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Le couvent des damnées de Minoru Takeyoshi

Titre : Le couvent des Damnées

Auteur : Minoru Takeyoshi

Éditeur vf : Glénat (seinen)

Années de parution vf : 2017-2018

Nombre de tomes : 6 (série terminée)

Histoire : Au XVIe siècle, dans le Saint-Empire romain, l’inquisition condamnait de nombreux innocents au bûcher. Privée de sa famille, Ella se retrouve envoyée dans un couvent qui rééduque “les filles de sorcières”. Tortures et miracles viendront-ils à bout de la flamme de vengeance qui brûle en elle ?

Encensé par Hiromu Arakawa (Fullmetal Alchemist) ou Makoto Yukimura (Vinland Saga), cette première œuvre d’une jeune auteure brille par sa fougue. À l’heure où les héros deviennent chétifs et nonchalants, on a indéniablement envie de suivre cette héroïne forte et indépendante qui n’hésite pas à se salir les mains pour défendre ses idéaux et protéger les siens.

Mes avis :

Tome 1

C’est encore sur les bonnes recommandations d’Allan et Xander que j’ai commencé cette nouvelle série qui pourtant ne me tentait pas du tout au premier abord. Il faut dire qu’avec une none aussi furibonde soit-elle en couverture et le mot « couvent » dans le titre, ça avait tout pour faire fuir l’anticléricale en moi. Mais il ne faut jamais rester sur une mauvaise première impression. Au final, le titre n’a rien à voir avec ce que je pensais et c’est une très bonne surprise.

Nous voilà plongés dans l’Europe du XVIe siècle, en plein pendant la chasse aux sorcières orchestrée par l’Eglise. Nous suivons un Inquisiteur qui va s’en prendre à une guérisseuse plus que généreuse qui avait recueilli une petite fille vendue à des marchands par ses parents. Celle-ci est envoyée dans un couvent pour « enfants de sorcières » après l’arrestation de sa mère adoptive et elle est bien décidée à le leur faire payer.

Nous sommes donc en présence d‘un seinen sombre qui repose sur des bases historiques connues mais qui servent surtout de cadre à une histoire épique de vengeance. L’héroïne détonne dans un univers seinen souvent très masculin. C’est une femme forte et déterminée, prête à tout et qui a beaucoup de charisme. Les travers du monde religieux sont dénoncés pour mon plus grand plaisir et tous les personnages en venant sont détestables à souhait. La découverte peu à peu des horreurs que cet ordre religieux fait subir à ces pauvres enfants est glaçant. J’adore. Le fait de lier toute cette histoire à la découverte actuelle d’un mystérieux instrument de torture du Moyen-Âge m’a séduit parce que ça m’a rappelé de loin des titres comme Master Keaton ou Dossier A.

Dès les premières pages, on sent que l’histoire ne va pas être rose et Minoru Takeyoshi ne nous laisse pas beaucoup souffler dans ce premier tome assez dense et haletant dans lequel il nous présente rapidement les personnages, le contexte et les enjeux avec beaucoup d’aisance. Il n’y a pas de temps mort, c’est très intense, ça va vite et heureusement pour un titre en seulement 6 tomes. On s’attache vite à l’héroïne et à son désir de liberté, de vengeance mais aussi de vérité.

Les dessins sont précis, détaillés avec une grande importance des décors, une mise en page dynamique et une vraie tension mise en image quand nécessaire. Je regrette juste cette propension à dessiner de si grands yeux aux « gentils ». Mais l’ensemble est fort agréable et dans la norme de ce qui se fait sur les titres seinen.

Ce premier tome est donc une très bonne découverte pour une série qui va sûrement ne faire que monter en tension. Je vais vite me procurer la suite !

Tome 2

Même si c’est une série courte, l’auteur prend le temps de poser son récit dans ce deuxième tome. Nous commençons donc avec quelques chapitres montrant la vie quotidienne de nos pensionnaires qui essaient toujours d’échapper à leur condition. C’est l’occasion de montrer encore une fois l’astuce et l’intelligence d’Ella mais aussi de forger des liens de camaraderie plus profonds avec ses complices dont le nombre s’agrandit ici avec l’arrivée de Thea dans le groupe. J’avoue que je n’ai pas trouvé cette première moitié très folichonne et que je m’y suis plutôt ennuyée.

