Livres - Fantasy / Fantastique

Le Chant d’Achille de Madeline Miller

Titre : Le Chant d’Achille

Auteur : Madeline Miller

Éditeur : Pocket

Année de parution : 2015

Nombre de pages : 468

Histoire : Patrocle, jeune prince maladroit, part en exil à la cour du roi Pélée. Il y rencontre Achille, son exact contraire, doué pour tout ce qu’il entreprend. Malgré leurs différences, les deux jeunes hommes deviennent inséparables. Le destin les mènent à la guerre de Troie. La violence des Dieux et des hommes fera de leur histoire un drame.

Mon avis :

Découverte il y a quelques mois avec son roman Circé, j’ai eu un coup de coeur pour la plume et l’univers de Madeline Miller. Quelle merveilleuse surprise ce fut donc pour moi de découvrir, oublié sur mes étagères, son autre roman traduit en français : Le Chant d’Achille, qui propose lui aussi une revisite des mythes grecs.

Après la magicienne Circé, place au guerrier Achille dans ce nouveau roman, mais cette fois ce n’est pas la voix du célèbre héros que nous allons entendre pour nous faire le récit de son histoire, mais celle de Patrocle, l’homme qui l’aura accompagné à chaque moment important. Une fois de plus, Madeline Miller prend le contre pied de ce à quoi pourrait s’attendre le lecteur pour ainsi proposer un texte bouleversant.

Avec Patrocle, nous avons un narrateur sous le charme d’Achille, nous redécouvrons donc sa si célèbre histoire d’un oeil complètement neuf, puisqu’on le voit à travers le regard amoureux de Patrocle et j’ai adoré cela. Avec le récit de la vie d’Achille, nous avons également celui de la vie de Patrocle. Tout commence quand celui-ci est exilé chez le père d’Achille après qu’il ait tué quelqu’un. Ayant perdu sa place de prince, Patrocle aurait pu devenir un domestique pour Achille, mais celui-ci va en faire son ami le plus proche. Ensemble, ils vont découvrir la fin de l’enfance, les changements de l’adolescence et les bouleversements de la vie d’adulte.

Sauf que Patrocle et Achille ne sont pas n’importe qui. Achille est appelé à devenir un héros, le plus héros des Grecs même ! Sa vie ne peut rester simple même si c’est ce à quoi il aspire. L’autrice va donc oeuvrer à nous montrer les épreuves et apprentissages qu’il va vivre pour devenir la figure héroïque de la Guerre de Troie que l’on connait. Nous découvrons ainsi, toujours à travers le regard de Patrocle, sa vie auprès de son père, son apprentissage chez Chiron le centaure, ses échanges avec sa mère la nymphe Thétis, son séjour chez Lycomède pour se cacher, puis son enrôlement dans la fameuse grande guerre. Si je connaissais certains de ces épisodes, d’autres furent de totales découvertes et j’ai aimé m’enrichir ainsi sachant que la plume de Madeline Miller rend ces événements vraiment très accessibles, voire même passionnants.

Mais surtout, ce qui fait que ce titre est devenu un coup de coeur pour moi très rapidement, c’est le regard porté sur l’histoire. L’autrice ne se contente pas de reprendre la mythologie telle qu’on la connait pour nous la conter. Non, elle souhaite apporter quelque chose, un regard neuf d’où son choix de Patrocle comme narrateur. Avec lui, nous découvrons un autre Achille, joueur, charmeur, lumineux et pas du tout va-t’en guerre au début. Au contraire, c’est un homme qui aime l’art, le chant, la musique, qui chérit les siens au-delà de toute notion de castes et hiérarchie. Sauf que les moeurs de son temps vont petit à petit le rattraper et que Patrocle a beau être amoureux, il va aussi nous livrer le terrible portrait de cet Achille devenu trop orgueilleux, ce qui causera sa perte.

