Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

MW d’Osamu Tezuka

Titre : MW

Auteur : Osamu Tezuka

Éditeur vf : Delcourt-Tonkam

Année de parution vf : 2019 (pour cette intégrale)

Nombre de pages : 580

Histoire : Michio Yuki est un être à deux visages. Employé de banque modèle, il est pourtant capable de se muer en la pire des créatures et de commettre les crimes les plus odieux. Engagé dans une spirale meurtrière, il ne peut néanmoins s’empêcher de se confesser au père Garai après chaque accès de violence. Un lien particulier unit les deux hommes et pourrait bien expliquer l’origine du mal de Yuki…
Intégrale réunissant 3 volumes.
Ce volume s’inscrit dans la collection de beaux livres réunissant les œuvres mythiques de Tezuka.

Mon avis :

J’ai déjà essayé de lire MW lors de sa première parution en France en 2004 mais je n’avais pas accroché à l’époque, trop dérangeant pour moi. Depuis, j’ai vieilli et mes goûts ont changé. La très belle réédition de Delcourt-Tonkam était l’occasion de redonner une chance à ce titre et j’ai eu bien raison. J’y ai trouvé une histoire passionnante à lire, avec des thèmes riches et une écriture au vitriol qui m’a beaucoup plu.

MW, c’est l’histoire de Michi Yuki, un homme très ambigu, employé de banque le jour, meurtrier et maitre chanteur la nuit. Depuis qu’il a été victime d’un gaz expérimental, enfant, il ne maitrise plus ses pulsions et veut se venger de ses souffrances. Cependant, il ne peut s’empêcher de chercher une certaine forme de compréhension en la personne de Garai, son prêtre et amant, avec qui il a partagé cette première expérience traumatisante. MW est donc l’histoire de la spirale meurtrière infernale du premier, sous le regard effrayé du second qui va essayé de l’arrêter.

J’ai trouvé chez ce titre de Tezuka un petit air d’Hitchcock. J’ai eu l’impression de me retrouver dans l’un des thrillers du maitre et du coup, j’ai passé un grand moment. Le manga est écrit de manière extrêmement précise et maîtrisée. On est plongé en pleine action. On suit les péripéties du héros à travers son regard de meurtrier, un peu comme on le faisait avec Dexter dans la série tv éponyme. En plus, Yuki est un personnage très charismatique. C’est un meurtrier au sang froid, quelqu’un de très intelligent et en même temps, il est complètement obsédé par Garai. C’est un homme profondément dérangé donc fascinant pour le lecteur. La fascination est en effet l’un des moteurs premiers de ce récit et elle jouera jusqu’à la fin.

Ce petit air d’Hitchcock, je l’ai aussi retrouvé dans la composition graphique des planches. J’ai senti une nouvelle fois un vrai soin dans le jeu des cadrages chez Tezuka qui m’a rappelé certains plans qu’on pouvait trouver chez le réalisateur. J’aimerais beaucoup voir cette histoire porter à l’écran maintenant.

L’histoire s’y prêterait à merveille car on y parle de sujets percutants et dérangeants. Il y a d’abord les expérimentations de gaz mu par les Américains sur le territoire japonais, les relations entre ces deux nations après la guerre, mais aussi la corruption des hommes politiques japonais, leurs liens avec le milieu des affaires, les détournements de fonds, les magouilles électorales et j’en passe. Tezuka brosse un portrait bien sombre de l’élite politique et financière de son pays. On sent que pour lui, le Japon d’après la guerre, n’est pas un Japon qui fait rêver loin de là. En plus de cela, il nous parle de la pression que subissent certains chefs d’entreprise au point de se suicider en famille. Il nous parle aussi de ces filles qui ne sont que des moyens d’échanges et d’ascension sociale pour leurs parents. C’est encore un portrait au vitriol qui est fait de cette société d’après-guerre qui, on le sent, cherche à retrouver de la mauvaise façon un faste perdu. Tezuka n’est pas tendre et j’adore ça.

Du coup, j’ai lu ce titre comme un mélange de satire sociale et de thriller, et le mélange est détonnant ainsi qu’haletant. Au début, on se demande où veut en venir Yuki, pourquoi il fait cela, mais petit à petit le puzzle se met en place. Son histoire personnelle qui est à l’origine de tout est assez fascinante et les révélations sont parfaitement orchestrées. On voit ce personnage évoluer sans cesse sous nos yeux, nous surprenant à chaque fois quand on se rend compte jusqu’où il peut aller et ce qu’il est capable de faire. Je n’ai pas senti un temps mort dans l’histoire, tout s’enchaîne à merveille, un enlèvement, un meurtre après l’autre. Au milieu de tout ça, j’ai trouvé le personnage de Garai assez faible, tout comme sa « romance » avec Yuki. Je ne sais pas si on peut dire que ça apporte vraiment grand-chose à l’histoire, mais ce n’est peut-être pas le but non plus, peut-être l’auteur cherchait-il juste à banaliser ainsi des relations homosexuelles qui à l’époque de la publication au Japon (1978) étaient encore tabou.

En tout cas, j’ai eu un vrai coup de coeur inattendu pour ce titre de Tezuka. C’est peut-être même mon préféré pour le moment dans sa bibliographie, car il ne souffre pas des longueurs des Trois Adolf, ni de certains aspects dérangeants propre à Ayako. Ici, c’est un thriller et une critique sociale diablement efficace, orchestré de main de maitre !

2 commentaires sur “MW d’Osamu Tezuka

    1. Comme je me l’étais pris en anglais, je n’ai pas osé reprendre Ayako (pour le moment…), mais c’est vrai que l’éditeur fait un très joli boulot sur ces rééditions et pour moi MW est définitivement un must ! Contente de t’avoir donné envie 🙂

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