Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

L’enfant en moi d’Aoi Mamoru

Titre : L’enfant en moi

Auteur : Aoi Mamoru

Traduction : Aine Kukor

Éditeur vf : Kana (shojo)

Année de parution vf : Depuis 2024

Nombre de tomes vf : 2 (en cours)

Histoire : Sachi, en 2e année de lycée, sort avec Takara, un ami d’enfance du même âge qu’elle.
Par un jour d’hiver, Sachi commence à se sentir mal. Nauséeuse, elle se rappelle brusquement un soir où, en pleins ébats amoureux, le préservatif de Takara a craqué.
Elle décide d’aller acheter un test de grossesse dans une pharmacie loin de chez elle et se rend ensuite dans les toilettes d’un petit restaurant familial.
Estomaquée, Sachi regarde les deux petits traits apparaître : le test est positif.

Mon avis :

 Tome 1

Titre qui a fait grand bruit avant même d’arriver chez nous, L’enfant en moi est peut-être le premier shojo lycéen à aborder aussi frontalement la question de la grossesse en le mettant au coeur de son histoire. Est-ce que ça suffit pour en faire une lecture marquante ? C’est à nuancer.

C’est la seconde série d’Aoi Mamoru, découverte avec Lovely Friend Zone qui tentait de renouveler un peu les codes de la romance lycéenne mais qui a fini par s’y enfermer à son tour. Elle tente ici aussi de briser un tabou en parlant du sujet délicat des grossesses adolescentes, un sujet pourtant de santé publique qu’il ne faut pas ignorer.

J’ai apprécié que l’autrice s’engouffre dans cette direction et j’ai été surprise de la trouver aussi subtile, elle, qui ne s’est pas forcément fait connaître pour ça dans sa précédente série. J’ai aimé la lenteur et la sobriété avec laquelle elle nous fait pénétrer dans la psyché de Sachi, cette jeune lycéenne qui va se découvrir enceinte après en avoir observé les premiers signes. Le dessin très épuré de l’autrice est superbe pour cela, faisant sentir combien ça peut vite être le vide dans notre tête à ce moment-là quand la panique nous gagne.

Je suis également tombée sous le charme de la personnalité de Takara, le petit ami de Sachi, un modèle de garçon doux, attentif et à l’écoute. Ils forment un joli couple, moderne, qui ose parler de ses désirs et les satisfaire, mais dans la bienveillance et l’attention à l’autre. On ressent parfois une pointe de déséquilibre dans certains couples dans les shojo romantiques, ici absolument pas. Ils forment une vraie équipe et semblent se connaître depuis un bout de temps, ce qui explique peut-être cela. Ils sont également parfaitement introduit dans leurs familles, ce qui est assez rare dans les mangas. J’ai vraiment l’impression d’un couple assez atypique.

Cependant, cela n’a pas empêché certaines maladresses dans l’écriture de ce premier tome. J’ai d’abord trouvé la narration et les dialogues, en particulier dans le premier chapitre, assez pauvres. La langue est sans relief, les propos et les situations aussi, ça laisse un sentiment de grande fadeur et de peu de caractère. Cela s’est confirmé par la suite, où malgré leur côté très gentil, les personnages sont assez lisses. On ne les retient qu’à cause de la situation qu’ils vivent, comme si elle effaçait tout et se substituait au travail sur les autres aspects de l’oeuvre. Sauf que pour moi, ce n’est pas parce qu’on parle de grossesse adolescente qu’il ne faut pas écrire le reste. J’en attendais donc plus. 

En plus, je sais qu’on n’est que sur un premier tome et que ça n’augure pas de la suite, mais j’ai très très peur de certains glissements vers une parentalité à tout prix et le rejet de ceux qui ne voudrait pas assumer une telle grossesse. J’ai peur qu’on verse vers « avoir un enfant à tout prix, c’est beau les enfants, bouh l’avortement c’est pas bien… ». Et je croise fort fort les doigts que l’autrice offre quelque chose de plus complexe et détaillé que jusqu’à présent. Car concrètement on a eu un tome, certes avec une belle ambiance assez douce transcrivant à merveille l’anesthésie ressentie par l’héroïne, mais où il ne se passe pas grand chose et où à part parler de capote trouée, de symptômes de grossesse et de test, on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent…

Lecture originale qui permet d’avoir sur nos étagères un titre pouvant parler aux ado des risques de grossesses et de leurs conséquences. C’est aussi une lecture un peu fade et maladroite parfois qui gagnerait à avoir plus de complexité et de personnalité. On ne peut pas toujours se cacher derrière son sujet ô combien important soit-il.

Tome 2

Mes craintes et les bons côtés de la série persistent, c’est donc toujours une lecture en demi-teinte pour moi alors que j’ai vraiment envie d’aimer cette histoire importante sur ce qu’elle raconte des risques de grossesses à l’adolescence. Alors, laissez-vous quand même tenté !