C’est terrible de voir Achille sous le regard de son amant. On ne peut qu’être touché par l’histoire tragique des deux hommes. L’autrice nous explique très bien comment dans l’Antiquité, en Grèce, l’homosexualité était tolérée dans l’adolescence pour devenir source de vives critiques à l’âge adulte, puisqu’il est alors de bon ton de prendre épouse pour perpétuer la lignée. Sauf que les deux hommes vont se rebeller contre cela. Achille, homme pur et droit, souhaite combler tous ses désirs et ceux-ci se résument en un seul mot : Patrocle. Il va donc en faire son compagnon ad-vitam æternam. J’ai beaucoup aimé cette fusion que j’ai sentie entre les deux, même si elle fut source de beaucoup de souffrances.

Le moment charnière de toute cette tragédie interviendra au moment de la Guerre de Troie, racontée magnifiquement. Tout d’abord contrairement à ce que j’aurais cru, elle n’occupe pas tout le tome, seulement la dernière moitié, mais surtout on en découvre les origines lointaines, on nous propose plusieurs hypothèses. Puis on assiste à ses différentes phases de l’intérieur, sans que jamais le récit soit lourd ou lent à lire. L’autrice fait des coupes aux bons moments. Elle nous raconte celle-ci fut à travers les yeux de Patrocle qui va rester au camp la plupart du temps et y devenir médecin. On la découvre sale, rude, violente et injuste. Les quelques rares scènes de bataille auxquelles on assiste sont terribles de réalisme, comme si on était en plein dans la mêlée nous aussi. Ça me remue encore les entrailles rien que d’y repenser. Puis il y a aussi, les moments après la guerre, les terribles souffrances et rancœurs occasionnées, la bêtise et l’orgueil de certains. Tout ce qui en fait des êtres humains et qui fait qu’une guerre, c’est moche ! Et Madeline Miller a eu un talent génial pour capter et faire le récit de tout cela.

J’ai vraiment été transportée par ce récit et ces personnages qui se sont révélés tout autre que ce à quoi je m’attendais. Achille n’est pas que le héros lumineux que je voyais. D’ailleurs, il n’est pas une seule fois question de son talon ici, ce n’est qu’un homme comme les autres de ce côté-là. Patrocle n’est pas que le compagnon homosexuel transparent du héros. Et la Guerre de Troie ne se limite pas à l’astuce d’Ulysse et aux duels d’Hector et des autres guerriers. C’est un récit bien plus intime qui nous est fait ici. Celui d’un homme qui aime Achille en dépit de ses forces et surtout de ses faiblesses. Celui d’une Grèce qui peut faire ressortir le meilleur comme le pire de ses habitants. Celui de parents qui peuvent transformer leurs enfants en héros ou en monstres d’égoïsme.

Madeline Miller a une fois de plus frappé fort avec ce roman qui passe largement devant celui de Circé et est un énorme coup de coeur pour moi. J’en ai tout aimé, de la vision différente des épisodes de la mythologie qu’il propose, à la magnifique relation entre Patrocle et Achille qu’il met en scène, jusqu’au message doux amer sur la parentalité qu’il propose. Je n’attends qu’une chose désormais, qu’on nous propose aussi en français ses récits plus courts : Galatea et Heracles’ Bow.

Ma note : 18 / 20

11 commentaires sur “Le Chant d’Achille de Madeline Miller

  1. Je suis très contente de voir que tu as aussi eu un coup de coeur pour ce roman ^^
    Il offre une vision différente et pourtant avec un esprit assez proche du récit d’Homère, qui n’hésitait pas non plus à nous plonger dans l’intimité de ses héros pour nous montrer qu’ils restaient avant tout des hommes, avec ce que ça implique de forces et de faiblesses ❤️

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    1. Merci, contente de vous avoir écouter les uns et les autres et de l’avoir lu.
      Ça me donnerait presque envie de lire Homère mais il faudrait que je remette la main sur mes bouquins du collège ><

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  2. Je pense lire d’abord Circé mais celui-là me fait très envie aussi. Et que l’histoire d’Achille soit racontée par Patrocle, ça mintrigue encore plus. Je m’intéresse généralement plus aux mythes autour des dieux grecs, moins sur les exploits des héros grecs, ça sera l’occasion même si je connais quelque uns de ces épisodes.

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  3. Je suis venu ici suite à ta chronique sur Le Silence des Vaincues et j’avoue que je pense qu’il serait dommage que je passe à côté de ce roman. Je pense laisser une chance à l’auteure grâce à toi 😉

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