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L’Abomination de Dunwich de Gou Tanabe et H. P. Lovecraft

Titre : L’Abomination de Dunwich

Auteurs : Gou Tanabe et H. P. Lovecraft

Éditeur vf : Ki-Oon (seinen)

Année de parution vf : Depuis 2023

Nombre de tomes vf : 2 / 3  (en cours)

Résumé : Dunwich, village en déliquescence aux confins de la Nouvelle-Angleterre, fait l’objet de nombreuses rumeurs. On dit que les cercles de monolithes au sommet de ses collines étaient jadis le théâtre de rites terrifiants… En 1913, la naissance de Wilbur est un mystère de plus sur cette terre maudite. Sa mère est une albinos aux airs de sorcière, et l’identité du père est tenue secrète par le patriarche Whateley, qui assure qu’il s’agit d’un être supérieur, différent de tout ce qu’il connaît…
Les voisins le croient fou, néanmoins le faciès animal du jeune garçon semble appuyer ses dires. Sans compter qu’il grandit à une vitesse fulgurante… À dix ans, il se met en quête d’un ouvrage ésotérique, le Necronomicon, dont il s’enquiert auprès de diverses bibliothèques. Le professeur Armitage de l’université Miskatonic, intrigué par cette demande, se rend sur place pour le rencontrer. L’intelligence de Wilbur l’impressionne, mais quand il voit les murs de l’étage se déformer sous l’effet d’une puissance inconnue, il repart la peur au ventre ! Quelles monstruosités se cachent chez les Whateley ?

Mon avis :

Tome 1

Retour percutant de Gou Tanabe avec le fascinant Abomination de Dunwich, adapté après Le Cauchemar d’Innsmouth qui était lui-même déjà glaçant et qui semble terriblement bien prendre la relève.

Dans le Cauchemar d’Innsmouth Lovecraft et Tanabe nous plongeaient dans une ville sinistre dont personne ne sortait indemne. Ils reprennent un peu ce motif avec l’Abomination de Dunwich où cela se transforme en petite propriété perdue dans un ville à mauvaise réputation dans une Amérique en pleine décadence à cause de la consanguinité. Malaise assuré !

J’ai beaucoup aimé retrouvé le haut sens de l’adaptation de Gou Tanabe qui nous glace d’effroi dès les premières pages avec des pages marquantes et en reprenant ce chemin du narrateur extérieur, curieux, conduit à cette demeure étrange et nous emmenant à la rencontre de ses habitants, avant que l’on découvre encore plus leur étrangeté. L’ambiance datée est parfaitement retranscrite, l’ambiance poisse et malaisante également grâce à ses dessins crasses où l’horreur semble couler des pages. C’est un mélange de fantastique et d’approche du body horror des plus saisissant qui prend aux tripes et à la gorge.

L’auteur n’innove pas pour autant. Lovecraft décline des motifs connus dans son oeuvre avec cette vision très misérable de la campagne, avec ces maisons des horreurs, avec ce côté mystique également qu’il rapproche ici sur mysticisme et de la sorcellerie, avec cette image de la campagne inculte et rugueuse. La figure d’autorité, elle, vient dans un premier temps de la ville. Cependant il bouscule ses habitudes et nous propose cette fois un héros aussi malaisant qu’intelligent, étrange et singulier en la personne de Wilburn, dont on va retracer l’étrange parcours de vie.

Plonger dans le récit de son passé, de son naissance à l’âge adulte, c’est enchaîner les moments étranges et dérangeants. Le mangaka le fait à merveille avec ce dessin très sombre, très incarné, très proche de la chair. Il pratique une horreur où rien n’est réellement montré et où tout est suggéré, ce qui ce qui se fait de mieux pour nous effrayer et il ne nous épargne pas. La naissance dans la fange de Wilburn donne le la. Puis, ce sont ses années d’apprentissage rapportées de manière singulière par les habitants du village voisin ne comprenant pas grand-chose à cet être et cette famille étrange, et enfin les drames qui s’enchaînent et les mystères qui augmentent. Notre attention est captive de cet antre et cet être mystérieux.

J’ai beaucoup aimé le fantastique utilisé ici, qui reprend des thématiques de Lovecraft comme le Necronomicon, mais qui s’inscrit également dans une lignée plus classique avec ces pierres dressées et ces rituels de sorcelleries. Il y a du démon dans l’air, du satanisme même quand on lit entre les lignes. C’est sombre et glauque à souhait, mais aussi triste et dramatique, car on en vient à plaindre le grand-père taiseux et trop grand de Wilburn, ainsi que sa mère au regard de folle, et même ce héros au corps si étrange qu’il ne peut que détonner, en plus de sa croissance et son intelligence surnaturelles. J’ai été totalement happée et mal à l’aise en même temps.

Oeuvre promise en trois tomes, l’Abomination de Dunwich si elle continue dans cette lignée, se promet d’être parmi mes préférées des auteurs tant elle me fascine et me glace d’effroi. J’aime ce dévoiement des motifs de Lovecraft. J’aime ce dessin et cette ambiance poisseuse. J’aime ce mélange de mythes anciens (sorcellerie, satanisme) et moderne (Necronomicon). L’ensemble est étrange et fascinant, écrit avec une mélodie triste et entêtante dont on peine à se sortir. C’est un véritable envoûtement macabre des sens.

