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Alpi the Soul Sender de Rona

Titre : Alpi the Soul Sender

Auteur : Rona

Éditeur vf : Ki-Oon (seinen)

Années de parution vf : 2020-2022

Nombre de tomes : 7 (série terminée)

Histoire : Les esprits divins sont source de vie. Des communautés se forment sous leur protection, jouissant des bienfaits de leur énergie. Cependant, leur mort enclenche une malédiction qui détruit tout ce qui les entoure… C’est là qu’interviennent les soul senders ! Ces rares élus sont capables d’absorber la pollution maléfique et de délivrer l’âme des esprits qui, une fois apaisés, ne constituent plus une menace.
Malgré son jeune âge, Alpi fait partie de ces mages d’élite. Aidée de son fidèle serviteur Pelenai, elle fait de son mieux pour remplir sa tâche, en dépit des souffrances extrêmes provoquées par le contact avec les ténèbres divines. La fillette s’est lancée dans une odyssée à travers le monde sur les traces de ses parents, eux-mêmes soul senders et disparus au cours d’une mission…

Mon avis :

Tome 1

Dur dur de s’y retrouver dans cette vague de titres fantastiques qui se ressemblent un peu tous et qu’on peut trouver à foison chez certains éditeurs. Du coup, je n’étais pas forcément tentée par Alpi au début pensant tomber sur quelque chose de déjà vu et peut-être un peu trop enfantin au vu des traits de l’héroïne. Mais la douceur qui se dégageait des illustrations de couvertures et surtout la résonance qu’elles avaient en moi avec l’univers de Princesse Mononoke m’ont donné envie de lui laisser sa chance.

Rona est une autrice totalement inconnue chez nous. D’ailleurs Alpi ou Soukon no Shoujo to Sourei no Tabi (en japonais) est la seule série que je lui connais. Débutée en 2018, elle compte à ce jour seulement 4 petits tomes, c’est dire le temps que l’autrice prend pour soigner ce titre issu duWeb Comic Zenyon de Tokuma Shoten que Ki-Oon a classé dans sa collection seinen.

Comme je l’avais pressenti Alpi the Soul Sender est une belle fable écologique comme le fut Princesse Mononoke dont on sent clairement l’influence monter au fil des chapitres. Ceux-ci propose à chaque fois une aventure ou plutôt une mission où l’héroïne, Alpi, va renvoyer dans l’au-delà l’âme d’une créature divine qui vient de mourir, pour ainsi apaiser la nature et laisser la place à une nouvelle créature qui pourra à nouveau apporter des bienfaits à l’homme.

Nous sommes en plein dans le crédo shintoïste si cher aux Japonais. J’ai beaucoup aimé retrouver cette influence animiste dans l’ambiance du titre. Cela donne un récit doux et mélancolique où l’amour pour la nature et ses créatures est palpable partout. Mais pour autant l’autrice n’est pas aveugle en ce qui concerne la nature humaine, elle livre un portrait de celle-ci bien fidèle où l’on croise aussi bien des adorateurs de la nature que des exploitants de celle-ci. La seule chose, c’est que dans ce titre, c’est toujours un peu « tout est bien qui finit bien ». Cependant au fil des tomes, on passe de villageois tous hypers gentils et bienveillants envers l’héroïne à des citadins bien plus intéressés et dévastateurs parfois pour la nature. Le récit se complexifie.

Celui-ci prend place, donc, dans un univers fortement influencé par le shintoïsme, ce que l’on retrouve vraiment dans les dessins de Rona. Les paysages sont variés mais toujours superbes, on passe de la forêt, aux bords d’un lac avec cité lacustre, à une ville inspirée de l’ancien Moyen Orient, à des plaines désertiques et à une ville dans les rochers. Cela s’accorde avec les créatures que l’on croise qui sont également tour à tour forestière, aquatique, aérienne ou de feu. On sent vraiment que l’autrice se fait plaisir dans la recherche de leur identité graphique, tout comme dans les costumes dont elle affuble ses personnages principaux et secondaires, ou dans tous les artefacts et lieux croisés. J’ai adoré et j’ai trouvé le trait fin et détaillé. J’avais quelques craintes sur le design très lolita de l’héroïne mais en fait, je me trompais totalement et on n’est pas du tout là-dedans au final malgré les apparences.

