Livres - Fantasy / Fantastique

Un pays de fantômes de Margaret Killjoy

Titre : Un pays de fantômes

Auteur : Margaret Killjoy

Traduction : Mathieu Prioux

Éditeur vf : Argyll / Pocket (Fantasy)

Années de parution vf : 2022 / 2024

Nombre de pages  : 261

Histoire : Poussé par une industrie florissante et une politique expansionniste, l’empire borolien se tourne cette fois vers les Cerracs, un territoire montagneux composé d’une poignée de villes et de villages ; une simple formalité.
Journaliste en disgrâce, Dimos Horacki signe désormais des papiers ronflants dans une gazette de la capitale. Mais voilà que son employeur l’envoie au front écrire un article élogieux sur un général en vue de l’armée impériale.
Sur place, Dimos découvre la réalité de l’expansion coloniale, et surtout, il met un visage sur leurs mystérieux ennemis, les anarchistes de Hron, qui défendent non pas leurs possessions, mais leur mode de vie et leur indépendance. Et tandis que la guerre fait rage autour de lui, que ses pas le portent de ferme en village jusqu’à la cité-refuge de Hronople, le reporteur voit peu à peu ses convictions voler en éclat.

Mon avis :  

Je dois avouer que j’avais déjà la version grand format dans ma PAL quand Pocket m’a envoyé la sienne… Mais ce fut plutôt une belle surprise car cela m’a poussée à enfin l’en sortir et quelle riche lecture. Elle n’avait rien à voir avec ce que la couverture m’avait laissée imaginer. Elle m’a offert tellement plus avec ce vibrant récit humaniste, révolutionnaire, contestataire et presque ethnologique !

Margaret Killjoy, l’autrice, est très joliment introduite avant ce récit grâce à une enthousiaste préface signée Patrick K. Dewdney (Le cycle de Syffe). La découvrir autant engagée a auguré pour moi du très bon moment que j’allais passer et cela s’est confirmé. Chouette ! Elle a mis ici tout ce qui la travaillait au service d’une belle et puissante aventure qui fait réfléchir, ce qu’on a parfois tendance à oublier au profit du divertissement.

Dans un récit assez resserré, elle va réussir l’exercice de nous proposer à la fois réflexion politique et réflexion humaine, il faut dire que l’un ne va pas sans l’autre, mais elle le fait, un peu comme Ursula Le Guin dans La main gauche de la nuitde manière quasi ethnologique grâce à son récit porté par un journaliste enlevé par le « pays » voisin auquel le sien fait la guerre. Dimos Horacki sera ainsi notre guide et avec lui, en allant à rencontre du peuple Hron, de ville en ville, de bourgade en bourgade, nous allons découvrir une société riche et surprenante.

Au début, je pensais vraiment que l’intérêt de cette lecture allaient être les tensions entre la Borolie et le Hron, mais j’ai rapidement compris que ce conflit, ou plutôt cette invasion, n’était qu’un prétexte pour évoquer tout autre chose : le fonctionnement d’une société atypique, une société anarchiste. L’anarchie est un modèle politique qu’on cite souvent, surtout quand on est jeune et contestataire, mais qu’on a tendance à oublier ensuite. Je l’ai rarement vu exploité en littérature de l’imaginaire et j’ai été très agréablement surprise ici.

Bien que ce soit dans un texte assez court, l’autrice nous décrit comment une société a réussi à s’en inspirer pour créer son propre modèle de fonctionnement, un modèle où il n’y a pas de monnaie, pas de travail/emploi obligatoire, pas de mariage au sens où on l’entend nous plus, et pas d’armement ou industrie qui détériorerait l’environnement : bref une société libre, basée sur l’échange et la communication, et non le violence et la punition. Et ça fonctionne plutôt bien sous la plume de l’autrice car cette société, grâce à l’agitation qui vient la bousculer ici, est capable de s’adapter et se réinventer, nous proposant ma foi un sympathique modèle, utopique certes mais plus tant que ça au final.

J’ai donc aimé suivre Dimos dans sa découverte qui se couple avec les tensions d’un peuple en proie à l’invasion. Le récit mélange aventure, découvertes sociétales et action. Nous allons à la rencontre de moult villes et personnages. Le récit se veut varié jusque dans la diversité qu’il offre puisqu’on croise personnages handicapé, LGBT, ostracisé, etc. Tout se matche bien en plus sans que ça fasse artificiel parce que l’autrice à imaginer un cadre qui s’y prête bien. Cependant, je dois avouer que la brièveté du récit, son faible nombre de pages, a également empêché mon attachement à ces derniers. J’ai aimé suivre Dimos, parce que c’est le héros et que c’est celui avec qui on est le plus souvent, donc on apprend bien à le connaître. Mais dans l’ensemble, malgré les rôles intéressants que l’autrice leur donne à jouer, tout va trop vite pour développer un réel attachement à qui que ce soit et j’ai trouvé cela dommage. On reste un peu trop en surface.

Plus proposition de philosophie politique que réelle aventure fantastique nous emportant, Un pays de fantômes fut une belle surprise sur ce premier point. J’ai beaucoup aimé découvrir le modèle proposé et critiqué par l’autrice sur cette base anarchiste dont on parle souvent mais qu’on utilise peu. Je reste cependant sur ma faim dans l’ensemble tant cela va vite et tant cela est court. J’aurais aimé une écriture plus approfondie des personnages, surtout vu leur diversité. J’aurais aimé rester avec eux et peut-être vivre plus intimement cette guerre qui va tant les chambouler et ce nouveau monde qu’ils rebâtissent ensuite. Ce fut en tout cas une belle proposition inattendue derrière ce titre ô combien poétique.

(Merci à Pocket de m’avoir pousser à le sortir de ma PAL)

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Le nocher des livres, Le Chroniqueur, Syndrome Quickson, Yuyine, Etemporel, Vous ?

23 commentaires sur “Un pays de fantômes de Margaret Killjoy

  1. Je suis très tentée malgré tes bémols. J’aime qu’une histoire soit bien approfondie, mais l’originalité peut me suffire si c’est bien ficelé. Je note le titre, merci 😉

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  2. Les deux couvertures sont assez canons d’ailleurs ! En tout cas, tu me fais découvrir un roman qui me tente beaucoup et ta surprise quant à ta lecture me donne d’autant plus envie 😉

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      1. Et tu sais que j’aime les formats courts maintenant 😂 Même si je lis mon lot de pavés également hein, je suis d’ailleurs dans un beau pavé en ce moment !

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  3. J’avais souvent vu passer ce roman mais n’avais jamais mis mon nez dans une chronique pour en savoir plus.

    C’est chose faite et ta chronique était passionnante à lire ! Surtout qu’elle m’a bien aidée à comprendre que ce roman n’était pas du tout pour moi 😁 Même si je comprends bien ses atouts, c’est typiquement le genre de textes qui ne me passionne pas trop, et au positionnement qui ne me plaît pas – c’est aussi la ligne d’argyll (que je respecte totalement et dont je reconnais la qualité) qui ne me convient pas trop.

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