Livres - Histoire

Hamnet de Maggie O’Farrell

Titre : Hamnet

Auteur : Maggie O’Farrell

Traduction : Sarah Tardy

Éditeur : 10/18

Année de parution : 2022

Nombre de pages : 480

Histoire : Un jour d’été 1596, dans la campagne anglaise, une petite fille tombe gravement malade. Son frère jumeau, Hamnet, part chercher de l’aide car aucun de leurs parents n’est à la maison…
Agnes, leur mère, n’est pourtant pas loin, en train de cueillir des herbes médicinales dans les champs alentour ; leur père est à Londres pour son travail ; tous deux inconscients de cette maladie, de cette ombre qui plane sur leur famille et menace de tout engloutir.
Porté par une écriture d’une beauté inouïe, ce nouveau roman de Maggie O’Farrell est la bouleversante histoire d’un frère et d’une sœur unis par un lien indéfectible, celle d’un couple atypique marqué par un deuil impossible. C’est aussi l’histoire d’une maladie « pestilentielle » qui se diffuse sur tout le continent. Mais c’est avant tout une magnifique histoire d’amour et le tendre portrait d’un petit garçon oublié par l’Histoire, qui inspira pourtant à son père, William Shakespeare, sa pièce la plus célèbre.

Mon avis :

Moi, quand on me promet une relecture de la vie d’un des dramaturges que j’aime le plus, forcément je ne peux qu’être attirée par un tel roman. Quand en plus celui-ci se révèle proposer tout autre chose que la classique histoire que j’attendais, ce n’en est qu’une plus belle surprise. Voici l’histoire de ma rencontre avec Hamnet.

J’ai beau adorer la plume de Shakespeare, ce qui en fait un des rares dramaturges que j’arrive à lire avec Racine, je connais mal sa vie. Je n’en sais que ce que j’ai pu voir dans plusieurs oeuvres de fictions cinématographiques ou graphiques, et les quelques recherches sur le net que j’ai fait à côté. Sachant que sa vie été assez parcellaire, du fait du manque de sources, je n’avais pas poussé beaucoup plus loin, notamment en ce qui concerne son mariage et sa descendance. C’est pourtant le coeur de l’histoire ici.

Maggie O’Farrell dont je découvre la plume ici, n’a pas voulu notre faire le récit de l’histoire de famille de Shakespeare ici. Au contraire, elle évite ce nom pendant tout le récit et nous conte plutôt l’histoire d’une famille quasi lambda au XVIe et des aléas terribles qu’ils ont eu à subir. C’est donc plus le récit d’une époque que d’un personnage et j’ai vraiment apprécié cela. Je vais même aller plus loin, c’est l’histoire des drames des femmes ayant vécu à cette époque où les relations et la science n’étaient pas ce qu’elles sont à présents. Cela en fait un texte d’autant plus fort.

Avec une pénétrante double narration, l’autrice nous emmène au coeur de la vie de ce couple : leur rencontre puis leurs enfants. Elle nous raconte dans une première ligne comment la maladie a frappé leur famille et l’a changée à jamais, puis dans une seconde ligne comment cet homme et cette femme se sont rencontrés et ont fondé un foyer qui bien vite sera dysfonctionnel. L’autrice cependant en nous faisant ce récit, peut-être sans s’en rendre compte, plaque un peu nous attente anachronique d’hommes et femmes du XXIe siècle. Cela se sent sur le regard qu’elle pose sur Agnes et son époux, sur leurs familles et sur leurs enfants, mais cela n’enlève rien à la force du texte.