Le titre est également vraiment empli de belles valeurs. On ressent l’attachement de l’autrice à la nature et dont à l’écologie sous toutes ses formes, mais elle nous parle également de famille, d’amitié, de foi, de connaissance, d’artisanat, etc. C’est très riche.

On pourrait croire le titre un peu lisse, le début le fait croire avec ses chapitres au format classique et répétitif, où un chapitre = une mission, un lieu, une créature. Mais petit à petit, en découvrant la rudesse du travail de la Soul Sender, l’âpreté du monde dans lequel elle vit, le destin tragique de bien des habitants et la tristesse de la disparition de ses créatures, on sent bien que le titre est plus profond que ce que laisserait croire un rapide premier coup d’oeil.

Pour ma part, j’ai vraiment été charmée par ma rencontre avec cet univers shintoïste assez proche, en plus léger et positif tout de même, de celui de Princesse Mononoke. L’autrice propose un monde où la nature et ses créatures tiennent une place importante mais pas au point d’oublier le reste, et le format à épisodes, parfait pour une adaptation animée, ne me déplait pas pour une fois, me rappelant un peu Violet Evergarden. Ki-oon a su tirer son épingle du jeu au milieu de tous ces titres qui se ressemblent !

Tome 2

Après un premier tome qui m’avait emballée, je suis un poil déçue par cette suite qui ne m’a pas autant emballée et qui m’a donnée l’impression de faire du surplace…

Avec un premier tome introduction aussi riche et intéressant, je m’attendais à une suite du même tonneau. Erreur. Au lieu d’apprendre de nouvelles choses sur l’univers, l’autrice se contente un peu paresseusement d’introduire un nouveau personnage autour de qui tout va tourner et qui va apporter toutes les pseudos nouveautés. Je n’ai pas été emportée…

Alpi rencontre une autre Soul Render comme elle, mais plus expérimentée : Sersela. Avec elle, elle va se rendre compte de ses défauts et elle va donc la prendre en modèle pour progresser. En soi, le schéma me plaît bien mais il aurait fallu dépasser un peu cela et apporter autre chose, ce qui n’a pas été réussi ici. L’ensemble reste assez plat et convenu, avec des héroïnes profondément gentilles, et qui, même si elles se titillent s’aiment bien au fond et se comprennent, chacune complétant l’autre. Seul petit ajout, quelques informations fugaces distillées sur les parents d’Alpi, qui semblent être des fortes têtes comme elle et que Sersela semble connaître, et deux nouveaux esprits que l’on croise mais qui n’ont pas l’impact sur l’histoire qu’on eu leurs prédécesseurs…

Alors même si le message reste plaisant, j’ai vraiment eu un sentiment de trop peu cette fois et surtout j’ai eu la sensation de tourner en rond, ce qui n’est pas très rassurant au bout de seulement deux tomes. C’est d’autant plus dommage que le message écologique, animaliste très sensible de l’autrice me touche, de même que le discours sur le fait de prendre soin de soi même quand on souhaite se montrer ultra généreux et bon envers les autres. Il ne faut pas s’oublier.

Le voyage d’Alpi se poursuit mais ne m’a pas autant dépaysée que je l’aurais souhaité. Je suis restée sur ma faim malgré l’arrivée d’un nouveau personnage. Les étapes de son voyage n’apportent rien de neuf à l’univers et c’est un peu décevant après un tome 1 aussi prometteur.

Attention : Mon tome avait un problème de fabrication : deux fois le cahier des pages 49-64, et il lui manque donc celui des pages 97-112…

Tome 3

Après un démarrage excellent, dans le tome 2 l’héroïne m’avait fait moins rêver. C’était donc avec quelques craintes que j’entamais cette lecture, craintes très vite oubliées pour mon plus grand plaisir.

