Livres - Science-Fiction

Latium de Romain Lucazeau

Titre : Latium

Auteur : Romain Lucazeau

Éditeurs : Denoël (grand format) / Folio SF (poche)

Années de parution : 2016-2018

Nombre de tomes  : 2 (série terminée)

Histoire : Dans un futur lointain, l’espèce humaine a succombé à l’Hécatombe. Reste, après l’extinction, un peuple d’automates intelligents, métamorphosés en immenses nefs stellaires. Orphelins de leurs créateurs et dieux, esseulés et névrosés, ces princes et princesses de l’espace attendent, repliés dans l’Urbs, une inéluctable invasion extraterrestre, à laquelle leur programmation les empêche de s’opposer. Plautine est l’une d’eux. Dernière à adhérer à l’espoir mystique du retour de l’Homme, elle dérive depuis des siècles aux confins du Latium, lorsqu’un mystérieux signal l’amène à reprendre sa quête. Elle ignore alors à quel point son destin est lié à la guerre que s’apprête à mener son ancien allié, le proconsul Othon. Pétri de la philosophie de Leibniz et du théâtre de Corneille, Latium est un space opera aux batailles spatiales flamboyantes et aux intrigues tortueuses. Un spectacle de science-fiction vertigineux, dans la veine d’un Dan Simmons ou d’un Iain M. Banks.

Mon avis :

Tome 1

Même si j’aime beaucoup ce genre aussi bien en littérature qu’au cinéma, je me considère toujours comme une lectrice un peu novice, et j’aime bien aller découvrir des auteurs et titres que les lecteurs plus chevronnés trouvent incontournables. Récemment Nevertwhere a lancé un TAG : Les incontournables (récents) en SFFF, où j’ai pioché pas mal de futures idées de lectures. Latium de Romain Lucazeau faisait partie des titres que j’ai vu citer sur plusieurs blog et ô chance, il était dans ma PAL. Il ne m’en fallait pas plus ^^

Romain Lucazeau, né dans la même décennie que moi, est un agrégé en philosophie qui a enseigné à Sciences Po Paris et à l’université Paris-Sorbonne. Latium est son premier roman et il a reçu le Grand prix de l’Imaginaire, le Chrysalis Award et le prix Futuriales révélation en 2017. Pour ma part, ce diptyque a retenu mon attention grâce aux superbes couvertures de Manchu qui mises côte à côte forme une grande fresque spatiale.

Aimant bien être surprise par le contenu d’un roman, je me lancée dans ce roman en ayant qu’une très vague idée de son contenu. J’ai donc eu la surprise de tomber dans un univers d’abord assez obscur et complexe dans les premiers chapitres, où les héros ne sont pas des humains ou humanoïdes comme bien souvent, mais des automates et des programmes. J’ai beaucoup aimé ce renversement de paradigme pour moi.

L’auteur nous embarque dans un univers futuriste où les hommes ont disparu lors de l’Hécatombe, mais ont laissé derrière eux un peuple de programmes et d’automates intelligents qui ont colonisé en quelques sortes des vaisseaux spatiaux. Ils errent désormais dans l’espace vaguement en sommeil, dans l’attente d’un événement qui va les réveiller. Celui-ci va se produire lorsqu’ils reçoivent le signal de l’arrivée d’un peuple intelligent. Sauf que les humains les ont programmés de telle sorte qu’ils ne puissent pas attaquer. Alors comment faire pour réagir face à cette menace ?

Tout le charme de l’histoire repose sur problématique : comment des programmes peuvent se défendre et répondre à une menace alors qu’ils n’ont pas le droit d’attaquer ? J’ai beaucoup aimé le biais choisi par l’auteur et que l’on découvre au fil de la lecture. Celle-ci se révèle en effet très mystérieuse pendant un long moment. On découvre des éléments qui semblent étrangement s’emboîter les uns dans les autres sans bien comprendre jusqu’à LA grande révélation, qui n’en est pas vraiment une si on a bien suivi jusque là. C’est assez fascinant. L’écriture du scénario fut donc une vraie réussite pour moi. J’ai aimé son côté compliqué, qui oblige à se remuer les méninges et surtout j’ai aimé les réflexions qu’il pousse à avoir.

