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Mushishi de Yuki Urushibara

Titre : Mushishi

Auteur : Yuki Urushibara

Traduction : Pascale Simon

Éditeur vf : Kana (Big)

Année de parution vf : 2007-2009

Nombre de tomes vf : 10 (série terminée)

Résumé : Ginko est un « mushishi », un expert en mushi, ces organismes démoniaques qui parasitent les humains et que seuls quelques hommes peuvent voir. Conscient de son don exceptionnel, Ginko, erre de villages en villages, à la recherche de ces cas de possession pour apporter soulagement et guérison…
Ces pas le conduisent notamment auprès de Shinra, adolescent capable de donner la vie à ses dessins…

Mon avis :

Tome 1

Il y a des moments pour chaque lecture et parfois, on n’est pas prêt pour un titre lorsqu’il sort. Ce fut le cas pour moi et Mushishi, découvert à sa sortie en 2007, j’étais passée totalement à côté de ma lecture, trouvant cela fort anecdotique. 15 ans plus tard, mes goûts ont changé et j’aime désormais ce qui est contemplatif et traditionnel.

Série terminée en 10 tomes, elle précède chez nous Underwater et Flow de la même autrice qui furent de bonnes voire d’excellentes lectures pour moi. C’est pour cela que j’ai voulu lui redonner une chance et avec raison. Adaptée également en animé, Mushishi nous plonge dans l’univers traditionnel japonais tel qu’on pouvait le trouver dans les campagnes au siècle dernier, avec ses mythes et ses légendes encore bien prégnants.

Au côté de son héros, Ginko, Yuki Urushibara arpente les chemins désolés de ces paysages restés à l’état ancien et nous mène prêt de personnes souvent possédées par des esprits et qui ont besoin des talents de guérisseur de Ginko pour s’en sortir. Un dépaysement garanti à la lecture !

La série se compose pour le moment de chapitres d’une quarantaine de pages quasiment indépendant où Ginko rencontre à chaque fois un nouveau cas et nous emmène ainsi au plus près d’un folklore japonais peu connu avec ces créatures diverses et variées possédant les habitants qu’il croise. C’est souvent gris, mélancolique, un tantinet dramatique, mais Ginko apporte de la lumière par ses dons, en sauvant ses gens, même si souvent la conclusion est plutôt douce-amère.

J’ai aimé l’ambiance générale du titre. Je ne dis pas que je retiendrai chacune des histoires mais elles nous plongent dans un Japon ancien et mystérieux des plus saisissants où les créatures sont tour à tour étranges et dérangeantes, perturbant le quotidien de ces gens qui n’ont rien demandé. Les paysages sont entêtants, les personnages croisées souvent malheureuses et en attente d’aide, ce qui rend l’arrivée de Ginko d’autant plus providentielle. Celui-ci avec son caractère calme et limite nonchalant casse les codes et surprend, c’est vraiment un bon guide du coup, pour nous lecteurs afin de nos conduire sur ces routes étranges.

Le dessin de Yuki Urushibara est encore un peu maladroit parfois mais a déjà un charme certain pour nous mener dans ces contrées brumeuses et mystérieuses. Elle représente avec juste le malaise qu’il faut pour l’étrangeté des lieux et créatures croisées, étant dans la droite ligne de la tradition folklorique horrifique japonaise. J’ai trouvé cela très beau cette fois. C’est plein de détails et vraiment immersif, comme si on était nous même conduit à l’intérieur de ces pages.

Il faut donc parfois attendre le bon moment pour aller à la rencontre d’une oeuvre. Ayant goût désormais pour le fantastique et désirant plonger plus dans ce côté traditionnel du Japon, je me suis plu à visiter les contrées étranges mises en scène par le beau et pénétrant trait de Yuki Urushibara. Il ne faut donc pas se forcer, il faut laisser le temps et parfois oser revenir sur un titre qu’on n’a pas aimé, cela peut donner de belles surprises !

 > N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Ma petite médiathèque, Radicale, Vous ?

Tome 2

Mais vraiment pourquoi n’ai-je pas accroché plus que ça à l’époque, je me demande, car vraiment je me régale désormais de chaque nouvelle aventure de notre chasseur de mushi. C’est si poétique !

