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Le Siège des Exilées d’Akane Torikai

Titre : Le Siège des Exilées

Auteur : Akane Torikai

Editeur vf : Akata (L)

Année de parution vf : 2021

Nombre de tomes : 2 (série terminée)

Histoire : Quelque part, en Asie, dans le futur… Depuis plusieurs années, il ne naît presque plus d’hommes. Ces derniers sont souvent réduits à leur rôle de partenaire reproducteur. La société s’est construite autour d’un système matriarcal. Ni guerres ni conflits ne viennent perturber le quotidien et l’équilibre. Mais certaines ont décidé de fuir la ville. Elles se sont installées à l’extérieur, dans un bidonville. C’est là que demeure Sanada. Cette dernière possède un secret… un secret qui pourrait bien attiser la convoitise de ses congénères.

Mon avis :

Tome 1

En bonne amatrice de Science-Fiction quand un nouveau titre se profile aussi bien en roman qu’en lecture graphique, forcément j’ai envie d’y jeter un oeil, encore plus quand c’est un manga écrit par une femme tant s’est rare chez nous…

Akata nous fait le plaisir de suivre l’oeuvre d’une autrice qu’ils aiment mettre en avant depuis quelques temps déjà : Akane Torikai. Après avoir lancé sa série phare : En proie au silence, puis un recueil de oneshot plus anciens, c’est au tour de ce court diptyque intriguant.

Je ne suis pas un grande fan d’En proie au silence, qui a eu un démarrage compliqué chez moi, parce que je trouvais entre autre que le discours de l’autrice manquait de finesse. Alors, j’ai été surprise ici de trouver une narration plus fine et plus en accord avec ma sensibilité.

Akane Torikai reprend des thématiques chères à la SF et à la dystopie en particulier. Elle imagine un monde futuriste dans lequel a été fait le choix de sacrifier les hommes au profit des femmes qu’on perçoit comme plus indispensables à la reproduction de la race humaine. Cependant en faisant ce choix, forcément au bout d’un moment ça coince niveau natalité et il faut donc trouver des alternatives ou des biais pour sortir de ce concept de base trop simpliste.

Le premier chapitre nous emmène dans une sorte de ghetto où vivent deux drôles de héros atypiques. Reiho est l’un des derniers hommes fertiles en liberté. Il vend ses charmes pour survivre. Il est proche de Sanada, une jeune femme froide et détachée de premier abord, qui va se lier à un autre groupe de femmes, ce qui va changer ses perspectives.

J’ai trouvé les thématiques développées riches et intéressantes mais un peu classiques pour de la SF, tout comme le cadre dystopique, qui a été trop surexploité depuis plusieurs années chez nous. Ce premier tome reste un peu trop en surface de ce qu’il souhaite raconter. L’histoire se fait désirer, l’autrice prend beaucoup de temps pour poser le cadre, et on a plus l’impression d’être dans un récit tranche de vie. Les personnages sont trop faiblement caractérisés pour moi, malgré un thème de la natalité prometteur pour eux.

J’ai cependant aimé les interrogations sur le rôle des hommes et des femmes dans notre monde futur, même si comme dans En proie au silence, c’est un peu trop jusqu’au-boutiste pour moi. Je préfère la dynamique du Pavillon des hommes de Fumi Yoshinaga où l’on retrouve aussi un monde dominé par les femmes, c’est moins rentre dedans et évident qu’ici. Cependant, Akane Torikai invite à la réflexion avec cette évolution logique où les hommes ont été modifiés/castrés pour les uns, pourchassés car fertiles pour les autres, et où les femmes sont devenues de moins en moins fertiles, et celles qui le sont encore recherchées à tout prix. Le cadre est marquant mais malheureusement sous-exploité, l’autrice se contentant de lancer ses idées sans trop rien en faire. On se demande vraiment qu’elle est la finalité de tout ça.

Graphiquement on est dans du pur seinen avec le trait très particulier de l’autrice, notamment au niveau de ces regards très étirés et envoûtant, et de cette fausse froideur qui fait souvent se méprendre sur les personnages alors que ça bouillonne en eux. Je m’attendais peut-être juste à un décor de SF plus marqué, là on a juste l’impression d’être chez nous en 2021 avec d’un côté le ghetto et de l’autre la ville des riches…

Cette série en deux tomes a le mérite de proposer un univers séduisant et des questions pertinentes ainsi qu’une évolution logique, mais je suis vraiment restée sur ma faim. Les relations sont peu développées au final, tout comme l’histoire en elle-même. On se retrouve juste à suivre deux héros qui ont trouvé chez l’autre une protection mutuelle pour combler leurs solitudes et qui voient leur petit train-train perturbé par l’arrivée de petites nouvelles mais celles-ci ne font que combler un peu les vides du décor et au final ça reste très superficiel. C’est donc intéressant, potentiellement percutant, mais il manque encore quelque chose.