J’ai beaucoup aimé découvrir la personne d’Agnes, femme de Shakespeare, restée à Stratford pendant que monsieur faisait carrière à Londres. Dès le début, l’autrice nous fait d’elle le portrait d’une femme que certains auraient pu qualifier de « sorcière » à l’époque vu sa grande liberté de penser, son intelligence et son goût pour la fabrication de remèdes naturels. On la découvre d’abord jeune adulte rebelle qui s’entend mal avec sa belle-mère et voit en ce jeune précepteur, le moyen d’échapper à sa condition, ce qu’elle réussira à faire. On la retrouve ensuite femme mariée cherchant à rester libre, qui est toujours très proche de la nature et en décalage du coup avec les autres. Elle détonne. Puis, elle va vivre un drame que je ne souhaite à personne, un drame qui va la bouleverser mais dont elle se relèvera avec émotion.

J’ai aussi beaucoup aimé l’ambiance du livre. Il nous plonge vraiment dans la vie campagnarde dans l’Angleterre du XVIe siècle avec ses craintes, ses fausses idées, ses rumeurs et j’en passe. Avec la famille d’Agnes, on découvre la vie de la toute petite gentry et avec celle de son mari, celle d’une bourgeoisie un peu plus aisée. Leur quotidien est parfaitement rendu, des relations entre les femmes de la famille, notamment vis-à-vis des belles-mères, en passant par celles avec le voisinage ou encore avec les maux de l’époque. Le drame qui frappe la famille met la science et plus particulièrement la médecine au coeur de l’histoire et on découvre les écoles d’alors, entre croyances pseudo scientifiques et connaissances issues de la nature, avec une héroïne qui s’approche d’une médecine plus moderne, à l’inverse de son vieux médecin. C’était assez fascinant.

Mais c’est surtout le volet intime de l’histoire qui m’a touchée. J’ai beaucoup aimé la sobriété de la plume de l’autrice pour évoquer cette histoire de femme et ce drame de mère. Si elle ne donne pas son nom à Shakespeare pendant toute l’histoire, ce n’est pas pour rien. Le vrai personnage principal, c’est Agnes et j’ai adoré entrer dans sa tête et vivre à ses côtés cette destinée tragique. C’était dur de la voir d’abord jeune fille terriblement seule, puis femme délaissée par un mari dont les maux imaginaires l’accablaient plus que sa relation de couple et enfin mère courage dont le courage n’a pas suffit. Elle était poignante. La façon dont l’autrice relate ce drame est très belle, car elle n’en fait pas trop. Elle est dans une juste nuance pour décrire toute cette souffrance parfaitement compréhensible et les conséquences ensuite sur sa vie de famille et sa vie intime. C’était étonnamment juste.

Quant au titre, l’un des premiers arguments pour me faire acheter ce roman, il a pris tout son sens dans les dernières pages, qui sont une très belle pirouette où on retrouve vraiment un concentré de ce que fut l’oeuvre : un texte intimiste, un texte sur la famille et un texte historique sur une époque passée. C’était superbe !

Rappelant un peu cette littérature féminine de terroir des années 1800,  Maggie O’Farrell m’a emmenée de manière surprenante dans les coulisses derrières la pièce d’Hamlet. L’intrigue qu’elle a imaginée est une très belle ode à la femme, à la mère, à la soeur. Elle a su se saisir de la quintessence d’une époque passée dans un lieu oublié et absolument pas glamour pour évoquer de manière brillante et toujours juste le terrible sujet du deuil d’un enfant. Poignant !

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Steven, Sophie, Moonlight, Krol, Le temps de la lecture, Émois livresques, Ma voix au chapitre, Vous ?

12 commentaires sur “Hamnet de Maggie O’Farrell

  1. Ah non… Ton avis est si éloquent qu’il me donne terriblement envie de retrouver la plume de l’auteure et ce délicieux coup de cœur qu’à été cette lecture dont tu rends si bien hommage.
    J’ai vraiment vibré au rythme de ce roman et je me souviens encore avoir souvent eu le cœur lourd et serré.

    Aimé par 1 personne

    1. Haha pour une fois que c’est dans ce sens-là et que c’est moi qui te donne envie de relire un titre !
      J’aimerais beaucoup lire son dernier roman qui se déroule pendant la Renaissance. Vivement sa traduction !

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