Livres - Fantasy / Fantastique

Ni dieux ni monstres de Cadwell Turnbull

Titre : Ni dieux ni monstres

Auteur : Cadwell Turnbull

Traduction : Marie Surgers

Édition vf : L’Atalante (Dentelle)

Année de parution : 2024

Nombre de tomes vf  : 1 (en cours)

Histoire : « Sois prudent, tu t’approches dangereusement de secrets que tu ferais mieux de continuer à ignorer. Le prix d’une connaissance trop vaste, petit, c’est la folie. »
Un triste mois d’octobre, Laina apprend la mort de son frère Lincoln, abattu par la police de Boston. Perdue dans son deuil, elle reçoit la vidéo du meurtre. La révélation est un choc : Lincoln était un lycanthrope et c’est sur un monstre qu’a tiré le policier.
Les monstres existent. Et ils veulent que le monde le sache.
Les événements s’emballent alors. Pour cette meute de loups-garous qu’on tente de faire taire. Pour ce professeur piégé par une société secrète, occulte. Pour ces personnes qui disparaissent sans laisser de traces. Pour cet enfant qui découvre ses pouvoirs. Pour ces manifestants à la conquête de nouveaux droits civiques.

Mon avis :  

Contrairement à pas mal d’éditeurs d’imaginaire, l’Atalante est pour moi l’opposé de l’éditeur mainstream. Ils proposent toujours des titres différents, qui sortent du cadre et qui sont soigneusement choisis. J’avais ainsi eu un coup de coeur douloureux pour leur merveilleux Méduse l’an passé. C’est avec la même ambition que je me suis engagée dans Ni dieux ni monstres, leur dernière trouvaille.

Derrière ce texte à la couverture aussi belle qu’intrigante en vf, il y a un jeune auteur américain racisé qui aime aborder les questions de colonialisme, de bouleversement climatique, de communautés marginales ou encore d’oppression dans ses écrits. Cadwell Turnbull met ainsi sa plume tellement enivrante au service de propos de société actuels, qui le touchent et nous touchent par ricochets. C’est très réussi.

Dès les premières lignes, j’ai été conquise par cette ambiance très américaine du cadre et de la plume de l’auteur qui nous plonge un peu dans les travers de cette société qu’on connaît tous mais qu’il est toujours bon de rappeler. L’histoire démarre sur un meurtre inique : « un monstre » est tué par un policier. Cela ne peut faire qu’écho en nous avec toutes ces affaires où ces crimes sont restés impunis et/ou ont déclenché des émeutes et autres manifestations. Je m’attendais vraiment à ça ici alors que les événements semblaient s’emballer, mais l’auteur va être plus fin que ça et nous prendre à contre-pied.

Dans une narration étrange et entêtante qui va jouer sur les lieux, les personnages, les temporalités, il va plutôt nous plonger dans le quotidien de plusieurs « marginaux » pour vivre à leur côté avant et après ce drame des moments de bascule dans leur quotidien qui déjà n’a rien à voir avec le nôtre. Ce fut étrange, perturbant. J’ai souvent eu le sentiment de ne pas trop savoir où j’allais et quand je pensais comprendre, on m’emmenait à nouveau ailleurs. Mais au final, ça ne m’a pas gênée de ne pas comprendre car j’étais totalement prise à chaque fois par l’émotion du moment, une émotion souvent âpre et rugueuse, très terrienne et profonde ici, rappelant cette Amérique loin des clichés des grandes villes bling bling. J’étais en quelque sorte plus proche du « terroir ».

En parallèle, une certaine fascination a commencé à naître en moi pour cette écriture si proche de la littérature américaine classique que j’aime (Steinbeck, Harper Lee, Faulkner…) qui se mélangeait avec un très beau fantastique savamment distillé pour faire basculer l’histoire de quelque chose de très terre à terre et connu, à quelque chose de bien plus mystérieux et insaisissable où les surprises furent grandes. L’expérience de la surprise étant essentielle à cette lecture, je vais essayer de ne pas en dire trop, mais disons que bien que reprenant des tropes classiques de l’imaginaire, l’auteur parvient à les mêler finement et intrinsèquement avec quelque chose de bien plus ancré à notre réalité sans que cela choque mais au contraire en donnant du sens à l’ensemble, surtout dans la période complexe de tiraillement qu’il y a entre société installée et société marginale. Une révolution est en marche souterrainement car les « monstres » en ont assez de vivre cachés, à l’écart, sous le feu des balles.