J’ai en effet retrouver dans ce troisième opus tous ce qui m’avait charmée dans le premier, à savoir des voyages, des découvertes sur des modes de vie différents, de nouvelles créatures, mais aussi des discours forts. De plus, l’héroïne a passé bien moins de temps à se disputer avec les autres, montrant un comportement plus mature. Cela ajouté aux découvertes sur certains personnages et un nouveau lieu bien mystérieux à la fin, ont fait de cette lecture un très bon moment pour moi.

Il faut dire que la couverture avait déjà de quoi m’aiguillonner. Celle-ci avec ses teintes orangées avait un petit air de mythologie greco-romaine avec notre héroïne perchée en hauteur devant une ville ancienne la main tendue vers des esprits. Je la trouve superbe et particulièrement poétique ! Telle l’enfant cherchant la lumière ou plutôt ici des réponses.

La quête de réponses est effectivement au coeur de ce tome pour Alpi. Sa rencontre avec Sersela a soulevé beaucoup de questions chez elle, des questions sur ses parents que Sersela a croisé mais également sur elle-même et sa tâche de Soul Sender. J’ai beaucoup aimé le ton sobre et sérieux mais plein d’émotion porté par l’autrice pour y répondre.

Ainsi, la première partie se dégage par la maturité que gagne Alpi en comprenant qu’on a le droit d’être en désaccord avec les autres mais qu’il faut pourtant continuer à les écouter, notamment pour faire son métier au mieux. Elle se confronte ainsi à quelque chose auquel elle se refusait et en sort grandie le temps d’un très beau et poignant rituel, qui lui permet également de mieux comprendre le peuple croisé. Il en va de même de sa relation avec Sersela, qui en sort plus apaisée car elles se sont enfin comprises.

C’est l’occasion pour l’autrice de répondre à l’autre grande question d’Alpi, celle sur le devenir de ses parents. Et lors d’un chapitre flashback très classique, on découvre leur belle rencontre avec Sersela quand celle-ci était une toute jeune Soul Sender. J’ai beaucoup aimé cette histoire car elle montre que même si on a bon coeur ça ne suffit pas et qu’il ne faut pas non plus tout accepter pour aider ou plaire aux autres. C’était un joli message.

A la suite de cela, Alpi n’a qu’une envie, reprendre la route pour retrouver ses parents, elle reprend donc son voyage et nous aussi. L’occasion de découvrir un nouveau lieu haut en couleur où l’autrice se fait plaisir à dessiner une ville bibliothèque plaque tournante du commerce de la zone. Car en effet, les parents d’Alpi sont également des chercheurs comme on a pu le voir. Ils veulent comprendre comment tout cela fonctionne et pas juste se contenter de faire la tâche qu’on leur a assigné. Ce sont vraiment des personnages intéressants que j’espère bien croiser en chair et en os dans l’histoire. En attendant, Alpi part pour une nouvelle quête qui s’annonce passionnante mais périlleuse à l’image du cliffhanger sur lequel on nous laisse.

Tome bien rythmé, qui appelle à nouveau à l’évasion mais également à la réflexion sur notre rapport à notre métier et aux autres quand nos opinions divergent, ce tome fut vraiment une chouette lecture qui me réconcilie avec la série.

Tome 4

Je tiens d’abord à remercier les éditions Ki-Oon pour l’envoi de ce nouveau tome.

Alpi est une série qui m’avait conquise de part son univers de fantasy assez proche de celui de certains Ghibli que j’affectionne, mais j’avais eu un peu de mal avec les choix de développement de l’histoire dans le tome 2, avant d’être à nouveau conquise quand la série est repartie sur les traces des parents de l’héroïne dans le tome 3. Ce nouvel opus qui fait directement suite au précédent me laisse entrevoir une intrigue qui commence à bien se tenir et qui a un fil directeur bien plus clair, je ne peux que m’en réjouir !

En effet, Alpi, toujours à la recherche de ses parents eux-même Soul senders, s’est rendu à Ashmarte, la ville-bibliothèque, pensant y trouver des réponses. Malheureusement, elle tombe sur un mystérieux bibliothécaire qui a de toutes autres intentions, son aventure va alors basculer.

