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La Guerre des mondes (version manga) par Sai Ihara et Itotsu Yokoshima

Titre : La Guerre des mondes (version manga)

Auteurs : Sai Ihara (scénario) et Hitotsu Yokoshima (dessins) – Auteur original : H.G. Wells

Éditeur vf : Ki-Oon (seinen)

Années de parution vf : 2021-2022

Nombre de tomes : 3 (série terminée)

Histoire : La nouvelle adaptation choc d’un chef-d’oeuvre de la science-fiction moderne En 1901, le quotidien de la petite ville anglaise de Mayberry est bouleversé par un événement incroyable : un énorme cylindre métallique s’est écrasé à proximité… Or, quelques jours plus tôt, une lueur inhabituelle avait été observée sur Mars. Pas de doute, l’objet vient de la planète rouge ! La population se précipite pour l’examiner et attend avec impatience l’ouverture de ce qui semble être un vaisseau spatial.
Une créature tentaculaire apparaît au sommet… et s’attaque à la foule en détruisant tout sur son passage ! Le jour suivant, d’autres Martiens atterrissent et se lancent à l’assaut de la campagne du haut d’immenses robots tripodes. Les armes humaines ne font pas le poids face à l’envahisseur… Il ne reste qu’un moyen de survivre : la fuite ! Avec son souci du détail scientifique et son sens inné du suspense, H.
G. Wells a ancré depuis plus d’un siècle l’image de l’invasion martienne dans l’imaginaire populaire. La Guerre des mondes réveille l’angoisse qui sommeille au plus profond de nous face à l’inconnu… Et si, vu de l’espace, l’homme n’était qu’un insecte impuissant ?

Mon avis :

Tome 1

Je remercie Ki-Oon pour leur confiance avec cet envoi.

Comme d’autres éditeurs ont pu le faire ces dernières années, Ki-Oon s’est lancé dans l’adaptation de classiques en manga. Mais ils n’ont pas choisi n’importe quels classiques. Les goûts de leurs patrons les portant plutôt vers la SFFF, je crois deviner, ce sont des classiques de ce genre littéraire souvent décrié que l’on retrouve chez eux, et en fan du genre, j’en suis la première ravie. Ainsi après les oeuvres fantastique et d’anticipation de H.P. Lovecraft que l’on peut lire chez eux depuis 2018, il s’attaque ce mois-ci à un classique de la littérature de science-fiction : La guerre des mondes de H.G. Wells.

Pour se faire, ils ont fait appel à deux auteurs que je ne connaissais pas Sai Ihara au scénario et Hitotsu Yokoshima aux dessins. Il premier officie depuis une vingtaine d’années aussi bien sur des shonen que seinen mais souvent au format assez court comme ici. Il en va de même pour le second avec qui il a souvent été en tandem. Il est cependant connu pour avoir réalisé les dessins du remake Kamen Rider Kuuga (une célèbre série de superhéros japonaise). Pour ce qui est de l’oeuvre originale de H.G. Wells, même si j’en ai souvent eu envie, je dois avouer que je ne l’ai pas encore lue et que je n’ai vu que son adaptation moderne dans le film avec Tom Cruise qui semble pas mal s’en éloigner d’après ce que j’ai pu lire… C’est donc fraiche de toutes influences que j’ai pu découvrir ce titre.

Premier point positif, c’est la qualité de l’objet que nous propose l’éditeur. Ki-Oon nous a vraiment gâtés avec une édition belle et soignée, très solide avec sa couverture rigide, son papier épais et agréable et ses tranches noircies. Je suis vraiment fan. On sent que leur but est d’offrir un livre qui restera durablement dans nos bibliothèque. Le format est plus petit que celui des Lovecraft mais ce n’est pas gênant car cela suffit pour le dessin très simple et aéré de Hitotsu Yokoshima dont les planches sont souvent peu surchargées en cases (5-6 maximum).

