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Peleliu : Guernica of Paradise de Kazuyoshi Takeda

Titre : Peleliu : Guernica of Paradise

Auteur : Kazuyoshi Takeda

Editeur vf : Vega – Dupuis

Année de parution vf : Depuis 2018

Nombre de tomes : 8 / 12 (en cours)

Histoire : La bataille de Peleliu, nom de code Operation Stalemate II (« impasse » en français), s’est déroulée durant la Seconde Guerre mondiale entre les Etats-Unis et le Japon dans le Pacifique entre septembre et novembre 1944 sur l’île de Peleliu, dans l’archipel des Palaos.
Le général américain avait prévu que l’île serait sécurisée en quatre jours, mais en raison de fortifications bien installées et de la forte résistance japonaise, les combats ont duré plus de deux mois. Cette bataille est sûrement la plus controversée de la guerre, en raison de la valeur stratégique douteuse de l’île et du grand nombre de morts. En effet, après la victoire américaine décisive dans la bataille de la mer des Philippines, l’aviation japonaise ne représentait plus une menace aussi sérieuse et l’objectif de Peleliu apparaissait donc non stratégique.

Mon avis :

Tome 1

Un de premiers titres sortis par l’éditeur Vega en 2018 mais avec son dessin atypique, je n’avais pas osé me lancer dans l’aventure. Il aura fallu attendre une réédition très avantageuse de celui-ci sous la houlette de Vega et Dupuis qui travaillent ensemble désormais pour me faire embarquer et à 3€ le tome, ça ne se refuse pas !

Le thème, je le connais. C’est celui de la Guerre du Pacifique qui a été très bien traitée dans l’excellente série Band of Brothers : L’enfer du Pacifique et le diptyques de films Mémoire de nos pères et Lettres d’Iwojima signés par le grand réalisation Clint Eastwood. Je n’étais donc pas en terrain inconnu. Sauf que contrairement à ces médias, c’était la première fois que je lisais une oeuvre en parlant écrite par un japonais et ça apporte un tout autre éclairage au récit.

En effet, on nous a souvent présenté, à nous Occidentaux, les Japonais comme des gens qui n’ont jamais vraiment digéré leur défaite, ni reconnu forcément leurs crimes et encore moins réfléchi à leurs erreurs. Voilà le biais avec lequel souvent on les voit. Alors pouvoir lire un titre qui va à l’encontre de cette idée fausse est un vrai plaisir.

Car Kazuyoshi Takeda dans sa série Peleliu : Guernica of Paradise, qui va compter 12 volumes, ne se gêne pas pour critiquer l’absurdité de cette guerre à laquelle son propre grand-père a participé. Avec un trait très naïf et des personnages tout droit sortis des Peanuts – on jugera de la cocasserie de cela face à l’ennemi invoqué ici -, il ne se gêne pas pour dépeindre toute l’horreur de cette guerre qui aura lieu sur l’ilot stratégique de Peleliu, petite île au sud des îles Palaos, près des Philippines.

J’ai beaucoup aimé suivre cette guerre sale de l’intérieur en me mettant dans les pas d’un soldat banal, enfin pas si banal puisqu’il dessine des mangas ce qui va lui valoir d’avoir un poste et un regard particulier sur ce qu’il se passe. Le quotidien des soldats est bien rendu lors de petites scénettes qui oscillent entre drôlerie et dure réalité quand celle-ci finit par les rattraper. Les décors sont d’ailleurs bien rendus malgré les choix faits par l’auteur pour simplifier et donc modifier certains détails en s’éloignant de la réalité comme il l’explique lui-même en fin de volume. Mais on reconnait bien la précarité de la vie sur cet ilot avec ses abris de fortune, son travail de forçat et son insécurité permanente.

J’ai juste trouvé que c’était déjà un peu répétitif par moment mais c’est normal en même temps vu ce que décrit le titre. L’auteur tente quand même de mettre en place une vraie histoire avec une narration évolutive, puisqu’on passe de premiers temps presque paisibles où les soldats s’installent, aux premières attaques gentillettes, avec que les américains lancent vraiment l’offensive et qu’on rentre dans le lourd.

J’ai vraiment apprécié de voir l’auteur nous livrer des informations historiques véridiques tout au long du récit, ainsi que lors d’encarts entre les chapitres. Il garde de plus un ton assez neutre dans l’ensemble, présentant la façon dont les japonais voyaient leurs ennemis, mais tentant à son tour de les mettre sur un pied d’égalité comme lors de la scène avec « maman / mommy ». De plus, en filigrane, on sent bien qu’il a un discours tout sauf complaisant avec les décideurs d’alors et la situation. Il a réfléchi sur ce qu’il s’est passé, il en voit l’absurdité avec notre recul actuel, mais il se met également à la place des troupiers d’alors pour essayer de voir les choses de leur point de vue. Cela donne un récit vraiment réussi, plein de nuances et d’humanité qui prend vraiment vie dans les derniers chapitres où le conflit démarre vraiment.

Alors que je n’étais pas sûre d’aimer le titre car j’avais peur que le trait me fasse sortir du récit ou encore que celui-ci ne présente pas le recul que j’attendais, j’ai trouvé en Peleliu, au contraire, un récit maîtrisé, bien pensé, bien écrit, et tout en nuances où les réflexions sur la guerre vue par ceux qui l’ont faite m’ont interpelée. C’est exactement le genre de titre que j’aime lire sur cette époque, comme je l’avais fait avec Dans un recoin de ce monde ou Le pays des cerisiers de Fumiyo Kouno.