Heureusement Minoru Takeyoshi réveille complètement son récit dans la seconde partie où on repart de plus belle dans les intriques politico-religieuses autour du Claustrum. J’ai beaucoup aimé la recontextualisation où l’on voit cette Europe du début des temps modernes avec une Église encore toute puissante et bien décidée à empêcher le peuple d’avancer et d’acquérir des savoirs pour garder sa main mise. J’ai également apprécié de repartir à l’assaut contre la chef du Claustrum, Edelgard, avec un nouveau personnage charismatique dont j’ai aimé les interactions avec Ella. La fin de ce tome est encore une fois dure, cruelle mais tellement astucieuse et montre combien l’auteur sait jouer de nous pour maintenir notre intérêt vis-à-vis de la quête de vengeance d’Ella.

Tome 3

Dès le début de ce tome 3, on retombe dans une certaine routine narrative. L’histoire se partage entre longs moments de la vie quotidienne au couvent avec les plans d’Ella & Co. pour se cacher, et manigances à plus haute échelle du Claustrum pour assurer sa place parmi les élites. Pour une fois, j’ai aimé les deux parties.

Dans la partie au couvent, l’auteur s’intéresse à deux sujets : la rumeur et faire confiance. Les deux ont été traités assez justement, le premier avec une vraie finesse pour désamorcer la rumeur et voir comment elle se propage et pourquoi. Le second avec une certaine gravité montrant la difficulté mais l’importance de cette qualité.

Ella est toujours une héroïne aussi forte mais on commence à la voir vaciller dans sa foi de réussite vu les épreuves qu’elle endure. J’aime toujours autant son esprit pratique et son ingéniosité à toute épreuve même si c’est assez surréaliste. En tout cas, elle se sort toujours des pires épreuves même si, ici, l’arrivée d’une nouvelle camarade va bien l’aider. En attendant, elle conserve ses croyances, notamment en la « science », et ça, chapeau.

Justement en parlant de « science », j’ai été frappée par le volet politique de ce tome avec l’ambiguïté de plus en plus grande de la chef du Claustrum qui dans sa quête de pouvoir arrive à avancer des arguments qui semblent tellement logiques et plein de bon sens pour justifier la conservation du peuple dans l’ignorance. Glaçant.

Le couvent des Damnées reste une lecture très addictive. Dans ce tome, le mangaka souffle le chaud et le froid mais la tension est toujours là et ne fait que grandir. Nous sommes déjà à la moitié de la série et il reste plus de 2 ans à Ella pour mener son plan à bien, j’espère que cela va suffire.

Tome 4

Une certaine routine commence à s’installer dans les tomes du Couvent des Damnées et je le déplore. A chaque, nous avons quelques bribes nous promettant une histoire qui s’étofferait et gagnerait une certaine envergure et à chaque fois, on retombe dans la routine des techniques de survie que les filles mettent en place. J’avoue que je commence à me lasser.

Je suis beaucoup plus intéressée par ce que mijote Edelgard à Rome que par le reste. Son discours fait froid dans le dos tout comme les manigances qu’elle opère pour atteindre son but, ici : obtenir les clés de la bibliothèque puis la soumission/adoration du peuple. Je trouve son discours particulièrement dérangeant mais si réaliste en même temps qu’il montre que l’auteur a bien compris comment fonctionnait les religions, c’est triste.

A côté de ça, ce qui se passe au couvent me semble plus fade. Pourtant rien ne nous est épargné entre la crise de foi d’Ella, la lutte pour survivre des filles et leur terrible perte à la fin, tandis qu’une nouvelle ennemie ô combien futée se dresse sur leur chemin. Heureusement, on commence à parler un peu plus des épreuves pour entrer dans le top 5 et ça redynamise un titre qui tomberait trop dans la routine sinon. C’est bien beau de vouloir parler de leur survie en long en large et en travers mais là on piétine un peu de ce côté pour une série en seulement 6 tomes. J’espère du coup que les deux derniers tomes tiendront toutes leurs promesses.