Je regrette presque de ne pas avoir découvert la série plus tôt pour la soutenir à sa sortie et encourager les éditeurs sur cette voie car je me régale ! Mais comme le sous-entendent ces derniers mots, je suis aussi ravie du plaisir que je prends à la découvrir maintenant avec peut-être une sensibilité plus grande de ma part à tout ce qui touche l’ésotérisme, le passé du Japon, son folklore et sa nature.

Mushishi est en effet une très belle incursion dans cette campagne japonaise d’autrefois où les liens avec la nature sont très forts. C’est plein d’émotion et de poésie, avec des missions à chaque fois terribles confiées à notre héros qui se déplace de village en village et lieu-dit en lieu-dit, auprès de gens que les esprits mettent en difficulté et que notre Ginko va aider.

Cette plongée dans le folklore japonais est des plus touchants et immersifs. Chaque histoire a beau être différente, il y a le même ton, la même ambiance, la même poésie. C’est doux-amer et bienveillant à la fin, douloureux mais nécessaire. J’ai aimé chacune des nouvelles histoires composant ce tome, que ce soit celle de ce Mushi gardien de montagne qui souhaite prendre sa retraite sans obliger personne à prendre le relais ; ou celle de la gardien des écrits des Mushi qui est d’une grâce folle quand elle la met en scène en pleine action en train d’écrire ; sans oublier la douce fresque de cette fausse divinité empoisonnée par son père mais qui n’arrive pas à lui en vouloir ; ou même celle de ce fils prodigue cherchant un arc-en-ciel pour son père pour se racheter ; ou pour finir celle de cette famille qui a perdu un enfant et qui se fait empoisonner la vie par un champignon prenant son apparence en multiples exemplaires…

Souvent les histoires sont poignantes ou glacent un peu le sang. Elles en disent long également sur les rapports humains des protagonistes, sur le rapport à l’ermite, à la femme qui a perdu son enfant, ou encore à la figure du père. Elles bouleversent aussi quand on voit le sacrifice de plusieurs d’entre eux, leur amour de leur prochain ou de la fonction qu’on leur a attribué. C’est assez triste mais c’est justement ce qui nous touche.

J’ai donc à nouveau été emportée par ces petites histoires qui ne paient pas de mine et qui peignent le portrait d’un ancien Japon très porté sur les esprits et la façon dont ils perturbaient leur quotidien. Amoureux d’ésotérisme, de folklore et de Miyazaki, ce titre est fait pour vous ! Sans oublier les planches enchanteresses de Urushibara pour dépeindre cette campagne. ❤

Tome 3

Avec toujours la même régularité et la même recette, Yuki Urushibara nous propose une suite d’histoires déchirantes et émouvantes sur le rapport des japonais à leur nature et à leur folklore. Une superbe réussite !

Je ne mollis pas et j’enchaîne avec ce tome 3 pour mon plus grand plaisir où je retrouve tout ce que j’ai aimé jusqu’à présent, de la poésie de l’autrice jusqu’à l’âpreté de ses histoires. C’est vraiment une plongée dans un Japon traditionnel doux-amer qui me plaît énormément. J’aime côtoyer Ginko, partir sur les routes avec lui et plonger dans les mystères de ces campagnes japonaises d’autres remplies de drôles de créatures discrètes mais aux actions ô combien visibles.

Cette fois, le dépaysement est encore plus grand puisque nous voyageons du bord de la mer jusque dans les montagnes, avec à chaque fois des légendes différentes, des créatures différentes et des mystères différents à pencher. Le seul bémol viendrait peut-être du trait de l’autrice qui fait que chaque personnage secondaire se ressemble, ce qui fait qu’on a l’impression de les avoir déjà croisés alors que ce n’est pas le cas. Troublant. Pour le reste, j’ai encore adoré le ton très poétique et mélancolique de l’histoire, sa douceur et sa dureté à la fois, son rythme lent et entêtant à la fois.

