Ars Obscura de François Baranger

Titre : Ars Obscura

Auteur et Illustrateur : François Baranger

Éditeur : Denoël (Lunes d’Encre)

Année de parution : 2023-2024

Nombre de tomes  : 3 / 4 (en cours)

Histoire : 1815. Napoléon Ier a conquis l’Europe grâce aux pouvoirs d’Élégast, un sorcier dont nul ne sait rien et qui est le seul capable de pratiquer l’Art Obscur : une forme de magie aussi puissante que terrifiante.
En dépit de la force militaire de la France, la population vit dans la crainte des bulles noires, ces manifestations surnaturelles violentes qui engloutissent les gens et libèrent des hordes de monstres semant la mort dans les campagnes.
Ludwig Arcerese, un mercenaire qui a tout oublié de son passé, s’est spécialisé dans la traque de ces créatures. Lorsqu’il croise la route d’Éthelinde Ordant, une étrange naturaliste recherchée par toutes les polices de l’Empire, celle-ci ne peut que constater l’impossible: Ludwig sait lui aussi faire appel aux forces de l’Art Obscur. Les deux marginaux vont unir leurs efforts afin de comprendre qui est cet effrayant sorcier, et quels sont ses noirs desseins.
Antique confrérie de mages, espions à la solde de l’étranger, mystérieuses entités ésotériques, comploteurs travaillant à la chute de l’Empereur, secte russe d’adorateurs d’un dieu sanguinaire… Chacun joue son rôle dans ce récit épique, les uns pour empêcher le monde de sombrer dans les ténèbres, les autres pour l’y plonger.

Mon avis :  

Tome 1 : Sorcier d’Empire

Il fallait vraiment tout le talent de metteur en scène de François Baranger pour me faire apprécier, à moi la détractrice de Napoléon, une telle fiction napoléonienne. Mais en y insufflant magie et uchronie, c’était quand même bien parti !

J’ai découvert tout d’abord François Baranger comme illustrateur et j’ai adoré ce qu’il a fait en adaptant les nouvelles de Lovecraft dans ces ouvrages grands formats chez Bragelonne. C’est par la suite que je l’ai croisé et découvert comme auteur et j’ai cette fois adoré sa plume dans ce space opera religieux ambitieux qu’était Dominium Mundi. C’est donc plutôt rassurée que j’ai décidé de le suivre dans sa nouvelle fresque, qui n’a rien à voir avec les précédentes ou si peu, la magie remplaçant le religieux : Ars Obscura, une quadrilogie napoléonienne où l’Empereur n’a pas été vaincu par l’Empire russe et les Anglais, mais a poursuivi ses conquêtes grâce à un mystérieux sorcier : Elegast, qui use des Arts Obscurs pour l’aider à remporter la victoire.

J’avoue avoir trouvé le concept aussi intriguant que savoureux, comme si les romans à épisodes du XIXe de Hugo ou Dumas venaient se percuter avec la modernité de nos écrits uchroniques grinçants actuels. Alors même si j’ai beaucoup de mal avec le personnage de Bonaparte, j’ai eu envie de tenter l’aventure et j’ai bien fait. Car au final, notre cher général n’est que la toile de fond d’un récit qui parle d’identité, de mystère, d’autres cultures et bien sûr de lutte politique.

Dès les premières pages, assez riches de son récit, l’auteur nous entraîne dans une multitude de fils scénaristiques. On suit une branche principale sur laquelle sont assis Ludwig et Ethelnide, deux personnages qui ont été confronté de près aux Arts Obscurs et à leur résurgences : les bulles noires, qui emportent tout sur leur passage. Ludwig y a perdu sa famille et a été marqué à vie. Ethelinde pense que la disparition passée de son père est peut-être liée aux mystères entourant ce phénomène et l’apparition du Sorcier après de l’Empereur. Ensemble, ils vont partir sur les routes tenter de percer bien des mystères en plongeant dans bien d’autres. Autour d’eux, l’auteur nous propose une foultitude de personnages entre France, Angleterre et Russie qui gravitent autour de ces mêmes mystères, du sorcier Elegast et de l’Empereur, ou de ses ennemis bien décidés à reprendre la main et comprendre ce qui se passe, ce qui offre une multitude de fils à suivre.

Si les débuts furent un peu abrupts, il fallait suivre qui était qui, sachant qu’on changeait très vite de narrateur, et qui faisait quoi puis recouper et rattacher le tout quand on les retrouvait ou qu’ils se croisaient… Très vite, c’est l’aventure qui a primé et je me suis sentie totalement emportée par le tourbillon de mystères qui s’organisait autour de moi. Percer les mystères de l’apparition ou plutôt du retour de cette magie dans notre monde m’intéresse au plus haut point, surtout que ça semble se goupiller avec la campagne de Bonaparte en Égypte et la disparition du père d’Ethelinde. Et suivre nos héros sur les routes fut au final assez savoureux car j’ai apprécié leur duo formé par un mercenaire taiseux et une chercheuse qui rêve d’apporter sa pierre à l’Encyclopédie. Ensemble, il vont bien nous faire visiter la France des années 1810 avec ses us, ses coutumes et ses légendes. L’auteur parvient à rendre leur voyage, pourtant assez lent et peuplé de moments fantastiques avec apparition des fameuses bulles noires dont sortent de drôles de créatures, parfaitement réaliste et crédible.

J’ai été en revanche moins passionnée par les multiples ramifications qu’il y a autour d’eux, qui sont peut-être trop nombreuses et pas assez développées pour le moment. Elles permettent de voir que l’auteur exploite à merveille le cadre uchronique européen et napoléonien de l’histoire mais ça reste encore trop mince pour moi. Ainsi je n’ai pas retenu grand-chose du volet russe de l’histoire si ce n’est que le tsar Alexandre et sa politique sont menacés. Idem du côté de la politique française, ça reste bien flou en dehors des desiderata de l’Empereur de poursuivre ses conquêtes malgré les menaces qui planent tout autour de lui et les avertissements de son Sorcier qui n’est peut-être pas au top de sa forme. J’ai préféré suivre de manière fort simple, le soldat Irénion à qui on va confier une mission de la plus haute importance et qui surtout est lié à une femme de son époque, qui milite pour le droit des femmes, ce qui permet de dénoncer la régression sociale que représente le régime de l’Empire. L’auteur glisse ainsi une critique justifiée et réelle du personnage de Napoléon et de ce qu’il a fait et défait en France. J’espère que tout ça éclora sur une intrigue encore plus dense et riche dans les prochains volets pour ne pas rester cantonné au mystère des Arts Obscurs seuls.

Avec ce premier tome que voilà une riche et vaste introduction à l’aventure uchronique et magique que nous propose François Baranger dans une Europe connue mais pas tout à fait. J’ai aimé sa manière lente de nous faire pénétrer dans le récit pour aller à la découverte de personnages qui promettent de belles aventures. Sorte d’hommage à Dumas et Verne, ce récit est plus qu’une aventure du bien contre le mal, mais un regard neuf et critique sur ce que fut le régime napoléonien et sur la tragédie de l’impérialisme. J’aime aussi bien son volet aventureux que son volet plus sérieux et critique. Je pensais tester histoire de, je me retrouve à vouloir impérieusement la suite ><

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