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The Blue Flowers and The Ceramic Forest de Yûki Kodama

 

Titre : The Blue Flowers and The Ceramic Forest

Auteur : Yûki Kodama

Éditeur vf : Mangetsu (Life)

Année de parution vf : Depuis 2024

Nombre de tomes vf : 3 (en cours)

Histoire : Aoko, peintre sur porcelaine, fait la rencontre de Tatsuki, fraîchement débarqué d’Europe. Lorsqu’il dit ne pas être intéressé par la peinture sur porcelaine, celle-ci a l’impression que l’on renie tout ce qu’elle est. Malgré cela, Aoko développe une fascination pour les céramiques blanches dont seul Tatsuki a le secret.

Mon avis :

 Tome 1

Mangetsu crée la surprise en publiant ici non seulement un josei, lui dont le directeur éditorial semblait peu friand de lecture au féminin à ses débuts, et en signant en plus le retour de Yuki Kodama que les fans de shojos plus matures regrettaient grandement. Ce fut un pari largement gagnant pour moi.

J’ai autrefois eu la chance, dans les années 2010, de lire Kids on the slope, la série phare de l’autrice. Elle avait fait souffler un vent de fraîcheur avec son trait très épuré, son histoire en apparence simple et ses émotions pourtant à fleur de peau. Cela avait été une très belle incursion dans son univers et surtout son interprétation de ce Japon si jazzy et rock’n’roll des années 60-70. Depuis lors, silence radio chez nous, alors qu’elle continue à publier chez elle dans le célèbre et qualitatif magazine Flowers, c’est donc avec un plaisir certain que je l’ai retrouvée ici.

J’ai vraiment apprécié de retrouver sa touche. C’est-à-dire une histoire en apparence très simple mais cache en fait une belle profondeur psychologique. Cette fois, pas de lycéen, pas de musique, des personnages plus âgés, proches de la trentaine et une autre passion : la poterie, la céramique. Ça tombe bien, je ne demande qu’à découvrir cet univers et je suis ravie de le faire avec des personnages plus proches de moi en âge ! Car en effet, dans le panorama du shojo en France, il y a quand même assez peu de titres avec des personnages au-delà de la vingtaine et je suis ravie de voir peu à peu les choses changer.

Ici, nous allons à la rencontre des membres d’un atelier de poterie dans une ville célèbre pour cela. Un jour, un nouveau venu arrive et bouleverse un peu leur équilibre, surtout celui d’Aoko, passionnée par la peinture sur céramique. D’emblée on sent l’autrice nous proposer une petite romance comme elle en a le secret, avec ici le célèbre trope du ennemis to lovers que nous sommes beaucoup à chérir. Nous suivons donc avec amusement les échanges tendus entre Tatsuki, fraîchement débarqué de Finlande et passionné de céramique blanche et uniquement blanche, et Aoko, qui elle est une militante de la peinture sur ces jolis objets. Cela ne peut faire que des étincelles. 

Mais le talent de Yuki Kodama est de proposer, derrière ce schéma narratif assez classique, une histoire toute en nuances. Elle dévoile déjà dans ce premier volume un protagoniste qui n’est pas dépourvu de saveur, avec un Tatsuki qui semble avoir certains traumas, expliquant et son retour et son caractère un peu lointain et taciturne. Aoko, elle, nous livre avec enthousiasme sa passion et fait montre d’une imagination des plus fertiles dès qu’elle touche les oeuvres du jeune homme. Cela ne peut que donner lieu à une très belle rencontre entre eux qu’on a forcément envie de vite se déployer sous nous yeux. 

Cependant l’autrice gère à merveille sa narration. Elle nous offre ici à la fois poésie, émotion, tendre humour et mystère. Elle sait nous faire patienter et miroiter une suite plus piquante et émouvante encore. Elle manie avec brio le verbe et crée des situations d’échange à mettre des étoiles dans nos yeux, qu’il s’agisse de poterie ou de sentiments. On frétille d’avance. Surtout que son dessin, toujours aussi simple et épuré, se livre parfois à de belles envolées lyrique lui aussi et qu’on est éblouis par la pureté des lignes du travail de Tatsuki et la luxuriance de la nature des motifs d’Aoko. Un très beau mélange.