Aoi Mamoru y fait vraiment preuve d’une belle pédagogie sur ce qu’il se passe, au Japon (mais pas que), si on tombe enceinte en étant encore lycéenne. Elle nous propulse littéralement dans la tête de ses ados perdus face à cette terrible responsabilité qui leur tombe dessus et c’est parfaitement crédible. On ressent très bien leurs peurs et leurs craintes, leur impossibilité à se décider comme ça, et le besoin pour Sachi, notamment, de redevenir un temps une enfant pour avoir quelqu’un qui décide à sa place. C’est effroyable.

L’autrice nous plonge également avec un très beau réalisme dans le parcours de santé de cette ado enceinte. Elle nous apprend par exemple qu’au Japon ce n’est pas pris en charge, mais qu’au contraire, avorter a un certain coût que tout le monde ne peut pas s’offrir, qu’il faut l’autorisation de ses parents ou encore celle du père. J’en suis restée assez incrédule. Sachi, l’héroïne, qui a vraiment tout de l’ado lambda à la base, pas timide, pas coincée, comme c’est parfois le cas dans les mangas, se prend un véritable mur ici. Normal qu’elle soit ébranlée, normal qu’elle se sente mal. J’ai eu mal pour elle.

Et c’est là que je bloque sur cette série. Quel est le propos de l’autrice ? Juste nous montrer le parcours de ces ados, ce qu’ils doivent affronter, le tout en mode dénonciation ? Ou cautionne-t-elle la violence de la gynécologue qui se cache derrière son sourire mais fait tout pour pousser Sachi vers le renoncement à l’IVG en lui cachant une partie des infos sur les délais ou encore en lui montrant le foetus, ce qu’elle n’a jamais demandé ? Ce n’est pas très clair pour moi. J’ai l’impression d’une autrice qui pousse vers le fait de garder le bébé, parfois même de manière assez poussive, comme avec la caricature des mères de nos héros : l’une réagissant au quart de tour sans réfléchir dans une direction, l’autre faisant le choix de la responsabilisation mais peut-être de manière trop froide. Ça ne passe pas chez moi. Cela manque de justesse.

Et je le regrette car à côté de cela, nous avons un couple adolescent magnifiquement écrit. Je le redis mais je suis fan de Takara, cet ado qui ne fuit pas ses responsabilités, qui est là à chaque étape aux côtés de sa copine, qui assume, fait des recherches pour l’aider à prendre une décision ensemble et n’impose rien. Il est parfait ! Sachi, elle, est plus fragile. Son écriture est plus complexe, plus caution à appréciation, mais comment ne pas s’émouvoir de ce qu’elle vit quand l’autrice la rend si réelle, si proche de nous. Vraiment je suis touchée. A chaque étape, elle m’émeut, que ce soit quand elle va seule à sa premier rendez-vous et se prend cette violence gynécologique, quand elle est perdue avec Takara, quand elle veut redevenir enfant et cherche la chaleur de sa mère. Quelle émotion !

L’enfant en moi est un titre doublement porteur d’un message, celui évident de prévention et de dialogue autour des grossesses adolescentes, ce que je trouve très important, mais aussi celui de ces ados et adultes qui voudrait retrouver la légèreté et la protection de l’enfance, et comment leur en vouloir dans un monde aussi violent ! Reste que le message de l’autrice est parfois flou pour moi. Pousse-t-elle vers une liberté totale ou son message est-il orienté « pro-vie » ? ce qui me gêne aux entournures personnellement ayant une vision plus complexe de la chose. En attendant, c’est un titre qui ne laisse pas indifférent, c’est sûr !

11 commentaires sur “L’enfant en moi d’Aoi Mamoru

  1. Je le note, mais j’attends d’en savoir plus avant de me lancer, donc j’attends les tomes 2&3.
    Il y avait un film japonais qui traitait des adolescentes enceintes, True Mothers de Naomi Kawase, qui traitait aussi du regard de la famille et de la société pour les jeunes mères.

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      1. Attention, on va croire que j’ai été un parent adolescent ; mais non non j’ai eu mes filles à 32 et 36ans. C’est juste que je lis/regarde beaucoup de choses, je suis ouvert à tous les sujets.
        Et j’ai connu au lycée une jeune fille qui est devenue mère, elle a dû arrêter ses études (en 2nde), et des années après elle ne les avait pas reprises, sa situation restait précaire même si toujours en couple avec son compagnon aux dernières nouvelles que j’avais eu (5ans après la naissance de son enfant).

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  2. Merci pour cet avis, le sujet m’intéresse et je trouve le dessin chouette en feuilletant mais j’ai peur d’une oeuvre qui traite sa thématique en surface et offre peu de narration. Ce que tu en dis me pousse à attendre que d’autres tomes sortent pour savoir si ça vaux le coup ^^

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    1. C’est aussi un peu ma crainte car il ne suffit pas de glisser une grossesse dans l’histoire pour que ce soit d’emblée un bon titre, encore reste-t-il à développer l’intrigue autour avec sérieux et pour le moment, je suis partagée. Je te dirai au moins pour le prochain tome 😉

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