Livres - Histoire

La Reine Oubliée de Françoise Chandernagor

couv63749883.gifTitre :  La Reine Oubliée

Auteur : Françoise Chandernagor

Éditeur : Le livre de poche

Années de parution : Depuis 2013 (pour la version poche)

Nombre de tomes : 3 (série en cours, prévue en 4 tomes)

Résumé du tome 1 : « En ce temps-là, le monde était jeune, et Alexandrie, la plus belle ville du monde. Au ras des flots, la « Très-Brillante » éblouissait par sa blancheur. Blanches, les terrasses de pierre tendre, les colonnes d’albâtre, les avenues pavées de marbre, et blanc, le grand Phare… Alexandrie : joyau d’un empire qu’Antoine et Cléopâtre vont entrainer dans leur chute. »
Des amours de l’Imperator et de la reine d’Egypte étaient nés trois enfants : Séléné et Alexandre, des jumeaux fille et garçon, brun et blond, et le petit Ptolémée. Princes éphémères, qui grandissaient dans la pourpre et l’encens du Quartier-Royal auprès de leur demi-frère, l’enfant-pharaon né de César. Tous si jeunes encore, si fragiles, quand la tourmente s’abattit sur eux. Quatre enfants au destin tragique.
Séléné, l’unique rescapée, n’oubliera jamais l’anéantissement de son royaume, de sa dynastie, de ses dieux. Prisonnière en terre étrangère, elle vivra désormais pour venger ses frères et faire survivre dans le monde des vainqueurs la lignée des vaincus…
Avec la sensibilité d’écriture et la force romanesque qui ont fait de L’Allée du Roi un classique, François Chandernagor s’empare de la vie méconnue de la dernière des Ptolémées, la Reine oubliée. Explorant les dits et les non dits de l’Histoire avec une érudition qui n’empêche pas l’empathie, elle questionne un passé deux fois millénaire. Un récit singulier, haletant. Une fresque grandiose.

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Mes avis :

Tome 1 : Les enfants d’Alexandrie

Avec cette saga, F. Chandernagor crée une oeuvre assez atypique, non tant par le sujet même si le choix de prendre une héroïne à la fois connue et inconnue est particulier, mais plutôt dans la forme. Il faut savoir avant de commencer la lecture de ce livre que même si c’est avant tout un roman historique, l’auteur a voulu à tout prix rester le plus proche possible des sources et des travaux des historiens, ainsi en fin de tome elle explique les différents aspects de sa démarche – ce qui est très intéressant – mais on retrouve aussi en plein milieu de l’histoire des paragraphes où elle nous parle directement et nous explique ses choix. C’est un peu déstabilisant au début mais on s’y fait vite et on commence même à apprécier et attendre ses moments par la suite.

Un fois cette étrangeté passée, on peut de plein pied sauter dans l’histoire. Et F. Changernagor a fait le choix astucieux ici de nous la raconter du point de vue de Séléné, fille d’Antoine et Cléopâtre, ce qui permet à la fois de combler imaginairement des pans de l’histoire que l’on ignore et en même temps de justifier parfois les manques qui surgissent puisque Séléné n’en est pas le témoin direct. Cela donne un récit différent de pas mal de romans historiques que j’ai pu lire, il faut dire que Séléné est très jeune au début. En plus, même si je connaissais l’histoire d’Antoine et Cléopâtre dans les grandes lignes, j’ai l’impression de complètement la redécouvrir. J’ai plongé avec joie dans leur quotidien pas toujours très rose et même assez souvent cruel pour leurs enfants. J’ai aimé découvrir leurs habitudes vestimentaires, alimentaires, sociales même et la façon dont ils voyageaient, la place qu’avait les enfants dans leur vie… Mais mon seul reproche, c’est qu’on m’a vendu cette histoire comme celle de Séléné, et qu’ici elle est très très en retrait et que c’est plutôt l’histoire de ses parents que l’on suit tout au long de ce tome. C’est un peu long pour une issue que l’on connait d’avance en plus. J’ai donc dû ronger mon frein à plusieurs reprises, pestant que ça n’aille pas assez vite pour arriver à ce que je ne connais pas, l’après Alexandrie, mais ce ne sera pas pour ce tome malheureusement. Leur histoire sinon est palpitante, on redécouvre d’un autre oeil les événements qui peuplent l’enfance de Séléné. On redécouvre aussi les personnages de Cléopâtre et Antoine qui sont assez différents de l’image romanesque que je leur connaissais, et plus proche de leur image historique. On voit l’Alexandrie des Ptolémée revivre sous nos yeux, on redécouvre la ville (il aurait été agréable d’avoir un plan de celle-ci d’ailleurs pour mieux localiser les lieux évoqués…). C’est vraiment une grande fresque historique qui débute ici, dans laquelle Séléné n’est encore qu’une poupée inanimée qui observe ce qui se passe autour d’elle. J’attends qu’elle prenne enfin vie dans le prochain tome et je serai sûre de me régaler.