L’histoire, elle, va se découper en trois tomes et très vite on comprend que nos auteurs ne vont pas faire dans la dentelle. Ils vont vite très vite pour raconter celle-ci, au point qu’on sent une urgence nous saisir à la gorge pour ne plus nous lâcher. L’ambiance est travaillée pour coller à ce courant de la SF où les rencontres du 3e types sont de vraies menaces terrifiantes pour l’humanité. On tremble face à l’horreur de ce qui se produit ici, horreur renforcée par un trait qui se veut classique et un peu lisse et où l’horreur frappe d’autant plus fort quand elle intervient car on ne s’y attend pas. Les planches où les envahisseurs attaquent font froid dans le dos par leur découpage net et précis presque chirurgical.

Pour nous plonger dans ce récit haletant, nous nous mettons dans les pas d’un jeune photographe qui a été attiré par la rumeur de l’arrivée d’une météorite. Quand il se rend sur le site il découvre tout autre chose. L’angoisse le saisit alors. Le basculement dans la folie est à la fois rapide et progressif, mais quand il arrive il est inéluctable et inarrêtable. On suit alors sa suite presque caméra à l’épaule, mais la force de ce classique ne vient pas de ce héros pour le moment un peu trop lisse et parfait, mais plutôt de tous les va-et-vient et des rencontres qu’il fait. Cela crée une très belle dynamique faisant monter l’angoisse et la pression face à cet envahisseur qu’on ne comprend pas et contre lequel on n’arrive pas à lutter. J’ai vraiment beaucoup aimé retrouver ce sentiment que j’avais déjà éprouvé lors de la vision du film.

Cependant, je noterai quelques bémols. Tout d’abord, j’ai un doute sur la présence de la notion de force de gravité dans le texte d’origine qui date de 1898. Est-ce qu’on savait vraiment alors que celle de Mars représentait 38 % de celle de la Terre ? J’ai eu l’impression de lire un anachronisme mais peut-être que je me trompe. Avis aux connaisseurs 😉 Ensuite, même si c’est appréciable de sentir une telle tension, j’ai aussi l’impression qu’on allait un peu trop vite et qu’on survolait la caractérisation des personnages. Enfin, les dessins sont un peu trop impersonnels pour moi, ils n’ont pas la puissance de ceux de Gou Tanabe sur les textes de Lovecraft.

Ainsi, cette adaptation d’un classique de la littérature de SF fut un bon moment de lecture. J’ai trouvé que c’était une belle initiative de vulgariser ainsi un classique d’un genre si souvent décrié et j’espère que ça ouvrira la voie à bien d’autres adaptations de ce style, surtout dans un format aussi qualitatif en terme d’objet. Cependant, même si ce n’est pas enfantin comme chez Nobi Nobi, j’ai trouvé que ça manquait quand même un peu de personnalité et de relief pour vraiment être mémorable au-delà du texte.

Tome 2

Ki-Oon nous gâtent encore et toujours autant avec la sortie de la version manga de ce classique de la SF dans une édition aussi qualitative, même si ça ne fait pas oublier le sentiment d’être un peu face à un abrégé tel qu’on pouvait en lire au collège.

La guerre des mondes revisitée par Sai Ihara et Hitotsu Yokoshima, dont on trouve d’ailleurs une courte interview intéressante sur leur processus créatifs et leurs influences en fin de tome, va toujours aussi vite et fait toujours aussi peur par sa brutalité sans limite. Les auteurs offre un Pulp assumé avec son ambiance rétro et old school qui correspond à merveille à l’oeuvre d’origine au vu de sa date de publication. Mais pour le lecteur qui croyait y voir la même qualité que dans les adaptations de Lovecraft, il va falloir revoir les choses à la baisse…

Le récit se veut dynamique et il l’est. Nous continuons à suivre l’invasion de nos chers martiens qui se produit de manière ultra rapide et brutale, au point de laisser tout le monde sur place. La variété des points de vues proposée dans ce tome est enrichissante. On ne suit plus seulement le photographe, qui veut se faire témoin privilégié de ce qui se passe, et le prêtre qui l’accompagne. On voit également le phénomène à travers les yeux d’autres personnages et notamment de londonniens, ce qui change un peu la donne.