Les histoires de ce tome nous emmènent à côtoyer des gens qui ont provoqué la malédiction d’autres malgré eux ; des hommes et femmes qui ont perdu quelqu’un de cher et ne parviennent pas à tourner la page ; des élèves très attachés à leurs maître ou encore des personnes avec un beau sens du sacrifice. On se retrouve face à des personnes mises à l’écart, d’autres qui se sentent terriblement seules, certaines qui ont un attachement immodéré envers les autres et sont prêts à tout pour elles ou des gens qui ne veulent pas oublier leur passé. Les histoires évoquent petit village ostracisant, malédiction étrange, bord de mer brumeux, destins tragiques, dureté de la culture du riz et autre objet ancien traditionnel japonais comme cette pierre à encre et surtout on découvre un pan du passé du héros.

Être assez mystérieux depuis le début qui nous sert surtout d’objet transitoire avec les esprits qu’il côtoie et nous fait découvrir, il prend une matérialité certaine ici avec le récit de son passé et de la manière dont il a hérité de son titre. C’est à l’image de la série, dur et terrible, doux-amer et tragique, avec une mélancolie puissante et la thématique du maître et de la l’élève, mais aussi de la malédiction involontaire. J’ai été totalement emportée jusqu’au bout !

Sans surprise, cette balade dans le folklore japonais ancien aux côtés d’un chasseur d’esprit nonchalant continue de me charmer par sa mélancolie et sa poésie douce-amère. C’est émouvant, c’est tendre, souvent terrible mais toujours poignant. Chaque histoire a sa propre magie et celle-ci me pénètre de plus en plus. Je suis totalement sous le charme de ces pérégrinations pourtant souvent tragiques.

Tome 4

Je continue à chaque tome, avec bonheur, mon voyage sur les chemins sombrement enchantés de ces forêts japonaises peuplées de créatures offrant des aventures douces-amères à ceux qui les croisent.

Mushishi est vraiment une lecture qui se déguste au fil des mois et des saisons, à un rythme lent et entêtant, avec nostalgie et mélancolie. Ce n’est pas une lecture addictive mais une lecture où on prend plaisir à y retourner tranquillement à chaque fois pour découvrir la nouvelle histoire qui nous attend et les nouveaux drames en jeu auxquels notre héros va être confronté comme témoin indirect.

Dans ce nouveau tome aux couleurs de l’automne, cinq nouvelles histoires nous attendent, cinq nouveaux moments où notre coeur se brise et se rassemble, cinq nouvelles découvertes du folklore japonais et de ses mushi. Comme souvent cinq beaux moments avec peut-être une légère préférence pour l’une des histoires mais tout de même cinq très belles rencontres.

Le tome s’ouvre avec l’histoire de deux soeurs jumelles vouées aux mushi dont l’une a disparu par mégarde suite à une erreur de la première. L’occasion de découvrir comment notre héros Ginko reçoit des nouvelles et d’aller à la rencontre de celle lui permettant de rester en contact avec le monde, tout en plongeant dans son propre drame à elle. La deuxième histoire, tout aussi triste, parle également d’une tragique séparation, celle d’un couple qui a tenté de fuir leur village où on voulait imposer le mariage à Hana, malheureusement la fuite ne se passe pas bien et même si Hana semble de retour, ce n’est pas vraiment elle. Le portrait parfait des amants maudits. Un thème qui reviendra dans la quatrième histoire, ma préférée où on suivra un couple étrange vivant dans une bambouseraie sans pouvoir en sortir, madame étant une enfant du bambou. Une fin poignante mais pleine d’espoir pour une fois. Les deux autres histoires s’intéressent à des groupes d’enfants et comme toujours, je trouve cela charmant et touchant. Il est d’abord question d’un frère qui fait tout pour aider sa soeur avec qui il vit seul, quitte à aller un peu trop loin dans ses relations avec les mushi. L’autrice offre une charmante parenthèse à Ginko ici, qui semble avoir trouvé sa place un temps avec cette petite famille. Puis la dernière histoire, comme parfois, est un extrait de l’enfance de Ginko où on découvre la rencontre de deux de ses amis d’autrefois autour d’une montagne un peu magique. C’est mignon tout plein.

