Livres - Science-Fiction

La Main gauche de la nuit d’Ursula K. Le Guin

Titre : La Main gauche de la nuit

Auteur : Ursula K. Le Guin

Éditeurs : Le livre de poche

Années de parution vf : 1979

Nombre de pages  : 346

Histoire : Sur Gethen, la planète glacée que les premiers hommes ont baptisée Hiver, il n’y a ni hommes ni femmes, seulement des êtres humains. Des androgynes qui, dans certaines circonstances, adoptent les caractères de l’un ou l’autre sexe. Les sociétés nombreuses qui se partagent Gethen portent toutes la marque de cette indifférenciation sexuelle. L’Envoyé venu de la Terre, qui passe pour un monstre aux yeux des Géthéniens, parviendra-t-il à leur faire entendre le message de l’Ekumen ?

Mon avis :

Ursula K. Le Guin fait partie de ces auteurs emblématiques de SF dont j’ai souvent entendu parler mais auxquels j’ai parfois peur de me frotter. J’ai souvent entendu parler de la facette universitaire de la dame, qui a pas mal réfléchi sur les composante de la SF et sur l’écriture au sens large. De plus, c’est une autrice engagée pour laquelle un roman n’est pas juste l’occasion d’offre une aventure mais également une réflexion. Du coup, j’appréhendais pas mal ma lecture de La Main gauche de la nuit, titre souvent cité comme le préféré de bien des lecteurs pour le pan SF de la bibliographie d’Ursula.

Née à la toute fin des années 1920, Ursula K. Le Guin a publié de très nombreux romans de SF mais également de fantasy, ainsi que de la poésie, des ouvrages pour enfants, des scénarii, des essais et des traductions. Ce fut une autrice très prolifique multi primée qui malheureusement nous a quitté en janvier 2018. De mon côté, je la connais avant tout pour sa saga de fantasy Terremer, dont un bout fut adapté en film d’animation par le fils de Miyazaki pour le studio Ghibli.

La Main gauche de la nuit signe donc ma première vraie découverte de l’univers SF de l’autrice. J’en ai aimé les idées et la plume mais malheureusement je suis complètement passée à côté de la narration pendant les 3/4 du roman…

La Main gauche de la nuit est le 4e tome du cycle de Hain et le 6e tome du cycle de l’Ekumen. Cependant il peut se lire indépendamment des autres sans que cela gêne. L’autrice nous plonge dans un vaste univers où une organisation, l’Ekumen, cherche à rassembler les différents peuples disséminés dans l’espace afin que chacun profite des avancées des autres. L’un de leurs envoyés, Aï (amour en chinois 😉 ) atterri sur la planète glacée Gethen. Cette planète a une particularité assez singulière, il n’y a ni hommes ni femmes, seulement des êtres androgynes qui, dans certaines circonstances, adoptent les caractères de l’un ou l’autre sexe. L’Envoyé de sexe masculin venu de la Terre passe donc pour un monstre aux yeux des Géthéniens.

J’attendais beaucoup de ce dernier élément vraiment mis en avant aussi bien par la quatrième de couverture que par les brefs avis que j’avais pu lire sur ce titre, ce qui fait que quand j’ai commencé à lire et que j’ai trouvé qu’il n’était en fait qu’en arrière-plan de l’histoire, j’ai été particulièrement déçueL’histoire s’articule plutôt autour des bisbilles politiques de la nation appelée Karhaïde, où le roi actuel est faible et manipulable. Il se débarrasse de son premier ministre favorable à l’Ekumen, pour le remplacer pour un homme beaucoup plus étroit d’esprit. Le premier ministre est banni et l’Envoyé exilé. Il s’agit alors du récit de leur errance individuelle puis commune afin de pouvoir revenir en Karhaïde pour convaincre le roi du bien fondé de l’Ekumen.

