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Dead Dead Demon’s Dededededestruction d’Inio Asano

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Titre : Dead Dead Demon’s Dededededestruction

Auteur : Inio Asano

Éditeur vf : Kana (Big)

Années de parution vf : 2016-2023

Nombre de tomes vf : 12 (série terminée)

Résumé du tome 1 : Depuis 3 ans, le ciel de Tokyo est recouvert par un gigantesque vaisseau spatial extra-terrestre. Pourtant, aucune attaque de la part des extra-terrestres n’est recensée bien que les humains abattent, avec une facilité déconcertante, les petits vaisseaux qui sortent de temps en temps du ventre de l’immense engin…
Pendant ce temps, sur Terre, les deux amies Kadode et Ôran, comme la majorité des humains, ne prêtent plus attention à ce vaisseau et continuent à vivre leur vie. Mais ces 3 années de paix ont endormi la vigilance de l’Humanité… Elle ne remarque pas que « l’envahisseur » s’est infiltré au sein de sa population. Et il pourrait bientôt troubler leur paisible quotidien !

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Mes avis :

Tome 1

Voici le dernier titre en date d’Inio Asano, un auteur que j’ai découvert il y a quelques années et dont j’adore les oeuvres toujours très sociales. Ici il ajoute une corde à son arc en proposant en plus un récit de science-fiction, d’anticipation dans lequel le Japon a été attaqué par des extraterrestres. Forcément quand on lit ce titre et quand on y voit la réaction de la population japonaise face à la menace qui pèse sur eux, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec Fukushima parce que comme avec cette menace, la menace du nucléaire, celle des extraterrestres n’est pas vraiment visible non plus. Elle est insidieuse et s’attaque peu à peu à la société, la faisant changer et la parasitant de l’intérieur. Tout ce que l’auteur dénonce sur les réseaux sociaux, la presse, l’industrie du divertissement existe déjà et est une critique du Japon actuel. Il se sert donc avec brio de cette menace extraterrestre pour les mettre en exergue. Au passage, tout son talent est d’arriver dans ce titre à nous tenir en haleine sans qu’on voie pour autant les fameux extraterrestres, tandis qu’au contraire on suit la vie quotidienne d’une bande de lycéenne tout ce qu’il y a de plus ordinaires. Enfin, certaines ne sont pas si ordinaires que ça. Les deux principales héroïnes : Kadode et Ôran sont de vraie geeks et la dernière est en plus sacrément perchée. Elle détonne vraiment par rapport aux autres et fait le lien avec le côté étrange de ce monde sous la menace des extraterrestres. Cela donne une ambiance assez décalée et savoureuse où j’ai pris plaisir à suivre ces jeunes lycéennes et où en même temps je me suis vu attendre qu’un événement tragique survienne sans que ce soit le cas. La bascule qui s’opère à la toute fin du premier tome, au lieu d’être tragique est plutôt intrigante, mystérieuse et complètement dans la lignée de cette ambiance de science-fiction. DDDDD est donc un très bon titre dans lequel Asano fait du Asano tout en explorant un nouvel univers et il me tarde de découvrir jusqu’où il peut aller.

Tome 2

Dans cette suite, Inio Asano propose un récit encore plus décalé. On suit le quotidien de Kadode, Ôran et leurs amies presque comme si les extraterrestres n’étaient pas là. Ce ne sont qu’un vaisseau dans le ciel et des sujets de conversation dans les médias et les filles n’y prêtent quasiment pas attention ce qui est très perturbant. En parallèle, par de brèves incursions dans l’usine à l’origine du Hujin ou dans les déambulations d’un extraterrestre à Tokyo, on sent bien que la menace est belle et bien présente. La preuve, cela se concrétise dans les toutes dernières pages du tome lors d’un événement complètement inattendu qui nous prend vraiment à froid. Le gouvernement cache bien des choses au peuple japonais et les filles tout comme lui sont dans l’ignorance. Elles pensent bien plus à leurs histoires d’ado qu’à cette menace. On les suit ainsi dans leurs derniers jours de lycéennes tandis qu’elles révisent, se chamaillent, se charrient, passent peut-être leur dernier Nöel ensemble, etc. Cette dichotomie entre les deux thèmes du récit est perturbant. Le passage souvent brutal ou inattendu entre la science-fiction et la chronique sociale permet au mangaka d’accentuer encore plus son propos à chaque fois et de le rendre d’autant plus marquant. C’est un titre vraiment à part, qui surprend et dont on ne peut clairement pas deviner la voie qu’il va suivre.

