compagnon qui a disparu. Puis avec un autre groupe, nous allons voir comment ce chaos a évolué et les nouvelles « règles » qui ont cours tandis qu’elles parcourent des lieues et des lieues en tentant de survivre avec leurs compagnons et enfants, le tout dans un décor où l’homme est de plus en plus sauvage. Ces femmes sont magnifiquement écrites, avec une grande force de résilience et de résistance face aux violences des hommes. Elles apportent un brin d’espoir dans toute cette noirceur et surtout énormément d’amour, ce qui sauve une lecture bien rude sinon. Si on aime ce genre de portrait dans des décors âprement réalistes, on doit passer un superbe moment.

Pour ma part, je le disais plus haut, je suis hermétique au post-apocalyptique et aux road-trips, alors forcément ce fut plus compliqué à apprécier. Bien que le choix de l’auteur de faire porter le regard sur cette histoire à des femmes pouvait être intéressant, j’y ai retrouvé beaucoup d’éléments que j’ai jugé clichés, entre l’épouse désemparée sans son mari, la mère à tout prix, la femme à nouveau représentée et souvent limitée dans ce monde à sa fonction de reproductrice, et le cliché un peu de la femme badass devant son enfant. Cela manquait de nuances et d’originalité pour moi. Cela m’a agacée de voir qu‘une fois de plus on nous proposait des violences se portant sur les femmes comme ressort scénaristique. Je sais que c’est souvent le cas dans la réalité, mais la fiction ne peut-elle pas parfois proposer autre chose. C’est pesant et redondant.

J’ai aussi retrouvé des éléments forts peu originaux pour un récit post-apocalyptique, ce qui m’a donné l’impression d’en lire encore un qui ressemblait aux autres dans sa proposition d’aventure. En effet, on est encore dans un récit de survie sur les routes, ce qui rappelle forcément La route de Cormac McCarthy. On a encore ce sentiment de huis clos malgré les espaces traversés. On a encore une lutte contre des groupuscules masculins enlevant des femmes et rappelant La Servante écarlate de Margaret Atwood. Rien de bien neuf sous le soleil, surtout quand on n’aime pas.

Alors pourquoi je viens quand même vous parler de ce roman ? Parce qu’en dépit de mon sentiment très personnel qui vient du fait que je ne suis pas le public cible, je pense qu’il a vraiment des qualités d’écriture dans les émotions et les personnages vivants ce terrible moment qui sont à même de plaire aux amateurs. Ce n’est pas pour rien qu’Hervé Le Corre est connu et reconnu, il a vraiment une plume qui mérite de s’y arrêter et ici des messages sur ce que notre monde pourrait devenir sur on le laisse trop facilement basculer dans le gouffre qui est devant lui. A une époque de notre histoire où il y a tellement de tensions et de guerres, cela mérite d’être entendu.

(Merci à Rivages pour cette expérience.)

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Aude, Evasion polar, Playlist Society, Yvan, Vous ?

16 commentaires sur “Qui après nous vivrez d’Hervé Le Corre

  1. Le fait que l’on suive plusieurs générations de femmes me plaît mais j’ai tellement de livres en attente que je préfère me concentrer sur des lectures qui s’éloignent des clichés… Mais c’est toujours sympathique de découvrir un roman à travers ton avis 🙂

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  2. Je n’ai jamais lu cet auteur, je croyais qu’il n’écrivait que des polars…
    Sans être réfractaire au post-apo et aux road trips, je ne suis pas tellement attirée par ce titre. Je n’en avais même jamais entendu parler avant de lire ton billet…

    Aimé par 1 personne

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