J’ai beaucoup aimé le changement de rythme et de paradigme dans ce tome. Pas d’affrontement avec les créatures divines pour leur permettre de passer dans l’au-delà, non, mais une confrontation riche et prenante avec un homme qui n’a pas du tout la même conception de la vie que notre héroïne.

Le début est assez classique avec cette figure de méchant intriguant qui trame quelque chose. Ce n’est pas ce qui m’a le plus intéressée… En revanche, à partir du moment où l’on découvre ses motivations, le récit devient bien plus riche. Certes l’héroïne reste campée sur sa propre vision des choses, mais j’aime beaucoup entendre le discours du bibliothécaire qui est loin d’être absurde, au contraire. Il prouve bien qu’accepter aveuglément de subir la nature a aussi un poids et demande un lourd tribu que peut-être certains ne sont plus prêts à payer sans contre-partie, ce que personnellement je comprends parfaitement. Ainsi, la figure de l’antagoniste qui se dessine me semble-t-elle vraiment intéressante et pertinente dans ses réflexions.

Pour mettre tout cela en scène, nous avons droit à un affrontement parfaitement orchestré, qui tient bien la route avec de beaux moments de tension et une émotion à fleur de peau, comme l’héroïne qui se bat alors que ce n’est pas dans son caractère de faire ça, mais elle est prête à tout pour défendre ses amis et ses idéaux. C’est mignon. La lente plongée dans cet univers plus sombre est ainsi bien amenée, tout comme les questions que les protagonistes vont en venir à se poser quand ils rencontreront leurs nouveaux adversaires. Cela donne une nouvelle dimension bien plus riche au récit qui jusqu’alors se contentait soit de voyager pour aider les populations, soit de voyager en quête de renseignements sur les parents de l’héroïne. Là, c’est bien plus large.

Pour autant, j’aime également les pauses que nous ménage l’autrice. Elles sont toujours pleine d’humour et de sensibilité, nous permettant de créer des liens avec les personnages centraux de l’histoire qui sont souvent terriblement bienveillants. Cela atténue la noirceur croissante du récit, car en effet les zones d’ombres et les interrogations sont quand même de plus en plus nombreuses au fil des chapitres, avec des mystères qui touchent de près l’héroïne, comme ce majordome qui semble cacher bien des secrets.

La série prend donc un joli tournant plus complexe avec ce tome et j’en suis la première ravie. Certes j’ai aimé découvrir simplement l’univers et ses créatures dans un premier temps, mais il allait me falloir quelque chose de plus consistant au bout d’un moment et l’autrice a su y pourvoir au bon moment. Je suis curieuse de lire la suite !

Tome 5

Merci aux éditions Ki-Oon pour l’envoi de ce nouveau tome.

La série a définitivement pris un nouveau tournant depuis quelques temps avec une autrice qui a fait le choix de sortir du schéma répétitif des débuts pour creuser son univers. Elle a pris pour cela une direction plus sombre et plus âpre qui me convient parfaitement et qu’on retrouve ici avec la découverte d’un nouvel élément inattendu.

Tandis qu’Alpi est repartie sur les routes pour aider les populations et les esprits divins, un événement inattendu se dessine lorsqu’on lui demande de purifier une zone ravagé par la pollution maléfique avec l’aide d’autres Soul Senders.

J’ai assez aimé dans ce tome assister à la réunion de plusieurs Soul Senders. Jusqu’à présent notre héroïne était assez solitaire dans son travail, si on excepte le temps où elle était en binôme, mais elle était plutôt dans la posture d’élève. Là, c’est à égalité qu’elle va travailler avec d’autres hommes et femmes ayant les mêmes facultés qu’elle. C’est une jolie évolution de la série qui montré également qu’on ne peut pas tout faire tout seul et que face à un événement d’une grande ampleur mieux vaut être solidaire.