Tome 3

Sur le même schéma que le tome 2, on est une nouvelle fois pris entre deux feux dans ce tome : la menace extraterrestre et tout ce qu’elle entraîne à Tokyo et au Japon, et la fin des années d’insouciance des filles qui terminent le lycée, ce qui est encore une fois assez perturbant. J’ai encore aimé ce décalage où l’on sent quand même de plus en plus l’incursion de l’invasion dans leur quotidien, à l’image de la perte de leur amie. D’ailleurs on se pose de plus en plus de questions sur la réalité de celle-ci quand au détour d’un voyage touristique en bus, des personnages se demandent si ce n’est pas une mise en scène du gouvernement, ou bien quand on suit des soldats dans un quartier désert alors que prétendument occupé par des aliens. Du coup, les scènes des dernières pages sont d’autant plus fortes. On sent bien qu’elles annoncent la fin brutale d’une époque, enfin pas si brutale quand on voit la façon dont Inio Asano nous prend gentiment par la main pour nous y conduire l’air de rien depuis le premier tome. Dead Dead Demon’s est clairement une série atypique, bouleversante et un vrai uppercut parfois.

Tome 4

J’ai à nouveau aimé ce tome dans lequel on change un peu de paradoxe. Cela démarre avec l’introduction d’un nouveau personnage qui prend partie dans la « guerre » qui oppose le Japon aux Extraterrestres. D’habitude, on était plutôt avec le groupe des filles qui s’en fichaient, mais là on sent que plus le temps passe, plus on est obligé d’être confronté à ce qui se passe, on ne peut plus l’ignorer. Et dans ce tome, on sent bien le glissement que fait Inio Asano à ce sujet, allant même jusqu’à nous montrer la société des Extraterrestres et la façon dont ils nous voient et perçoivent cette « guerre ». C’est diablement bien fait. Les nouveaux personnages, Futaba et Makoto, permettent d’amener un peu de sang neuf et de créer de nouvelles dynamiques au sein du groupe des filles qui sont désormais à l’université. On les voit ainsi grandir un peu toujours sur fond de cette menace qui semble ne jamais vouloir disparaitre. C’est toujours aussi pesant et insidieux et le passé de la perte de leur amie remontant de temps en temps contraste fortement avec l’ambiance débonnaire qu’elles cherchent à créer la plupart du temps. C’est glaçant et j’adore !

Tome 5

Cette série est toujours une excellente lecture, pleine de réflexions. Dans ce tome, on s’intéresse un peu plus à ceux qu’on appelle les envahisseurs. J’ai aimé les découvrir aussi bien grâce à Oba que grâce à la brève incursion dans l’une de leur colonie. Voir la guerre à travers leurs yeux est frappant. On sent un vrai message sur l’absurdité de la guerre et de la course à l’armement de la part de l’auteur. Il décrit les problèmes de communication qui aboutissent à des conflits inutiles mais aussi les différences relevant de la culture de chacun. C’est fait avec subtilité mais c’est percutant en même temps. On ressent bien le sentiment d’injustice qu’il veut transmettre, notamment lors de l’attaque de l’école mais aussi de la colonie. Inio Asano n’oublie pas non plus de parler du point de vue des militaires et des pro-guerre. Il n’oublie la voix de personne et sait se montrer nuancé. J’aime vraiment beaucoup. Son message est fort mais je me demande parfois vers quoi cela va mener. Oba semble parler d’un futur bien sombre pour tout le monde. J’attends le moment où tout va éclater.

