Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Badducks de Takeda Toryumon

Titre : Badducks

Auteur : Takeda Toryumon

Traduction : David Le Quéré

Éditeur vf : Ki-Oon (seinen)

Années de parution vf :  2023-2024

Nombre de tomes vf : 4 (série terminée)

Résumé : Morgan n’a jamais eu de chance. À 10 ans, il est abandonné par ses parents, et 20 ans plus tard la mafia vient lui réclamer le règlement de la dette qu’ils lui ont léguée. Sans le sou, le seul moyen de s’en acquitter est de servir de cobaye aux expériences de Nguyen, maître du monde du crime. Les rejetés de la société, et en particulier les non-humains, finissent sous ses ordres en tant que tueurs, prostitués ou travailleurs forcés.
Morgan se réveille avec un tube dans la nuque et… une force exceptionnelle ! Son identité a été effacée : le voici condamné à une vie de servitude. Au moment où il croit tout perdu, Lisa, dernière représentante de son espèce et esclave de la mafia, lui propose un plan d’évasion. Rien ne tourne comme prévu, et les fugitifs se retrouvent avec un bébé dans leurs bagages ! Peu importe, ils font avec… Les deux comparses n’ont ni expérience du combat ni ressources, mais leur soif de liberté est sans égale !

Mon avis :

Tome 1

Fan de récit pulp et rétro, je ne pouvais que succomber au charme explosif de Badduck et sa rage de vivre en mode Mad Max slash K.Dick.

La série est le fruit d’un travail d’abord personnel de son autrice, Toryumon Takeda, qui l’a un temps auto-publié chapitre par chapitre pour la proposer dans des Conventions au Japon, avant que l’éditeur Futabasha ne le remarque. Premier titre de cette jeune autrice, on le sent pourtant très engagé et déjà bien maîtrisé.

Quand on aime les récits tout feu tout flamme comme dans Mad Max ou les dystopies sombres comme dans Blade Runner ou Total Recall de K.Dick avec des gros conglomérat qui sont de sacrées pourriture, on ne peut qu’être séduit par le travail de ce jeune mangaka dont on sent de manière palpable les influences. L’éditeur, lui aussi, l’a bien cerné et nous offre ainsi une couverture à la composition bien rétro avec de jolis effets métallisés rappelant ce cyber-punk entre classe et rouille.

Premier tome déjà bien conséquent, il nous entraîne pendant plus de 230 pages dans un univers futuriste bien détraqué où nos héros vont fuir, fuir, un pouvoir sectaire représenté par une élite esclavagiste. C’est fou comme ce premier tome est déjà riche, enchaînant et associant sans temps mort découverte du trio de tête, mise en scène des méchants, peinture de cet univers dystopique et aventure à cent à l’heure. Vraiment tout s’emboîte et s’imbrique pour former un tout passionnant à suivre.

J’ai autant aimé découvrir notre héros au grand coeur, Morgan, abandonné par des parents criblés de dettes qui lui en ont laissé la charge, que me retrouver face à ce monde pourri qui va le percuter de plein fouet. L’autrice joue à merveille sur les contrastes. Elle nous fait presque vivre un rêve au début, nous faisant croire que même un petit orphelin peut s’en sortir dans ce monde et trouver une forme de bonheur. Mais c’est pour mieux nous retourner ensuite car une sombre et abjecte réalité le rattrape et qu’il découvre une industrie souterraine tout autre. Embarqué dans une aventure qui le dépasse, Morgan n’aura d’autre choix que de combattre pour survivre.

Avec un ton pourtant légèrement décalé, Toryumon Takeda nous plonge dans un univers dystopique cyberpunk sombre où on découvre un chef d’entreprise véreux qui n’hésite pas à surendetter les gens, pour ensuite les rendre redevables et développer des trafics d’organes et de personnes. Cet homme trouble sera le déclencheur de notre cabale et grâce à lui, nous allons vivre une belle aventure révoltante et explosive à la fois mais surtout très humaine. Bien que l’histoire traite de sujets durs tels que le suicide, l’abandon, l’esclavagisme sexuel, le trafic d’organes et j’en passe, il reste cependant lumineux et même drôle grâce aux personnalités des héros. Morgan et Lisa, sa comparse, forment un sacré duo inattendu en mode Bonnie and Clyde des temps modernes, se complétant bien et apportant chaleur et lumière au titre. J’aime beaucoup leur dynamique, le répondant de Lisa, le côté plus blasé de Morgan et surtout que c’est drôle de venir leur compliquer les choses en leur mettant un bébé entre les bras.

