Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Rainbow de George Abe et Masasumi Kakizaki

Titre : Rainbow

Auteurs : George Abe (scénario) et Masasumi Kakizaki (dessin)

Editeur vf : Kazé (seinen)

Années de parution vf : 2010-2012

Nombre de tomes vf : 22 (série terminée – édition simple)

Histoire : Anchan, Mario, Heitai, Kaybetsu, Suppon, Jô et Baremoto sont sept jeunes qui partagent la même cellule dans une prison pour mineurs. Laissés-pour-compte de la société japonaise des années 1950 en reconstruction, ils partagent le même rêve, celui de retrouver un jour la liberté.

Mes avis :

Tome 1

Rainbow est un titre que j’avais découvert directement lors de sa sortie en 2010 mais auquel je n’avais pas accroché car le trouvant beaucoup trop sombre et violent pour moi à l’époque. Je reviens vers lui 8 ans plus tard après avoir entendu Xander parler très positivement de sa découverte. Et je dois dire que cette seconde lecture change bien la donne.

En effet, j’ai vraiment été séduite par l’histoire de ces jeunes adolescents japonais abandonnés par tous au lendemain de la guerre, qui vont se retrouver enfermés et rudoyés dans une prison pour mineurs, mais dont la rencontre va faire naître chez eux un vrai esprit de groupe et un grand désir de liberté.

Je pense que tout amateur d’histoires sociétales, de films noirs et d’Histoire peut apprécier ce titre comme ce fut le cas pour moi. Après avoir lu plusieurs titres et vu plusieurs documentaires sur le Japon d’après-guerre, j’ai bien mieux apprécié l’histoire de Rainbow. J’ai eu l’impression d’en découvrir un nouveau pan auquel j’avais été hermétique lors de la première lecture. J’ai vraiment aimé le portrait âpre et sans concession du Japon d’alors et de ses habitants. Le portrait de ces derniers est rude. George Abe n’hésite pas à montrer la cruauté avec laquelle ces enfants étaient traités par les adultes dans un Japon dévasté et en crise. C’est terrible de voir pourquoi ils sont arrivés en prison pour mineurs et surtout comment ils sont traités ensuite par des adultes qui abusent de leur position. J’ai ressenti une énorme colère face à cette injustice et un vrai dégoût face à ce qu’ils devaient affronter.

Heureusement, l’histoire ne se limite pas à ce sombre portrait. George Abe  a le talent de nous proposer une lumière vers laquelle se tourner. Les 7 jeunes qui se rencontrent font vite former un groupe soudé malgré leurs disparités. Ils savent qu’ils peuvent compter les uns sur les autres. Ils n’hésitent pas à faire des sacrifices pour aider l’un d’eux quand c’est nécessaire, et même si certains ont encore un côté très égoïste du fait de leur parcours, on sent une vraie cohésion de groupe et un vrai potentiel chez eux pour après. Car nous ne sommes ici que dans un premier tome et qu’on a quand même vite l’espoir qu’ils vont parvenir à sortir de là et se construire une vie en dehors, sûrement une vie rude qu’ils bâtiront à la force de leur bras, mais quand même il y a de l’espoir.

C’est donc ces valeurs qui m’ont définitivement séduite lors de cette relecture, ça et l’aspect historique ainsi que le côté cinématographique de la narration que je n’avais pas remarqué autrefois. En effet, le duo de mangaka met une vraie puissance dans son trait et son découpage avec des références évidentes aux films noirs, aux films dramatiques et à ceux sur l’univers carcéral comme Les évadés que j’avais vu au début de l’année.

Tout ça fait que malgré le fait que pas mal de scènes me dérangent et remuent des choses dérangeantes en moi, j’ai apprécié ma lecture et que j’ai envie de découvrir la suite.

Tome 2

Deux ans plus, je continue enfin cette série grâce aux offres numériques gratuites de Kazé lors du confinement.