Tome 6

Inio Asano est toujours un aussi bon conteur. C’est fou comme il arrive à marier chronique du quotidien estudiantin avec crise nationale et mondiale autour des envahisseurs.

Dans ce tome, on a droit à un peu plus de politique que dans les précédents. On voit le gouvernement profiter de la menace pour prendre des mesures controversées qui vont mener à un plus grand contrôle de la population et une course à l’armement. C’est glaçant. Là-dessus, parce qu’ils ne sont pas idiots, les étudiants vont aussi réagir et manifester à travers différents mouvements. J’ai trouvé intéressant de voir le point de vue nuancé dans deux partis, aucun n’a raison ni tort sur tout. Ceux qu’on prend pour les « méchants » sont assez lucides sur le gouvernement, tandis que les « gentils » se font bien manipuler et vont avoir recours à des moyens inavouables. C’est très fort.

Du côté des filles, j’ai aimé la façon dont ce contexte les rattrape. C’est triste de voir Futaba se faire embringuer. Et le chapitre où l’on voit tout à travers les yeux d’Ôba est saisissant. Ça montre bien comment tout cela est abscons. J’espère bien qu’on va continuer sur cette dynamique dans les prochains tomes.

Tome 7

Inio Asano est un mangaka toujours aussi intriguant et barré à la fois, c’est-à-dire plein d’imagination, ce tome en est la parfaite illustration.

Tout commence par une belle caricature des hommes politiques, à la fois étranger (américain en l’occurrence) et japonais, autour de la question des envahisseurs, figure représentant à la fois les étrangers et la catastrophe de Fukushima, c’est-à-dire une menace. J’ai beaucoup ri de cette critique de notre société actuelle.

Mais vient ensuite un moment tranche de vie qui sous des apparences calmes et tranquilles, sorte de voyage estival entre potes, va être l’occasion de bien des révélations. Oba accompagne tout ce petit monde et va nous apprendre plus sur son espèce, pourquoi ils sont là, depuis quand etc. Ça reste bien sûr encore très cryptique, très mystérieux mais ça met l’eau à la bouche. Sans parler de la révélation finale sur Oran que je n’avais pas du tout vu venir.

Le reste du tome, lui, oscille entre humour gras, réminiscences de la fin de l’adolescence et conversations de geeks auxquelles je n’ai parfois pas compris grand-chose. Ça installe tout de même une ambiance très particulière, à la fois barrée et déjantée qui me séduit et rend ce titre atypique donc marquant !

Tome 8

Le tome que je n’attendais pas ! Inio m’a souvent surprise dans cette série mais je ne pensais vraiment pas qu’il nous offrirait un tome flashback qui évoquerait les événements dont il est question. Je suis soufflée !

Retour en arrière sur le passé de nos deux charmantes héroïnes : Oran et Kadode. Oba notre charmant extraterrestre a décidé de révéler à Makoto ce qui a changé à jamais nos deux jeunes filles quitte à ficher en l’air leur amitié. Alors forcément, le lecteur ne peut être qu’avide et curieux de découvrir cela. Ça marche du tonnerre de dieu.

J’ai donc été moi aussi happée dans leur passé. J’ai été surprise de les découvrir plus jeunes et si différentes de celles qu’on connait. La révélation sur leur première rencontre du troisième type est inattendue. Ça change tout. On se demande alors comment on en est arrivé à notre présent et c’est ce qu’entreprend de nous raconter le mangaka. C’est simple mais terriblement efficace. J’ai aimé revivre leurs jeunes années, les voir se rencontrer, nouer des liens, jouer les justicières. Et puis, il y a un élément de l’histoire qui les chamboule et nous interpelle (spoiler : le fameux extraterrestre qu’elles rencontrent, sauvent et cachent dans la peluche d’Isobeyan et qui veut leur faire prendre ce « médicament » changeant leur personnalité. Est-ce à cause de lui qu’elles sont telles qu’on les connait ?) C’est fascinant et très frustrant de voir le tome se refermer si vite. J’aurais aimé continuer encore.

