Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Land de Kazumi Yamashita

Titre : Land

Auteur : Kazumi Yamashita

Éditeur vf : Mangetsu

Année de parution vf : Depuis 2024

Nombre de tomes vf : 3 / 11 (en cours)

Histoire : Dans une communauté appelée «Notre Monde», les Kamis, dieux protecteurs géants, surveillent étroitement leurs habitants qui les craignent plus que tout. Soumis a des coutumes strictes, Sutekichi est contraint de sacrifier l’une de ses jumelles pour préserver le village de la sécheresse. Huit ans plus tard, An mène une vie insouciante en compagnie de son père et de sa tante.
Mais la jeune fille désire en savoir plus sur «l’Autre Monde», un univers inconnu et inaccessible, situe au-delà des montagnes.
Elle est alors prête a tout pour découvrir ce qui s’y cache, quitte a braver tous les interdits…

Mon avis :

 Tome 1

Quel bonheur de pouvoir enfin découvrir la France l’autrice multiprimée Kazumi Yamashita qui officie depuis les années 80 ! aussi bien en shojo qu’en seinen. Avec Land, Mangetsu met les petits plats dans les grands avec une belle édition à prix raisonnable mettant à l’honneur le fantastique folklorique du titre. Un petit coup de coeur pour ma part.

Série terminée en 11 tomes au Japon, Land est paru là-bas dans le célèbre magazine seinen Morning de Kodansha. Pourtant quel plaisir d’y retrouver tous les codes des shojos d’aventures des années 90, comme ceux de Chie Shinohara, Yumi Tamura, Clamp et j’en passe. C’est beau, c’est intriguant, c’est fouillé psychologiquement et le décor est très réussi. On adore !

Le prix du tome m’avait un peu refroidie dans un premier temps, c’était avant de voir la bête. Avec ses 300 pages, sa couverture cansonnée et sa frise au dos, on se dirige vers une fort jolie collection, avec peut-être juste un papier dont je ne suis pas fan et des pages couleurs absentes qu’on aurait bien aimé avoir. Mais je suis ravie de l’objet que j’ai entre les mains.

Mélangeant astucieusement histoire de folklore, tradition et superstition, l’autrice nous emmène au sein d’une communauté vivant enchâssée dans les montagnes sous le regard omniprésent de 4 divinités représentées par 4 immenses statues qui semblent veiller sur eux mais qui les gardent prisonniers en fait. Nous suivons Ann, une petite fille dont le père travaille pour les plus hautes instances de cette communauté en tant que sorte de conseiller spirituel et acupuncteur. Il a dû des années plus tôt abandonner son autre fille car les enfants multiples sont un signe de malheur chez eux et de dépit s’est crevé les yeux. Ils vivent tranquillement leur petite vie, avec une Ann très vive et curieuse, jusqu’au jour où le père de ses camarades atteint 50 ans, leur « âge limite » et meurt.

J’ai beaucoup aimé plonger dans les multiples mystères de cette communauté en huis clos où une petite fille découvre les secrets qui l’entourent et cherche à les percer de toute la fougue de sa jeunesse. La narration de l’autrice est ultra efficace et immersive. Elle joue sur des thèmes connus du folklore japonais comme le sacrifice des enfants, les communautés en huis clos, les croyances en des kamis et autres divinités. Elle dépeint d’ailleurs une société à l’ancienne plus vraie que nature dans cette campagne si proche de la montagne et donc encore un peu sauvage où les croyances anciennes sont très fortes et dictent leur vie à tous. C’est particulièrement efficace.

Ann est en plus une héroïne des plus entraînantes avec son fort caractère, son imagination et sa curiosité. Son père lui a offert l’opportunité d’être un esprit libre et elle s’en est pleinement saisie. On prend donc un vif plaisir à la suivre dans ses enquêtes. Il lui arrive d’ailleurs de sacrées aventures et elle sera très curieuse de savoir ce qu’il y a au-delà des montagnes protégées par les kamis, lieux inaccessibles et sacrés en quelque sorte, interdit d’accès. Un classique toujours efficace ça, il suffit de bloquer l’accès à un endroit pour le rendre des plus attirants. Ça fonctionne à merveille. Ann va donc se confronter à la vie qu’on lui offre et chercher à tracer le chemin de la vie qu’elle veut, elle.