Tome 5

Voilà un tome comme je les aime. L’auteur a réussi à me réconcilier avec l’intrigue se déroulant au couvent montrant tout l’intérêt de ce qu’il a construit jusqu’à présent.

Après le dernier revers des filles, on se dirige enfin vers leur deuxième année au couvent et il y aura pas mal de changement dans leurs positions, avec la place de bourreau pour Ella et de surveillante pour Kaja. J’aime beaucoup comment subrepticement, elles détournent le système, c’est très fort et ça montre leur détermination ainsi que la solidarité qu’elles ont développée entre elle.

Ainsi après quelques tomes un peu plan plan, celui-ci balaie tout et fait bien avancer l’histoire. Les filles passent à l’action et mettent en oeuvre un de leur plan avec une rare efficacité. On en apprend également plus sur les épreuves qu’elles doivent passer ainsi que sur la Voyante d’Edelgard et les nouveaux plans de cette dernière, ce qui change complètement la donne à la fin de ce tome. Le prochain et dernier s’annonce tendu et sanglant.

Tome 6

J’avais un petit peur vu le rythme d’avancée de l’histoire mais ce dernier tome, un peu plus long que les autres, aura finalement comblé toutes mes attentes.

Minoru Takeyoshi non seulement répond à toutes nos questions, mais livre également un tome au rythme enlevé avec tension, action et réflexion. Une très belle et très forte conclusion.

J’ai d’abord aimé voir les filles dos au mur, avec leurs rêves qui se brisaient peu à peu, et la peur de se voir découvertes avant d’avoir accompli quoique ce soit. Cela donnait une ambiance tendue, sombre et triste qui collait bien au titre. Puis astucieusement comme toujours, on les voit s’en sortir mais pas sans lourdes pertes. Le bond dans le temps qui suit est une très bonne idée. Je l’attendais un peu vu le rythme assez lent qui avait été pris dans les premiers tomes, c’était inéluctable.

La seconde partie est encore plus riche parce qu’on y retrouve enfin entremêlés la vengeance d’Ella, les plans d’Edelgard et les représailles de ses adversaires. Ça donne une touche politique très appréciable même si c’est sûrement fort discutable d’un point de vue historique, mais ce n’est pas ce qu’on recherche ici. On a ainsi droit à des chapitres où la tension se fait grandissante, où on craint pour Ella and Co. et où on se demande comment va aboutir leur plan et qui va en sortir vivante. C’est passionnant à suivre. J’avais peur alors de ne pas avoir toutes les réponses que j’attendais sur la mystérieuse Edelgard et la fameuse « Vierge de fer » mais rien n’a été oublié.

Je ressors donc ravie de cette histoire de vengeance portée à son terme ici. Malgré un milieu un peu mou, le début et la fin valent vraiment le coup. L’auteur a parfaitement su doser la longueur de sa série et je surveillerai ce qu’il pourra sortir à nouveau en France.

Ma note : 15,5 / 20

13 commentaires sur “Le couvent des damnées de Minoru Takeyoshi

  1. Je n’ai lu que ta chronique sur les trois premiers tomes pour ne pas me spoiler : justement, dès la première planche, il est précisé que la Vierge de fer n’est pas un instrument de torture médiéval, mais qu’elle a été inventée bien après… Outre cela, je suis médiéviste et c’est l’apocalypse en terme d’anachronismes, en tout cas sur toute l’exposition, à tel point que j’ai failli arrêter ma lecture ! Après cela on retrouve quelques anachronismes, mais c’est moins horrifiant ^^
    Mais j’ai bien fait de continuer : outre cela, j’ai beaucoup aimé le concept, l’ambiance crée par le style de dessin et ce ton très sombre. C’est une bonne découverte pour moi aussi, et je trouve que ça se bonifie à mesure que ça avance !

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    1. Tu vois, mes cours de médiévale remontaient à bien trop loin pour que je me rappelle tout ça (et puis, c’était pas ce que je préférais lol) Merci pour les précisions ^^
      Effectivement, il faut plus s’attacher à l’ambiance qu’à la véracité 😉
      Bonne lecture !

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