Occasion faite à chaque fois, on rencontre certes de petites créatures fantastiques venant semer le désordre malgré elles, mais on fait surtout la connaissance d’hommes et de femmes, d’enfants, charmants et touchants dont les histoires nous touchent et nous bouleversent. Que ce soit un amour déçu, la perte d’un être cher, une situation de rejet ou au contraire la rencontre enfin avec quelqu’un qui nous comprend, chacun est brut, simple et émouvant dans l’expression de ses sentiments. C’est dessiné superbement grâce au trait fantastique de Yuki Urushibara chez laquelle on sent toute la texture et l’épaisseur de ce voile mystérieux issu du folklore et de la nature japonaise. J’adore.

Mélancoliques et nostalgiques à souhait, ces nouvelles histoires m’ont encore une fois émue, charmée et bouleversée parfois. L’autrice capture merveilleusement cette ambiance d’un autre temps et quasiment d’une autre dimension avec le voile fantastique dont elle la recouvre. C’est beau, poétique et souvent dramatique. Les amours, pertes et découvertes de ces héros du quotidien ne peuvent laisser insensible.

Tome 5

Dans Mushishi, il y a des tomes plus romantiques, d’autres plus familiaux et pour finir certains justes intimes, mais toujours ils sont dramatiques et celui-ci n’y coupe pas avec ses cinq nouvelles histoires dont trois m’ont bouleversée.

A chaque lecture, c’est un réel plaisir de retourner dans l’ambiance hors du temps de Mushishi et de se remettre dans les pas de Ginko sur les chemins montagneux et parfois côtiers de ce Japon d’autrefois, pétri et nourri de légendes. Les histoires sont toutes à la fois différentes et similaires avec cette symbiose volontaire ou non avec la nature, mais surtout avec ce voile dramatique qui recouvre à chaque fois les récits. Pas une histoire n’y résiste, il y a dans chaque une aura de tristesse mais c’est aussi ça qui rend le titre si beau.

Quatre des cinq histoires de ce volume, qui pourrait presque être un recueil au fond comme l’ensemble de la série, se tournent vers des familles chamboulées par la présence de mushi. Dans l’une on parle de la relation d’un fils avec sa mère, d’une fille avec son père, d’une fille avec sa mère et d’un frère avec sa soeur puis sa nièce. Les relations filiales sont vraiment au coeur de ce volume pour ma plus grande joie, car je trouve que l’autrice y met encore plus de sincérité et d’émotion.

J’ai ainsi été très touchée par le premier récit, celui d’une fille ayant perdu sa mère, qui la voit revivre, grâce à un îlot mystérieux, dans la fille à qui elle donne naissance. Cette gestion poétique et fantastique du deuil concernant une île toute entière était poignante, et le message sur l’identité de chacun, très fort. J’ai eu une seconde bouffée d’émotion à la fin du volume avec l’histoire d’un jeune garçon dont la mère perd la mémoire. Sorte de fable sur la maladie d’Alzheimer qui touche tellement de nos proches, c’était bouleversant de le voir si doux et bienveillant avec elle. Il y eu également un poignant moment avec ce frère artiste parti loin de chez lui pour réussir qui revient trop tard une fois sa chère soeur, qui a tant fait pour lui, disparue et qui va s’occuper de sa nièce un peu attardée. L’autrice y soulève des sujets délicats avec une belle finesse et une jolie morale finale. Enfin, dans un registre un peu différent, l’histoire de la joueuse de biwa aveugle mais qui y voit trop bien à son goût, peut-être à l’image de son instrument, était langoureusement mélancolique et dramatiquement poignante, rappelant bien l’importance de vivre le moment présent et non de s’attarder sur un passé déjà vécu qu’on ne peut changer et un futur qui n’a pas eu lieu et sur lequel on n’a pas de prise non plus. Philosopher avec Yuki Urushibara, c’est vraiment quelque chose !

D’ailleurs retrouver son ambiance poétique est aussi superbe grâce aux dessins soyeux et riches en détails qu’elle nous offre tel un don du ciel pour plonger dans ces moments et lieux hors du temps. Sa représentation fantasmée d’une nature au plus proche de ses légendes mais aussi de ses habitants est simple mais riche et envoûtante. Sa représentation du fantastique foisonne de détails et d’idées, le rendant très proche de nous, ce qui est à la fois fascinant et inquiétant. Quel trait vraiment magique ! Et que dire de sa représentation soignée et fine des émotions complexes des gens qu’elle croise. Son seul défaut est un manque de diversité parfois dans le trait, ce qui fait qu’on a l’impression d’avoir croisé mille fois les personnages ^^!