Ursula K. Le Guin profite de cette histoire, somme toute assez banale, pour faire le portrait d’une société terriblement différente de la nôtre. Sauf que pour ce faire, elle utilise une narration qui m’a déstabilisée et que je n’ai pas appréciée : les rapports de journaux de bord. Cela donne un aspect très froid à la lecture, comme si nous étions dans un étrange mélange d’aventure et d’étude sociologique. Tout ce qu’il y a autour en est tributaire. Ainsi le rythme est lent et haché, les personnages peu attachants, et en dehors des deux héros peu développés également. La frustration fut grande pour moi. J’attendais vraiment avec envie de découvrir cette univers le temps d’une belle aventure. Or aventure, il n’y eu pas vraiment et la découverte ne fut donc pas assez romancée, pas assez intégrée à un récit, ce que Herbert avait réussi à faire, lui, dans Dune ou Marion Zimmer Bradley dans Ténébreuse.

Il y a pourtant de fichtrement bonnes idées dans ce texte. Ursula K. Le Guin a inventé une société où il n’y a ni homme, ni femme et où la sexualité est bannie les 3/4 du temps. Ces individus ne prennent des caractères sexuels afin de se reproduire que pendant une durée très limitée à un certain moment du mois, le kemma. Ce n’est pas forcément toujours les mêmes caractères qu’ils affichent, ils peuvent ainsi être tour à tour mâle ou femelle, et porter ou non des enfants. Autre originalité, c’est le déclenchement du kemma d’un individus qui va déclencher celui de son ou sa partenaire, qui va automatiquement adopter l’autre sexe. Ici, j’avoue que j’ai eu une petite déception en voyant un schéma encore une fois hétérocentré au final…

L’autrice utilise cette idée forte pour proposer un nouveau schéma familial où les individus sont à la fois père et mère sans distinction, ce qui abouti à une égalité parfaite de ce point de vu là. Ursula ne se prive pas d’ailleurs à un moment pour critiquer notre société et ses normes sociales qu’on impose aux êtres en fonction de leur sexe. La famille a d’ailleurs un sens plus large qu’un père, une mère et des enfants sur Gethen. C’est plus complexe avec des histoires d’adoptions et de mélanges parfois un peu hasardeux. Je ne suis pas très fan de certaines latitudes prises avec l’inceste par exemple…

Enfin, l’écrivaine sort également de cette sphère privée, en proposant des réflexions sur les régimes politiques. Elle propose plusieurs forme de gouvernance, chacune avec ses forces et ses faiblesses qu’elle analyse brièvement au cours de l’intrigue. Ces formes sont pour certaines assez classiques et s’appuient sur notre histoire, récente (prémices de l’Union Européenne) ou plus lointaine (Antiquité). C’est un discours engagé et tout sauf lisse qu’il fait plaisir de trouver dans ce type de roman. J’attends de la SF ce volet politique.

Cependant vous l’aurez compris malgré ces bonnes idées, La main gauche de la nuit ne fut pas le coup de coeur attendu. A titre personnel, un univers original ne me suffit pas, il faut qu’il soit intégré dans une intrigue riche et bien écrite, ce qui ne fut pas le cas ici. L’autrice passe trop de temps dans un entre deux pour que cela m’accroche. De plus, j’ai eu beaucoup de mal à trouver des atomes crochus avec les personnages pour avoir envie de suivre ce qui leur arrivait. J’ai fini par vraiment apprécier l’étrange Estraven, ancien Premier Ministre de Karhaïde, au tragique destin et à la personnalité si ambigüe. Par contre, impossible d’adhérer à l’Envoyé, aucune empathie ne s’est formée entre nous ^^! Ma lecture fut donc plus compliquée que prévue et moins agréable que je l’aurais cru. Il n’y a que dans les 100 dernières pages où j’ai eu le sentiment que l’autrice parvenait vraiment à faire la synthèse de tout pour nous donner à la fois une intrigue agréable à suivre, des personnages dont elle creusait la personnalité et une étude de la société géthénienne bien intégrée à l’ensemble. J’ai donc dû attendre longtemps…

Je retiendrai de ce titre, l’audace, pour l’époque (le texte fut publié en 1969 aux Etats-Unis), de l’autrice en terme de propositions politiques et sociétales, mais ma découverte des textes de SF d’Ursula K. Le Guin s’arrête là pour le moment car je n’ai pas aimé la façon dont elle mettait en scène ses idées. Dommage.