Dans ce titre, l’auteur nous parle dans un premier temps de l’évolution que pourraient connaitre des programmes intelligents dessinés par l’homme et c’est assez fascinant. Ceux-ci sont en fait très proches de l’homme dans leur manière de réagir, d’interagir et de contourner les problèmes, mais avec en plus une froideur propre à leur être qui fait froid dans le dos. Se pose alors des questions sur jusqu’où ont le droit d’aller ces programmes pour respecter le Carcan qu’on leur a imposé. On flirte avec les limites, comme un être humain le ferait avec la morale ou la justice, ce qui donne tout son sel à la lecture.

L’autre élément qui m’a beaucoup plu, ce sont les personnages de cette histoire. J’ai trouvé vraiment original de suivre des programmes et des automates. Les voir interagir entre programmes au sein d’un vaisseau était assez bluffant et poussait mon imagination vers de nouvelles limites quasi inexplorées. Suivre ensuite l’histoire de la création de ces programmes par les hommes, jusqu’à leur fusion avec les vaisseaux pour certains ou dans le corps d’automates continuant encore à évoluer, est très riche. J’ai vraiment adoré cette originalité et j’ai même été un brin déçue au début quand des humanoïdes furent introduits, mais leur rôle a ensuite bien justifié leur présence à mes yeux.

Cependant l’auteur ne s’arrête pas là, Latium est également un Space Opera très prenant dans lequel on découvre une planète fascinante, des combats passionnants et une politique interne entre IA compliquée à souhait. Quand on s’embarque dans l’aventure, on ne se doute pas des lieux qu’on va visiter et des aventures qu’on va vivre. J’ai souvent dû faire fonctionner mon imagination à plein régime pour mettre des images sur ce qui était décrit et qui était à la fois loin et proche de notre monde. En effet, l’auteur s’inspire énormément de l’Antiquité dans l’univers qu’il crée, ce qui induit un étrange décalage entre ce qu’on a et ce à quoi on pouvait s’attendre dans un univers futuriste. Si j’ai été souvent agacée par les termes latins, que je trouve vraiment pompeux et contre-intuitifs en cours de lecture, malgré les notes en bas de pages, je dois reconnaitre que ça permettait une meilleure immersion dans cet univers singulier et que ça prend sens quand on voit la direction prise par l’histoire avec ses luttes politiques intestines entre IA.

Maintenant, je n’en dirai pas plus, par peur de spoiler ceux qui ne connaissent pas le titre, car je pense qu’il faut vraiment se laisser porter par toutes les ramifications de l’histoire pour vraiment prendre plaisir aux différentes surprises qui attendent le lecteur.

Pour résumer, j’ai beaucoup aimé l’univers et les personnages imaginés par l’auteur. Cependant, j’ai eu beaucoup de mal au début du récit à me plonger dans l’histoire. J’ai trouvé l’écriture lourde, notamment à cause de tous ces termes latins, mais aussi à cause des nombreux personnages. Au début du livre, il y avait une liste avec l’ensemble des noms croisés et je ne sais pas si c’est le fait de l’avoir lue avant qui m’a perdue, mais je n’arrêtais pas de chercher qui était qui pendant plus de la moitié de ma lecture… Autant vous dire que ça l’a rendue assez fatigante… Le rythme est également assez lent, l’intrigue prend son temps avant de se déployer, ce qui rend également la lecture un peu ardue et aride. Ainsi, même si je reconnais que c’est un titre original, prenant, bien construit et intéressant, ce ne fut pas non plus 100% une lecture plaisir, j’ai quand même pas mal subi pour arriver à trouver des moments qui me plaisaient vraiment et la tentative fut grande de sauter certains passages…

Latium est une lecture originale et exigeante, qui propose un univers futuriste mélangeant philosophie et politique avec de belles réflexions sur l’évolution des IA et leur rapport à la morale.

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Tome 2

Second et dernier tome que j’ai lu de manière assez rapprochée pour ne pas me perdre dans cette lecture assez dense et exigeante. Une fois de plus, j’ai beaucoup aimé les idées développées mais moins la forme que cela a pris, notamment à cause d’une narration un peu trop mole à mon goût.