Je ne peux pas en dire trop sur l’univers en revanche car c’est l’élément de l’histoire qu’il est bon de découvrir par soi-même. Sachez juste qu’il est fascinant, riche mais pas complexe et qu’on devine plusieurs des surprises qui apparaissent sur le chemin de Ann, mais on prend plaisir à voir nos hypothèses validées et à découvrir ainsi des lieux, pratiques, personnages qui changent un peu de l’ordinaire. C’est vraiment une ambiance hommage aux shojos fantastiques et ésotériques des années 90 que j’ai tant affectionnés autrefois et que je me plais à retrouver ici.

En plus, le trait de la mangaka est superbe ! Il offre de belles planches éclatées, à la Moto Hagio ou Kazuo Kamimura, pour célébrer les sentiments complexes des personnages. Elles dégagent d’ailleurs quelque chose de très rétro dans leur composition. Les décors sont soignés, les éléments du folklore : tenues, masques, objets, créatures, sont bien présents. J’adore le travail effectué sur le regard, aussi bien la perte de celui du père qui reste pourtant très observateur, que celui incisif et visionnaire parfois d’Ann. Il y a de très beaux jeux de composition dessus. Enfin, le huis clos un brin oppressant et impressionnant procuré par la présente de ces statues géantes est magiquement rendu. C’est dramatiquement sombre et inquiétant derrière cette petite vie tranquille à l’ancienne.

Agacée un peu par la com’ trop présente du patron de Mangetsu sur X, j’ai failli ne pas acheter cette série. Heureusement des lecteurs fins connaisseurs des mangaka importantes m’ont pointé Kazumi Yamashita et je suis ravie de les avoir écoutés car cette lecture est un petit coup de coeur. J’ai tout aimé des dessins modernes rendant hommage à l’ambiance rétro des shojos d’aventures des années 90 et des compositions de mangakas cultes des années 70, en passant par ce récit mystérieux dans lequel on va pénétrer, s’engluer et tenter de sortir aux côtés d’une héroïne pétillante et courageuse, proactive et entraînante. Je n’ai pas vu passer le temps et à peine refermé que j’aimerais avoir le tome 2 pour me jeter dessus ! Beau, entêtant et fascinant.

Tome 2

Après cet excellent démarrage, j’étais impatiente de découvrir la suite des aventures des Anne/Ann dans cet étrange village en huis clos où se déchirent les communautés sous le chapeautement d’une autorité que ça arrange bien. J’avais raison d’être impatiente car ce nouveau tome fut encore une fois passionnant à lire !

Avec cette esthétique et cette manière de raconter les histoires qui rappellent énormément les shojo d’aventures des années 90, Kazumi Yamashita met en branle un récit qui n’en finit pas de me surprendre. Après la révélation des ultimes pages du tome 1, je m’attendais à ce qu’on parte à fond dans cette direction, que neni, c’est la vie au sein de cette communauté et les troubles qui y arrivent qu’on découvre ici, dans un splendide tome sur le pouvoir de manipulation des masses. Du grand art !

L’autrice nous emmène donc là où on ne l’attend pas, ou en tout cas elle ne choisit jamais la voie attendue. J’ai aimé finalement repartir dans les petites histoires de ce village tellement ancré dans ses traditions qu’il en est devenu addicts, soumis. Le clan au pouvoir a très bien compris au fil des générations comment garder le peuple sous sa coupe et ici ce que nous décrit l’autrice c’est comment organiser une société pour l’avoir à son service : on sépare le peuple de l’aristocratie, on offre des légendes pour bien leur faire craindre le moindre débordement, on les récompense avec des spectacles, on transforme la violence des punitions en amusement public. Chapeau. C’est exactement ce qui s’est produit dans nombre de société mais ici dans le cadre établi de l’histoire après les dernières révélations, on dirait vraiment un endroit test où on aurait appliqué ce qu’on aurait déduit de la construction de nos sociétés. Édifiant.