Inio Asano a réussi son pari. Il nous a bien surpris et embarqués dans une histoire qui change tout et donne envie de tout relire pour voir si des choses ne nous ont pas échappé. C’est un joli renversement mais qui va rendre l’attente du prochain tome encore plus dure.

Tome 9

La série a vraiment pris un tournant surprenant depuis le dernier tome avec ce retour dans le passé d’Oran et Kodode. J’ai l’impression de découvrir une série totalement différente et ça fonctionne encore plus fort sur moi !

J’ai été extrêmement touchée par ce tome où l’on découvre la relation première entre Oran et Kodode. Les deux amies avaient découvert un extraterrestre avant l’invasion, empêchant celle-ci et nouant une relation amicale avec lui. Sauf que ça dérape sérieusement du côté de Kodode. J’ai adoré la suivre ! Elle est totalement à fleur de peau. Elle est barrée et Oran assiste à ça sans s’en rendre compte. C’est fascinant. J’ai adoré la voir basculer dans la folie lentement mais assurément sous nos yeux. Le ton est sombre, âpre, rude mais en vaut le coup. C’est une vision tragique d’une jeunesse désenchantée qui ici se saisit d’un outil surprenant pour faire entendre son mal être. La métaphore est forte !

La relation entre les deux amies n’aura jamais été aussi forte, fusionnelle et passionnée. Je suis fascinée. Fascinée par les sentiments extrêmes de Kodode pour Oran, mais également fascinée par la réponse de celle-ci quand elle se rend compte des implications. Cela donne des moments extrêmement intenses et marquants, parfaitement mis en scène par l’auteur de manière très cinématographique et impactante !

Inio Asano manie les arcanes de la science-fiction comme un maître. Voyage dans le temps, interaction avec un extraterrestre, dimensions parallèles, message dénonciateur de la société actuelle, tout y est. J’ai beaucoup aimé le rythme et l’ambiance insufflée dans ce tome. L’utilisation des personnages est également top, aussi bien les héroïnes, que le frère d’Oran ou les extraterrestres qu’elles ont croisé. Il rebat complètement les cartes et nous surprend avec une facilité rare. C’est complètement farfelu et pourtant ça fonctionne à mort. Ça donne envie de relire toute la série pour voir les divergences et notamment examiner mieux les réactions d’Oran, seule apparemment à être au courant des deux temporalités. Fascinant.

Je suis donc désormais encore plus impatiente de lire la suite pour voir où cela va nous conduire. Va-t-on à nouveau avoir une dénonciation en surface de notre société pendant que les héroïnes vivent leur vie ? Ou va-t-on poursuivre ce récit plus profond et émouvant où on les sent émotionnellement impliquée dans ce qui se passe et où on les voit jouer un rôle clé ? J’espère que ce sera la deuxième proposition !

Tome 10

Asano continue son grand oeuvre de SF avec un nouveau bien perturbant où nous lâchons un peu nos héros, pour nous intéresser à d’autres acteurs au fur et à mesure que l’histoire prend une tournure radicale.

Quand on repart en arrière et qu’on se rappelle les débuts de la série, tout semble nous dire qu’on en est loin, et pourtant tous les éléments étaient là et le sont encore. L’auteur prend plaisir à mélanger tranche de vie de jeunes adultes et SF à la sauce envahisseur dans un faux calme assez perturbant.

Dans ce tome, nos héros vivent leurs derniers instants d’insouciances. Ça fait un moment que je le dis mais le compte à rebours se rapprochant, c’est de plus en plus vrai. Ainsi leur séjour à la campagne sonne un peu comme un au revoir et est bien triste sous la jovialité apparente car chacun va devoir grandir brutalement et que beaucoup ne se disent pas tout. Oran reste la figure centrale avec Ôba et je suis bien curieuse de voir ce qu’ils vont pouvoir faire.