En les suivant dans leurs aventures rocambolesques, parfaitement mis en scène et surtout en rythme par l’autrice, on s’amuse comme des petits fous malgré la noirceur du cadre. Il y a toujours un ton légèrement décalé et grinçant chez chacun des personnages. Les situations prêtent à sourire tant elles sont ubuesques. Il y a aussi de la drôlerie dans la mise en scène des cambriolages et des fuites des héros à chaque fois avec un faux air clownesque même. C’est hyper sympa à suivre du coup. L’inattendu est sans cesse à l’honneur, que ce soit leur rencontre, l’arrivée du bébé, ou ceux qui vont se mettre à leurs trousses. L’autrice excelle là-dedans. On sent qu’elle maîtrise bien ses classiques.

J’ai également été surprise par la qualité des dessins qui ont vraiment leur patte, une patte qui me rappelle de vieux films noirs avec un zeste de SF rétro également. J’aime beaucoup son travail sur les traits pour donner du relief et de la profondeur, l’importance aussi qu’il donne aux noirs et aux ombres, son sens du cadrage. Il y a un vrai regard presque cinématographique lors de certains enchaînements, notamment lors des scènes d’action, ce qui est un régal pour l’amatrice de trouvailles graphiques que je suis.

Première série, premier tome, première réussite. Je me suis régalée dans cette interprétation moderne des récits pulp d’autrefois. Nul doute que notre trio nous réserve encore bien des surprises mais il nous offre déjà un début très rythmé et entraînant dans lequel on aime se perdre et rebondir avec eux. Ce road-trip qui sonne comme une fuite en avant est rempli de belles valeurs humaines, notamment celle de ne jamais abandonner, et ça ne peut que faire chaud au coeur. J’espère juste que 3 tomes suffiront pour développer cela !

(Merci à Ki-oon pour cette découverte survitaminée.)

> N’hésitez pas à lire également les avis de : L’Apprenti Otaku, Floriane, Les voyages de Ly, Vous ?

Tome 2

Badducks – Bad luck, voici exactement le genre de série road-trip pulp et décapante qui pétarade et que j’adore. C’est vif, dramatique et à la fois drôle de manière grinçante, le tout dans un habillage cinématographique bien chiadé de la couverture au découpage séquence de la narration. Je me régale !

Voilà une série qui ne paie pas de mine. On dirait un gros délire mi-fantasy mi-post-apo dans un monde dystopique où un héros s’est barré de la capitale corrompue avec une cobaye en fuite qui sert de pompe à sang au méchant du coin, le tout avec un bébé providentiel. C’est totalement farfelu et improbable mais ça fonctionne à merveille.

Dans ce tome, on a droit à de la grosse course-poursuite avec une bande de mercenaires bien flippant en pleine forêt, des séquences émotions entre Morgan et Lisa, la rencontre avec un autre couple inter-espèce et bien sûr des moments choupi avec Boz. Un mélange auquel on ne pense pas mais que j’ai adoré car la mise en scène est ultra dynamique et les dessins ont tout ce que j’aime.

Je me suis ainsi plu à suivre la cabale improvisée et mal barrée de nos héros, en ayant peur pour eux à chaque tournant. J’ai senti mon coeur s’emballer lorsqu’ils ont été poursuivis en pleine forêt et que leur sort semblait inéluctable. J’ai soupiré de soulagement quand ils ont été secouru par un gentil coupable improbable qui leur a offert un moment de respiration au milieu de tout ce bazar.

Certes, on n’avance pas des masses côtés histoires mais les liens entre les personnages se renforcent, l’univers gagne en texture et épaisseur également et nous, on ne sent de plus en plus immergés dans tout ça. C’est donc aussi un travail nécessaire de soigner le décor et pas seulement les révélations et l’action, même si chacun est au rendez-vous et que les ultimes pages nous soignent en cela avec un nouveau petit bond dans le temps pour nous ramener au départ. 

