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Le journal de mon père de Jirô Taniguchi

Titre : Le journal de mon père

Auteur : Jirô Taniguchi

Editeur vf : Casterman

Première année de parution vf : 1999

Nombre de pages : 274

Histoire : « Moi qui n’étais pas revenu dans ma ville natale depuis plus de dix ans, je découvrais peu à peu de facettes de mon père qui m’étaient inconnues. Je prenais conscience du fossé que j’avais creusé pour échapper à tout dialogue avec lui. »
Yoichi Yamashita apprend que son père est mort. Seulement sa femme doit presque le forcer à retourner dans sa ville natale pour assister aux obsèques… Yoichi semble en effet trouver tous les prétextes pour ne pas avoir à revoir sa famille, avec laquelle il n’a d’ailleurs presque plus de contacts depuis bien longtemps.
Acceptant enfin ce voyage et ces retrouvailles, Yoichi se souvient. Il se rappelle son enfance, son père qui était coiffeur, sa mère, le grand incendie qui a ravagé la ville, et leur séparation. Séparation qu’il n’a jamais pardonné à son père.
C’est en retrouvant sa famille qu’il retrouve ses souvenirs, et qu’il peut enfin compléter cette mémoire qu’il a tant essayé d’effacer.

Mon avis :

Lire le Journal de mon père, c’est un peu comme lire à nouveau Quartier Lointain sans le côté fantastique. On y retrouve les thèmes chers à l’auteur que sont la famille, la séparation, un parent absent, les problèmes de communication, l’amour des animaux ou encore la quête de soi. Le ton est également le même, on ressent toute la mélancolie d’une époque chère au coeur de Taniguchi, celle d’un Japon désormais disparu avec la modernité, le tout sous un trait encore une fois très réaliste avec un souci des détails assez fou.

L’histoire commence avec la mort du père de Yoichi. Yoichi habite à Tokyo avec sa femme et n’est pas rentré chez lui depuis plus de 15 ans prétextant toujours qu’il avait trop de travail. En fait, depuis l’enfance il souffre de la séparation de ses parents et en veut à son père, ce coiffeur qui a toujours fait passer son travail avant tout, il n’aspirait donc qu’à fuir cet endroit. Mais là, il doit y retourner et c’est l’occasion lors d’une veillée funèbre de se rendre compte à travers différents témoignages que son père était bien plus complexe que ce qu’il croyait.

C’est la première fois dans un Taniguchi où je trouve le héros assez détestable. Ce Yoichi qui rejette en bloc son père, je l’ai trouvé fort égoïste et capricieux. Alors j’ai été ravie que le mangaka nous permette de découvrir vraiment qui était son père. Cet homme fort, généreux, qui a tout sacrifié pour sa famille. Il a fait un mariage d’amour avec une femme qu’on avait trop gâté et qui a la première difficulté a rechigné à changer. Lui, au contraire, a relevé ses manches, il a travaillé dur, beaucoup sacrifié mais a toujours fait en sorte que ses enfants vivent bien. Il leur a matériellement donné tout ce qu’il pouvait. Alors certes, c’était un homme maladroit, un peu comme les hommes d’autrefois (je pense à mes grands-pères), qui avait du mal à montrer ses sentiments, à se montrer affectueux mais si on lit entre les lignes, tout ce qu’il a toujours fait, c’était pour ses enfants. Quel homme admirable !

Taniguchi fait l’éloge du dévouement de ce père. Un père qui a dû se forger lui-même dans un premier temps, qui a dû repartir de zéro après l’incendie qui a ravagé sa ville et détruit sa maison et son commerce, qui y a sacrifié son mariage et son amour de jeunesse, puis qui a trouvé l’apaisement auprès d’une femme simple qui a appris à la comprendre. J’ai énormément aimé le portrait de cet homme. A l’inverse, j’ai trouvé sa femme immature et capricieuse et elle m’a énormément déçue, mais je salue le travail de Taniguchi pour croquer toutes ces facettes des hommes et des femmes.

Dans Quartier Lointain, c’était le père, qui déçu d’avoir dû sacrifié ses rêves, s’en allait. Ici, c’est la mère qui un peu pour les mêmes raisons en fait de même. Apparemment, ses deux parents à lui ne se sont pas séparés mais c’est à se demander pourquoi cette question semble tant le hanter pour qu’il en fasse deux oeuvres aussi majeures.

Pour en revenir au titre présent, le Journal de mon père, c’est aussi l’histoire d’un garçon perdu qui va grandir avec un réel manque, celui d’une mère partie trop tôt sans qu’il comprenne bien pourquoi. On suit les pas de ce garçon qui ne sait plus trop où aller et qui se rebelle froidement contre son père sans aller jusqu’à l’insolence. Il préfère l’ignorer et s’isoler de lui et de sa soeur, puis de sa belle-mère, se mettant lui-même à l’écart de cette nouvelle famille où il aurait pu être heureux. J’ai trouvé intéressant ici aussi, de retrouver le sport comme palliatif ainsi que l’amour pour son chien, et plus tard sa passion pour la photo. Ça m’interroge énormément sur le mangaka de retrouver encore ces éléments et j’aimerais vraiment lire une biographie sur lui surtout maintenant qu’il est mort.

Le Journal de mon Père est donc pour moi la seconde oeuvre majeure de Taniguchi. Il faut vraiment la lire avec Quartier Lointain, les deux se faisant écho. Le mangaka y maîtrise aussi bien son trait que sa narration, nous emportant dans cette triste histoire familiale où il fait l’éloge de ce père méconnu. Un chef d’oeuvre !

Ma note : 18 / 20

4 commentaires sur “Le journal de mon père de Jirô Taniguchi

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