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Les Chevaux célestes de Guy Gavriel Kay

Titre : Les Chevaux célestes

Auteur : Guy Gavriel Kay

Traduction :  Mikael Cabon

Éditeur : L’Atalante

Année de parution : 2014

Nombre de pages : 649

Histoire : Pendant deux ans, au cœur des montagnes entourant le lac Kuala Nor, loin à l’ouest de la cité impériale, et même au-delà des frontières de l’empire de la Kitai, le jeune Shen Tai, seul au fond d’une cabane isolée, a écouté, dans l’air dur et froid des nuits de lune et des nuits noires, les voix des fantômes des soldats morts pendant la violente bataille qui s’est déroulée à cet endroit. Afin d’honorer la mémoire de son père, le général Shen Gao, qui était à la tête des soldats de l’empire, c’est en ces lieux maudits qu’il s’est voué corps et âme à la pénible tâche d’enterrer les os de tous les combattants.
Alors que Tai prépare son retour vers la cité impériale et la cour, tout aussi dangereuse que magnifique, de Taizu, l’Empereur de la Kitai, un émissaire de l’empire Tagur, la nation rivale, lui apporte une nouvelle surprenante : Chen-Wan, l’une des épouses de Sangrama le Lion, empereur du Tagur, lui a offert, pour le remercier de sa tâche, un présent. Or, celui-ci est d’une telle ampleur qu’il peut changer le visage même de l’empire de la Kitai… ou mener Tai à une mort certaine.

Mon avis :

Retrouver Guy Gavriel Kay, c’est toujours retrouver une plume magique mais une plume exigeante, je mets donc du temps chaque fois à y revenir, même si j’adore ses ambiances et ses histoires. Après l’Italie de Tigane, l’Espagne de Sarance et l’Afrique des Lions d’Al-Rassan, place à l’Asie avec la duologie des Chevaux célestes puis du Fleuve céleste.

Avec le manga Kingdom, j’ai pris plaisir à découvrir une version très romancée du passé trouble de la Chine, mais c’était entre les IV et IIe siècles avant J.C (à la louche). Ici, l’auteur visite une autre époque, celle de la dynastie Tang, au VIII siècle et il le fait lui aussi avec brio, mais à sa façon. Là où Hara est tout feu tout flamme dans Kingdom, Kay est plus feutré et tranchant dans Les chevaux célestes, mais il nous entraîne lui aussi dans une reproduction très fidèle de cette époque lointaine.

La lecture des Chevaux célestes est cependant une lecture exigeante. Sous couvert de nous plonger dans le quotidien de la dynastie Tang et son souverain d’alors Taizu, empereur d’un territoire nommé Kitai, il nous entraîne dans les méandres complexes de la politique d’alors et ce n’est pas simple. J’ai d’abord eu du mal, mais cela m’est propre, à retenir les noms des personnages et lieux cités et ce même s’il y a un index (incomplet) des personnages au début et une carte (incomplète et maladroite). Puis comme l’auteur nous entraîne sans préambule dans quelque chose d’établi, sans préambule, je me suis parfois sentie un peu bousculée et perdue. Cependant, quand j’ai commencé à reprendre pied, ce fut fascinant.

J’ai adoré suivre le récit choral de cette intrigue de changement d’ère. On y suit en parallèle le poétique Tai, le deuxième fils d’un grand général Kitai, qui après avoir passé deux ans à enterrer des cadavres pour rendre hommage aux morts, se voit offrir 250 chevaux de qualité par le peuple voisin et rival, les Tagur, le moyen pour lui d’entrer dans la politique complexe de la Cour de son royaume. Il est aussi question de son ancienne amante Bruine-de-printemps qui va pénétrer dans les plus hautes sphère et s’éloigner ainsi de celui qu’elle aime malgré elle. Enfin, nous allons entendre la voix surprenante de Li-Mei, jeune soeur de Tai, envoyé en pâture au pays « sauvage » voisin Bogü mais qui aura un destin hors du commun.