Envoûtant, enchanteur, merveilleux, Mushishi continue de me charmer avec ses âpres histoires de la vie où les mythes et légendes viennent régulièrement chambouler les personnages. Heureusement Ginko passe par là et aide à soigner ou épauler ses coeurs meurtris quand c’est possible. Chaque tome offre ses histoires douces, poignantes et touchantes où l’expression dramatique de ce fantastique si proche de la nature est superbe ! On en redemande.

Tome 6

Pas de changement sur les chemins de Ginko le mushishi, c’est toujours aussi beau, émouvant et dramatiquement touchant de découvrir les chemins de vie qu’il vient à croiser sur sa route. Voici vraiment une série enivrante.

Comme à chaque fois, voici 5 nouvelles histoires, 5 nouvelles rencontres, 5 nouvelles personnes ou duos en détresse que Ginko va tenter d’aider au cours de ses pérégrinations sur les chemins du Japon profond. C’est beau, c’est fantastique, c’est mélancolique et souvent un peu triste mais cela donne toujours aussi une pointe de sourire.

J’ai eu le sentiment dans ce tome d’histoires qui étaient peut-être plus orientées vers la nature et le lieu où elles se déroulaient qu’autrefois. L’autrice nous propose ainsi d’abord un voyage des plus singuliers sur les côtes japonaises entre fil de mushi qui pend du ciel et enlève des personnes et coquillages aux chants étranges et envoûtant. Elle repart ensuite à l’intérieur des terres et c’est cette fois un mushi chasseur qui hante une forêt à travers son hôte humain, un lac gelé et une neige meurtrière et pour finir un saké des plus singuliers. Chaque histoire est l’occasion de célébrer et effrayer un peu aussi avec cette symbiose nature – légende, nature – créature.

Mais les rencontres sont tout aussi saisissantes. Comment ne pas être émue par ce villageois qui veut à tout pris épouser la nourrice de son frère malgré les récriminations de sa famille et malgré la disparition de celle-ci qu’il attend et attend. Il y a des pages d’une rare poésie à la fin. Comment ne pas être touchée par ce père endeuillé, éploré, qui reporte toute sa affection sur sa fille se repliant sur lui-même, mais dans l’adversité sait faire marche arrière et pardonner. Comment ne pas frissonner pour ce jeune garçon dont le frère est en train de s’éloigner de lui, gagner par la démence meurtrière du mushi qui l’habite, qui avait déjà touchée leur père. Comment ne pas trouver poignant ce frère qui n’arrive pas à surmonter la perte de sa soeur dans un lac gelé ou point lui-même de risquer sa vie. Comment ne pas s’attendrir devant ce jeune homme qui souhaite produire un saké à la hauteur de celui de son père qu’il aime tant.

La série est vraiment pétrie de beaux et bons sentiments, simples mais allant droit au coeur avec des personnages auxquels on peut s’identifier malgré le temps et la distance. Le fantastique est un support merveilleux à leurs émotions et l’autrice montre combien le drame et la noirceur peuvent être un creuset à des révélations plus simples et humaines. C’est une merveille à savourer lentement, tranquillement pour s’en imprégner.

Série à côté de laquelle j’étais passée autrefois, je me régale vraiment désormais de chacun de mes rencontres avec Ginko et les gens qu’il aide. Ce sont de superbes compositions fantastiques et humaines où cette fois la nature vient encore plus imprégner ces histoires de rencontres terriblement poignantes et touchantes. Petit coup de coeur pour le fil tombant du ciel et le lac gelé ici. J’ai également beaucoup aimé le saké « divin » venant percuter une rencontre de mushishi en mode Panoramix et réunion de druides. Savoureux !

Tome 7

A l’image de sa couverture très fleurie où l’autrice se fait plaisir à dessiner ses chers cerisiers en fleurs, elle nous fait plaisir avec un nouveau tome encore très proche de la nature où Ginko a fort à faire.

Avec quatre nouvelles histoires, car l’une d’elle court cette fois sur 2 chapitres, une première je crois !, elle nous replonge avec merveille dans cet univers fantastique qu’on a appris à chérir avec elle. Par sa douceur âpre, par son onirisme, elle nous a totalement conquis au fil des tomes et des histoires et on en redemande à chaque fois, s’interrogeant sur le nouveau destin qu’on va croiser.

