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Peau d’âne de Cécile Roumiguière et Alessandra Maria

Titre : Peau d’âne

Auteurs : texte remanié par Cécile Roumiguière, illustré par Alessandra Maria

Éditeur : Albin Michel

Année de parution :  2019

Nombre de pages  : 63

Résumé : Ce conte classique, peut-être un des premiers contes écrits, a connu mille versions, réinterprété par les voix de chaque époque (Peau de mille-bêtes chez les frères Grimm). Dans cette réécriture de Cécile Roumiguière, c’est la sujétion de l’enfant au père qui est mise en lumière, par une sorte d’effet loupe. On y voit aussi tout le silence de la cour courbée devant le pouvoir, capable et coupable de fermer les yeux sur l’inceste. Enfin, le rôle de la marraine, fantasque et libre, est finement exploré.

Mon avis :

Depuis que cette collection existe, je prends un grand plaisir à redécouvrir sous la plume et le pinceau d’artistes actuels les contes et histoires qui ont marqué leur imaginaire et le leur. Ma dernière lecture avait été le fantastique Petite Sirène qui m’avait totalement transportée et fait voir cette histoire totalement différemment. Avec Peau d’âne, c’est plus un retour aux sources avec cette adaptation sombre et merveilleuse faisant si bien écho au film de Jacques Demy.

Pour ce numéro, c’est donc Cécile Roumiguière qui est aux manettes. Autrice prolifique qui a désormais passé la barre des 60 ans, je n’ai pas été surprise de son choix tant elle a dû être bercée dans sa jeunesse par l’adaptation cinématographique merveilleuse de ce conte. Et je retrouve son goût pour les contes comme dans Les 9 vies extraordinaires de la princesse Gayaou elle avait participé. Alessandra Maria, elle, est une jeune autrice américaine aux influences riches marquées par la Renaissance, les icônes russes et une palette très art déco. L’alliance des deux offre un objet singulier, qui frappe les esprits et célèbre à merveille ce conte oral qui s’est transmis jusqu’à nous.

Il y a de nombreux contes qui nous sont connus depuis l’enfance, mais je trouve que Peau d’âne fait partie des plus méconnus. Sûrement parce que son sujet n’est pas des plus faciles. Je suis d’autant plus heureuse que les autrices l’aient choisi à une époque où le repli sur soi et la prolifération de certains groupes religieux extrêmes pourrait conduire à ce genre de recul. On y aborde en effet la douleur extrême d’un mari qui reporte son amour pour sa femme perdue sur sa fille qu’il souhaite épouser. Et grand heureusement, le conte met en scène une jeune fille courageuse qui ose se dresser astucieusement contre l’autorité parentale pour chercher le bonheur et l’amour hors de la sphère familiale.

 Avec la plume poétiquement âpre de l’autrice, nous revenons aux racines de ce conte. Elle ne cherche pas à le rendre beau et charmant. Elle montre au contraire la folie et la noirceur de l’âme humaine derrière le désir de beauté et d’amour, envoyant un message d’avertissement. Faites attention. Avec le dessin très puissant d’Alessandra Maria on sent aussi combien la beauté est un piège qui peu subjuguer. Ces tableaux de Peau d’âne et sa mère sont hypnotisant. On se retrouve tel Pygmalion, à tomber amoureux de notre propre création. C’est perturbant.

Mais ce qui est intéressant, c’est que les autrices parviennent à dépasser cela. Certes le trait d’Alessandra reste entêtant, envoûtant, avec un travail pictural sur photo proche de l’iconographie russe avec ses riches dorures, mais il y a aussi une dimension subversive qui apparaît et rappelle les sculpteurs modernes comme Camille Claudel qui cachait bien des détails dans des oeuvres aux premiers abords classiques. On se retrouve ainsi peu à peu aux côtés d’une héroïne courageuse dans un environnement où elle doit faire ses preuves pour survivre et c’est un récit très moderne, au final, qui se déploie devant nous en peu de pages, à notre plus grande surprise.

Ainsi l’alliance de la réécriture de ce conte oral transmis de longue date et parfois édulcoré auquel on rend son lustre de complexité, et les tableaux picturaux entêtants et forts de messages, confère à cette lecture une sacrée atmosphère. D’histoire simple, elle se révèle bien plus riche que ce dont je me rappelais et me souvenait à travers mes lectures du conte de Perrault et du film de Jacques Demy. Revisite à la fois hommage et moderne, elle m’a subjuguée par les tableaux d’Alessandra et la plume incisive de Cécile. J’ai adoré l’utilisation subversive de ces dorures et de cette ambiance merveilleuse étrange et perturbante, comme si je naviguais au milieu d’un champ de statues. Une réussite entêtante.

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Mallou14, Bulles et chapitres, Vous ?

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21 commentaires sur “Peau d’âne de Cécile Roumiguière et Alessandra Maria

    1. Ah, ça me fait plaisir. Elle est si belle.
      Si tu ne connais pas, n’hésite pas à regarder les autres titres de la collection, il y en a d’autres tout aussi magnifique comme La petite sirène illustrée par Benjamin Lacombe. Mon chouchou ❤

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  1. Il est dans ma wish list et si je l’ai vu à la médiathèque, je préfère l’avoir dans ma propre bibliothèque, les illustrations étant superbes. J’adorais le conte enfant et serais curieuse de le redécouvrir avec une vision d’adulte. Vu ton avis/analyse, je m’attends à une expérience de lecture plutôt forte et bien plus riche que le laissent présager mes souvenirs d’enfance.

    Aimé par 1 personne

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