On peut dire que l’auteur ne fait pas les choses à moitié et qu’il faut avoir le coeur bien accroché dans ce deuxième tome de Rainbow. George Abe ne relâche pas la tension un seul instant pour nous proposer encore une intrigue d’une noirceur absolue qui remue les tripes et donne souvent envie de vomir et de hurler.

Avec l’incendie qui s’est déclaré, nos amis sont plus que jamais en danger. Leur gardien préféré a décidé de mettre toutes les chances de son côté pour les éliminer mais c’est sans compter sur les liens qui les unissent et la puissance de leur amitié. Nous assistons à un très beau moment de bravoure avec cet épisode malgré la crainte qu’on a de les perdre.

Vient ensuite une petite accalmie pendant laquelle chacun soigne ses blessures. On pourrait croire que c’est enfin la porte d’accès vers la sortie et que cela va aller mieux. C’est bien mal connaître l’auteur. Non, lui, il veut nous faire plonger dans la noirceur de cet univers carcéral, alors il nous fait miroiter un espoir avant de nous replonger encore plus dans les ténèbres et l’horreur de ce milieu, la chute est terrible. Alors qu’Anchan n’a plus qu’un mois à faire avant sa libération, notre terrible gardien décide de lui faire payer sa colère et avec la complicité du docteur pédophile, il imagine un plan atroce pour se débarrasser de lui. Nous voilà à nouveau plonger dans l’horreur tandis qu’Anchan lutte pour résister et ne pas perdre sa chance de sortir enfin de là.

Ce tome m’a vraiment fait vivre des montagnes russes. J’ai eu peur pour nos personnages, j’ai eu de l’espoir pour eux et enfin j’ai souffert avec eux. On a l’impression qu’à chaque lueur d’espoir, ils sont rattrapés par une terrible forme de fatalité qui les enfonce encore une fois. Le portrait de ce Japon d’autrefois qui a fait tant de mal à ces pauvres gosses qui n’ont connu que la misère est terrible. C’est un Japon d’après-guerre mis en scène sans concession dans tout ce qu’il a de plus terrible, à l’image de l’histoire d’Anchan que l’on découvre avec ce père détruit par la guerre. On se demande juste jusqu’où le mangaka va encore nous emmener dans l’horreur et si ses personnages auront enfin un jour une vraie chance de s’en sortir. Une lecture à ne pas faire quand on est déprimé.

Tome 3

Pas de baisser de régime, George Abe continue à proposer un seinen ultra rythmé et d’une noirceur à faire frémir ceux au coeur le plus accroché.

La libération est proche pour Anchan mais Ishihara cherche par tous les moyens à l’éliminer avant. Pourquoi ? Parce qu’il est au courant de ce qu’il trafique avec le docteur pédophile et qu’il a peur qu’il parle. Nous assistons donc dans ce tome à un vrai duel de volonté entre les deux, l’un voulant tuer l’autre et l’autre mettant toute sa force et sa pugnacité à résister.

C’est terriblement noir encore une fois mais parfaitement mis en scène par le mangaka grâce à de revirements en veux-tu en voilà, dans cet univers pourtant clos. On n’imagine pas la richesse de ce qu’un auteur comme Abe peut inventer dans ces situations là. C’est assez impressionnant. Pour autant, l’ambiance est vraiment plombante ce qui rend la lecture à la fois addictive et malaisante, c’est assez étrange.

J’aime toujours autant les valeurs défendues. L’amitié des héros entre eux est superbe. Ils font preuve d’une entraide et d’un sens du sacrifice rare. Petite nouveauté introduite : la confiance en certains adultes grâce à leur nouveau gardien qui fait tout pour les aider, mais également la possibilité d’être aimé, avec la petite infirmière qui craque pour Anchan. Ça apporte enfin un peu d’espoir et ça fait du bien. La fin nous permet d’ailleurs enfin de respirer un peu même si ce n’est peut-être que pour un bref moment mais c’était nécessaire après tant de tension.

Ma note : 14,5 / 20

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