Cependant, cela reste trop rapide, trop survolé pour qu’on s’attache vraiment aux personnages que l’on croit et ainsi on a presque le sentiment de lire une histoire sans héros, ce qui est assez perturbant puisqu’ils sont bien là pourtant. Mais ils sont juste les témoins de la brutalité et soudaineté de cette attaque d’une envergure inimaginable. J’ai été encore une fois soufflée par les actions sans commune mesure de ces créatures dont le côté vertigineux et implacable est bien rendu grâce aux dessins d’Hitotsu Yokoshima. C’est toujours impression d’assister à un tel déséquilibre des forces.

Toutefois, le récit n’est pas aussi linéaire que je le laisse croire. Il présente quelques évolutions notables dans ce tome entre l’espoir trouvée par l’humanité qui semble trouver leur point faible pour les détruire, mais les créatures vont tellement plus vite que c’est dur de les suivre. Elles évoluent d’ailleurs à leur tour proposant de nouvelles stratégies, techniques et créatures. On en aperçoit plus sur elle et ça ne fait que glacer encore plus notre sang, mais c’est chouette de frissonner ainsi. Les auteurs disent aimer Lovecraft, ça se retrouve dans certaines scènes ici et j’ai beaucoup aimé ça. Cette peur, cet effroi, cette tension sont très bien rendus. On ne voit qu’horreur sur horreur.

L’avancée inéluctable des tripodes se poursuit donc sous nos yeux ébahis. Pour qui ça ne gêne pas de lire un récit qui semble un peu trop condensé, un peu trop lisse et classique, cette adaptation en manga est plaisante à suivre car les auteurs mettent très bien en scène cette atmosphère de peur incrédule qui saisit tout le monde, ainsi que la résistance et l’héroïsme qui naissent dans les coeurs de certains. C’est, je pense, une bonne porte d’entrée pour avoir envie d’aller plus loin, et qui plus dans un très bel écrin !

Tome 3 – Fin

Un ultime épisode pour boucler l’invasion des tripodes martiens et la résistance des humains, un épisode bien trop court pour une fin qu’on sent précipitée et qui vient gâcher le plaisir de cette belle édition d’un classique intemporel de la SF.

On retrouve dans les premières pages la même ambiance avec un héros propulsé photographe de guerre au milieu de ce chaos orchestré par les martiens. C’est à la fois glaçant et fascinant avec des moments vraiment révélateurs de l’âme humaine avec ses failles et ses parts de noirceur. Le héros se retrouve d’ailleurs à former un nouveau duo, avec un prêtre cette fois, qui va encore déraper et qui nous saisira.

Les images de l’avancée inéluctable des créatures font froid dans le dos qu’on les voie directement ou qu’elles soient suggérées. J’aime la façon dont les auteurs et le dessinateur saisissent ce grand effroi et ce malaise omniprésent. Certes nous sommes dans un récit de SF mais on retrouve les mêmes mécanismes que dans un pays en état de guerre, avec la même violence et la même sidération. Ainsi la froideur du trait correspondait à merveille finalement avec le récit glaçant qui nous était conté.

La narration en tout cas est longtemps parfaitement gérée grâce à l’effet de sidération mis en scène à travers le regard de notre photographe témoin. On avance à ses côtés et on découvre les méfaits des créatures, on en est même témoin direct parfois. On le suit de la campagne à Londres, des routes aux égouts, toujours avec le même regard critique et réflexif sur ce qui se passe pour tenter de comprendre ces créatures. Le problème vient des ultimes pages qu’on ne peut que qualifiée de précipitées. L’auteur conclut en deux coups de cuillère à pot, littéralement, cette intrigue complexe jusqu’à présent. C’est très très décevant. Alors que les martiens sont en pleine ascension et qu’on ne voit pas comment on pourrait les vaincre tout ce termine sur une scène ridiculement pauvre avec une explication tardive qui semble vouloir camoufler ce vide scénaristique. N’ayant pas lu l’oeuvre d’origine je ne peux affirmer que ça vient de Wells mais je le soupçonne fortement et ça m’attriste de voir un tel gâchis.