Tome 2

Akane Torikai conclut déjà le récit de cette histoire futuriste sur un devenir bien sombre de l’humanité, une conclusion bien trop rapide car toutes les idées en germe n’ont pas eu le temps de s’épanouir et c’est bien dommage.

Je suis un poil déçue par ce titre maintenant que je l’ai lu dans son entièreté. D’abord l’autrice repris des idées et des thèmes archi vu. Si vous avez lu/vu La servante écarlate, vous saisirez très vite de quoi il en retourne. Ensuite, après un premier tome très lent, le second est à l’inverse vraiment précipité, ce qui n’est pas loin de tout gâcher. C’est bien d’avoir des idées, encore faut-il parvenir à les mettre en scène en suivant le bon tempo. C’est un échec ici.

Alors oui, j’ai trouvé les thématiques intéressantes. J’ai aimé l’idée de cette société matriarcale en réaction à celle patriarcale dans laquelle nous vivons, telle une réponse extrême. J’ai aimé en découvrir les origines et surtout les culs de sac. La conclusion était assez évidente et l’autrice ne nous épargne pas, on reste sur une ambiance morose de bout en bout, malgré la jovialité voulue de quelques personnages vivant à fond dans le présent, mais on comprend bien que le futur est loin d’être rose.

Cependant comme avec l’histoire qui va beaucoup trop vite et qui manque de développement, il en va de même pour les personnages. Finalement, ils ne peuvent pas vraiment sortir du lot tant tout est survolé. Le revirement de Tsugaru est bien trop rapide, ça le rend très superficiel. Les autres de ce côte-là du monde ne font que de la figuration, à part peut-être vaguement sa « grand-mère » mais c’est tellement peu. En ce qui concerne Sanada et ses amies, elles partent en mode commando sauver Reiho, mais à part la première les autres sont juste là pour grossir les rangs. Au final, Sanada elle-même n’est qu’à peine ébauchée, tout comme Reiho. Seule leur aspiration à la liberté et leur caractère contestaire semblent les caractériser. C’est bien faible.

C’est vraiment dommage parce qu’il y avait matière à faire quelque chose de bien plus intéressant si l’autrice avait bien voulu ou avait pu (je ne connais pas le contexte de publication de ce titre) prendre son temps pour développer. Ses dessins sont eux largement à la hauteur de ce qu’on peut attendre ici avec un trait semi-réaliste fort convainquant aussi bien côté décor que personnages. J’ai en particulier beaucoup aimé la cohabitation d’une ville moderne proche de la nôtre (un peu comme dans La servante écarlate) et le bidonville plus traditionnel. C’est très bien fait et les pages en niveaux de gris ajoutent une tonalité rétro bienvenue ici.

Comme je le craignais, on est loin de la grande oeuvre de science-fiction révolutionnaire et engagée avec Le siège des exilées. Nous sommes plutôt dans une petite série rétro, qui reprend une écriture de la SF des années 70-80, et qui a plein d’idées, certes déjà connues, en germes mais qui ne sont pas exploitées. L’autrice survole son sujet et cela donne un titre au final assez anecdotique qui sera bien vite oublié malheureusement malgré tout son potentiel. Dommage.

6 commentaires sur “Le Siège des Exilées d’Akane Torikai

  1. Je trouve ton article très intéressant, et même avec les réserves que tu as et que tu soulignes bien, ça me donne toujours autant envie de me faire mon propre avis.
    J’irai aussi lire avec plaisir ce que tu dis sur le second tome, et dans tous les cas, je pense qu’on aura l’occasion d’en reparler quand je l’aurai lu également de mon côté !

    Aimé par 1 personne

    1. Merci ! En effet, j’ai des réserves mais c’est plus parce que l’univers m’a fait entrevoir de belles promesses que j’aimerais se voir réaliser comme tu l’as compris.
      Hâte de lire le tome 2 en tout cas et de pouvoir échanger sur l’ensemble de la série 😉

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