Ainsi, j’ai adoré suivre le terrible parcours de ce tome. Voir les jumelles lutter et lutter toujours pour leur survie et celle de ceux qu’elles aiment, quitte à bafouer l’ordre établi, le tout avec l’aide d’un mystérieux personnage qui semble en savoir bien long. Nous avons de très beaux passages de survie dans la nature, avec la cruauté de celle-ci en mode « seuls les plus forts survivent ». C’est très immersif et prenant à lire, on se coule facilement dans la peau de chacune des jumelles, entre la colère aveugle d’Anne et le courage vacillant d’Ann. J’ai beaucoup aimé à la fois les séquences d’action et les plongées dans le passé pour comprendre ce qui est arrivé. On ressent à merveille ce huis clos où on est tous enfermé, où les traditions et le pouvoir central pèsent terriblement. Le fantastique est savamment distillé entre les pouvoirs de ces jeunes exclus et la mini-révélation de ce tome. C’est bluffant ! L’autrice maîtrise parfaitement sa narration et ses effets.

Voici une lecture qui confirme tout le bien que je pense de la série malgré une direction prise qui n’est pas celle que j’attendais. J’ai finalement aimé rester dans ce village et en découvrir avec brutalité ses mécanismes, tandis que nos soeurs continuent de lutter pour plus de liberté. C’est prenant, entraînant et plein de réflexions sur nous, sans oublier toujours bien mystérieux. Je veux la suite !

Tome 3

Quel titre toujours extrêmement fascinant, il fait presque un sens faute en tant qu’histoire pleine de mystère et aventure humaine complexe. J’adore !

Dans chacun de ses tomes, Kazumi Yamashita nous emmène un peu plus loin dans l’univers tortueux de Land et c’est un vrai régal ! Je me retrouve à me passionner pour la vie de ce petit village enclavé et la cité autour qui semble le régenter de manière tellement insidieuse. L’autrice conte cela avec de belles touches de mystères distillées vraiment parcimonieusement, juste pour relancer régulièrement l’histoire et nous faire comprendre peu à peu l’ampleur de ce qui se passe. Fascinant !

Ce tome est d’ailleurs extrêmement riche en révélations quand on y réfléchit. Il démarre certes sur une scène puissante, remplie d’émotion, qui prend à la gorge et saisie, mais ensuite il élargit totalement son propos de manière vraiment maligne. L’autrice fait à chaque fois tout démarrer au village puis elle exploite la figure mystérieuse de Kazune pour à chaque fois nous emmener plus loin. Mais ce n’est jamais totalement brutal, c’est fin, malin. Ce n’est pas d’un bloc mais par petit bout pour nous laisser le temps d’appréhender l’ampleur de ce qu’on nous raconte et qu’on nous cachait. C’est extrêmement bien joué !

Je me suis ainsi retrouvée fascinée par la destinée de chacun des personnages. Il y a d’abord bien sûr la jeune Ann, porteuse de la révolte, figure de jeune fille douce et naïve que les révélations successive endurcisse et qui trouve un certain écho avec sa soeur qu’on oublie un peu dans ce tome. Elle reste aux côtés de sa tante Mari, qui ne peut que nous bouleverser après ce qu’elle a traversé. Il y a ensuite, et je ne l’attendais pas, son ami de toujours Heita qui, pour la protéger, va mettre un pied dans l’engrenage de cet univers et tenter de gravir les échelons de Land quitte à se renier. N’oublions pas ensuite le mystérieux Kazune qui nous amène de sacrées révélations sur les mondes qu’il traverser et est vraiment en train de devenir LE moteur de l’histoire, celui qui nous conduit d’un endroit à l’autre. Les psychologies ne sont pas encore forcément hyper travaillées, elles restent plutôt en surface, mais ce que chacun vit, ça, c’est fascinant !