Questionnant avec force sur notre rapport à l’autre et aux normes qu’on lui impose, Ni dieux ni monstres est une lecture étrange qui se vit, se ressent mais ne se comprendre pas forcément. Elle est singulière et entêtante, inattendue et pourtant rassurante, comme un chocolat chaud réconfortant auquel on aurait ajouté un ingrédient venant perturber nos sens. J’ai aimé cette première étrange plongée dans un monde à la frontière des changements. Je n’ai pas tout compris loin de là mais je suis très curieuse de voir le chemin que l’histoire va continuer à prendre dans sa suite à paraître en octobre : We are the crisis. Encore une belle et singulière pépite trouvée par l’Atalante !

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Fantasy à la carte, Vous ?

20 commentaires sur “Ni dieux ni monstres de Cadwell Turnbull

  1. ça m’intéresse d’autant plus qu’à part des romances paranormales à tendance pornographique, il est devenu quasi impossible de trouver une histoire de loup-garou…

    J’aime aussi beaucoup cette maison d’édition, j’ai fait de bonnes voire très bonnes lectures grâce à eux 🙂

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    1. Mdr c’est malheureusement le cas.
      J’avais quand même lu Galeux chez Pocket qui était fantastique dans le genre, racontant à la manière d’un road trip américain très actuel, le cheminement de l’un d’eux. C’était très âpre, très charnel (mais pas dans le sens porno, dans la carne/la viande). Il m’avait saisi à la gorge.

      PS / J’aime aussi beaucoup cette maison ^-^

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    1. J’y suis allée les yeux fermées après une discussion sibylline avec ma libraire et c’est exactement comme ça qu’il faut y aller. Si ma chronique t’as donné envie, vas-y, fonce !

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  2. Oups… j’ai lu Méduse il y a deux jours et clairement, j’ai détesté. Je dirais même que la seule chose que j’ai aimé dans ce livre, c’est sa couverture. 😁 Pourtant il me faisait envie depuis sa sortie. Mais bon, ce sont des aléas qui arrivent. Je crois que je n’avais jamais lu cette maison d’édition auparavant mais l’intrigue est différente ici et l’auteur aussi. Du coup, pour celui-ci, je l’ai noté quand je l’ai vu dans ton book haul car le résumé m’a fait penser comme toi, aux crimes qui ont remué les USA et déclenché diverses émeutes et le mouvement Black Lives Matter. Le tout avec une empreinte de surnaturel, ca m’intrigue beaucoup et apparemment ca fonctionne bien ! Je vais juste attendre un peu, puisqu’il faudra de toute manière attendre la suite. Mais il reste au chaud dans ma liste de souhait. 😉

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    1. Oh zut pour Meduse mais c’est un texte tellement particulier que je comprends qu’il soit clivant, il met vraiment mal à l’aise.

      Ici comme tu le soulignes, c’est différent, pas la même ambiance, pas le même message, peut-être juste des parallèles à faire dans la narration et la façon de tenir le mystère et de le dévoiler au compte-goutte avec parfois de grosses zones de brouillard.

      J’espère que tu te laisseras tenter et que ça passera mieux 🙂

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      1. Pour Méduse, il ne m’a même pas mis mal à l’aise en vérité. Je l’ai même trouvé grotesque pour tout te dire. 😇 L’écriture m’a paru pompeuse, avec des surnoms à répétitions pour ses Monstruosités, les allusions sexuelles à peine voilées qui laissent deviner facilement l’aspect des yeux de cette « Méduse » moderne. Enfin, tu l’auras compris, ce n’était vraiment pas pour moi. Mais oui clairement, c’est particulier, on est d’accord sur ce point. 😁
        Mais je laisserais sans problème sa chance à Ni dieux ni monstres. Je n’arrête jamais la découverte d’une maison d’édition à un seul livre car une mauvaise rencontre ca peut arriver à tout le monde. Il en faut pour chaque lecteurs, ce serait bien triste sinon. 🙂

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      2. Ah comme quoi, j’ai beaucoup aimé la plume que j’ai trouvé assez baroque et gothique, mais n’ayant pas aimé Ada Palmer (en SF) à cause d’une plume que contrairement à beaucoup j’ai trouvé pompeuse, j’entends aussi qu’on n’ait pas les mêmes goûts là-dessus 😉
        Très bien dit pour la maison d’édition ! ^-^

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      3. Ca fait toute la magie de la lecture, de voir ce qui a plu chez certains mais qui ne fonctionnent pas avec d’autres. Comme quoi, c’est un bel exemple de la diversité culturelle. 🙂

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