Kay donne une teinte très poétique et tragique à chacun de ses personnages, ce qui rend la lecture très douce et grise à la fois, chacun louvoie comme il peut dans sa vie et son royaume pour tenter de survivre et sortir son épingle du jeu, dans ce jeu complexe de la Cour impériale. Il est souvent question de rêves et désenchantements mais c’est ce qui rend la lecture si touchante. Les lecteurs des Carnets de l’apothicaire auront l’impression d’une lecture similaire mais sortie du huis clos de son harem pour aller sur les routes du royaume, dans les rues de la capitale et les couloirs du palais. C’est encore plus puissant. Cela donne une ambiance feutrée saisissante et en même temps tranchante car tout le monde risque sa peau dans ce monde de complots mouchetés, le règne de l’Empereur de Kitai étant sur la sellette.

Je trouve que Kay prend parfois trop de chemins de traverse en revanche pour nous le conter. La forme prend parfois trop le pas sur le fond. A vouloir nous immerger dans cette époque, il nous décrit par le menu comment on y vit, pense, jouit, meurt et ça fait perdre de son allant au récit par moment même si ça renforce aussi sa crédibilité. Il faut donc savoir se montrer patient pour laisser l’histoire se décanter et venir jusqu’à nous, pour comprendre le sens de ces chevaux célestes, le rôle à jouer par Tai et sa soeur Li-Mei, et les rencontres que chacun fait, mais qui sauront assurément nous marquer, comme cette garde du corps – assassin protégeant Tai et rappelant l’impression Kyoukai de Kingdom. Il faut savoir se laisser porter par les événements pour dénouer le sens de cette révolte de salon qui se met en place, puis de rébellion ouverte à laquelle on n’assiste pourtant jamais véritablement, l’auteur préférant se cacher dans les coulisses de l’histoire, comme au théâtre.

J’ai beaucoup aimé l’ambiance singulière de cette histoire qui, comme souvent chez l’auteur, n’est pas là où on l’attend. Il y a beau y avoir une révolte et une guerre civile qui gronde, des territoires voisins qui n’attendent un signe pour passer à l’action, l’auteur ne joue pas la carte guerrière. Certes il y a bien quelques attaques, quelques tentatives d’assassinats, on parle de la guerre et ses conséquences sur les personnages et la population, mais on s’en tient assez loin dans l’ensemble et l’auteur fait un pas de côté, préférant montrer les conséquences morales sur ses personnages et leurs cheminements de pensées pour aller vers un monde plus apaisé. Rien n’est simple avec lui, rien n’est blanc ou noir, tout est extrêmement nuancé, à l’image de ses personnages ou des entités de l’histoire qui ne sont jamais ce qu’ils semblent être. C’est fascinant mais complexe à lire et assimiler parfois.

Comme avec Tigane, j’ai été fascinée par cette nouvelle lecture, cette nouvelle ambiance, ce nouveau décor. La lecture s’en est révélée plus résistante mais peut-être plus poétique. Kay y fait oeuvre d’équilibriste, entre fiction et Histoire, entre hommes et femmes, entre calme et tempête. Ce n’est pas une voie facile mais la récompense est belle au bout du chemin et ce fut un réel plaisir de suivre les destinées de Tai, Li-Mei et Bruine-de-Printemps dans ce bout lointain de la Chine médiévale en plein bouleversement sous la plume d’un Kay qui fait un joli pas de côté plein de nuances de gris. Après les cabrements des chevaux, j’ai hâte de voir les tourbillons du fleuve dans le prochain volume de cette histoire.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Apophis, Avides lectures, Bibliocosme, Blackwolf, Linetje Lorkhan, Lutin, L’Ours inculte, Steven, Xapur, Vous ?

 

8 commentaires sur “Les Chevaux célestes de Guy Gavriel Kay

  1. Il est vrai que cette lecture n’est pas des plus légère et reposante mais pour autant, j’ai adoré la justesse de cette revisite historique ! Comme toi, j’ai été sensible au lyrisme de sa plume qui, il est vrai, se veut parfois des plus contemplative, ce qui m’a plu énormément.

    Je suis ravi de voir que malgré quelques manques, tu as passé une excellente lecture 🙂

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  2. Je n’ai jamais lu cet auteur, mais plusieurs de ses livres sont dans ma WL et celui-ci est celui qui me fait le plus envie. Tu m’encourages à franchir le pas dans un avenir pas trop lointain 🙂

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