Une boucle bouclée en l’espace de 2 tomes, Toryumon Takeda ne chôme pas ! Dans ce road-trip pulp cinématographique, ils nous fait passer par tout un tas d’émotion mais la principale est l’attachement à ce trio improbable et ça fonctionne. J’ai aimé les soutenir dans leur fuite, avoir peur pour eux, être soulagée pour eux. Je n’ai qu’une hâte, voir comment cela va continuer à évoluer sous cette plume et ses crayons tellement addictifs.

Tome 3

Depuis le début, j’aime beaucoup l’ambiance polar à l’ancienne de ce manga, mais j’ai également appris à apprécier son aspect tranche de vie. Cependant, je voyais mal comment les deux allaient / pouvaient se mélanger, l’autrice me détrompe dans un troisième tome magistral tout en émotion contenue.

Depuis le début, le scénario est assez vif et sombre. Il propose une action brutale et implacable et les moments plus calmes viennent nous surprendre et nous déstabiliser comme la dernière fois quand ils ont rencontré ce couple où ils se sont installés pendant plusieurs mois. J’avais donc du mal à imaginer comment combiner polar, enquête, survie et vie de famille. Toryumon Takeda y a réfléchi, et plutôt joliment, pour moi !

J’ai beaucoup aimé ce tome qui plonge dans le coeur et les sentiments de notre trio familial. On découvre leur quotidien fait de rapines, cachettes et déboires. On assiste avec émotion à leurs petits moments de vie de famille à trois, tout comme on plonge la gorge serrée dans leurs inquiétudes. L’autrice relate très bien cette vie de fugitif et de famille recomposée / patchwork. C’est touchant de voir Morgan s’inquiéter que Boz apprenne à lire, tout comme ça l’ait de voir sa détresse face à son espérance de vie amenuisée par son opération. Lisa aussi a ses moments de faiblesse derrière son attitude bravache. Elle émeut quand elle se rapproche de Morgan dont elle veut devenir le soutien, tout comme quand elle console « son fils » qui a perdu un être cher. Chacun commence peu à peu sous nos yeux à enfiler avec justesse et sincérité son costume de parent et c’est superbe.

Mais là où l’autrice fait fort, c’est qu’en plus de cette ambiance familiale fine et complexe mais très réussie, elle n’oublie pas son intrigue de base et elle glisse des petites scènes montrant bien que la pègre n’a pas oublié notre duo. Elle nous titille et nous fait frissonner tout du long avec ces gens qui pensent encore au pouvoir du sang de Lisa et à ce chef mafieux qui a encore le téléphone perdu de Morgan. Ce sont des piqûres de rappel douloureuses et insidieuses à chaque fois qui sont telle une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, d’autant plus maintenant qu’ils sont terriblement attachés à Boz, qu’ils considèrent comme leur fils et qui n’a connu qu’eux comme parents. La tension se resserre donc derrière ce tableau idyllique de famille qui parvient à survivre vaille que vaille en se serrant les coudes.

D’ailleurs, le mangaka gère à merveille ces changements de rythme. Il offre une belle scène d’action en ouverture avec un petit vol de routine chez des richards, avant de calmer le jeu dans leur retraite, de relancer avec les craintes de Morgan pour sa vie, avant de nous achever avec un duo de bras cassés venant faire peur à Lisa par le plus grand des hasards. A peine souffle-t-on donc qu’à chaque fois quelque chose vient relancer notre crainte de voir cette famille si charmante séparée. C’est dur.

Entre émotion, action, survie, famille, peur de mourir, mais désir d’aimer, ce tome est un condensé de ce que la série offre de mieux, de ce pourquoi j’aime cette série. Polar noir, c’est aussi une aventure humaine touchante et déstabilisante où l’on voit les liens profonds qui peuvent se créer dans l’adversité. Trio ô combien touchant, je n’ai vraiment pas envie de les quitter et l’autrice joue à merveille sur cette peur pour mieux me scotcher devant ma lecture. J’adore !

Tome 4 – Fin

Voilà une série qui peut sembler anodine avec son look très pop et pulp, un peu à la Mad Max. Pourtant depuis ce dernier on devrait savoir que ça peut cacher de petits bijoux, c’est effectivement le cas ici !

Final d’une série que j’aurais apprécié de bout en bout, Toryumon Takeda nous offre le dernier galop de cette famille si attachante dont on a suivi les aventures depuis 4 tomes. C’est fun, c’est pop, c’est punchy et c’est émouvant paradoxalement, car derrière cet habillage très Bonnie & Clyde, il y a une grande sensibilité qui vient ajouter un vernis supplémentaire à cette oeuvre divertissante mais coup de poing, transposant dans un univers de SF x Fantasy les problèmes de cartels de la drogue + prostitution. Excellent !