Car la situation à Tokyo, elle, est de plus en plus désespérée. Par un joli tour narratif dans lequel l’auteur nous embarque comme lors de ces mouvements de caméra qui tourne et suit un personnage après l’autre avant de nous amener au drame et de nous donner une vue d’ensemble, nous découvrons d’abord un journaliste à sensation. Mais ce n’est que pour mieux nous tromper avant le début du drame annoncé : la chute d’une partie du vaisseau qui va réveiller toutes les inimitiés.

J’ai été fascinée une fois de plus par le sens de la narration de l’auteur, qui passe allègrement d’un personnage à l’autre, parfois des personnages qu’on ne connait pas ou fort peu, mais qui ont un rôle clé pour appréhender ce qui se passe et se prépare. Ainsi, il s’amuse à dénoncer la manipulation des médias et des politiques pour rendre la population aveugle aux drames qui se jouent et laisser les élites seuls castes à pouvoir s’en sortir tranquillement. C’est puant et tellement transposable à plein de situations qu’on connait ou a connu.

Les tensions montent donc de partout. La population panique face à ce vaisseau qui tombe en morceaux. Les puissances étrangères y voient l’occasion d’attaquer. Le gouvernement veut tout camoufler et tendre un piège aux étrangers. Les activistes pensent que c’est le bon moment pour entrer en action contre les envahisseurs. Tout se ligue pour des moments terribles, durs et sanglants, qui commencent dès la fin de ce tome mais qui risquent de ne pas s’arrêter là. Je tremble et j’ai hâte à la fois.

Le titre regorge de double sens comme je viens de l’énoncer. C’est une lecture à faire à tête reposée et avec cela à l’esprit. Les parallèles avec notre époque sont nombreux, certains évidents (la caricature de Trump, le rapport à Tsukushima, le rôle des sectes), d’autres moins (ce monde qui est hostile à la nouvelle génération qui n’ose pas se rebeller), mais toujours passionnant. Asano est définitivement un grand auteur qui sait s’adapter à tous les genres et y insérer ce dont il lui plait de parler, que ce soit dans du drame contemporain ou de la SF comme ici.

Graphiquement c’est d’ailleurs toujours un régal. Sa peinture de la jungle urbaine en pleine apocalypse est saisissante, tout comme celle de cette campagne calme qui contraste fort avec. Son côté réaliste participe énormément à l’impression d’immersion qu’on ressent, et ceux malgré le caractère fort cartoonesque des personnages. C’est un mélange détonnant !

Ainsi avec ce nouveau tome, l’histoire continue à prendre une route au dénouement tragique. La question est de savoir qui sera touché, les pauvres bougres que l’on voit depuis le début ou si cela ce se retourner contre les « méchants » de l’histoire et se terminer sur une note d’optimisme pour les autres. Tout est possible avec Asano !

Tome 11

Je vais avoir beaucoup de mal à chroniquer ce tome tant Asano y est surprenant. Il nous dépeint une Terre en pleine attaque extraterrestre où le temps semble comme suspendu dans un premier temps avant de nous exploser au visage pour nous rattraper brusquement, le tout en suivant une flopée de personnages et pas forcément toujours ceux auxquels on est habitués. C’est très déstabilisant.

Depuis le début de cette série, je trouve que l’auteur fait preuve d’une sorte de narration en apesanteur. Le temps s’est suspendu depuis l’arrivée des extraterrestres et les gens semblent continuer à mener leur vie l’air de rien. C’était très étrange. Alors je n’ai pas été surprise de le voir utiliser le même procédé tandis qu’on entre dans la phase finale et que le vaisseau semble imposer, mais malgré tout c’était déstabilisant d’y assister.