Cette fois, c’est au rythme de sombres secrets familiaux ou d’amours déçus que la lecture va se mener avec émotion et poésie. La première histoire reprend cette figure mythique du cerisier japonais. La deuxième met en scène un lac gelé. La troisième, elle, utilise un phénomène naturel : la foudre. Seule la dernière se détache avec son attachement à parler d’un autre mushishi et de sa famille bien particulière.

Chaque histoire est toujours terriblement poignante, que ce soit avec une famille qui élève depuis bien longtemps un drôle d’être qu’ils ne veulent pas laisser mourir ; avec un enfant qui ne parvient pas à se faire aimer de sa mère qui ne l’a pas désiré, le pauvre ; ou avec une jeune femme blessé par son amant parti loin d’elle ; sans oublier un mushishi contraint à le devenir alors qu’il n’aurait peut-être pas dû. L’autrice n’aime pas les histoires faciles. C’est dans la complexité qu’elle trouve la beauté et on la comprend bien quand on voit les émotions qui nous saisissent. Comment ne pas s’émouvoir pour ce petit garçon qui fait tout pour protéger sa maman qui ne le voit même pas ? Comment ne pas avoir mal pour ce jeune forcé à devenir quelque chose dont il ne rêvait pas ? L’autrice aime montrer la rudesse des adultes sur les enfants et elle y réussit bien, nous tordant le coeur.

Pour autant, ce n’est pas que drame. Il y a de l’humour, un peu, dans la troisième histoire avec cette fille amoureuse, un peu volage et amoureuse de l’amour en fait. Il y a du répondant dans cette dernière histoire dénonçant les vocations forcées. Il y a de la critique mais de l’espoir dans le destin de ce petit garçon mal aimé et rejeté par sa mère qui trouvera le bonheur ailleurs. Elle n’oublie pas non plus la nature et celle-ci fait autant rêver que frissonner : le cerisier de la première histoire blesse autant qu’il fait renaître, le lac de la deuxième est peut-être celui qui est le plus malheureux, la foudre elle n’est que l’expression de la douleur du héros de cette histoire. Et il y a cette dernière histoire, différente, qui permet de développer un peu l’univers des mushishi en en montrant un autre, assez différent de Ginko, avec une autre genèse fort intéressante, que j’aimerais bien voir développée.

Voici donc un nouveau tome enchanteur dont les histoires m’ont encore tour à tour charmée, fait frissonner, amusée également parfois et révoltée. Il y en a vraiment pour tous les goûts mais avec à chaque fois la même belle aura fantastique et émouvante. Yuki Urushibara capture aussi bien la majesté de la nature que la complexité des émotions qui nous animent. Une superbe série bien trop méconnue.

Tome 8

Cette anthologie du fantastique des campagnes japonaises continue de me séduire par sa force tranquille et son ambiance douce-amère entêtante. Les histoires passent, l’émotion reste.

Avec un tome à la couverture très hivernale, de saison donc pour moi qui le lit en janvier, l’autrice nous invite à plonger dans des histoires très aqueuses cette fois, où l’eau sous toutes ses formes jouera un rôle clé dans les malédictions pesant sur les êtres qu’on rencontre. Avec poésie, elle va nous conter les destins souvent un peu tragique mais toujours fort beau et émouvant dont Ginko est spectateur et parfois soignant. Toujours pas de fil rouge, juste la vie, des rencontres.

Cela devait être un pur bonheur pour les lecteurs japonais de retrouver périodiquement les chapitres de Mushishi lors de leur prépublication tant le format des histoires s’y prête. Nous, à lire par volume, on y perd un peu, alors j’essaie d’étaler au maximum ma lecture en n’enchaînant pas les tomes, mais ce n’est pas pareil. Mushishi ça se savoure une fois de temps en temps, pour prendre plaisir à revenir dans cet univers, à se laisser couvrir de cette ambiance et bercer par les destins tragiques croisés.

