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Dans l’intimité de Marie de Shûzô Oshimi

Titre : Dans l’intimité de Marie

Auteur : Shûzô Oshimi

Editeur vf : Akata (L)

Années de parution vf : 2015-2017

Nombre de tomes : 9 (série terminée)

Résumé du tome 1 : Quand Isao komori est allé à Tokyo pour suivre ses études à l’université, il s’imaginait déjà une nouvelle vie de rêve : jeune adulte indépendant, avec tous ses potes de fac… Mais sans vraiment comprendre comment ni pourquoi, le voilà déjà seul. Désabusé, il finit par vivre cloîtré chez lui. Son seul petit plaisir est d’aller à la supérette du quartier, pour y admirer la magnifique lycéenne qui s’y rend tous les jours. Mais un soir, alors que comme d’habitude, il la suit jusqu’à chez elle, un curieux événement se produit : la lycéenne remarque sa présence et… Isao se réveille alors, un matin comme les autres, dans la peau de la jeune fille ?! Il devra désormais se faire passer pour Marie, la fille la plus populaire du lycée ! Un nouvel enfer quotidien commence pour le jeune homme, tandis qu’une énorme question subsiste : puisqu’il est entré dans le corps de Marie, où est passé l’esprit de la jeune fille ?

Mes avis :

Tome 1

Après avoir lu Les fleurs du mal et avoir entendu tant de bon avis sur l’autre titre de l’auteur, il me fallait tenter sa série la plus récente : Dans l’intimité de Marie. Ce premier tome installe tout juste l’histoire. On découvre une intrigue principale déjà connue mais traitée de façon originale ici. On rencontre des personnages aux personnalités tout juste ébauchées et pourtant déjà ils intriguent tellement qu’on a envie de se jeter sur la suite.

J’ai trouvé ce premier tome bien plus accrocheur que celui de son autre série et pourtant il est bien moins sombre et bien moins dense. Dans l’intimité de Marie me fait l’effet d’un titre plus consensuel et moins dérangeant qui, on le sent, va aussi faire une critique de la société japonaise mais en étant moins rude que Les fleurs du mal.

L’intrigue principale avec ce jeune étudiant qui se retrouve dans le corps d’une lycéenne qu’il ne faisait qu’observer est déjà vu, mais la façon dont l’auteur traite cela sans presque aucun humour change. Ça donne de suite un côté bien plus sérieux. On sent vraiment la détresse d’Isao, son malaise en société, sa peur de faire du mal aux autres et en particulier à Marie dont il occupe le corps. Très rapidement, le mangaka parvient donc à en faire un personnage attachant qu’on aura envie de suivre.

De plus, l’aspect fantastique de l’intrigue m’a également séduit. J’ai aimé le côté inexplicable de cet « échange ». Isao cherche des réponses mais n’en trouve pas, c’est désarmant à suivre. On est aussi perdu que lui, perdu à cause de ce brusque changement arrivé dans sa vie, mais aussi perdu parce que ça l’oblige à affronter tout ce qu’il fuyait.

En effet, le dernier point qui m’a intéressé dans ce titre, c’est le poids que la société fait peser sur les jeunes. Isao n’a pas supporté la solitude et le déracinement nécessaire pour poursuivre ses études. Ce passage était criant de vérité sous la plume de Shûzô Oshimi. Isao a également du mal avec les relations humaines et vivre dans le corps de Marie va l’obliger à se socialiser de façon assez brutale. Il va devoir s’insérer dans sa famille mais aussi dans son groupe d’amie et dans sa vie de lycéenne. On sent d’avance que ça ne va pas être facile et l’appui qu’il cherche auprès de la meilleure amie de Marie est normal même si malheureusement pour lui, c’est auprès d’une autre, bien plus étrange, qu’il risque de trouver l’aide qu’il cherche.

A la fin de ce premier tome, le mystère sur ce qui s’est passé demeure entier. La suite est encore assez imprévisible ce qui forcément donne envie de poursuivre. J’ai également trouvé le graphisme bien plus agréable que dans Les fleurs du mal, il est plus fin, moins grossier. Je vais donc poursuivre ma découverte.