Vous l’aurez compris, je suis totalement conquise par le premier tome de ce qui semble se présenter comme une belle et mélancolique comédie romantique adulte via le prisme de la céramique d’art. Le retour de Yuki Kodama est ainsi une belle surprise et une franche réussite, car c’est une autrice qui sait me faire rêver malgré sa simplicité. Nulle doute que cette nouvelle série ira aussi droit à mon coeur comme sa précédente. D’ailleurs une petite réédition, ce ne serait pas mal, non ?

Tome 2

Mais quel plaisir vraiment de retrouver à la fois Yuki Kodama et l’émotion de ses histoires et une comédie romantique mettant en scène des personnages adultes. The Blue Flowers and the ceramic forest est vraiment la lecture que je n’attendais pas et je suis ravie de tomber dessus.

Comme L’amour est dans le thé, mais dans un registre plus sérieux et dramatique, nous avons là sur le marché français, enfin des romances qui s’adressent à un public adulte et surfent sur le succès de ce genre ces derniers temps. Ça fait plaisir. Mais résumer The Blue Flowers à cela serait un peu juste. C’est également une très belle histoire tranche de vie, mettant magnifiquement en valeur, à l’image de ces couvertures aux motifs changeants, la passion des héros pour la céramique. Et j’avoue que j’adore leur duo ! 

Tandis que les éléments pour une romance slow burn sont enclenchés et que l’autrice développe joliment, en prenant son temps, le passif de chacun, nous assistons aussi à un beau rapprochement sous l’égide de leur passion commune : la céramique. J’ai adoré voir leur duo chien-chat entamer un rapprochement sous prétexte d’un festival puis d’un concours. Leurs deux visions de leur art se complètent bien au final et leurs réalisations sont ainsi splendides ! J’ai été fascinée par la forme donnée à leur première création mais également par la variété des motifs. J’ai été émue par la passion de Tatsuki pour le tourage et la forme qu’il donne à ses objets, ce qui s’est accentué lors de leur seconde réalisation commune. Bref, c’est un duo qui professionnellement marche très bien pour moi.

Mais c’est également un duo qui commence à fonctionner plutôt bien personnellement également. L’autrice use avec astuce et finesse de certains schémas scénaristiques bien connus des amateurs de romances, pour rapprocher ses personnages et leur offrir l’occasion de s’ouvrir. Nous assistons ainsi entre émotion et tendre humour, à un très beau moment confession de la part de Tatsuki, qui explique bien pourquoi il est ainsi. Et ensuite, nous assistons peu à peu à un rapprochement entre eux avec des petites scènes basiques de la vie en atelier, mais où on voit une complicité nouvelle. Charmant. 

 Dans ce délicat mélange d’artisanat d’art et de comédie romantique, en prenant son temps, l’autrice nous offre la rencontre et le portrait d’un fort joli duo d’artistes qui aurait tout pour s’entendre. C’est beau, c’est plein d’amour pour la céramique et c’est poignant aussi au vu de leurs parcours. C’est un bien joli retour tout en émotion pour Yuki Kodama et je remercie Mangetsu d’avoir redonné sa chance à cette belle figure du shojo/josei manga.

Tome 3

Cette année les amateurs de romances adultes sont vraiment gâtés avec les parutions des éditeurs, cela faisait longtemps qu’ils n’avait pas eu autant de titres leur étant destinés disponibles en même temps et c’est un vrai bonheur d’être confronté à des histoires qui nous parlent vraiment et résonnent en nous.