Cependant, ce n’est pas vraiment le coeur de l’histoire ici. Dès le temps, une drôle d’atmosphère plane au-dessus de ce lieu étrange où se sont réunis les Souls Senders pour tenter d’endiguer la pollution. Pelenai, le fidèle majordome d’Alpi, se comporte bizarrement. Il sent le danger mais n’en dit rien, préférant pister et protéger sa maîtresse. Le lecteur lui se met tout à cas sur le qui-vive se demandant ce qui va arriver. C’est alors que l’autrice nous assène une révélation fracassante sur l’univers dans lequel ils vivent : il existe aussi des esprits divins à forme humaine qui se baladent parmi eux. A partir de là, l’intrigue prend une autre dimension, l’ambiance devient plus pesante et le lecteur n’attend qu’une chose : le moment où cela va dérailler.

Avec ce tome annonçant un bouleversement, l’autrice nous fait patienter, patienter, patienter, avant que cela n’arrive. L’action est brève mais tonitruante, elle ne prendra de l’ampleur probablement que dans le prochain tome, puisqu’ici on ne visait qu’à déclencher celle-ci. A la place, nous avons une ambiance un peu lourde et pesante, qui se mélange à celle plus amicale entourant les Soul Senders qui font connaissance et apprennent à travailler en groupe. C’est prometteur mais légèrement frustrant puisqu’il ne se passe pas grand-chose.

Heureusement le trait de l’autrice continue à enchanter avec des costumes toujours aussi variés dont la couleur ethnique me plait énormément. Son sens des détails se retrouve dans chaque éléments. Les décors sont précis et immersif, on a l’impression de se retrouver au milieu de la campagne montagneuse chinoise. Les créatures ont aussi un bel aura folklorique asiatique. Ainsi tout ce mélange nous dépayse vraiment.

Avec ce tome 5, Alpi poursuit de nous emmener vers de nouvelles rives, un univers plus riche et complexe où créatures divines et humains sont plus que jamais entremêlés dans des désirs intriqués mais bien souvent opposés. Que cela va-t-il donner : la guerre ou la paix ? Réponse au prochain tome qui ne devrait pas être dénué d’action !

Tome 6

Il est parfois nécessaire de faire des pauses dans les récits mais les tomes s’y frottant ne sont pas toujours réussis. Rona nous montre, elle, un très bel exemple de pause nécessaire et réussie !

A la fin du tome précédent, nous avions entamé un tournant majeur de l’histoire avec une révélation forte sur Pelenai, le serviteur d’Alpi, et les Esprits gardiens, de nouveaux protagonistes de l’histoire. L’autrice reprend à ce moment-là pour un début de tome en apnée où avec une narration quasiment silencieuse elle fait ressentir le fort impact qui est en train de se jouer et qui va bouleverser tout le monde. J’ai beaucoup aimé ce tournant de l’histoire et la mise en scène de celui-ci qui mélange duel au sommet entre deux serviteurs aux lourds secrets et accomplissement de la mission de Soul Sender avec un esprit puissant comme jamais. C’était lourd et tendu avec des moments bourrés d’action mais aussi de nombreux doutes qui ont encore contribué à développer cette ambiance sombre et dramatique du titre.

Ce développement si important ne pouvait pas en rester là et j’ai apprécié que, pour l’approfondir, l’autrice fasse une pause dans son récit et nous offre un flashback sur la rencontre entre Pelenai et Alpi, ainsi que sur le moment où celle-ci a commencé sa carrière de Soul Render. Jusqu’à présent nous avions juste suivi le duo dans ses périples et ses rencontres, là on prend le temps d’approfondir et leur relation et l’univers de la série, et ce qu’on découvre est passionnant. Reprenant les bases ésotérique de son titre, l’autrice surfent sur une vague mythologique charnelle incarnée assez sombre et tragique, une veine qui me plaît beaucoup. On découvre ainsi qui est vraiment Pelenai mais également un peu comment fonctionne ce monde des esprits et celui des Souls Senders. C’est encore assez flou et obscurs, plein de mystères mais prometteurs.

En même temps, l’autrice approfondi la relation de la maîtresse et son serviteur que nous n’avions pour l’instant que vu dans leur quotidien ou dans le feu de l’action, ce qui était un peu léger. Ici, en revenant aux sources nous apprenons le lien indéfectible qui les noue, nous assistons à leur rencontre, aux premiers temps de leur amitié et à la façon dont ils se sont inconsciemment influencés quant à leur destinée. Cela renforce ainsi le regard positif que nous lecteurs posons sur eux.