Dans ce tome, je me répète, mais c’est 5 chapitres, 5 nouvelles histoires. Pas de fil rouge ou de développement de l’univers cette fois, juste des rencontres au gré du voyage de Ginko et un chapitre le concernant. Il s’agit de croiser avec émotion une petite famille qui vit dans l’abondance grâce au travail incessant du père dans les terres avoisinantes, mais cela est grâce à une terrible malédiction qui m’a serrée le coeur. Il y a également cette enfant, orpheline de mère, trop attachée à sa nourrice qui ne parvient pas à couper le lien et navigue sur des canaux métaphoriques pour la retrouver sans cesse. C’était touchant et mignon. Plus triste, l’histoire de cette femme amenant partout la pluie où qu’elle passe et n’osant s’installer nulle part car ça cause plus de désagrément qu’autre chose, elle le sait, elle l’a vécue. Enfin, assez rude, il y a le mystère autour de cet homme touché différemment des autres villageois par une malédiction de la montagne d’à côté. Il a fait quelque chose de terrible pour mériter cela.

L’autrice joue sur les émotions et varie les histoires, les ambiances, les rencontres. Elle s’offre même une petite pause le temps d’un chapitre où son héros se perd dans le temps et une montagne enneigée. C’est juste beau. C’est simple, sans fioriture. On peut avoir l’impression qu’il ne passe pas grand chose, mais il y a toujours une nouvelle créature, de nouveaux êtres à croiser, de nouveaux sentiments qui s’animent et débordent et c’est juste beau. Les dessins de Yuki Urushibara sont superbes, oniriques, doux, entêtant. C’est vraiment un gros regret que de ne pas avoir les versions en couleur quand ça devrait être le cas, car on sent la poésie de leur aquarelle. Si seulement…

Emotion et poésie sont encore et toujours au rendez-vous de ces nouvelles rencontres dans un tome très porté sur l’eau. Des histoires tantôt douces, tantôt poignantes, tantôt plus rudes, mais toujours une belle et riche atmosphère qui nous saisit et ne nous lâche plus. Avis aux amateurs de fantastique simple mais onirique. Petites préférences pour l’histoire de la malédiction familiale et de la fille porteuse de pluie. Plus prix de l’audace pour la terrible dernière histoire et sa morale.

Tome 9

Avec une régularité sans faille, Yuki Urushibara nous plonge à chaque tome dans les histoires poignantes de ces hommes, femmes et enfants victimes de la vie matérialisée ici par d’étranges, singulières et bien silencieuses créatures.

Le chemin de Ginko continue de se paver de rencontres puissantes et marquantes qui fondent pourtant son quotidien tout sauf banal. En cheminant à ses côtés, tandis que lui garde la tête froide, notre coeur, lui, est saisi d’émotion, d’effroi, de peur mais aussi de tendresse et on plaint et s’émeut.

Les nouvelles histoires de ce tome était encore superbe. Avec une poésie certaine, l’autrice va par exemple imaginée une histoire mettant en scène une mamie souffrant d’Alzheimer ou une maman qui a fait une sorte de dénie de grossesse après un deuil. Elle évoque aussi la peine à ne pas être un enfant désiré lorsqu’il y a remariage ou encore la peur de se perdre et de décevoir. L’onirisme des créatures fantastiques que sont les mushi sont l’occasion d’aborder ces thèmes très durs. C’est puissant.

La beauté du trait de l’autrice accompagne donc magnifiquement ces moments plein d’émotion. On est émue par ce fantastique doux et cruel pourtant sous ses pinceaux. Elle a une grande virtuosité pour représenter l’emprise de ces maux sur nous, matérialisés ici par ces petites bêtes qui s’emparent de nous, nous contaminent, nous changent et sont si difficiles à éliminer. Une belle métaphore de la vie et des troubles mentaux et physiques. D’ailleurs son trait n’est jamais aussi beau que dans les tableaux où ses personnages sombrent dans l’abîme ou s’élèvent de celle-ci. Chute et ascension rythme ses tableaux, tout comme ils rythment notre quotidien. Superbe.

Sans surprise, ses cinq nouvelles histoires m’ont donc saisie en plein coeur. Émotion, tristesse et peine m’ont accompagnée lors de cette lecture, des émotions douloureuses mais nécessaires et humaines. Avec en prime cette vision métaphoriques de la vie, l’autrice m’a bien chamboulée ici. Mention pour l’histoire de la mamie – Alzheimer et de la maman au petit garçon différent. C’est tellement bien fait.