Ma note : 14 / 20

17 commentaires sur “La Main gauche de la nuit d’Ursula K. Le Guin

    1. Ça me rassure de lire que je ne suis pas la seule tant j’ai vu cette autrice encensée partout. Honnêtement, ça m’embête vraiment de ne pas avoir aimé parce que vraiment ses idées me séduisent beaucoup, mais bon, je ne vais pas me forcer non plus ^^!

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  1. Perso, je n’y arrive pas avec Ursula K. Le Guin, notamment « La Main gauche de la nuit » que j’ai trouvé vraiment mauvais. En dehors de « Les Dépossédés », tous les autres titres me sont tombés des mains (et j’en ai lu un certain nombre à cause de a-yin. Elle est fan de l’auteure et n’arrête pas de me faire acheter ou de me donner des titres pour que je les lise, j’en ai encore deux dans la PAL).

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    1. A-yin fait justement partie des personnages dont l’enthousiasme m’avait donné envie de sauter le pas. Mais j’avoue qu’après cette première lecture, je n’ai pas envie de retenter l’expérience de sitôt même si Les Dépossédés est le second titre qui me faisait envie.
      Qu’est-ce qui a changé la donne pour toi avec ce titre-là par rapport aux autres que tu n’as pas aimé ?

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      1. Dans « Les Dépossédés », le monde double proposé, quoiqu’un peu (beaucoup) caricatural, est intéressant. Surtout, il n’y a pas les gentils contre les méchants et les deux systèmes économiques sont critiqués. Surtout, le personnage de Shevek est réussi, et les péripéties aussi. Dans « La Main gauche de la nuit », j’ai trouvé les personnages généralement ratés, et surtout, j’ai décroché avec la fuite d’Aï totalement ratée à mes yeux car bien trop longue, peu intéressante et peu vraisemblable (et ça représente la moitié du bouquin, au moins…. Et pour couronner le tout, j’ai trouvé la fin nulle… Les autres titres lus de l’auteure sont la trilogie (la toute première, celle d’Opta publiée il y a plus de trente ans) de « Terremer » (pas accroché à l’époque, jamais relue, il faudrait que je m’y mette), et des recueils de nouvelles que je trouve, sauf pour quelques exceptions, sans intérêt. En plus, le féminisme qui est censé être présent me passe assez largement au dessus de la tête. Bon, je crois que j’ai assez critiqué l’auteure préférée d’a-yin, ha ha !

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      2. Si l’univers et les personnages sont mieux construits, ça donne déjà bien plus envie.
        Il me semble avoir lu un bout de Terremer autrefois mais ça ne m’a pas marquée et j’ai un recueil de nouvelles mais j’ai peur de l’ouvrir maintenant…
        Pauvre A-Yin ^^!

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  2. La narration sous forme de rapports de journaux de bord m’intrigue même si je comprends que la froideur que cela introduit peut gêner… Les idées développer et les réflexions soulevées semblent, quant à elles, plutôt intéressantes. Finalement, seul le problème de rythme me fait un peu peur parce que ça reste un élément important pour me donner envie de tourner les pages. Merci pour ton avis détaillé 🙂

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    1. Avec plaisir. J’ai vraiment essayé de donner également les bons points et pas seulement ce que je n’avais pas aimé parce que je sais que le titre peut plaire et parler à d’autres même si moi, j’ai trouvé le rythme et la narration plats ^^!
      Je serai curieuse de lire ton avis si tu te lances 😉

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  3. Un titre dont j’ai beaucoup entendu parler alors que je ne savais même pas de quoi ça parlait ! Et avec des êtres androgynes, ça me donne déjà très envie ! Bon, la narration avec des journaux de bord, pas sûr que je reste aussi attentive du début à la fin, c’est vrai que cette méthode narrative donne souvent une froideur qui peut-être inconfortable.

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    1. Moi aussi j’ai été curieuse de voir ce que ça donnait et pour ça je ne le regrette pas, j’aurais juste aimé être plus impliquée dans l’histoire et aimer la plume en fait. Je suis un peu frustrée. Mais je ne déconseille pas pour autant ^^

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