Livres - Fantasy / Fantastique

L’Empire du Léopard d’Emmanuel Chastellière

Titre : L’Empire du Léopard

Auteur : Emmanuel Chastellière

Éditeur : Critic

Année de parution : 2018

Nombre de pages : 626

Histoire : 1890. Après une épuisante campagne militaire, le royaume de Coronado a conquis l’essentiel de la péninsule de la Lune d’Or. Seul l’Empire du Léopard, perdu dans les montagnes, lui résiste encore. Dans l’attente des renforts promis par sa hiérarchie, le colonel Cérès Orkatz – surnommée la Salamandre – peine à assurer l’ordre sur place, la faute à un vice-roi bien intentionné mais trop faible. Dans ce monde de jungle et de brume, les colons venus faire fortune s’épuisent et meurent à petit feu, même si certains au sein du régiment espèrent toujours découvrir la mythique cité de Tichgu, qui abriterait selon les légendes locales la Fontaine de Jouvence…

Mon avis :

Découvert de longue date via ses chroniques littéraires sur Elbakin, Emmanuel Chastellière est un amateur de fantasy que j’ai aimé voir passer de l’autre côté de la barrière et devenir auteur. J’ai aussi bien aimé ses textes de steampunk dans Célestopol que son roman historique Himilce. Mais tout comme lui avait eu peur d’aller vers la fantasy qu’il aime tant, je n’avais pas franchi le pas et lu sa duologie de « Magie à poudre ». C’est désormais chose faite et que c’est bon !

Je suis assez novice en matière de gunpowder fantasy (fantasy à poudre), n’ayant lu et hautement apprécié que Les Poudremages de Brian McClellan, mais j’ai retrouvé exactement ce que j’attendais : un univers « historiquement » plus proche de nous, des armes à feu et de l’agitation. Le dépaysement fut complet et mon attention définitivement capturée. A peine ce volume refermé que j’ai commandé l’autre histoire de l’auteur dans le même univers : La piste des cendres pour le lire le mois prochain !

Mais l’originalité d’Emmanuel ne tient pas seulement au registre dans lequel il a installé son histoire, en plus de nous proposer poudre et canon, L’Empire du Léopard s’intéresse à un coin du monde souvent délaissé en fantasy sur les étagères des librairies françaises : le Nouveau Monde. Dans un univers fictif fortement inspiré des conquêtes européennes, il nous plonge donc dans la rencontre singulière entre deux peuples : un d’inspiration européenne et un d’inspiration native. Cela va faire des étincelles, colonisation oblige.

J’ai tout aimé dans ce roman. Pourtant l’auteur nous offre une première partie fort longue, où il pose un décor étouffant pour ne pas dire statique et malaisant, où on suit le quotidien d’une troupe de soldats aux ordres du Roi et de son représentant direct le Vice-Roi. Une femme sort du lot : Cérès, dite La Salamandre, colonel expérimentée. C’est elle que nous allons suivre au cours de cette quête d’un avenir meilleur mais aussi juste d’une survie dans un milieu hostile où les colons s’épuisent au milieu de cette jungle et de cette brume où ils ne trouvent pas la richesse escomptée. C’est un calme assez entêtant, pénétrant qui retranscrit à merveille la vie dans un camp de soldats avec un chef faible, des troupes épuisées et plein de superstitions qui gagnent.

C’est un calme aussi qui précède la tempête. Et après une première partie assez lente où l’auteur prenait son temps pour poser son cadre, la suite est bien plus explosive. J’ai en effet un peu cherché la magie dans ce premier temps, pensant peut-être être comme dans Himilce dans un titre plus historique que fantasy avec une dénonciation de la colonisation. Mais celle-ci a pénétré lentement l’oeuvre, tout comme elle pénétra les pensées des personnages que nous allons suivre. Peu nombreux au départ, ceux-ci viennent peu à peu garnir l’histoire au fur et à mesure que son scénario se fournit grâce à la rencontre entre les deux peuples du roman et ce fut sombrement magique. Cette seconde partie nous plonge dans les mystères des terres où nos colons sont arrivés et on découvre que rien n’est comme on le pensait.