Les révélations de ce tome donnent donc le tournis et nous ouvrent à nouveau sur tellement de nouvelles pistes. Les influences sont d’ailleurs nombreuses. On peut y sentir du Akira, du Journey beyond Heaven, mais aussi du Westworld. L’idée de cette enclave contrôlée par une cité plus moderne est fascinante. Les petits détails qu’on en découvre pour contrôler tout le monde à base de superstitions rendues concrètes à l’aide la technologies sont excellents. Enfin, la thématique de l’écriture, de son sens, son rôle et son manque lorsqu’on en est privé, est très puissante. Je reste assez scotchée face à tout ce que développe l’autrice, tranquillement l’air de rien, au fur et à mesure.

Ce nouveau tome qu’on pourrait considérer comme une transition fait grandir à la fois l’histoire et les personnages, les conduisant sur les chemins de l’âge adulte de manière assez brutale et nous conduisant, nous, toujours plus loin dans les mystères fascinants de ce monde. C’est extrêmement bien conté pour être prenant, immersif et très perturbant à la fois car pas totalement fou non plus. C’est exactement le genre de SF d’anticipation que j’adore !

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12 commentaires sur “Land de Kazumi Yamashita

  1. La couverture ne m’aurait pas attirée mais l’histoire a tout pour me plaire. Le côté huis clos me parle bien et le mélange folklore, tradition et superstition a l’air efficace. Ann semble, en outre, être le genre d’héroïnes que je prends plaisir à suivre.

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  2. Les couvertures et les dessins sont alléchants et l’histoire a l’air intéressante 🙂 J’hésite à me lancer à cause du nombre de tomes, surtout que la série n’est pas encore parue entièrement… Je vais me donner le temps de la réflexion, mais je suis tentée 🙂

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    1. J’avoue qu’à l’inverse le fait qu’il y ait un certain nombre de tomes me rassure. J’en ai marre des séries courtes au pitch intéressant mais qui manquent de développement ^^!
      J’espère donc que ta réflexion te poussera à tenter ce titre bien sûr 😉

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      1. Disons que j’aime bien quand il y a un juste milieu: suffisamment de tomes pour développer l’intrigue, mais pas trop quand même, surtout si la série n’est pas entièrement parue, parce que je ne veux plus passer des années sur une série.

        Je pense à des séries comme Solo Leveling, dont j’attends encore les tomes 13 et 14 (qui a priori serait ENFIN le dernier) pour pouvoir reprendre ma lecture. Ou à des BD du genre Murena, dont le 1er tome est paru dans les années 90 et qui n’est toujours pas terminée. Je n’ai pas envie d’investir des années de ma vie dans une série, surtout que mes centres d’intérêt évoluent et que je risque de ne jamais lire la fin parce que ce qui me plaisait au début finit par devenir totalement sans intérêt pour mon goût… Je trouve ça super frustrant ^^

        Au moins pour cette série, le nombre de tomes est déjà annoncé, c’est quand même agréable de savoir à quoi on s’engage dès le départ 🙂

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      2. Je peux comprendre. J’ai débuté les mangas il y a tellement longtemps que j’ai l’habitude de ce rythme où on attend, où on ne sait pas toujours, où parfois on reste le bec dans l’eau (Ah Nana et X ! T.T). Pareil, j’ai commencé avec des séries à rallonge comme DragonBall et Fly, alors forcément. Mais j’entends qu’on ait besoin de savoir 😉
        Ici comme tu dis, on sait que la série est terminée en 11 volumes et Mangetsu est assez régulier dans ses sorties ^^

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      3. Tu es rodée on dirait ^^
        Je crois que ma façon de lire a évolué. A force d’être laissée en plan, j’ai fini par choisir différemment les séries que je lis. Ce n’est pas comme si on manquait de séries terminées après tout 🙂

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      4. Une évolution que j’ai connu avec les séries télé mais pas encore avec les mangas. Comme je suis à jour sur la plupart de mes séries à part celles que je décide de commencer, je crois que je n’ai pas le même intérêt à le faire ^^
        Mais j’entends parfaitement et savoure cette façon de lire en enchainant sur certaines que je découvre ou relis 😉

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