Tome 2 : Les dames de Rome

Sur le même principe que le premier, nous découvrons dans ce tome la suite de l’histoire à travers les yeux de Séléné. Celle-ci se fait toujours aussi discrète, se plaçant en second plan après les grandes figures que sont Octave/Auguste et Octavie, sa soeur. C’est fort dommage, mais c’était un peu obligé au vu de la démarche de F. Chandernagor. En effet, elle se sert du petit personnage que fut Séléné pour nous raconter la grande Histoire du changement de régime de la Rome antique, et cela est passionnant. Passionnant parce qu’on découvre une facette complètement glaçante et perturbante d’Auguste. Il me fait vraiment froid dans le dos et les chapitres qui racontent ses rencontres avec Séléné sont parmi les pires, les plus effrayants et malsains que j’ai pu lire. F. Chandernagor a un vrai talent pour raconter les horreurs que subissent les enfants comme dans son magistral : La chambre, il y a quelques années. En tout cas, ces passages m’ont vraiment frappée, tout comme le triste sort de ses frères et le manque de considération envers les enfants en général. Ils ne sont que des pions sur un échiquier, c’est triste. Le statut de Séléné l’écarte un temps de ce schéma mais son sort n’en est pas moins triste, puisqu’on lui refuse son statut de femme. Par contre, j’ai beaucoup aimé découvrir la femme que fut Octavie, une femme forte, maligne, astucieuse et manipulatrice parfois mais toujours pour le bien de ses enfants et de sa famille. Je l’admire énormément. Au contraire de Livie que j’ai détesté tout comme son mari. J’ai aussi adoré découvrir toutes les manigances qu’il y a eu en coulisses autour et au sein de cette famille pour pouvoir garder et étendre son pouvoir. J’ai ainsi redécouvert d’une façon totalement différente le règne d’Auguste, comme si je le voyais enfin de l’intérieur. Et je me trouve bien triste de devoir le quitter dans le prochain tome pour suivre la suite des aventures de Séléné dans une autre contrée.

Tome 3 : L’homme de Césarée

Après une longue pause due à des problèmes de santé, Françoise Chandernagor revient vers ces personnages qu’elle avait laissés en plein chamboulement. Si le plaisir est grand de découvrir le destin de Séléné, la plume de l’autrice me fut plus résistante cette fois.

Pour résumer, j’ai pris plus de plaisir à lire ses notes en fin de tome qu’à lire le roman en lui-même, je crois. Pourquoi ? Parce que l’autrice ne parvient pas, de tout le roman, à choisir entre une plume romanesque et une plume d’essai historique. Cela donne un entre deux des plus singuliers qui n’a pas su me convaincre. J’étais à la fois ravie de pénétrer dans une Histoire où je savais que l’autrice avait été en contact avec les sources et nous racontait vraiment ce qu’elle savait et que l’archéologie avait démontré de la vie à l’époque. Mais en même temps, cela a cruellement manqué de narration romanesque pour moi et ne pas entendre la voix des personnages fut compliqué à accepter et intégrer.

J’ai ainsi eu l’impression de subir passivement cette histoire et de ne pas réellement m’intéresser à la destinée de cette petite Séléné, devenue adulte et mariée avec le roi Juba II de Maurétanie, une contrée loin de Rome et de l’Egypte, pour mieux la faire oublier. Son désir de vengeance, passant par la procréation, ne m’a pas touché un seul instant. A ne pas entendre ce qu’elle pensait 99% du temps, j’ai trouvé ça fade. J’ai donc subi cette nouvelle vie, ce nouvel environnement, ces nouvelles personnes croisées et pire encore les retrouvailles et nouvelles régulières de toute la dynastie à rallonge et ramification de antonii et julii… le tout sans que personne ou presque ne parle, ce qui rend le tout très « figé » et froid.

En tant qu’essai historique, c’est une lecture intéressante car on en apprend énormément sur la manière de nouer des alliances à l’époque par les puissants Romains. J’ai adoré la description de ces mariages et divorces au gré de la liberté des uns et des autres, et la place secondaire des enfants, qu’on peut abandonner ou reconnaître sans qu’ils soient les nôtres, très facilement. C’était fascinant. J’ai aussi adoré partir à la rencontre de Juba et ses terres. Ce roi explorateur, curieux et lettré, m’a passionné. J’ai aimé découvrir sa vie, ses expéditions, ses menées mais aussi la façon dont il a intégré Séléné au sein de tout ça. Historiquement vraiment c’était une très chouette lecture. C’est vraiment la partie fiction et écriture qui a pêché, d’où ma préférence pour les notes finales de l’autrice présentant son projet, son rapport aux sources, etc.

Il y a trop longtemps que j’ai lu les premiers tomes pour établir une comparaison, mais j’ai eu beaucoup de mal avec la plume pas assez romanesque de cet avant-dernier tome. Pourtant, j’ai adoré le socle historique des plus passionnant et juste, surtout, grâce au riche travail de documentation de l’autrice. Si elle pouvait maintenant nous broder une histoire romanesque avec, pour faire réellement vivre ses personnages et les sortir de la pierre et des métaux des pièces où ils sont enfermés, ce serait merveilleux !

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