Après avoir eu une plume lente, étouffante, entêtante, Emmanuel se livre à une exercice de style en faisant tout exploser et en accélérant drastiquement le rythme. Rebondissements et péripéties sont légion dans cette seconde partie menée tambours battants que j’ai adoré ! J’ai trouvé ça vif, spectaculaire et en même temps puissamment inspiré de notre Histoire donc logique et pertinent, même si tragique. La rencontre de ces civilisations sur la base de leurs légendes et de leur conception différente des magies de notre monde fut explosive et riche. Les personnages ont alors revêtu une toute autre dimension et l’auteur a su dévoiler bien des failles et des surprises chez eux. Il m’était alors impossible de m’arrêter.

J‘ai ainsi adoré le travail de reconstitution et de transfert des mythes que l’on connaît sur les natifs d’Amérique du Sud vers cette fantasy qui s’en inspire. Le mélange de poudre à canon des colons, avec l’alchimie qu’ils pensent maîtriser et la magie de sang, puis la magie de fées, qu’ils rencontrent était passionnant et particulièrement visuel. Emmanuel nous offre des tonnes de références avec une héroïne qui manie aussi bien les flammes que les mousquets, une amie à elle qui élabore des tatouages de sang très particulier, une Fontaine de Jouvence que l’on connaît, tout comme des armures et masques mystérieux en orichalque ou encore des sacrifices humains, tout y passe et ça passe très très bien, car il associe cela à une histoire pleine de sel et d’émotion.

Car oui, l’auteur écrit d’excellente scènes d’action, il pose merveilleusement son cadre et nous embarque dans des légendes et magies fascinantes, mais en plus il met de l’émotion dans son histoire grâce à une riche écriture des personnages. D’entrée, on sent qu’on a avec Cérès une héroïne marquante qui, si elle a cette place et ce respect dans l’armée, ce n’est pas pour rien. On aime découvrir au fil des aventures les failles qu’elle cache et la force dont elle doit faire preuve pour avancer. A ses côtés, la douce Camellia a aussi eu un sacré destin et lutte sans cesse contre celui-ci. Elles offrent toutes deux un duo plein d’émotion, finement et justement écrit. Il y a aussi, toujours dans les personnages féminins, la princesse Nahikari qui a tout de la vipère politique fascinante. J’aurais aimé qu’on la développe un peu plus. Quant aux personnages masculins, ils sont tout aussi réussi. J’ai eu pitié de ce Vice-Roi trop gentil. J’ai été charmée par Artémis, ce capitaine de navire, neveu du Roi, trop sûr de lui mais qui au final ne lâche rien. Et que dire de l’ambiguïté du prince Amaru, il m’a fait mal au coeur et dégoûtée en même temps. L’Empire du Léopard ne fut donc pas qu’une aventure riche et explosive, mais aussi une aventure portée par de sacrés personnages que j’ai aimé découvrir au fil des pages et ce jusque dans les dernières lignes.

Emmanuel Chastellière parvient donc à composer ici en un tome une fresque des plus complètes qui nous plonge juste dans un épisode de ce monde colonial d’inspiration sud américaine qu’il a imaginé. Il y a de la profondeur, de l’émotion, de la stratégie, de l’action, de la magie, des légendes. C’est sombre, étouffant, poisseux, à l’image du lieu et des populations pris pour cadre. Ça donne diablement envie d’autres textes de Gunpowder fantasy dans ce cadre précolombien et colonial car c’est vraiment dépaysant !

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Aelinel, Apophis, Le Bibliocosme, Blackwolf, Café Powell, Célinedanaë, Le Chroniqueur, Dup, Elhyandra, Geekosophe, Lianne, Lorhkan, Lutin 82, L’Ours inculte, Sometimes, Symphonie, Xapur, Vous ?

25 commentaires sur “L’Empire du Léopard d’Emmanuel Chastellière

  1. Je me disais bien que ce nom raisonnait en moi et je comprends mieux, j’ai d’autres de ses œuvres de ma WL et ce que tu évoques de ce texte me donne envie de vite partir à l’assaut de cette talentueuse et enthousiasmante plume qui a su trouver son chemin chez toi. Humilié sera sûrement ma porte d’entrée en la matière.

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  2. J’avais noté ce titre quand tu me l’as suggéré l’autre jour et lire ce billet me donne encore plus envie de le lire 🙂
    Un autre titre dans le même univers, c’est une suite ou ils peuvent être lus indépendamment?

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      1. Je pense aussi que ça pourrait me plaire 🙂
        Ma bibliothèque l’a, mais seulement en numérique, je vais voir si je peux trouver un exemplaire papier.

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      1. Alors, je précise tout de même que les deux romans ont une ambiance assez différente. Même si évidemment, ils se rejoignent sur plein de choses. 🙂

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