L’auteur virevolte d’un personnage à l’autre, plus ou moins connu, tout au long de ce tome, montrant les différentes perceptions qu’on peut avoir de ce moment, mais tout est toujours fait en décalage, comme si les personnages ne saisissaient pas bien le drame qui se joue ou voulaient fermer les yeux dessus. L’auteur fait ainsi preuve d’un humour pince sans rire, plein de dérision et de critique également qui est jouissif. Il y a bien sûr sa caricature grossière de Donald Trump, mais il y a également une belle critique des médias et du monde de l’édition japonaise, avec j’en suis sûre des piques envers lui-mêmes et certains de ses collègues comme Urasawa, si j’ai bien perçu les propos sous-jacents. J’adore !

Le hic, c’est qu’au milieu de toute ça, nous lecteurs, on peut se sentir un peu perdu niveau enjeux. On en prend plein les yeux lorsque Ôba se bat pour désamorcer le vaisseau en vain, puis quand le vaisseau semble libérer son énergie et tout envoyer valdinguer, dézinguant la capitale japonaise et ses habitants. Cependant à côté, ou plutôt en face, on a l’impression d’avoir zéro réaction, le néant. C’est très perturbant. On voit également à peine nos héroïnes et en plus dans des moments qui semblent peu signifiants et au final ce sont des moments décrochés qui marquent le plus cette intrigue principale, comme quand le frère d’Ôran lui laisse un message ou quand on revient sur le père disparu de Kadode. Mais où veut en venir l’auteur ?

Je sens donc qu’il a quelque chose de fort à raconter, qu’il y a plusieurs messages subluminiques mais ils m’échappent encore pour le moment, et j’ai donc ce sentiment étrange d’adorer l’étrangeté de ce à quoi j’assiste sans bien le saisir. J’attends donc l’ultime volume comme un Messie qui aura la charge de m’éclairer, sinon je serai partie pour une relecture complète de l’oeuvre à la recherche de réponses. Quelle puissante et singulière saga !

Tome 12 – Fin

Comme souvent quand on termine un titre d’Asano, il reste en tête plus de questions que de réponses, comme si l’auteur si plaisait à nous laisser dans cet état de suspension afin de nous pousser à creuser en nous. Ce n’est pas déplaisant, mais c’est étrange et peut-être encore plus ici.

Cela n’enlève pas les qualités de cette fresque de SF diablement bien troussée. J’ai adoré suivre les destinées de nos héroïnes du quotidien, oui des héroïnes ! C’était perturbant de les voir vivre dans ce monde où tout avait basculé. Je n’ai bien sûr pas trop compris le message final de l’auteur, je l’avoue, mais j’ai pris plaisir à suivre leurs aventures, à découvrir cet univers et ses ramifications, à rire aux blagues pourries de l’auteur et juste à admirer son dessin si détaillé et réaliste.

Ce dernier volume est un peu un condensé de tout ça. Il est d’abord une très belle fresque survivaliste, inspirée par tous ces titres de SF post-apocalyptique où l’humanité a été décimée et survie dans des refuges mais tente quand même de reconquérir la surface. En peu de page, il nous propose un récit totalement convaincant, un peu déconnecté pendant un moment j’en conviens, mais comme un rêve que l’une des héroïnes ferait en mode « et si ça tournait mal ». J’ai beaucoup aimé ce récit à part que j’ai pris un peu comme une nouvelle. La tension était palpable. L’évolution de l’humanité à coup d’Amérique toute puissante et impérialiste en Asie, avec armée, occupation et invasion des médias et de la vie privée, était très bien pensée. Mais surtout le dessin de ce monde là à la sauce Asano est incroyable. J’ai adoré son dessin de ce Japon dévasté, des méchas qui combattent pour nous asservir et/ou rétablir l’ordre selon les camps, cela offrait de sacrés tableaux et j’adorerais le voir dessiner ce type de manga !