Tome 2

L’auteur poursuit son très beau témoignage donc une suite encore plus sombre, plus rude, plus morbide et un peu plus compliquée à lire.

En effet, j’ai trouvé l’ambiance de ce tome 2 beaucoup plus lourde et donc la narration plus poussive. Alors même si ça m’a beaucoup intéressée, j’ai été moins prise par cette lecture pour laquelle j’ai dû me reprendre à plusieurs fois, faisant des pauses libératoires.

Dans cette suite l’auteur met deux thématiques complémentaires au coeur de son récit : l’importance de l’eau et l’horreur des morts. Le héros, toujours témoin privilégié de cette attaque qui n’en finit pas, se retrouve en proie à ce qu’il y a de pire : l’obsession, celle de la mort et celle de l’eau. Il faut dire que l’attaque des Américains arrive au pire moment, lors de jours où il ne pleut pas, alors entre les attaques permanentes et l’absence d’eau, dur dur pour le moral.

J’ai à nouveau trouvé que l’ambiance été parfaitement retranscrite, pesante mais réaliste. On sent bien le poids de ces longues journées, la répétition de moments monotones et terrifiants et surtout la tragédie des morts et leur omniprésence. Il est normal qu’il y ait des morts lors d’une guerre me direz-vous, mais lorsque les vivants côtoient les morts avec un tel rapport de proximité, c’est rude. La frontière entre les deux est vraiment des plus ténues et surtout une forme toute particulière de mort est mise en avant : celle du suicide, du sacrifice pour ce qu’on pense être le bien commun. C’est la plus grande tragédie ici et ça m’a retournée. Le héros, avec son rôle d’attaché à la mémoire des morts, est forcément en plein coeur de tout ça et on sent bien combien il est proche de vaciller.

Heureusement, il n’y a pas que ça. On assiste également à l’avancée des Américains, apercevant brièvement les états-majors de chacun, ce qui donne une petite place à la stratégie, ce qui ne me déplait pas. On continue à en apprendre de belles sur les détails glanés sur le quotidien de cette guerre par l’auteur qui a fait un sérieux travail de documentation comme il l’explique encore à la fin.

Pour tenter de diversifier un peu son histoire, il nous fait également rencontrer pas mal de nouveaux personnages, ce qui accentue le sentiment qu’un ami est aussi vite fait que perdu à la guerre. On voit également des hommes qui sont tous un peu focus sur ce qu’il se passe et coupés du reste, déconnecté de la vie humaine. Triste mais réaliste.

Cela reste donc une très bonne lecture mais il vaut mieux avoir sacrément le coeur accroché pour en venir à bout. Pour ma part, cela devient dur d’enchaîner les lectures et j’ai besoin de pause entre les tomes voire les chapitres ^^!

Tome 3

Alors que j’avais eu un peu de mal lors de ma lecture du tome précédent, ce n’est plus du tout à l’ordre du jour avec celui-ci où le thème de la survie m’a plu de bout en bout.

Je voyais difficilement la série se renouveler et tenir le long des 12 tomes qui la composent la dernière fois, je l’avoue. J’ai bien plus confiance désormais dans les capacités de l’auteur. Comme sa couverture l’annonçait l’histoire prend un tournant moins sombre dans ce tome même si on reste dans un récit particulièrement âpre.

Fini la planque dans les grottes, place à l’arpentage de l’île à la recherche de nourriture, nouveau nerf de la guerre. Pour ce faire, les héros en rencontrent d’autres et des relations intéressantes se nouent, ce qui dynamise la lecture. De nombreuses aventures leur arrivent qui sont une nouvelle le reflet de cette terrible guerre sur cet îlot isolé. L’auteur fait preuve d’un mélange d’espoir, de camaraderie et de fatalité qui fait mal. Certaines scènes sont particulièrement dures à lire et d’une grande brutalité, normal, c’est la guerre. J’aime qu’on ne nous prenne pas pour les perdreaux de l’année et qu’on ose nous montrer l’horreur de celle-ci.

Une fois de plus, le discours est plutôt neutre. Il nous montre la terrible efficacité des Américains, leurs tentatives de séduction pour que les Japonais se rendent, mais leur implacabilité aussi. Il n’hésite pas à mettre en scène le patriotisme extrême des Japonais avec les dérives que cela occasionne. Mais jamais il ne met l’un ou l’autre sur un piédestal. A l’inverse, il semble plutôt porter un éclairage singulier sur les moyens ordinaires de survivre des troupiers, mettant en avant leur inventivité ou encore leur volonté à toute épreuve, mais il ne dénigre pas pour autant leur fragilité ou leurs peurs. Il les prend vraiment dans leur entièreté à l’image du héros et de son ami, c’est ce qui me plaît ici. L’auteur sublime vraiment le personnage du « héros ordinaire ».

Avec un tome plus porté sur la survie, où l’on passe plus de temps dehors dans la nature, l’espoir renaît un peu après des heures sombres sous terre. Cependant l’horreur de la guerre est toujours là et se rappelle souvent brutalement à nous. Malgré tout quelques brefs moments d’humanité mettent vraiment du baume au coeur, à l’image de ces dessins que fait le héros. C’est vraiment un très beau titre !

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9 commentaires sur “Peleliu : Guernica of Paradise de Kazuyoshi Takeda

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