Tome 10 – Fin

Je n’ai pas pu résister bien longtemps à l’appel du charme de cet ultime volume d’une série qui m’a envoûtée de bout en bout.

Je regrette certes un format un peu épisodique. J’aurais aimé peut-être un fil rouge, peut-être croiser d’autre mushishi et élargir ainsi cet univers. Mais en même temps, le huis clos proposé par l’autrice avec Ginko comme seul héros qui nous emmène d’une histoire à l’autre avait du sens et portait un grand charme. Il rappelait un peu ces médecins itinérants, ces pharmaciens voyageurs, que j’avais découvert dans Père & Fils. C’est un charme désuet qui me parle.

Maintenant, laissons parler l’autrice qui a des mots très justes sur son oeuvre et ce qu’elle porte comme valeur : « Exprimer avec des mots ce souhait peut le faire paraître exagéré, mais je voudrais croire que tous les hommes sont reliés par leurs racines. Dans une partie de nos racines résident les récits folkloriques, le merveilleux et les légendes. Si l’on éprouve de la nostalgie quand on entend un conte, ou quand on voit un paysage, alors que c’est en principe la première fois, c’est sans doute à cause de cela. Ce n’est pas pour autant que nous pouvons nous comprendre mutuellement, mais c’est tout de même une lumière qui nous éclaire. »

Elle résume ici toute son oeuvre et tout ce dernier tome où les rapports des hommes et femmes croisés avec la nature et les mushis qui viennent les parasiter est plein de nuances. L’ultime histoire, notamment, est d’une belle complexité, rendant à la fois hommage à la nature et à nos rapports compliqués avec celle-ci, posant la question de nos obéissance, soumission à elle, mais aussi aux blessures qu’elle subit à cause de nous et pour finir se faisant l’écho de l’appel de l’autrice à une entente en bonne harmonie. Un très beau moment.

Les autres histoires ne sont pas en reste et sont un très beau dernier hommage à sa passion pour le folklore et les légendes. La première histoire est particulièrement marquante à ce sujet avec sa robe de « nymphe céleste », mais la seconde aussi avec cet homme-camphrier. J’ai tout de même une certaine inclination pour celle revisitant « le jour sans fin », un sujet que j’ai toujours beaucoup apprécié, traité ici simplement et avec émotion. A chaque fois, l’autrice se sert de ces émotions simples de la vie de tous les jours, celles régissant nos relations sociales et plus particulièrement familiales. Et l’air de rien, cela touche en plein coeur, que ce soit avec un père qui a peur de perdre son fils, un homme effrayé par la maladie surprenante qui le gagne, un homme désespérément amoureux de sa femme ou un frère très attaché à sa soeur. Tout repose sur des sentiments très simples et pourtant tout est fin, percutant. C’est du grand art !

C’est sur ces sentiments de paix et de profondeur que se clôt cette visite de la nature et de l’humain à travers le prisme fantastique et folklorique du filtre choisi par Yuki Urushibara. Ce fut un merveilleux voyage, parfois tendre, parfois âpre mais toujours émouvant, avec des réflexions intenses sur la nature de nos relations avec les autres et avec nous-même. Je suis ravie d’avoir osé redonner sa chance à ce titre passé inaperçu chez moi. C’est vraiment le genre de lecture philosophique dans laquelle j’aime me perdre, réfléchir et voyager. J’espère que nous aurons d’autres titres de l’autrice car avec celui-ci Flow et Underwater, c’est carton plein chez moi !

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6 commentaires sur “Mushishi de Yuki Urushibara

    1. Je te comprends, j’aime aussi quand les histoires sont un peu plus longues, mais je me satisfais déjà grandement de ne pas couper les histoires en plein milieu quand arrive la fin du tome ^^!
      J’espère que tu pourras le trouver pour te faire une idée 😉

      Aimé par 1 personne

      1. Je te comprends c’est frustrant quand on est pas autant enthousiaste que la majorité alors qu’on a l’impression que ça peut être fait pour nous
        J’espère que tu auras le temps de lire la suite alors!

        Aimé par 1 personne

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