Le final, contrairement à d’autres, a tenu toutes ses promesses. Dans un énième défi avec les anciens patrons de Lisa, notre famille va devoir se battre pour sa liberté et le droit juste d’avoir une vie paisible ensemble. L’intrigue est assez classique en soi avec un piège qu’on voit venir de loin, l’autrice ne cherchant pas à le cacher, mais ça reste hyper prenant à suivre car mis en scène avec brio et causticité derrière le côté assez âpre et dangereux de cette lutte. On s’amuse de voir nos pieds nickelés piégés aussi facilement des deux côtés avec des plans, ma foi, fort simples et qui pourtant portent leurs fruits. Je crois que c’est justement ce qui en fait la saveur ici.

Et en même temps derrière cela se cache une action très bien menée, omniprésente, qui flirte entre punch et émotion, portée par un trait très pulp que j’ai adoré ! Je suis fan des dynamiques imaginées et mises en scène par l’autrice, c’est très jazzy et rétro tout ça, chacun se fait confiance, chacun a ainsi son solo où il peut exploiter son talent et ce dans un seul but : aider ceux qu’il aime. C’est ainsi touchant tout plein de voir le sens du sacrifice de chacun mais aussi sa hargne de vaincre et sauver les autres pour avoir cette petite vie dont ils rêvent. On se retrouve du coup, derrière la façade très divertissante du titre, avec une belle profondeur psychologique chez ses personnages incarnant les pauvres bougres de notre société exploités toujours par les plus forts mais qui se révoltent et dézinguent tout !

Quelle émotion furent donc les derniers rebondissements de cette intrigue sans cesse sur le qui-vive. J’ai aimé les voir passer à l’action, autant que j’ai aimé leurs grandes déclarations d’attachement réciproques les uns aux autres et l’aide qu’ils trouvent aussi chez les amis que leurs pérégrinations ont mis sur leur chemin. C’est une très belle leçon de vie et de lutte pour ne jamais renoncer. Les personnages de Lisa, Morgan et Buz sont vraiment marquant, l’autrice les ayant travaillés jusqu’à la dernière planche, la dernière image, la dernière ligne. Entre humour et tendre, entre vie de saltimbanques-voyous, nos héros ont développé une famille de coeur à laquelle je n’ai pu que succomber, et chapeau à l’autrice d’avoir inséré cela dans une telle intrigue.

Là où des auteurs n’arrivent pas à boucler une intrigue sur 4 tomes, là où certains restent en surface et se reposent trop sur leur concept, Toryumon Takeda a réussi le pari de réussir tout cela. Ce final est à la fois percutant, explosif et plein d’émotion. On y retrouve de l’action et de la réflexion. Il est aussi beau, avec sa mise en scène punchy rétro, que touchant, avec les au revoir à cette famille de coeur. J’ai été conquise par son travail et je suis ravie de prochainement la retrouver chez l’éditeur avec DOGA of the Great Arch.

(Merci à Kioon pour la découverte d’une nouvelle autrice à suivre !)

6 commentaires sur “Badducks de Takeda Toryumon

  1. Content de voir que je ne suis pas seul à trouver un petit côté Bonnie and Clyde. Comme à l’accoutumée, cela me donne le sentiment de ne pas être fou !

    Sinon, j’ai aussi trouvé ce début très efficace et j’espère surtout que l’auteur saura jouer habilement de l’ellipse pour proposer un récit qui se tient bien sur 4 tomes, vu que c’est promis pour se dérouler sur 10 ans.

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    1. Non aucune folie chez toi, sous rassuré. C’est quand même une référence assez évidente.
      J’espère aussi que le tempo sera bien géré car c’est court 4 tomes, mais si c’est bien fait ça peut être très chouette dans le style histoire nerveuse .

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  2. En lisant ta chronique, j’ai directement pensé à mon compagnon car c’est le genre de manga qu’il apprécie. J’ai donc gardé l’idée en tête pour lui offrir à son anniversaire. C’est maintenant chose faite et il a bien accroché. Il vient de finir le deuxième tome et attend le troisième avec impatience. Merci beaucoup 🙂

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