Après des débuts peut-être un peu légers et tirant sur la comédie, nous entrons de plus en plus dans le coeur de l’intrigue et ce n’est pas un coeur pour rose, mais plutôt un coeur fêlé riche en teintes et couleurs. L’ex d’Aoko refait surface comme si de rien n’était alors qu’il l’a fait terriblement souffrir et qu’elle a mis du temps à se remettre. Heureusement son amie Shinobu et son nouveau collègue Tatsuki sont là pour l’aider et la protéger.

La thématique de l’ex est un grand classique de la romance, mais souvent je trouve qu’elle est traitée bien caricaturalement dans le manga. Ça m’a fait du bien ici de voir une autrice y apporter autant de nuance et de réalisme. Elle nous présente un homme qui est parti du jour au lendemain sous un bon prétexte mais qui a ensuite coupé les ponts, et qui revient un peu la bouche en coeur comme si de rien n’était. On pourrait facilement le détester. On pourrait imaginer le harceleur qui insiste pour reconquérir celle qu’il voit comme une évidence pour lui. C’est plus fin que ça. L’autrice rend à merveille les tourments de chacun. Elle nous montre la grande gentillesse de cet homme, sa jovialité, bref ce qui a fait craquer Aoko autrefois. Mais elle nous montre aussi le versant plus sombre, celui de la rupture mal digérée, celui de la souffrance et du traumatisme que ce fut pour cette artiste fragile.

Ce fut donc une très belle idée de petit à petit instiller sur ces bases un rapprochement avec Tatsuki, ce collègue taciturne arrivé il y a peu, qui a trouvé une forme de camaraderie et d’écho avec Aoko, dans leur passion commune pour la céramique. Alors comme elle l’a aidé à surmonter un peu son propre trauma, il compte bien, avec sa discrétion naturelle, l’aider lui aussi et l’accompagner dans ce moment. J’ai beaucoup aimé là aussi la finesse d’écriture de l’autrice qui tout en reprenant des codes bien connus rend cela très mature. On n’a pas de crêpage de chignons, on n’a pas de disputes violentes. On a juste des moments où on ose se dire les choses avec honnêteté, on a des moments où on tend la main et aide son prochain, c’est simple mais c’est beau. Ainsi le rapprochement qui s’était entamé entre Aoko et Tatsuki se poursuit avec une belle profondeur et une riche émotion.

Leur passion pour la céramique est encore un superbe vecteur de communication. Ayant du mal à exprimer chacun leurs sentiments, on les comprend bien mieux à travers leur art. Quand ça ne va pas, Aoko commet des bourde ou n’arrive à rien. Quand une connexion s’établit entre eux, on le voit direct dans l’assiette qu’ils ont réalisé en commun. Et l’autrice s’empare à merveille de la chose pour exprimer dans son trait avec force et puissance la beauté et la richesse de cet art. Les planches autour de la céramique sont toujours aussi magique, poétique et parfois même sensuelle.

Tome peut-être un peu plus doux-amer, il amorce une très belle évolution encore plus en profondeur d’une série qui déjà m’avait touchée par le pouvoir thérapeutique de l’art qu’elle célébrait. En abordant avec maturité la thématique de la blessure sentimentale, Yuki Kodama retrouve pleinement toute la finesse que je lui connaissais et j’ai déjà très très hâte de continuer à voir Tatsuki s’ouvrir et Aoko guérir à son contact. C’est vraiment émouvant.

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4 commentaires sur “The Blue Flowers and The Ceramic Forest de Yûki Kodama

  1. La couverture ne m’aurait pas attirée outre mesure, mais tu as su m’appâter avec des arguments qui portent : des personnages trentenaires, un domaine qui me fascine, un enemies to lovers, et surtout une belle profondeur psychologique !
    Je m’empresse de faire une suggestion d’achat auprès de ma médiathèque 🙂

    Aimé par 1 personne

    1. Oh tu me ravis j’avais tellement aimé son ambiance rétro et jazzy ! Blé Flowers est clairement différents mais il y a toujours la patte de Kodama et c’est savoureux. J’espère que tu aimeras autant que tu le penses ☺️

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