Tome 2

Lecteurs à la recherche de lectures horrifiques bien frissonnantes et dérangeantes, cette série est faite pour vous surtout avec le dessin très organico-gore de Gou Tanabe. Dégoût garanti !

Tout d’abord, petite alerte, regardez bien votre tome. Le mien est défectueux avec un cahier final glissé entre les pages 30 et 50, oups ! Déjà que l’histoire n’était pas simple à suivre, je comprends pourquoi j’étais encore plus perdues… ^^!

Pour revenir à l’histoire, nous suivons toujours avec effroi et passion la destinée de celui considéré comme l’abomination du petit hameau de Dunwich : Wilbur, un garçon, un être qui a grandi extrêmement vite et développé une intelligence hors du commun, en plus d’un intérêt étrange pour le fameux Necromicon, ouvrage sur les premiers occupants de la Terre, ses êtres de terreur qu’étaient les Anciens. Sa passion va l’entraîner et le conduire bien trop loin.

C’est toujours avec la même fascination morbide que j’ai poursuivi les aventures de cette nouvelle adaptation d’un récit de Lovecraft qui va peut-être encore plus loin que d’autres dans l’horreur proche de nous, palpable, vécue, qui mélange mythologie, légende urbaine et manifestation à la poltergeist mais de manière bien plus organique, puante et dégoulinante. C’est glaçant d’effroi. On en frissonne véritablement.

Avec sa narration immersive et lente, l’auteur nous pénètre de ce récit étrange, nous conduisant dans des lieux qui pourraient être familiers pour mieux les travestir et les rendre effrayant. Il s’y passe toujours des choses étranges venant tordre, littéralement, la réalité dans ce tome et c’est effroyable. Cela va de la bibliothèque, en passant par son ancienne demeure et celles des gens environnants. A chaque fois, c’est une horreur très sale, proche de la décomposition, avec ses fluides qui s’échappent et pénètrent notre nez autant que notre âme, se glissant dans les interstices pour ne plus nous lâcher. On vit alors dans la terreur de ces événements.

En revanche à un tome de la fin, on plane encore complètement et il n’y a que d’infimes pistes de réflexion et de compréhension. L’auteur nous laisse dans le flou le plus total, à l’image de ceux vivant ces événements, ce qui rend la chose encore plus malaisante. On ne peut, nous aussi, que nous laisser porter par les horreurs qui se produisent et y assister impuissant, comme si l’enfer s’ouvrait sur nous. C’est littéralement truffé de références bibliques d’ailleurs, ce qui me colle encore plus les jetons.

Pas de révolution dans ce tome, juste la poursuite inéluctable de l’horreur débutée dans le tome 1 avec une accélération pour flirter avec les limites du supportable pour les amateurs de body horror. C’est malaisant, terrifiant, effroyable et ça nous pénètre de partout sans l’ombre d’une réponse juste avec la peur que ça nous atteigne. J’aime cette ambiance sale et organique à laquelle on ne peut échapper. Je suis plus frustrée quant au manque de réponses qui se profile. Faire peur oui. Faire l’apologie du fantastique oui. Mais ne pas en rester à l’exercice de style.

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11 commentaires sur “L’Abomination de Dunwich de Gou Tanabe et H. P. Lovecraft

  1. Merci pour la découverte.
    Je le note de suite…
    J’ai lu il y a une quinzaine d’année ces nouvelles de Lovecraft dont La couleur tombée du ciel, L’abomination de Dunwich, Celui qui chuchotait dans les ténèbres et Le cauchemar d’Innsmouth. J’avais adoré cette dernière qui était la plus étoffée du bouquins et qui mêlait polar, suspense et bien sûr horreur. 😉

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    1. J’en ai lu plusieurs aussi après avoir découvert Tanabe pour comparer, notamment celles illustrées par Baranger chez Bragelonne, et je trouve le travail de Tanabe fidèle à souhait 😉
      J’aime aussi beaucoup ces ambiances stressantes à la croisée des genres .!

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  2. C’est un scandale ! Un tome sur 3 ! Va falloir attendre combien de temps pour les tomes 2 et 3 ! !! Je pensais que c’était l’histoire complète, moi.
    Fin bref, je l’ai depuis sa sortie, pas encore lu, j’attends une nuit de pleine lune ou le prochain vendredi 13 Oct pour frissonner.

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    1. La lecture n’en sera donc que meilleure avec la frustration ressentie !
      Plus sérieusement avec ce format proche de la BD franco-belge, ça ne me surprend pas et ne m’embête pas tant que c’est aussi qualitatif.

      J’aime

  3. Dans cette série je n’ai lu que L’appel de Cthulhu, que j’avais trouvé plus agréable à lire que l’original.
    Je n’ai pas lu celui-ci, penses-tu qu’il vaut mieux lire le roman d’abord?

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