Tome 2

Avec ce deuxième tome, on plonge un peu plus dans la vie de Marie. Avec l’aide d’une camarade de classe, Isao va partir à la recherche de celle-ci. Qui était-elle ? Que faisait-elle ? Quels sont les mystères qui l’entourent ? Leur quête est vraiment intéressante et le duo fonctionne bien surtout que Yori semble avoir des sentiments ambigus pour Marie et que Marie ne semble pas avoir été toute blanche. Par contre, les interactions entre la nouvelle Marie et ses amies lycéenne ne me passionnent pas. Je trouve peu d’intérêt à leurs sorties et moments entre lycéennes, ça a plutôt tendance à me faire sortir de l’histoire. Moi, c’est le mystère qui entoure Marie qui m’intéresse.

Tome 3

Même si ça reste très bien écrit, ce tome quasiment centré uniquement sur la vie de Marie en tant que lycéenne m’a laissé un goût amer. Je n’ai pas du tout aimé. Je me suis ennuyée et j’ai retrouvé beaucoup trop de clichés vus et revus. Je n’aime pas la façon dont le petit groupe de filles interagit. Elles sont jalouses les unes des autres et attendent juste que l’un d’elles fasse une faute pour l’exclure, c’est minable. Par contre, j’ai beaucoup aimé les scènes du quotidien. Quand Marie a ses règles, c’est tordant. On voit le phénomène à travers les yeux d’un homme, ça surprend. De même, ses relations avec ses parents m’intriguent. Ils commencent à percevoir que quelque chose cloche chez leur fille et eux-mêmes sont étranges sous le regard d’Isao, ce qui crée une bonne tension dramatique.

Tome 4

Dans ce tome, l’enquête n’avance pas d’un pouce malgré les efforts du duo Marie-Yori. Elles découvrent juste que la vraie Marie espionnait Isao, se servant de lui comme un expiatoire de sa petite vie parfaite dans laquelle elle semblait étouffer. Mais en allant parler à celui-ci elles se rendent compte que Marie n’est pas à l’intérieur de lui. Les choses se compliquent aussi à la maison où Marie/Isao craque et dit la vérité à ses parents qui la prennent pour une folle. La tension monte de plus en plus dans ce tome jusqu’au point de rupture où Isao qui maîtrisait à peu près la situation craque. J’ai beaucoup aimé la façon dont ce fut amené, moins les conséquences ensuite. On tombe trop facilement dans un pseudo érotisme voyeur qui n’apporte pas grand-chose selon moi malgré l’enrobage que propose l’auteur pour faire passer la pilule.

Tome 5

Maintenant nous suivons les conséquences de la petite crise de Marie/Isao. Si je comprends que sa mère se sente perdue après ce qu’elle a entendu, je ne l’apprécie toujours pas pour autant. Je la trouve fausse et dérangeante. Elle ressemble beaucoup aux amies de Marie avec qui elle rompt enfin. Leur relation était devenue trop toxique. A titre personnel, ça m’agace qu’on mette aussi souvent en avant ce type de relations dans les mangas, à croire que les adolescentes ne peuvent pas avoir de relations saines ! En cela, bizarrement sa relation avec Yori qui partait pourtant mal me semble bien plus bénéfique. D’ailleurs, on en apprend un peu plus sur cette dernière ici et ça fait du bien. Isao/Marie est de plus en plus paumé par contre. On pourrait croire qu’il va mieux parce qu’il met les points sur les i avec son groupe de fille mais en fait pas du tout. Et le fait que l’auteur rattache ça à sa sexualité, en s’en servant comme exutoire me dérange profondément. Franchement, après le tome précédent, cette nouvelle scène de masturbation me dérange. Une fois de plus, je ne vois pas ce qu’elle apporte à l’histoire…

Tome 6

Yori se dévoile enfin, ce qui pousse Isao/Marie à en faire de même inconsciemment. Du coup, toute l’histoire bascule. On en vient à se demander si cette histoire d’échange est vraie. Si ce n’est pas Marie qui habite ce corps depuis le début mais si la folie ne s’est pas emparée d’elle à force de se sentir mal dans sa vie. Après tout, elle pourrait connaître Isao vu qu’elle l’observait et tout. Et en même temps, ce serait super tordu mais tellement puissant comme idée. Ça montrerait à quel point on peut perdre la tête quand on se sent mal dans sa peau. Dans ce cas-là, cela aurait enfin permis à Marie de s’accepter telle qu’elle est avec ses désirs, le désir pur qu’elle ressent envers Yori en qui elle voit une ancienne elle, et le désir un peu malsain qu’elle ressent pour Isao qui lui assume plus facilement les siens. Ce tome est définitivement un tournant.