Évacuons de suite ce qui m’a fortement dérangée dans ce tome pour ensuite nous concentrer sur ce qu’il faut retenir. Comme dans le premier tome et peut-être encore plus ici, j’ai vraiment eu du mal avec le choix de l’auteur de proposer un récit très cérébral. J’ai eu l’impression pendant plus de la moitié de ce tome (de plus de 600 pages…) qu’il ne se passait rien à part quelques échanges et déplacements à travers l’univers. C’était ultra longuet surtout après les promesses que j’avais vues la dernière fois grâce auxquelles je pensais que j’allais trouver un récit plus nerveux. Or celui-ci est avant tout contemplatif, fait d’échanges cérébraux autour de concepts politiques, sociaux, ethnologiques, historiques, sociologiques, technologiques et philosophiques assez denses. Cela ne rend pas la lecture des plus agréables… Le début est donc très très lent, voire mou et il faut s’accrocher pour enfin se retrouver pris par l’histoire, et les dialogues sont absents une grande partie du récit, ce qui n’aide pas ^^!

Pour autant, je n’ai pas détesté ma lecture loin de là. Romain Lucazeau développe tout un tas d’idées autour de la Loi Zéro de la robotique (coucou Asimov) que j’ai adoré tout au long du récit. Celui-ci se découpe pendant longtemps entre d’un côté Plautine et Othon partis en quête des origines de l’Hécatombe et de la survie potentielle de l’homme ; et de l’autre d’Atticus et Eurybiadès qui eux luttent contre la flotte qui les attaque et découvrent de nouvelles formes de vie. Ces deux trames finissant bien sûr par se rejoindre. On a donc une ambiance faite de mystères et d’enquête saupoudrée de question philosophique autour du rapport entre les hommes et les robots forts intéressantes. Au final, la guerre qui se profilait importe vraiment peu face à ces divergences internes qui vont naitre.

En effet, le coeur du récit porte vraiment sur les Lois de la robotique. On s’interroge tout du long sur la relation homme/robot. Les robots doivent-ils obéir à tous les ordres des humains et jusqu’à quel point ? Les hommes-chiens étant une nouvelle forme d’humanité peuvent-ils les remplacer auprès des robots ? Les robots peuvent-ils connaitre une forme de liberté s’il n’y a pas d’humain ou sont-ils dépositaires de leurs ambitions ? Qui est le maitre des robots une fois les hommes ayant disparu ? Quel peut être leur but dans la vie à se moment-là ? C’est vraiment très riche.

Moi, le sujet qui m’a le plus intéressée, c’est la démonstration faite par l’auteur du contournement ou plutôt la distorsions des lois visant à protéger les humains en tant qu’homme et humanité. C’est fascinant de voir comment ils se jouent du Carcan, pourquoi, dans quel but, par quel moyen et qui en est à l’origine. J’ai adoré suivre l’enquête et remonter le fil de ce mystère aux côtés de Plautine et Othon, car l’auteur aime flirter avec les limites.

De la même façon, c’était passionnant d’en apprendre plus sur l’Hécatombe et le destin de l’humanité avant celle-ci, même si c’est un peu succin à mon goût et que j’aurais aimé en apprendre plus sur cette dictature écolo (je crois que c’est dictature mais j’ai un doute et plus le livre sous la main…). L’auteur brosse un portrait assez pessimiste de l’humanité avec une idée générale assez sombre sur le concept d’évolution. J’ai trouvé ça original.

Il met également en scène de nouvelles formes de transhumanité plus ou moins proche de l’homme originel. On a ainsi la sensation de vraiment évoluer dans un monde très loin du nôtre et c’est ce que je recherche dans ce genre de titre. Du coup, j’ai trouvé le décor vraiment réussi même si là aussi il aurait mérité à être plus développé parfois. On reste un peu trop en surface et il ne sert pas assez l’histoire à mon goût.

Au final, Latium m’aura embarquée dans une direction totalement inattendue. Au vu des couvertures, je pensais plutôt tomber sur un récit de space opera avec batailles spatiales à gogo. Celles-ci auront été plus que discrètes… C’est plutôt la politique et la philosophie qui auront prévalu, ce n’est pas plus mal. Les nombreuses réflexions sur l’évolution de l’humanité et celle des robots ainsi que leurs relations réciproques m’ont beaucoup plu (et donné envie de relire Asimov ><) en revanche la forme m’a vraiment posé problème et freinée dans mon plaisir de lecture…

Ma note : 13,5 / 20

Si vous souhaitez d’autres avis, je vous conseille de lire : Apophis, Blackwolf, l’Epaule d’Orion, Lhisbei, etc

5 commentaires sur “Latium de Romain Lucazeau

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