Ce tome offre donc une belle respiration dans l’oeuvre, une pause dans les missions de libération des esprits bienvenue et au final une autre vision sur ceux-ci et leur monde si vaste et complexe. Le ton est toujours un peu sombre et désespéré pour cette population qui trouve le bonheur dans chaque petits instants mais sur qui plane toujours le poids de ces esprits au-dessus d’eux dont on ne sait pas comment ils vont agir. Les ultimes pages nous relancent dans un mystère toujours plus sombre avec un personnage qu’on ne s’attendait pas à voir verser de ce côté. Si on part dans cette direction, cela annonce de futurs chapitres passionnants et poignants encore une fois.

Tome 7 – Fin

Ultime volume de cette fable écologique émouvante et tragique où Rona aura su nous parler avec émotion d’héritage et de spiritualité. Malgré une fin honnête et touchante, je n’aurais pas été contre une intrigue plus étirée et fouillée et un voyage plus long.

J’ai d’emblée été emballée par l’univers onirique de la série, qui avait un je ne sais quoi de Mononoke dans son propos et sa forme. Au vu de la brièveté de la série, j’avais peur que ce ne soit pas suffisant pour développer son propos sur le monde spirituel dans lequel vivent ses personnages où on sacrifie tant de gens et esprits pour le confort de la majorité. Ce n’est pas le cas, Rona va jusqu’au bout de son propos et ose même se montrer assez dure pour cela. Cependant, on sent également que cette fin est un peu rushée et je n’aurais pas été contre un développement plus long pour arriver au même résultat.

Car les propos de la série me parlent. Ils sont peut-être un peu complexe et volontairement flou pour mieux titiller notre curiosité mais ils interrogent sur notre rapport aux esprits, aux croyances, à la nature, à l’héritage et au sacrifice. Qu’on soit d’accord ou pas avec ce que développe l’autrice, il y a un beau travail là-dessus et notamment sur les antagonistes qui se révèlent bien plus fins qu’attendus dans leurs buts et actions. Au final, j’ai aimé la dénonciation dont ils font preuve sur la façon dont on traite les esprits et ceux qui sont différents, dont on traite les Soul senders pour qu’ils se sacrifient pour le confort du grand nombre. Et au contraire, le choix d’Alpi et ses amis de continuer à se sacrifier, parfois en dépit du bon sens, pour un peuple pas toujours reconnaissant mais dans l’espoir d’un avenir meilleur ne me comble pas tout à fait, sûrement mon côté égoïste ^^! J’aurais ainsi aimé que l’autrice ajoute quelques chapitres pour voir une Alpi plus âgée jouer les médiatrices entre les deux mondes afin de faire prendre conscience aux hommes de leurs erreurs et des souffrances qu’ils occasionnent chez les autres. Malheureusement, elle est un peu coupée dans son élan ici.

Cependant, il faut reconnaître à ce dernier tome une belle composition pleine de drames et d’aventures avec une dernière envolée lyrique offerte par la famille d’Alpi. L’autrice nous offre les révélations qu’on attendait sur les parents de celle-ci, ainsi que la confrontation attendue avec son père. Les créatures attaques la capitale des Soul senders et nous font bien trembler. On a la chance de voir ceux-ci en action sous le joli trait ésotérique et ethnique de Rona. C’est donc à la fois beau, tendre, vif et émouvant, ce qui est parfait pour cette conclusion.

Série prometteuse de bout en bout, Alpi aura su allier voyage initiatique, quête de soi et de ses origines et recherche mais aussi dénonciation du fonctionnement de ce monde très porté sur les esprits et le don de soi. Avec sa plume et son dessin sensibles, Rona m’aura mis des étoiles dans les yeux, des étoiles souvent sombres et un peu désespérées, offrant un discours plein de nuances sur notre rapport à la foi, la famille et l’autre. J’aurais juste aimé que l’aventure dure plus longtemps, dommage, mais la fin est parfaitement satisfaisante.