Tome 7

On continue sur la lancée du dernier tome. Celui-ci est aussi bon à lire puisqu’il tourne autour du mal être de la vraie Marie. Le problème c’est que ses névroses ont maintenant fait du mal à tout le monde. Elle ne s’assume pas et blesse les gens autour d’elle que ce soit Isao ou Yori. Même si dans le cas de cette dernière, c’était couru d’avance, on sentait bien ses sentiments et désirs grandir. Du coup, la scène sur le pont entre les deux est vraiment belle et forte même si prévisible. En parallèle, l’intrigue principale avance elle aussi, le mystère entourant Marie commence à s’éclaircir avec la découverte de la photo et du prénom Fumiko. Marie aurait-elle été adoptée ? Aurait-elle découvert ce secret ou un autre qui l’aurait tellement perturbée qu’elle aurait occulté qui elle était ? J’ai très envie de découvrir la vérité.

Tome 8

Après les derniers indices récoltés, on repart dans l’enquête sur qui est Marie dans ce tome pour mon plus grand plaisir. Et malheureusement, c’est pire que ce que j’avais imaginé. Depuis le début, je ne sentais pas sa mère et j’avais bien raison. C’est horrible ce qu’elle semble lui avoir fait et ce n’est pas étonnant qu’elle ait craqué. L’auteur s’est bien joué de nous avec cette histoire d’échange avec Isao. Il a vraiment bien travaillé la personnalité de Marie pour arriver à tout retourner comme ça même si je l’avais vu venir, j’ai quand même pris une vraie claque. Ça prouve qu’il a bien construit son intrigue. De même, la relation qui s’est nouée entre Marie et Yori est devenue essentielle au récit, c’est elle qui aidera Marie à s’en sortir, j’en suis sûre parce que Yori est la seule à l’avoir vraiment regardée et comprise.

Tome 9

Pour ce dernier tome, alors qu’on croyait avoir percé tous les mystères, le mangaka nous dévoile sa dernière carte. Tout d’abord, il faut du temps aux personnages pour digérer tout ce qui s’est passé et l’auteur leur laisse ce temps. C’est très joliment fait avec pas mal de scènes sans texte mais avec un dessin qui en dit long. Il y a beaucoup de subtilité, de douceur et de bienveillance ici. C’est très beau et plein d’émotions. Ensuite, la fameuse dernière carte qu’il avait annoncé pour soutenir notre attention, le journal, n’était en fait que de la poudre aux yeux. Mais il a permis un moment tellement fort que je lui pardonne. C’est en effet en allant jusqu’au bout de sa quête que Marie trouve son vrai soi. C’est un chapitre très beau qui à lui seul rachète les petits défauts de cette conclusion parce qu’en effet celle-ci n’en manque pas. D’abord, j’aurais voulu aller jusqu’au bout avec la mère mais ça n’aura pas eu lieu, ni avec la relation Yori-Marie qui finit de manière un peu trop ouverte pour moi comme si le mangaka avait eu peur d’assumer l’homosexualité de ses héroïnes. Il me déçoit un peu là-dessus.

Bilan 

J’aurais eu beaucoup de mal avec la première moitié de la série mais j’ai été soufflée par la fin. Tout au long de la série, j’ai enchaîné les chapitres parce que malgré ses défauts, l’histoire est très bien écrite. J’ai beaucoup aimé la façon dont la recherche de soi et de son identité sexuelle ont été abordée, sauf le côté un peu gratuit de certaines scènes « érotiques » et la conclusion qui manque de netteté. J’ai trouvé que le dessin gagnait en finesse au fil des tomes jusqu’à devenir très beau et expressif à la fin. Il y a un petit côté Inio Asano (La fille de la plage) en plus fin et doux. Les couvertures aussi ont bien évolué et sont superbes à la fin avec cet effet de coloriage aux crayons de couleur, elles correspondent d’ailleurs aux meilleurs tomes de la série pour moi.

Ma note : 14 / 20

5 commentaires sur “Dans l’intimité de Marie de Shûzô Oshimi

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