Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Errance d’Inio Asano

Titre : Errance

Auteur : Inio Asano

Éditeur vf : Kana (Made In)

Année de parution vf : 2019

Nombre de pages : 246

Histoire : Le mangaka Kaoru Fukazawa vient de terminer un manga qui a eu son petit succès et qui lui a demandé beaucoup d’énergie. Mais voilà qu’il sombre dans le doute et l’incertitude ! Qu’a-t-il envie de dessiner à présent !? Doit-il choisir de se lancer dans un manga qui va se vendre, ce que son éditeur le pousse à faire, ou dans un projet plus personnel qui lui tient à coeur ? Mais, au fond, a-t-il encore vraiment quelque chose à dire par le biais de ses mangas !? Voici un récit qui illustre une crise existentielle, qui questionne chacun sur le sens qu’on donne à son existence et où se devinent, en filigrane, les interrogations d’Inio Asano face à son propre travail de création. Bouleversant et passionnant !

Mon avis :

Je n’avais jamais lu de oneshot d’Inio Asano, ce n’est pas faute pourtant d’avoir aimé plusieurs de ses séries qui se classent d’ailleurs parmi mes meilleures lectures de mangas : Solanin, La fille de la plage, ou Dead dead demon’s dededededestruction. Je m’attendais donc à être séduite ici aussi par ce titre présenté comme « une mise en abyme troublante du métier de mangaka ». Taniguchi s’était lui aussi frotté à ce type de récit dans Un zoo en hiver, et Asano s’y essaie à son tour dans Errance, mais si le premier m’a touchée, le second me laisse plus dubitative.

Il faut savoir qu’Asano a toujours eu a coeur de croquer la société telle qu’il la voyait avec ses qualités mais surtout ses défauts. Dans ses autres titres cependant, ces derniers ne prenaient pas le dessus sur la note d’espoir finale que le mangaka y insérait. Mais dans Errance, j’ai vraiment eu le sentiment d’un périple perpétuel en enfer.

Nous y suivons un mangaka dans la quarantaine qui vient de boucler son plus grand succès sur lequel il travaillait depuis 8 ans. Il doit maintenant rebondir et proposer une nouvelle série. Sauf qu’il a complètement perdu la foi. Il a un regard très négatif sur le milieu de la BD japonaise et son mariage bat sérieusement de l’aile. C’est donc bien, comme le titre l’indique, ses errances que l’on va vivre avec lui pendant plus de 200 pages.

Autant le dire d’emblée, le ton est sombre et déprimant tout du long de ce oneshot. Ça a vraiment plombé ma lecture. Certes, j’aime qu’on porte un regard critique sur notre société et ses rouages, mais ici c’est de bout en bout sans la plus petite once d’espoir. En tout cas, si espoir il y a je ne l’ai pas ressenti et il m’a beaucoup manqué.

Le héros, Kaoru, est juste détestable. Il est nonchalant. Il n’aime pas vraiment son métier et en même temps il a une très haute opinion de lui-même en tant qu’auteur par rapport aux autres qu’il trouve tous médiocre car vendu au système. Il est exécrable avec les autres. Il ne pense qu’à lui. Il rejette ses erreurs sur les autres. C’est franchement très dur de le suivre tout du long sans parvenir à lui trouver de qualités.

En plus, avec lui, on découvre le mauvais côté de la vie de mangaka avec l’exploitation et la déshumanisation des assistants aussi bien que des maîtres. Mais aussi, la tragédie des couples qui s’éloignent au fil du temps faute de communication. Et pour finir, les affres de la prostitution. Ce dernier point est d’ailleurs le plus terrible. Il est traité avec une banalité répugnante, presque comme si c’était normal et pas grave que ce genre de « service » existe et que des femmes en soit réduites à cela. J’ai été révoltée ! Du coup, je n’ai pas du tout aimé la relation que l’auteur bâtit entre le mangaka et la prostituée. Ça m’a profondément dérangée, ce n’est pas normal et ça ne devrait pas être présenté comme tel. Ainsi les dérives du héros sont dures et pénibles à suivre. Tout va de mal en pis autour de lui et il devient de plus en plus imbuvable.

Heureusement, la seconde lecture que l’on peut faire de l’oeuvre, quand on parvient à se détacher du héros est très intéressante. Le mangaka y croque, peut-être (?) sa vision désenchantée de son métier mais aussi de sa génération d’hommes. Entre métier pas vraiment désiré, mariage souscrit parce que c’est la norme, recherche d’un plaisir éphémère grâce à l’argent et non remise en cause de son mal être profond, le bilan est rude et implacable. C’est un portrait sévère de la société japonaise et du métier de mangaka qui est fait. Inio Asano se plaît d’ailleurs à citer quelques auteurs et styles d’histoires à succès pour appuyer son propos, c’est bien pensé.

Errance ne fut pas une lecture qui m’a enchantée, le héros m’a trop dérangée pour cela. Pour autant, je reconnais que c’est un titre avec des qualités certaines pour dénoncer certains travers de la société japonaise actuelle. Si vous êtes fan des autres oeuvre d’Inio Asano, ce titre devrait donc vous plaire.

Ma note : 15 / 20

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