Les liens se font cependant assez difficilement avec le reste de la série et on peine pendant un moment à raccrocher les wagons. Quand cela s’opère cela va bien mieux mais l’auteur met en scène des changements assez brutaux dans sa narration et nous fait basculer d’un univers à l’autre sans prévenir, alors qu’on est encore à chercher le sens de tout ça. J’ai aimé son imaginaire, celui a permis cela, c’était foutrement culotté, car simple et osé à la fois, mais que c’était déstabilisant. J’ai eu l’impression au final que tout ça sortait de l’imagination des filles et ne servait pas à grand-chose au vu de la dernière partie.

Et d’ailleurs, en refermant le livre, je me suis dit : est-ce que le but n’est pas juste de nous conter la relation banale et hors norme de ces deux amies : Oran et Kadode à travers le temps, l’espace, les univers et les dimensions ? Son message n’est-il pas que peu importe les événements de la vie, même les plus surréalistes, le plus important est d’être bien entouré, d’avoir des amis sur qui compter et avec qui être nous-mêmes ? Moi, c’est réellement le sentiment que j’ai eu ici. Le décor de SF n’était peut-être justement que ça : un décor, et ce sont les cheminements de nos héroïnes, leurs petits moments de vie seulement qu’on va garder en tête. Cette bonne humeur, cette bonne ambiance, cet humour, ces moments où elles se chambrent, où elles disputent et se réconcilient, la vie quoi ! Voilà, ce dont je risque de me rappeler et j’aime assez, je l’avoue.

Fresque futuriste assez étrange, Dead Dead Demon’s Dededede Destruction fut vraiment une lecture à part dans la production d’Asano. Il m’y a encore bluffé par la puissance de son trait semi-réaliste. J’ai adoré son évocation de ce monde envahi et des ramifications possibles. Mais il m’a aussi perdu dans les méandres de son esprit et la seule chose qui m’a raccrochée, celle qui m’a maintenue à flot et qui me restera longtemps en tête, c’est la superbe relation fusionnelle de ses deux héroïnes amies : Kadode et Oran, deux adolescentes banales, simples, drôles, attachantes et bien dans leurs baskets 9 fois sur 10. Alors pourquoi chercher une explication compliquée, un sens profond et métaphysique ? Autant profiter juste des instantanés de leur belle amitié ! Au revoir DDDDD !

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7 commentaires sur “Dead Dead Demon’s Dededededestruction d’Inio Asano

  1. Article tout bonnement excellent ! Merci pour tout , honnêtement a la fin de chaque tomes je venez lire votre avis du tome en question et j’ai l’impression a la fin que vous fesiez partie intégrante a la lecture de ce manga, de plus je suis 90% d’accords avec vos analyses . Voila donc c’etait pour vous remercier !

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    1. Oh merci, c’est trop gentil ❤️
      Souvent quand on fait ce genre de travail on ne sait pas trop si c’est juste pour nous ou si d’autres le lisent. Je suis ravie d’avoir pu accompagner ainsi votre lecture de cette série fascinante.

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      1. Avec plaisir ! J’espère lire d’autre manga en « votre  compagnie »
        Apres faut dire j’ai vraiment était happé par dddd qui pour moi est l’un des meilleur manga que j’ai lu , je vous conseille d’ailleur « time shadow » je sais pas si vous connaisais mais ca ma fait cette impression similaire de happage par le serie (il y a l’anime aussi sur disney+ qui est vraiment fidele au manga)

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      2. Autant pour moi je viens de voir votre article sur time shadows ! Je garde le site sous la main pour mes prochaine lecture en tout cas ! Merci et à bientôt

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      3. Effectivement j’ai aussi lu et apprécié ce titre à l’ambiance et la mythologie fort intéressante mais la narration un poil plus brouillonne pour moi
        Par ayant aimé DDD.. je vous conseille À journey beyond Heaven une SF fascinante également qui sort actuellement en anime sous le titre d’Heavenly Delusion.
        Au plaisir 😄

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