Alors que depuis le début, je trouvais cette adaptation de La Guerre des mondes divertissante et glaçante avec une belle proposition autour de la figure du photographe de guerre témoin des horreurs de scènes sur lesquelles il se sent un devoir de communiquer, cette fin m’a totalement gâché mon plaisir. Je ressors déçue d’une mythologie qui pourtant gagnait en puissance mais qui se retrouve comme un ballon de baudruche qui serait tout dégonflé au final. Je ne pense pas que ce soit la faute de ceux ayant adapté l’oeuvre de Wells mais je m’attendais à mieux vu son statut de classique. Dommage car Ki-Oon a vraiment proposé une édition très sympa de celle-ci.

Merci à Ki-Oon pour ces envois et leur confiance)

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15 commentaires sur “La Guerre des mondes (version manga) par Sai Ihara et Itotsu Yokoshima

      1. Ah oui, je vois, après j’ai pas trouvé ça « jeunesse », mais plutôt une sorte de vulgarisation.
        Dans le jeunesse je partirais plus sur du nobi-nobi ou Kurokawa.

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      2. J’ai un sens plus large que beaucoup quand on parle de jeunesse, j’englobe les ados, c’est pour que je parle de ce public. C’est un bon moyen pour les réfractaires parmi eux au mot « classique » de lire ce titre je crois ^^
        Mais on se rejoint totalement sur le côté vulgarisation, ça c’est sûr 😉

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      3. Ah oui, je compte aussi les ados, mais j’sais pas, même comme ça, je trouve le terme un peu réducteur 😆
        Genre moi, qui ne suis pas un ado, je suis bien content d’avoir lu ce manga, ça peut me conduire à tester le livre 😍

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      4. Pour moi y a rien de réducteur, au contraire je trouve normal d’aller vers des titres dont on n’est pas forcément le public cible. On peut être adulte et aimer ce qui est jeunesse et y porter un autre regard.
        Mais tant mieux si toi aussi ça t’a donné envie de lire le roman, c’est mon cas aussi ^^

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      5. Mais évidemment, je lis des titres jeunesse sans aucun soucis, tkt.
        Ce que je trouve réducteur, c’est surtout de classer ce manga en « jeunesse » alors qu’il ne l’est pas, on a ici un seinen assez dur et violent. C’est bien sur moins profond que le livre, mais perso, je conseillerais pas ça a des jeunes, il y a des pages assez trash ^^
        Je pense qu’on ne s’est pas bien compris sur ce titre xD

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      6. Eh bien on ne sera pas d’accord. Je le recommanderais sans souci à des collégiens. Je lisais moi aussi ce type d’ouvrage sans souci à l’époque et je trouve bien plus réducteur de les détourner de ce type de titre.
        Je crois que malheureusement on ne tombera pas d’accord sur notre définition des lectures jeunesses et sur ce titre ^^!

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      7. tout dépend des collégiens non ? à 11 ans tu laisserais ton gosse lire ça ? Y’a des morts partout, des corps découpés etc.. Quand on voit les PEGI dans les jeux vidéos ou les recommandations à la TV, je trouve ça un peu dur pour un collégien, surtout 6ème et 5ème xD
        Enfin, je te crois, après tout tu t’y connais mieux que moi, puisque tu en fréquentes avec ton métier, moi je les vois peut-être encore trop comme des enfants naïfs xD

        Prochaine étape, on distribue GTA en primaire o/

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      8. Tu sais, j’ai lu Gunnm alors que j’étais à la fin du primaire et certains de mes élèves de CE1 ont vu des films comme Ça ou Chucky… Mais honnêtement, je tablais plus sur des élèves de 5e – 4e vu que c’est l’âge auquel j’ai découvert des bouquins de SF comme Dune, Hypérion, Fondation, Les Princes d’Ambre ^^

        Et tu plaisantes avec GTA mais on en a qui doivent y jouer les discussions dans la cour U.U

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