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© 2018 by Rona / NSP

17 commentaires sur “Alpi the Soul Sender de Rona

  1. Je ne suis pas la plus grande fan du schéma un chapitre/une mission, mais l’univers, les valeurs et la manière dont l’intrigue semble plus complexe qu’il n’y paraît rendent le titre tentant…
    Quant au trait, ce que tu en dis me rassure parce que si j’avais ajouté le manga à ma liste d’emprunt en raison de la couverture, je n’étais pas certaine que l’intérieur soit à sa hauteur. Il y a parfois de mauvaises surprises.

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  2. Je suis content pour toi que ce premier tome t’ait plu, et je ne souhaite pas gâcher ton plaisir.
    Mais comme tu le sais, je n’y ai pas trouvé mon compte. D’ailleurs je disais dans mon article que je donnerai quand même sa chance au second tome mais finalement j’ai changé davis, pareil pour L’Oxalis et l’Or. Je me dis qu’il y a tellement de sorties intéressantes tout le temps qu’il vaut mieux ne pas insister quand je n’accroche pas d’emblée.

    Mais le titre semble plaire à la majorité des gens, donc je suppose qu’il va réussir à trouver son public, ce qui reste le principal.

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    1. Pas de soucis, t’as le droit de ne pas accrocher et je comprends totalement ton choix.
      Moi aussi parfois je n’aime pas des titres que tout le monde aime. Ben c’est pas grave, ce dont nos goûts.
      Et t’as raison avec tout ce qui sort autant se concentrer sur ce qu’on préfère !

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      1. Oui, mais même pour ce cas spécifique, j’accepterais même si je n’arriverai pas à comprendre.
        Pareil pour Real et Vinland Saga et surement quelques autres titres que je trouve tellement formidables que si on me dit ne pas aimer, j’accepte évidemment mais en me demandant comment c’est possible.

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      2. Je partage ton sentiment, il y a des titres qui sont tellement forts, bien écrits et avec des réflexions internes qui poussent à se triturer les méninges, qu’on se demande comment certains peuvent passer à côté…
        Après, je sais que c’est souvent une question de sensibilité mais personnellement j’essaie souvent de différencier/faire la part des choses entre mes goûts de la qualité d’une œuvre.

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      3. Oui, pour moi c’est une prise de tête depuis plus de 15 ans.

        Mon rapport à la question de mes goûts VS les gouts des autres, les critères de qualité et tout ça ont énormément évolué avec le temps.

        Avant j’étais très dogmatique je pense, considérant qu’il y avait des critères objectifs d’évaluation de la qualité des œuvres et que c’était comme ça et puis c’est tout.

        J’ai fini par en revenir et relativiser énormément les choses. Parfois je retrouve certains vieux réflexes mais globalement je pense être revenu bien plus ouvert.

        Mais dans les cas extrêmes, j’avoue que je dois me faire violence. Que ce soit avec des oeuvres que je trouve formidables, mais aussi avec des aberrations telles que je ne peux pas comprendre qu’on puisse les défendre. Un exemple récent pour moi et le film Justice League que je considère comme un « non film » tellement il a été refait et remonté en dépit du bon sens, il ne ressemble vraiment à rien… alors quand on vient me dire que c’est un bon film, j’ai du mal à pmme retenir 😅
        En manga j’ai le cas avec Dragon Ball Super, je ne peux pas ne pas me dire qu’on se fout ouvertement de nous avec ce titre. Mais il y a des gens qui y trouvent leur compte, et je n’ai pas envie de gâcher leur plaisir. Mais vraiment, c’est dur !

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  3. Je découvre ce titre avec ta chronique et je suis très séduite par ce que tu en dis. Tout l’aspect fable écologique, notamment, me tente énormément. Et s’il est vrai que je ne suis pas une grande fan du schéma chapitre/mission, je me dis qu’on peut peut-être espérer voir une ligne de fond apparaitre avec le temps. Merci pour la découverte en tout cas, je tenterai sûrement la lecture de ce tT1.

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